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Date : 20020118

Dossier : IMM-522-01

Référence neutre : 2002 CFPI 61

OTTAWA (ONTARIO), LE 18 JANVIER 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                             SRGJAN MEDAROVIK

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

  • [1]                 La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la Commission) a refusé de reconnaître au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.
  • [2]                 Le demandeur est un citoyen de 31 ans d'origine serbe de la République de Macédoine. Ses problèmes ont commencé en 1991 avec le déclenchement du conflit dans les Balkans. Cette année-là, il a adhéré à l'Organisation serbe-monténégrine de Macédoine, un organisme culturel.
  
  • [3]                 En 1994, le demandeur a été tabassé par un groupe de nationalistes qui s'opposaient à des organismes comme l'Organisation serbe-monténégrine de Macédoine. À la suite de cette raclée, il a subi des blessures aux mains et à la poitrine.
  • [4]                 Le demandeur a terminé ses études universitaires en 1995 et depuis lors, il n'a pas réussi à se trouver d'emploi comme professeur d'histoire, domaine dans lequel il a étudié. Il attribue cette situation aux préjugés raciaux.
  
  • [5]                 En mai 1996, le demandeur s'est trouvé un emploi de camionneur, mais il a été congédié en décembre de la même année parce que la nouvelle direction ne voulait pas de Serbes comme employés.
  • [6]                 Lors de la crise du Kosovo, les organisations nationalistes serbes de Macédoine formaient des hommes en âge de servir dans l'armée pour combattre au Kosovo. Le demandeur a été invité à se joindre à ce groupe mais il a refusé. Il a donc été qualifié de traite par les Serbes.
  
  • [7]                 Le 7 juin 1999, le demandeur a été accusé par la police d'être membre d'un groupe nationaliste serbe. Il a été arrêté et emprisonné pendant deux jours, au cours desquels il a été battu et torturé et il a par la suite été relâché, faute de preuves.
  • [8]                 Le 22 juin 1999, bon nombre de Serbes ont été battus et emprisonnés au cours d'une rafle. À la suite de cet incident, le demandeur, qui n'avait pas été arrêté par la police lors de cette descente, a commencé à recevoir des menaces de la part de nationalistes et de membres des familles de ceux qui avaient été arrêtés. Le demandeur a été battu par des nationalistes serbes deux jours après le raid policier. Il a signalé l'incident aux policiers, mais ceux-ci ont refusé de l'aider. Pour ces raisons, le demandeur s'est enfui au Canada le 14 juillet 1999. Sa crainte de persécution était fondée sur ses origines ethniques serbes.
  
  • [9]                 La Commission a conclu que le traitement que le demandeur avait subi n'avait pas entraîné des conséquences qui lui avaient causé un grave préjudice. Elle a estimé que le traitement dont le demandeur avait fait l'objet constituait de la discrimination et non de la persécution.
  • [10]            La Commission a conclu qu'il n'y avait aucun élément de preuve convaincant qui indiquait qu'il existait des possibilités raisonnables que le revendicateur risque d'être persécuté s'il devait retourner dans son pays d'origine.
  
[11]            Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a statué que le traitement dont le demandeur avait fait l'objet était seulement de nature discriminatoire. Plus précisément, le demandeur affirme que la Commission n'a pas tenu compte du caractère cumulatif du traitement dont il avait été l'objet.

  • [12]            Bien que je convienne avec le demandeur que, dans certains cas, la discrimination équivaut à de la persécution, les actes reprochés doivent être suffisamment graves et s'échelonner sur une période assez longue pour qu'on puisse affirmer que l'intégrité physique ou morale du revendicateur est menacée (N.K. c. Canada (Solliciteur général) (1995), 107 F.T.R. 25).
  • [13]            En l'espèce, les actes discriminatoires reprochés consistent en les événements suivants :

- l'incapacité du demandeur de se trouver du travail dans le domaine dans lequel il avait étudié et son congédiement ultérieur de son emploi de camionneur;

- la raclée qu'il a reçue d'un groupe de nationalistes en 1994;

- son arrestation et les mauvais traitements que les policiers lui ont infligés le 7 juin 1999;

- la raclée qu'il a reçue d'un groupe de nationalistes en juin 1999.

  
[14]            Bien que je sois d'accord avec l'avocat du demandeur au sujet de la gravité de ces incidents et que je convienne que leur effet cumulatif aurait pu me convaincre qu'ils équivalent effectivement à de la persécution, je suis incapable de conclure que la conclusion de fait de la Commission suivant laquelle ces incidents équivalent à de la discrimination et non à de la persécution est manifestement déraisonnable. Compte tenu de la norme de contrôle judiciaire très élevée qui s'applique dans le cas des conclusions de fait tirées par la Commission et compte tenu du fait qu'il n'y a rien qui permette de penser qu'elle n'a pas tenu compte des éléments de preuve portés à sa connaissance, il ne m'appartient pas de substituer ma décision à celle de la Commission.

[15]            Le demandeur soutient en outre que la Commission a fait fi des éléments de preuve documentaires qui démontraient qu'il existe une sérieuse possibilité qu'il soit persécuté s'il devait retourner en Macédoine. Il se fonde sur les éléments suivants pour faire cette affirmation (dossier du Tribunal, aux pages 33 et 34 et 43 à 46) :

[Traduction]

- « Les Serbes de souche ne font pas partie des minorités expressément protégées par la Constitution macédonienne » ;

- « Des représentants des partis politiques et des associations de défense des droits des Serbes de souche affirment que ceux-ci sont victimes de discrimination » ;

- « Les Serbes orthodoxes, ainsi que les Valaques, les Turcs et les musulmans macédoniens affirment qu'ils sont victimes de discrimination religieuse en Macédoine et ils affirment notamment qu'ils ne sont pas libres de pratiquer leur religion ou de participer à des offices religieux en serbe » ;

- « Les bombardements de l'OTAN ont provoqué une instabilité sociale en raison de l'afflux soudain de réfugiés à la suite du conflit au Kosovo » .

  

[16]            Compte tenu du fait que la Commission a le droit de se prononcer sur le poids à accorder aux éléments de preuve qui lui sont soumis (Mahendran c. Canada (M.E.I.), (1991),14 Imm. L.R. (2d) 30 (C.A.F.); Hassan c. Canada, (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)) et compte tenu de l'absence de preuves documentaires convaincantes portées à sa connaissance au moment de l'audience, j'estime, là encore, que la Commission n'a pas agi de façon déraisonnable en concluant que la preuve ne justifiait pas la revendication du statut de réfugié du demandeur. La Commission a reconnu qu'il existait de la discrimination contre les Serbes, mais elle a également signalé qu'il existait au moins deux partis politiques et une organisation qui oeuvraient pour la défense des droits des Serbes de souche. Parmi les autres facteurs dont la Commission a tenu compte, il y a lieu de mentionner le fait que la police a remis le demandeur en liberté peu de temps après son arrestation et le fait que les tensions engendrées par l'offensive de l'OTAN se sont en grande partie dissipées.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

[1]                 Tout bien pesé, après avoir examiné la preuve et la transcription, je suis d'avis que les conclusions de la Commission n'étaient pas arbitraires et qu'elles ne reposaient pas sur des facteurs dénués de pertinence. Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

    

                                                                                                                        « Danièle Tremblay-Lamer »

                                                                                                                                                                 Juge                 

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  IMM-522-01

  

INTITULÉ :                                            Srgjan Medarovik c. M.C.I.

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  16 janvier 2002

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Madame le juge Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                        18 janvier 2002

   

COMPARUTIONS :

Dorothy Fox                                                          POUR LE DEMANDEUR

Allison Phillips                                        POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

  

Dorothy Fox                                                          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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