Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20031211

Dossier : IMM-3443-01

Référence : 2003 CF 1453

ENTRE :

                                                                SU HUO RONG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                Su Huo Rong désire étudier au Canada. Toutefois, l'agente des visas à l'ambassade du Canada à Beijing a refusé sa demande. M. Rong demande le contrôle judiciaire de cette décision.


[2]                La demande tombait sous le coup de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985 ch. I-2. L'article 8 créait une présomption selon laquelle quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu au contraire l'agent d'immigration. En l'espèce, la demande d'autorisation pour étudier temporairement au Canada a été refusée car l'agente des visas n'était pas convaincue que M. Rong quitterait le Canada à la fin de ses études. J'ai décidé que la décision de l'agente des visas n'était pas déraisonnable et j'ai donc rejeté la demande.

[3]                Au moment où il a présenté sa demande, M. Rong avait terminé ses études secondaires et travaillait dans le domaine de l'entretien d'automobiles. Son intention déclarée était de venir au Canada dans le but d'étudier l'informatique et d'apprendre l'anglais. Il a été accepté, sous conditions, dans une école secondaire ontarienne pour suivre des cours de 12e année. Il a prétendu qu'il entreprendrait par la suite un baccalauréat en sciences à l'université York et que cela, conjugué avec une meilleure connaissance de l'anglais acquise au Canada, favoriserait grandement ses perspectives d'emploi en Chine.

[4]                L'agente des visas a tenu compte d'un certain nombre de points, notamment de l'emploi actuel du demandeur, du fait qu'il ne se soit pas mis à fréquenter, immédiatement après avoir terminé ses études secondaires, un établissement d'enseignement postsecondaire en Chine et du fait qu'il était possible de suivre des cours identiques en Chine. M. Rong prétend que l'agente des visas n'a pas tenu compte, du moins dans ses notes écrites, qu'il avait expressément déclaré dans son plan d'étude que ses liens familiaux étaient en Chine et donc, par déduction, n'étaient pas au Canada. Toutefois, un agent des visas est présumé avoir tenu compte de tous les points en litige.


[5]                Fait encore plus important, il a été allégué que l'agente des visas n'avait pas donné au demandeur l'occasion de dissiper ses doutes soulevés par le fait qu'il n'avait pas poursuivi des études supérieures, en Chine, immédiatement après avoir obtenu son diplôme d'études secondaires. Il a été allégué que cela constituait un déni d'équité procédurale empiré par la grave erreur d'avoir supposé que les programmes offerts en Chine étaient identiques, en termes de qualité et de réputation, à ceux offerts au Canada. Pour trancher cette question, M. Rong affirme dans son plan d'étude que l'enseignement est meilleur ici parce que les enseignants canadiens sont compétents dans l'ensemble, les méthodes d'enseignement sont récentes et la qualité de l'enseignement est très élevée. Il ne s'agit là que d'une pure spéculation de sa part. Le dossier ne comprend aucun élément de preuve objectif établissant une comparaison entre les universités canadiennes et les universités chinoises et, donc, je dois m'en remettre à l'expertise de l'agente des visas.

[6]                Lorsqu'elle procède au contrôle de décisions discrétionnaires rendues par un agent des visas, la Cour doit faire preuve de retenue à moins que la décision ne soit déraisonnable. Voir Bozorg c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 339, Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 199 F.T.R. 302, et Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 751.


[7]                L'un des aspects de la question du manquement à l'équité procédurale a trait au fait que l'agente des visas aurait fait une généralisation. M. Chaudhary, au nom de M. Rong, prétend que son client a été victime de stéréotypes. Si cela avait été le cas, j'aurais alors accueilli la demande, et ce, conformément aux décisions rendues par le juge Kelen dans Yue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1004, et dans Yuan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1356. Toutefois, l'agente des visas s'est penchée sur la question du plan d'étude élaboré par M. Rong et sur un certain nombre d'autres facteurs, et non pas simplement sur son défaut d'avoir poursuivi immédiatement ses études, son emploi relativement peu rémunérateur et le marché de l'emploi au Canada. Le juge Kelen a rendu une décision encore plus pertinente dans Bozorg, précitée, qui est une autre affaire dans laquelle une demande de visa d'étudiant a été refusée. On a fait remarquer que le demandeur a toujours le fardeau de la preuve. Dans cette affaire, comme en l'espèce, l'agent des visas ne s'était pas fondé sur des éléments de preuve extrinsèques et on ne pouvait affirmer que l'agent n'était pas tenu d'exprimer ses doutes au demandeur ou de chercher à obtenir d'autres renseignements qui auraient pu favoriser le demandeur. Dans le contexte de la présente demande d'autorisation d'étude, on ne peut prétendre qu'il y a eu manquement à l'équité parce que l'agente des visas n'a pas fait part de tous ses doutes à M. Rong de telle sorte que celui-ci puisse avoir la possibilité de les dissiper, comme l'a affirmé le juge Muldoon dans la décision Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 791, paragraphe 50.

[8]                M. Rong s'est également appuyé sur la décision rendue par le juge Lutfy (maintenant Juge en chef) dans Mittal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 147 F.T.R. 285. Cette décision a été citée à l'appui de la proposition selon laquelle un agent des visas devrait faire part à un demandeur de ses doutes soulevés par des renseignements extrinsèques au dossier. Cela est vrai. Toutefois, en l'espèce, les prétendus « éléments de preuve » , qui ne sont en fait que l'expression d'une opinion, ne proviennent pas de sources extrinsèques mais plutôt du plan d'étude de M. Rong.


[9]                Même si j'aurais pu en arriver à une conclusion différente en tenant compte du fait que les étudiants arrêtent parfois temporairement leurs études entre la fin de leurs études secondaires et le début de leurs études postsecondaires et même si j'avais chercher à obtenir plus de renseignements sur la prétention de M. Rong selon laquelle l'obtention d'un diplôme à l'étranger lui serait très utile en Chine, je ne peux affirmer qu'il était déraisonnable de la part de l'agente des visas de décider comme elle l'a fait.

« Sean Harrington »                

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 11 décembre 2003

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-3443-01

INTITULÉ :                                                                SU HUO RONG

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO, ONTARIO

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 10 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                          LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 11 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

M. Max Chaudhary                                                       POUR LE DEMANDEUR

Lorne McClenaghan                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chaudhary Law Office

Toronto (Ontario)                                                          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.