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Date : 20031002

Dossier : IMM-5170-02

Référence : 2003 CF 1142

Toronto (Ontario), le 2 octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                           IDDI YUSSUF TUMBO MARUZUKU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Dans sa décision du 20 septembre 2002, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que M. Maruzuku n'était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger. M. Maruzuku demande le contrôle judiciaire de cette décision.

[2]                 M. Maruzuku est un citoyen de la Tanzanie âgé de trente ans. Il était actif dans le Front civique uni (le CUF), un parti d'opposition, depuis 1994; depuis 1996, il était secrétaire chargé des programmes pour les jeunes au bureau local de ce parti. D'autres membres de la famille sont également actifs au sein du CUF. Au mois de juillet 1996, M. Maruzuku, son père et son oncle ont été arrêtés par la police; ils ont été maltraités et ils ont ensuite été relâchés, au bout de trois semaines, sur paiement de pots-de-vin. De 1995 à 1998, M. Maruzuku effectuait des études en Ouganda. Il poursuivait ses activités politiques lorsqu'il revenait chez lui pendant les vacances scolaires. Il est devenu enseignant en Tanzanie en 1998. Il a continué à s'intéresser à la politique et il a activement fait campagne pour les élections générales de l'an 2000. Il a demandé et obtenu un visa d'étudiant pour étudier à l'université de la Saskatchewan, au Canada, où il devait commencer ses études à l'automne 2000. Il a quitté la Tanzanie le 30 octobre 2000. Son oncle s'était engagé à payer ses études et ses dépenses pendant qu'il était au Canada.


[3]                 M. Maruzuku allègue avoir appelé sa soeur trois jours après être arrivé au Canada; celle-ci lui a appris que son père et son oncle avaient été arrêtés et que la police le cherchait. M. Maruzuku affirme qu'étant donné qu'il n'avait plus d'argent à sa disposition pour payer les droits de scolarité, il est resté à Toronto et a trouvé un emploi. Les responsables canadiens de l'immigration l'ont arrêté à Mississauga le 29 novembre 2000 parce qu'il travaillait illégalement. M. Maruzuku affirme avoir fait part de ses problèmes aux fonctionnaires et dit que ceux-ci lui ont conseillé de demander l'asile. CIC nie qu'une demande ait été faite avant le 16 janvier 2001.

[4]                 La SPR a reconnu l'identité personnelle de M. Maruzuku ainsi que son identité en tant qu'activiste. Elle n'a pas jugé crédible la preuve qu'il avait présentée au sujet de la présumée arrestation ou du fait que la police le cherchait. M. Maruzuku remet cette conclusion en question et déclare qu'elle est arbitraire.


[5]                 La SPR a tenu compte du fait que M. Maruzuku avait pu quitter le pays légalement le 30 octobre 2000, qu'on ne le cherchait pas à ce moment-là et que, dans l'intervalle, rien ne semblait s'être produit qui puisse attirer l'attention des autorités sur son cas. La SPR a noté que la lettre du 16 août 2002 du CUF soumise par M. Maruzuku établissait qu'il était activiste et que son père et lui avaient eu certains problèmes en 1996, mais il n'a pas été fait mention d'une arrestation qui aurait été effectuée en l'an 2000. La SPR a jugé invraisemblable que, si la présumée arrestation s'était produite, il n'en aurait pas été fait mention. Elle a également tenu compte du fait que M. Maruzuku avait été mis au courant de la présumée arrestation au début du mois de novembre, mais qu'il n'avait fait aucun effort pour communiquer avec les responsables de l'immigration. Ce n'est plutôt qu'après son arrestation, le 29 novembre, que M. Maruzuku a revendiqué le statut de réfugié. La SPR a en outre tenu compte du fait que la présumée arrestation n'était pas étayée par la preuve documentaire objective relative au traitement infligé aux membres du CUF en Tanzanie. La SPR a conclu qu'il était invraisemblable que les arrestations aient par hasard eu lieu au moment même où M. Maruzuku arrivait au Canada, ce qui l'avait amené à revendiquer le statut de réfugié. À mon avis, il était avec raison loisible à la SPR de tirer cette conclusion.

[6]                 M. Maruzuku allègue également que la SPR a sélectivement décidé de se fonder sur la preuve documentaire relative à la situation dans le pays à l'exclusion de la preuve qu'il avait soumise sur ce point. Il affirme que le témoignage qu'il a présenté sous serment est réputé exact. Il ajoute que la SPR a commis une erreur en concluant que la situation avait changé en Tanzanie, de sorte qu'il n'existait plus de crainte fondée.


[7]                 La SPR n'a pas tranché l'affaire en se fondant sur un changement de la situation dans le pays. Elle n'a pas donné à entendre que M. Maruzuku avait par le passé une crainte fondée qui était maintenant minimisée par les nouvelles circonstances. Elle a plutôt expressément noté qu'avant son départ, M. Maruzuku avait pu exprimer ses opinions politiques ouvertement, sans être harcelé. La SPR a conclu que la preuve documentaire, y compris les rapports portant sur les événements qui s'étaient produits depuis le départ de M. Maruzuku, n'étayait pas sa revendication. La SPR a effectué une analyse approfondie de la preuve documentaire et a longuement cité de nombreuses sources qui permettaient de conclure que les membres du CUF en Tanzanie risquaient peu de subir un préjudice. Il est loisible à la Commission de retenir une preuve documentaire objective plutôt que la preuve d'un demandeur : Zvonov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1994), 83 F.T.R. 138 (1re inst.); Garcha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CFPI 1062, [2002] A.C.F. no 1393. La présomption selon laquelle le témoignage présenté sous serment par un demandeur est exact est toujours réfutable et, le cas échéant, elle peut être réfutée par le fait que dans la preuve documentaire il n'est pas fait mention de ce que à quoi on s'attendrait normalement : Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 114 (C.A.). En fait, M. Maruzuku demande à la Cour d'apprécier de nouveau la preuve. Or, telle n'est pas la fonction de la Cour.

[8]                 Je ne suis pas convaincue que la SPR ait commis une erreur comme l'allègue M. Maruzuku. Les motifs qui ont été plaidés ne révèlent aucune erreur justifiant une intervention. La demande sera rejetée. Les avocats n'ont soulevé aucune question à certifier et je conviens que l'affaire ne soulève aucune question grave.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-5170-02

INTITULÉ :                                                        IDDI YUSSUF TUMBO MARUZUKU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 2 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                     LE 2 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Dariusz Wroblewski                                             pour le demandeur

David Tyndale                                                     pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Laurence Cohen et associés                                 pour le demandeur

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                       Date : 20031002

                                       Dossier : IMM-5170-02

ENTRE :

IDDI YUSSUF TUMBO MARUZUKU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                  

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