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Date : 20030925

Dossier : T-2908-94

Référence : 2003 CF 1106

ENTRE :

                                                                 ITAL-PRESS LTD.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                       GIUSEPPINA SICOLI et toutes autres personnes

                                   inconnues de la demanderesse qui vendent, annoncent

                                 ou distribuent l'annuaire téléphonique italien de l'Alberta

                                                    de 1994, 656501 ALBERTA LTD.

                                           et IL NUOVO MONDO PUBLISHING INC.

                                                                                                                                              défenderesses

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Par des ordonnances rendues le 28 mai et le 2 juillet 2003 au cours d'une conférence préparatoire, j'ai autorisé les défenderesses à introduire, si nécessaire, une requête en application de la règle 369 aux fins de forcer la demanderesse à répondre à certains engagements pris par elle lors de l'interrogatoire préalable de la demanderesse mené le 30 avril 2003. La présente requête, censément déposée en conformité avec cette ordonnance, a les objets suivants :

1.             Suspendre le cours du procès de la présente action jusqu'à ce que la demanderesse se conforme à l'ordonnance du juge Gibson datée du 20 juillet 2001.


2.             Obliger la demanderesse à se conformer à l'ordonnance du juge Gibson datée du 20 juillet 2001 et à se désister, conformément aux règles, de sa requête en confidentialité.

3.             Obliger la demanderesse à produire un nouvel et meilleur affidavit de documents énumérant les documents qu'elle entend invoquer dans son action en dommages-intérêts, en même temps qu'un certificat adéquat d'avocat après que l'avis de requête en confidentialité aura été abandonné.

4.             Donner aux défenderesses la possibilité de revoir les documents énumérés dans le nouvel affidavit de documents, avant que ne se poursuive l'interrogatoire préalable du dirigeant de la demanderesse.

5.             Laisser les défenderesses interroger le déposant sur un affidavit de documents produit avant que ne soit continué l'interrogatoire préalable de la demanderesse.

6.             Obliger la demanderesse à se conformer à tous les engagements non exécutés résultant de l'interrogatoire préalable du 30 avril 2003.

7.             Les dépens avocat-client de cette demande.

[2]                 Manifestement, tous les paragraphes, sauf les paragraphes 6 et 7, de la requête susmentionnée débordent les termes des ordonnances autorisant la présentation de la requête. Il ne s'agirait pas là en principe d'un motif d'opposition puisque l'autorisation de la Cour n'est pas en général requise pour le dépôt d'une requête. Cependant, les ordonnances ont été rendues dans le cadre d'une conférence préparatoire au cours de laquelle les défenderesses s'opposaient à l'inscription de l'affaire au rôle pour la deuxième partie du procès (celle qui concerne les dommages-intérêts), et cela explique pourquoi l'autorisation a été demandée et pourquoi elle a été accordée en des termes restreints. Il me semblait alors, comme il me semble aujourd'hui, que les défenderesses, ayant été jugées responsables, tentaient de retarder le jour final de la reddition de compte.

[3]                 Les paragraphes 1 et 2 de la requête attestent une incompréhension manifeste de l'ordonnance du juge Gibson datée du 20 juillet 2001. Le passage pertinent de cette ordonnance est ainsi formulée :

[traduction] La requête de la demanderesse pour que soit rendue une ordonnance annulant sa requête en ordonnance conservatoire est rejetée. L'attention de la demanderesse est appelée sur les règles 370, 402 et 411 des Règles de la Cour fédérale, qui concernent le désistement d'une requête.

[4]                 Manifestement, la demanderesse ne peut être taxée de manquement à cette ordonnance car elle ne l'obligeait pas à faire quoi que ce soit; elle rejetait simplement sa requête pour que soit rendue une ordonnance « annulant » sa requête précédente en ordonnance conservatoire et appelait l'attention de son avocat sur les dispositions applicables des Règles qui concernent le désistement d'une requête.

[5]                 Les paragraphes 3 et 4 de la requête sont eux aussi mal conçus. Non seulement débordent-ils les termes de mes ordonnances autorisant l'introduction de requêtes préliminaires à ce stade tardif, mais encore elles se rapportent à des affidavits de documents produits il y a des années avant la partie du procès relative à la responsabilité et avant le jugement qui en a résulté le 31 mai 1999. La « preuve » que lesdits affidavits sont inadéquats se trouve dans l'affidavit d'un dirigeant des défenderesses et elle est manifestement irrecevable car il s'agit de l'opinion et des arguments d'un témoin inhabile à témoigner. Il y a lieu de croire que la plupart des documents de la demanderesse ont été détruits par le feu, et la présumée insuffisance des affidavits de documents n'a pas été établie.


[6]                 Le paragraphe 5 de la requête sollicite l'autorisation de (contre-) interroger le déposant de l'affidavit de documents. L'interrogatoire sur affidavit de documents est l'exception, et aucune raison n'a été avancée expliquant pourquoi tel interrogatoire devrait être ordonné, que les affidavits produits à ce jour soient ou non adéquats.

[7]                 J'en arrive finalement au paragraphe 6 de la requête, dont l'objet est de contraindre la demanderesse à remplir les engagements qu'elle a pris durant l'interrogatoire qui s'est déroulé le 30 avril 2003. L'affidavit au soutien de la requête renferme ce qui suit sur le sujet :

[traduction]

76. La réponse à l'engagement numéro 1 est satisfaisante.

77. La réponse à l'engagement numéro 2 n'est nullement une réponse, mais une explication de principes comptables généralement reconnus. Nous voulons une réponse adéquate à cette question, ainsi que la possibilité de poser des questions sur toutes matières découlant de la réponse.

78. La réponse à l'engagement numéro 4 est satisfaisante. Nous avons quelques questions à propos de cette réponse.

79. Il n'a nullement été répondu à l'engagement numéro 4. Quelques vastes généralisations ont été données, mais aucune réponse sur les chiffres réels n'a été donnée. Les défenderesses exigent une ventilation des frais se rapportant aux ventes d'Edmonton et de Calgary et elles auront des questions sur le sujet.

80. Il n'a nullement été répondu à l'engagement numéro 5. S'il est impossible pour la demanderesse de séparer sa portion de revenu pour l'Alberta de ses propres états financiers, comment la demanderesse croit-elle que la Cour sera en mesure de calculer sa perte?

[Le numéro d'engagement qui apparaît au paragraphe 78 semble être une erreur d'impression, il devrait s'agir de l'engagement numéro 3.]


[8]                 Outre qu'il est tout à fait inacceptable en tant qu'argument plutôt que preuve, ce dernier passage de l'affidavit des défenderesses montre parfaitement que ce à quoi elles s'opposent véritablement, en ce qui a trait à la fois aux documents et aux réponses données par la demanderesse, c'est que la demanderesse n'est pas en mesure de produire des documents détaillés montrant ses recettes et ses dépenses et propose en conséquence une méthode peu conventionnelle et, de l'avis des défenderesses, illégale, de prouver ses dommages. Je n'ai aucune observation à faire sur la position juridique des défenderesses, laquelle devra être déterminée par le juge du procès. J'affirme cependant que la présente requête n'est pas l'instrument adéquat pour une telle décision. L'obligation d'une partie de produire des documents ne s'étend pas aux documents dont elle n'a pas (ou n'a plus) la possession ou la garde, si utiles qu'ils puissent être pour sa cause ou pour celle de la partie adverse. L'obligation d'une partie de répondre à des questions ne signifie pas non plus que cette partie est tenue de faire l'impossible et de produire des renseignements qu'elle n'a pas. Une partie qui est l'objet d'un interrogatoire préalable a l'obligation de s'informer des faits pertinents qui relèvent de sa connaissance, mais, si elle ne peut jurer de la véracité de tels faits, comme c'est le cas ici parce que les dossiers qui en font état ont été perdus ou détruits, alors les choses se terminent là, et l'affaire devra être jugée en fonction des preuves secondaires que la Cour sera disposée à accepter. Le résultat sera sans aucun doute plus heureux pour une partie que pour l'autre, mais il dépendra de la qualité et de la recevabilité des preuves secondaires qui seront produites au procès.


[9]                 Autrement dit, du propre aveu de la demanderesse, il est clair qu'elle aura un mal considérable à prouver le quantum de sa perte. Il est possible qu'elle n'y réussira pas, auquel cas elle succombera. Mais ce n'est pas une raison pour la déclarer à ce stade irrecevable dans sa demande. La tâche des défenderesses dans la contestation du quantum des dommages sera également plus difficile, mais cela ne leur donne pas le droit de contraindre la demanderesse à inventer des faits et des chiffres comme par magie. En définitive, les deux parties et le juge devront disposer de l'affaire telle qu'elle est et faire de leur mieux avec les moyens dont ils disposeront.

[10]            La requête sera rejetée. Elle n'aurait pas dû être introduite. La demanderesse a droit à ses dépens, qui seront taxés de la manière ordinaire et qui seront payables sur-le-champ, quelle que soit l'issue de la cause.

                                                                     ORDONNANCE

La requête est rejetée, avec dépens, lesquels seront taxés et payés à la demanderesse sur-le-champ, quelle que soit l'issue de la cause.

Les parties se présenteront à une reprise de la conférence préparatoire, reprise qui se déroulera sous la forme d'une téléconférence le 8 octobre 2003, à 14 heures, heure d'Ottawa.

                                                                                                                                « James K. Hugessen »           

Ottawa (Ontario)                                                                                                                                      Juge                          

le 25 septembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DU GREFFE :                                   T-2908-94

INTITULÉ :                                             Ital-Press Ltd.

c.

Giuseppina Sicoli et autres

REQUÊTE JUGÉE SUR PIÈCE, CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                          le 25 septembre 2003

CONCLUSIONS ÉCRITES :

Neil F. Kathol                                                                               POUR LA DEMANDERESSE

W. Murray Smith                                                                            POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brownlee Fryett

Calgary (Alberta)                                                                            POUR LA DEMANDERESSE

W. Murray Smith

Calgary (Alberta)                                                                            POUR LES DÉFENDERESSES

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