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                                                                                                                                 Date : 20050207

                                                                                                                    Dossier : IMM-7030-03

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 153

Ottawa (Ontario), le 7 février 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                         RENE ALCIBIADES MENDEZ RODRIGUEZ

                                       YUMAR CAROLINA SANSONETTI PADRON

                                                    FABIANA CAROLIN MENDEZ

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), porte sur une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 27 août 2003. Dans cette décision, la Commission a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Les questions en litige sont les suivantes :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit dans sa compréhension et son application de la norme de preuve?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en n'examinant pas la question de savoir si le cumul des deux agents de persécution pouvait donner lieu à une crainte raisonnable de persécution?

3.         La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant à l'existence de la protection de l'État et en concluant que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur?

4.         La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en évaluant la crédibilité des demandeurs et leur crainte subjective de persécution?

[3]                Pour les motifs ci-après énoncés, je dois répondre par la négative aux trois premières questions. Je n'analyserai pas la quatrième. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

LE CONTEXTE

[4]                La demanderesse a toujours vécu au Venezuela, jusqu'à ce qu'elle quitte ce pays pour se rendre aux États-Unis en avril 2001. Le demandeur a fait de même en juillet 2001. Ils sont demeurés illégalement aux États-Unis jusqu'au 25 septembre 2002, date à laquelle ils ont décidé de venir au Canada. Ils ont un enfant, né aux États-Unis le 10 juillet 2001.

[5]                La demanderesse est la représentante désignée de sa fille mineure. La demande de la mineure vise les États-Unis. Elle fait valoir que les États-Unis ont refusé d'accorder l'asile à ses parents et qu'elle risque donc d'être persécutée, d'être torturée ou de subir des traitements ou peines cruels ou inusités.

[6]                Le demandeur dirige l'entreprise familiale depuis 1999. Cette entreprise fournissait diverses franchises à des cantines, cafétérias et dépanneurs locaux. Pour les besoins de son entreprise, le demandeur empruntait le même itinéraire chaque semaine.

[7]                Une bande d'individus se tenait le long de cet itinéraire et elle lui réclamait de l'argent et des marchandises, pour le protéger d'autres bandes qui voudraient le rançonner. Au début, la bande se satisfaisait de peu, mais ses exigences ont augmenté avec le temps :

[TRADUCTION]

En juillet 2000, la rançon que je devais verser à la bande pour sa protection avait augmenté. Plutôt que d'exiger quelques bonbons, ils voulaient toute la boîte. Ils demandaient plus d'argent, puisque leurs familles avaient de nouveaux membres et qu'ils avaient besoin d'un revenu plus élevé. Ils déclaraient toujours que l'argent qu'ils me prenaient était un prêt et qu'ils me rembourseraient. Je suis arrivé à la conclusion que je ne pourrais continuer à faire les paiements (FRP du demandeur - dossier du tribunal, page 00080, paragraphe 5).


[8]                Le 17 octobre 2000, le demandeur a porté plainte à la police de façon anonyme. Il a déclaré ne pas avoir identifié les membres de la bande, par peur de représailles. De plus, il n'est pas clair qu'il ait décliné son identité au policier qui a consigné sa déposition. Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), il déclare ne pas avoir donné son nom pour éviter que les membres de la bande apprennent qu'il était à l'origine de la plainte. Au cours de son témoignage, il a déclaré avoir donné son nom au policier, en lui demandant de ne pas le divulguer.

[9]                À la même époque, les demandeurs avaient des difficultés avec un individu nommé Gonzalez, un employé municipal qui supervisait tous les employés des cantines. Lors de la campagne électorale de 2000, le demandeur et M. Gonzalez appuyaient des partis politiques différents. Le demandeur soutient que c'est à cause de cette différence quant à leurs opinions politiques que M. Gonzalez voulait faire fermer son entreprise. Il a déclaré que M. Gonzalez n'avait aucune maîtrise sur son entreprise, puisque lui et son épouse étaient des fournisseurs indépendants. Les demandeurs soutiennent toutefois qu'il a continué à les menacer et à les inciter à abandonner leur entreprise, à défaut de quoi ils auraient des problèmes.

[10]            Le 16 février 2001, ils ont été menacés par des hommes armés de couteaux. Ils ont cru que ces hommes étaient envoyés par M. Gonzalez, car ils proféraient les mêmes menaces.

[11]            Les demandeurs n'ont pas signalé les actions de M. Gonzalez à la police. L'avocat qu'ils ont consulté leur a conseillé de déposer une ordonnance de protection contre lui. Ce n'est qu'après une seconde ordonnance de protection, et à la suite de nombreuses plaintes d'autres personnes, que M. Gonzalez a été muté à un autre poste.

[12]            Peu de temps après qu'ils ont été menacés par les hommes de M. Gonzalez, les demandeurs ont décidé de quitter leur pays afin d'échapper aux exigences croissantes de la bande ainsi qu'à M. Gonzalez. Les demandeurs soutiennent qu'ils ne pouvaient pas s'installer ailleurs dans leur pays, puisque les bandes étaient omniprésentes au Venezuela et qu'ils éprouveraient les mêmes difficultés où qu'ils aillent. Ils avaient peur que M. Gonzalez tente de les retrouver et de les tuer.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[13]            La Commission a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Elle a conclu que les demandeurs n'avaient pas établi qu'ils craignaient avec raison d'être persécutés, car ils n'avaient pas réfuté la présomption de la protection de l'État. De plus, la décision de la Commission est fondée sur sa conclusion positive quant à l'existence d'une possibilité de refuge intérieur. Elle a aussi conclu que la preuve ne révélait aucun fondement pouvant étayer la réclamation de la demanderesse mineure contre les États-Unis.

ANALYSE

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit dans sa compréhension et son application de la norme de preuve?


[14]            Les demandeurs soutiennent que la Commission n'a pas utilisé la norme de preuve appropriée. Ils soutiennent que la Commission aurait dû utiliser la norme de la « possibilité raisonnable » , plutôt que la norme de la prépondérance des probabilités, en traitant de la question de la persécution future. Les demandeurs soulignent deux commentaires que l'on trouve dans la décision de la Commission, à savoir :

[...] le tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, la bande ne causerait aucun tort aux demandeurs s'ils installaient leur commerce dans une autre région [...]. [Décision de la Commission, page 4.]

[...] Le tribunal a conclu que, bien que M. Gonzalez ait persécuté les demandeurs pendant qu'il se trouvait dans un poste d'autorité, selon la prépondérance des probabilités, il n'est plus en position de le faire. [...] il est improbable qu'il les persécuterait en raison de leur très faible participation à l'élection. [Décision de la Commission, page 5.]

[15]            À l'appui de leurs allégations, les demandeurs citent une abondante jurisprudence qui confirme qu'un demandeur n'est pas tenu d'établir qu'il est plus probable qu'il sera persécuté que le contraire, mais qu'il doit établir qu'il existe plus qu'une « simple possibilité » qu'il soit persécuté. Voir l'arrêt Chan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593, au paragraphe 120 :

Tant l'existence d'une crainte subjective que le fondement objectif de cette crainte doivent être établis selon la prépondérance des probabilités. Dans l'arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680, la Cour d'appel fédérale a statué que, dans le contexte spécifique de la détermination du statut de réfugié, le demandeur n'est pas tenu d'établir, pour satisfaire à l'élément objectif du critère, qu'il est plus probable qu'il sera persécuté que le contraire. Il doit cependant établir qu'il existe plus qu'une « simple possibilité » qu'il soit persécuté. On a décrit le critère applicable comme étant l'existence d'une « possibilité raisonnable » ou, plus justement à mon avis, d'une « possibilité sérieuse » . Voir R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Sivakumaran, [1988] 1 All E.R. 193 (C.L.). [Non souligné dans l'original.]


[16]            Dans l'arrêt récent Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 1, [2005] A.C.F. no 1 (C.A.F.) (QL), la Cour d'appel fédérale a donné une réponse à l'égard de la question. La Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le risque de persécution est plus probable que le contraire. Je ne peux donc conclure que le tribunal a commis une erreur dans sa compréhension et son application de la norme de preuve.

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en n'examinant pas la question de savoir si le cumul des deux agents de persécution pouvait donner lieu à une crainte raisonnable de persécution?

[17]            La Commission a analysé les deux agents de persécution séparément, puisque les demandeurs ont témoigné que leurs difficultés avec la bande et celles avec M. Gonzalez n'étaient pas liées. Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en n'examinant pas la question de savoir, même si le harcèlement de la bande ne constituait pas à lui seul de la persécution, s'il pouvait y avoir persécution en y ajoutant la persécution exercée par M. Gonzalez.

[18]            La Commission a conclu que seul un des agents de persécution allégués (M. Gonzalez) constituait de la persécution. Il n'était donc pas nécessaire de procéder à une analyse qui prend en compte les deux agents de persécution.


[19]            Les demandeurs soutiennent aussi que la Commission n'a pas mentionné les conditions existantes dans le pays qui auraient appuyé leurs allégations. Bien qu'il soit vrai que la Commission ne renvoie pas expressément aux conditions existantes dans le pays, je ne peux conclure qu'elle n'a pas tenu compte de cette preuve au vu des commentaires suivants, que l'on trouve à la page 4 de sa décision :

[...] Les demandeurs ont allégué que toutes les bandes de ce genre au Venezuela ont des relations politiques avec le gouvernement du président Chavez et que, en tant que partisans du parti Alegria, ils seraient ciblés où qu'ils aillent.

Le tribunal estime que cette allégation n'est pas crédible, ni appuyée par la preuve. Les demandeurs ont clairement indiqué dans leur témoignage que tout ce que les jeunes de la bande leur ont demandé, c'est un petit montant d'argent et des friandises. Ils n'ont pas fait état d'aucune exigence ou menace de la part de ces jeunes qui serait imputable à leurs opinions politiques. Ils n'ont présenté aucune preuve à l'appui de leur allégation selon laquelle toutes les bandes au Venezuela ont le soutien du gouvernement. Le tribunal estime que cette déclaration n'est pas fondée et qu'il s'agit d'une supposition exagérée. [...] [Souligné dans l'original.]

Ayant lu la transcription versée au dossier du tribunal et la preuve portant sur les conditions existantes dans le pays, je suis convaincu qu'il n'y a pas eu à cet égard d'erreur susceptible de contrôle.

3.         La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant à l'existence de la protection de l'État et en concluant que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur?

LA PROTECTION DE L'ÉTAT

[20]            La norme de contrôle applicable à la question de la protection de l'État est celle de la décision manifestement déraisonnable (Czene c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 912 (C.F. 1re inst.) (QL), 2004 CF 723, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Abad, [2004] A.C.F. no 1065 (C.F. 1re inst.) (QL), 2004 CF 866).


[21]            Le droit international relatif aux réfugiés a été établi afin de suppléer à la protection qu'un État doit fournir à ses ressortissants. Il ne s'applique que si la protection ne peut être fournie, et même alors, dans certains cas seulement. La communauté internationale voulait que les personnes persécutées s'adressent à leur État d'origine pour obtenir sa protection avant de s'adresser à d'autres États. (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au paragraphe 18).

[22]            Un demandeur doit démontrer qu'il craint avec raison d'être persécuté dans son pays. Pour ce faire, il ne suffit pas qu'un demandeur d'asile démontre qu'il a une crainte subjective d'être persécuté dans son État d'origine. Il doit aussi démontrer que sa crainte a un fondement objectif. C'est à ce stade que l'incapacité de l'État d'assurer la protection devrait être prise en considération. Si un État est capable de protéger un demandeur, alors, objectivement, ce dernier ne craint pas avec raison d'être persécuté (Ward, précité, au paragraphe 25.)

[23]            Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Smith, [1999] 1 C.F. 310, la Cour fédérale a réitéré ce qui avait été décidé dans l'arrêt Ward, précité.

Un revendicateur du statut de réfugié au sens de la Convention doit présenter une preuve « claire et convaincante » de l'incapacité d'un État d'assurer sa protection. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger un revendicateur. Lorsque l'État en cause est un État démocratique, le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu'il s'est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Plus les institutions de l'État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à lui.


LA POSSIBILITÉ DE REFUGE INTÉRIEUR

[24]            La norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1283 (C.F. 1re inst.) (QL), et Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1263 (C.F. 1re inst.) (QL)).

[25]            L'arrêt Thirunavukkarasu, [1994] 1 C.F. 589, établit que lorsqu'un demandeur peut trouver refuge dans son propre pays, il n'y a aucune raison de conclure qu'il ne peut, ou ne veut, se réclamer de la protection de ce pays. Autrement dit, même si les demandeurs ont une crainte subjective fondée de persécution, le fait qu'il existe une PRI est suffisant pour que la Commission refuse de leur accorder le droit d'asile.

[26]            Le critère permettant de déterminer s'il existe ou non une PRI a été énoncé par le juge Mahoney dans l'arrêt Rasaratnam, [1992] 1 C.F. 706, à la page 711, et repris dans l'arrêt Thirunavukkarasu, précité, au paragraphe 12 :

À mon avis, en concluant à l'existence d'une possibilité de refuge, la Commission se devait d'être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant ne risquait pas sérieusement d'être persécuté [à l'endroit de la PRI] et que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation [au lieu de la PRI] était telle qu'il ne serait pas déraisonnable pour l'appelant d'y chercher refuge.

[27]            S'agissant des allégations de crainte de la bande, la Commission a fait remarquer que le demandeur a présenté une plainte anonyme à la police en octobre 2001. Il n'a identifié aucun membre de la bande et il a demandé que son nom ne soit pas porté au rapport de la police. L'agent de police lui a dit que les mesures de sécurité seraient intensifiées sur la voie publique. Il a déclaré que la police n'a donné aucun suivi à sa plainte. Il est arrivé à cette conclusion parce qu'il n'a vu aucun policier en patrouille sur son itinéraire et qu'il a continué à être rançonné. Toutefois, même si les demandeurs étaient convaincus que la police ne faisait rien, ils ne sont jamais retournés au poste de police pour s'enquérir des mesures prises contre la bande.

[28]            La Commission a conclu que le témoignage des demandeurs en ce qui a trait à cette plainte à la police était quelque peu obscur et contradictoire. Le demandeur a notamment écrit, dans sa modification à son FRP, qu'il n'a pas donné son nom à la police. Toutefois, il a déclaré dans son témoignage avoir fourni son nom à la police, mais ne pas avoir identifié la bande en cause ou ses membres. La Commission a conclu que ces contradictions minaient la crédibilité du demandeur. Elle s'est aussi appuyée sur l'arrêt Ward, précité, pour confirmer que la plainte anonyme à la police ne suffisait pas à réfuter la présomption selon laquelle le pays du demandeur était capable de le protéger.


[29]            Au vu de la preuve, le demandeur n'a pas présenté assez de renseignements utiles à la police pour qu'on puisse le protéger. La police ne savait pas contre qui le demandeur devait être protégé. De plus, il n'est pas clair que le demandeur ait décliné son identité à l'agent de police. Par conséquent, on ne peut savoir avec certitude si la police savait qui elle devait protéger.

[30]            La Commission a aussi conclu que les demandeurs auraient pu réinstaller leur entreprise n'importe où ailleurs au Venezuela. Comme le demandeur l'a mentionné lors de son témoignage, la bande était active le long de l'itinéraire qu'il empruntait. Il n'a pas démontré qu'il continuerait à avoir des problèmes avec cette bande s'il s'installait ailleurs au pays. Le demandeur a soutenu que toutes les bandes jouissent de protection politique et qu'il serait ciblé peu importe l'endroit où il s'installait. La Commission n'a pas considéré cette explication comme crédible, puisque les membres de la bande n'exigeaient que de petits montants d'argent et des friandises. De plus, le demandeur n'a jamais mentionné que ses difficultés avec la bande étaient dues à ses opinions politiques.

[31]            La conjointe du demandeur a déclaré qu'il y avait des difficultés avec des bandes partout au Venezuela et que, par conséquent, ils éprouveraient les mêmes problèmes ailleurs. La Commission n'a trouvé aucune preuve à l'appui de ces allégations.

[32]            Après avoir examiné toute la preuve présentée à la Commission, je suis convaincu que la Cour n'est pas justifiée d'intervenir.

[33]            S'agissant du deuxième agent de persécution, M. Gonzalez, la Commission a reconnu que les demandeurs ont peut-être eu à traiter avec des fonctionnaires malhonnêtes de la structure municipale de Guacara. Elle a toutefois noté que les demandeurs n'ont pas signalé les actions de M. Gonzalez à la police. Elle a aussi tenu compte du fait que les demandeurs ont déposé deux ordonnances de protection à l'encontre de M. Gonzalez, par l'entremise de leur avocat. Les demandeurs ont mentionné que la première ordonnance n'avait donné aucun résultat et que M. Gonzalez avait continué à les harceler. Ce n'est qu'après une deuxième ordonnance de protection, ainsi que le dépôt de plusieurs plaintes par d'autres personnes, que M. Gonzalez a finalement perdu son emploi et a été muté à un autre poste.


[34]            La Commission n'a pas conclu directement que la protection de l'État était disponible face à M. Gonzalez. Je crois qu'en l'espèce il n'était pas nécessaire de le faire, puisque les difficultés des demandeurs avec M. Gonzalez n'existaient plus au moment de l'audience. Les demandeurs craignaient M. Gonzalez parce que ce dernier utilisait son poste de superviseur des employés de cantines pour entraver leur commerce. Les demandeurs croyaient que M. Gonzalez voulait confier le commerce de ravitaillement des cantines dont il avait la responsabilité à des personnes ayant des opinions politiques différentes. Les demandeurs ont indiqué que M. Gonzalez essayait de les empêcher de se livrer à leur commerce en les harcelant. Comme les difficultés des demandeurs avec M. Gonzalez n'étaient liées qu'au fait que ce dernier avait un poste influent dans la municipalité à titre de superviseur des cantines, la Commission n'a pas commis d'erreur en concluant que M. Gonzalez ne persécuterait plus les demandeurs parce qu'il n'occupait plus le poste en cause.

[35]            La Commission a aussi conclu que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur viable à l'extérieur de la région de Guacara. Elle a mentionné le fait que les demandeurs n'ont présenté aucune preuve indiquant que M. Gonzalez avait de l'influence dans tout le Venezuela. De plus, ils n'ont présenté aucune preuve indiquant qu'il existait un risque sérieux de persécution ailleurs dans le pays et qu'il serait donc déraisonnable qu'ils déménagent.

[36]            Dans plusieurs de ses décisions, la Cour fédérale a déclaré qu'une revendication ne peut être retenue en présence de la protection de l'État ou d'une PRI (Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 652 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 10, et Annan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 3 C.F. 25 (1re inst.), au paragraphe 12). Si l'une de ces options est disponible, il n'est pas nécessaire d'analyser l'autre.

4.         La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en évaluant la crédibilité des demandeurs et leur crainte subjective de persécution?

[37]            Vu mes réponses aux trois premières questions, il n'est pas nécessaire que j'analyse la quatrième.

[38]            Les demandeurs présentent la question suivante à certifier :

[TRADUCTION]

Avant d'examiner la question de la possibilité de refuge intérieur, la Commission doit-elle présumer que les allégations de persécution dans la région que le demandeur a quittée sont valables ou la Commission peut-elle examiner la possibilité de refuge intérieur sans égard à l'existence possible de la persécution dans la région quittée?

Le défendeur s'oppose à ce que cette question soit certifiée, et je suis de son avis. Aucune question ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                               « Michel Beaudry »              

                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-7030-03

INTITULÉ :                                                   RENE ALCIBIADES MENDEZ RODRIGUEZ, YUMAR CAROLINA SANSONETTI PADRON

FABIANA CAROLIN MENDEZ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 12 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                  LE 7 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

David Matas                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Nalini Reddy                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Winnipeg (Manitoba)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

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