Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date: 19980123


Dossier: T-2329-97

Entre :

     CHANTALE DESBIENS

     Partie demanderesse

     ET

     MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     Partie défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

Introduction

[1]      Il s'agit en l'espèce d'une requête du défendeur en radiation de la déclaration d'action de la demanderesse (la déclaration) en vertu de l'alinéa 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale (les règles) au motif que cette Cour n'a pas juridiction en vertu de l'article 135 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2ième supplément), telle qu'amendée (la Loi), pour entendre ladite action et que, partant, la déclaration doit être vue comme ne présentant aucune cause raisonnable d'action.

Analyse

[2]      Tel que l'indique le paragraphe 419(2) des règles, aucune preuve n'est admissible sur une requête présentée aux termes de l'alinéa 419(1)a). Il est acquis depuis l'arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat, [1980] 2 R.C.S. 735, qu'il doit être clair et évident qu'une déclaration ne présente aucune cause raisonnable d'action avant qu'elle puisse être radiée.

[3]      Ces restrictions constituent en l'espèce une sorte de carcan avec lequel le défendeur doit vivre dans le cadre de sa requête. De plus, ici, la déclaration n'établit pas toujours clairement les dispositions de la Loi sur lesquelles elle se repose ni la fin exacte pour laquelle plusieurs de ses allégués de fait sont soulevés. C'est là, dans d'autres circonstances, une situation que l'on pourrait reprocher à la demanderesse. Toutefois, dans le cadre de la requête à l'étude, cette situation s'impose sur le défendeur.

[4]      Comme trame factuelle pertinente, on relève de la déclaration que le 18 mars 1997, les agents douaniers canadiens ont avisé la demanderesse qu'ils saisissaient son véhicule automobile de marque Honda Civic au motif que ledit véhicule aurait servi de moyen de transport pour l'importation de biens non déclarés.

[5]      Ces biens consistaient en des stupéfiants qu'une connaissance de la demanderesse transportait à l'intérieur d'elle-même alors qu'elle se trouvait passagère dans le véhicule de la demanderesse. La demanderesse aurait cueilli cette personne à sa demande à l'aéroport John F. Kennedy de New York afin de lui permettre de regagner la région de Montréal. La saisie du véhicule, et des stupéfiants, doit-on croire, serait survenue au poste frontalier de Lacolle lors du retour.

[6]      Suivant l'argumentation écrite et verbale du défendeur, il est manifeste que de par sa déclaration sous l'article 135 de la Loi, la demanderesse cherche à en appeler des conditions de restitution du véhicule imposées par le défendeur en vertu de l'article 133 de la Loi et non de la décision du défendeur sous l'article 131. Les passages pertinents des articles 131 à 135 de la Loi se lisent comme suit:

                      131.(1) Après l'expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possible en l'espèce, les circonstances de l'affaire et décide si c'est valablement qu'a été retenu, selon le cas:                 
                      a) le motif d'infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier soit la saisie des marchandises ou des moyens de transport en cause, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;                 
                      b) le motif d'utilisation des moyens de transport en cause dans le transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction aux mêmes loi ou règlements, ou le motif de cette infraction, pour justifier soit la saisie de ces moyens de transport, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124.                 
                      (...)                 
                      (3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n'est susceptible d'appel, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).                 
                      132.(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale:                 
                      a) le ministre, s'il décide, en vertu des alinéas 131(1)a) ou b), que les motifs d'infraction ou, en vertu de l'alinéa 131(1)b), que les motifs d'utilisation des moyens de transports visés à cet alinéa n'ont pas été valablement retenus, autorise sans délai la levée de garde des marchandises ou moyens de transport en cause, ou la restitution des montants ou garanties qui en tenaient lieu;                 
                      b) le ministre, s'il décide, par suite d'une décision qu'il a rendue en vertu des alinéas 131(1)c) ou d), que la pénalité établie en application de l'article 109.3 n'est pas fondée en fait ni en droit, annule sans délai la cotisation concernant la pénalité et autorise sans délai la restitution des montants versés au titre de la pénalité et des intérêts afférents payés en application de l'article 109.5.                 
                      (...)                 
                      133. (1) Le ministre, s'il décide, en vertu des alinéas 131(1)a) ou b), que les motifs d'infraction et, dans le cas des moyens de transport visés à l'alinéa 131(1)b), que les motifs d'utilisation ont été valablement retenus, peut, aux conditions qu'il fixe:                 
                      a) restituer les marchandises ou les moyens de transport sur réception du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;                 
                      (...)                 
                      135.(1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l'article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d'action devant la Section de première instance de la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.                 
                                 

[7]      Suivant le défendeur, les décisions de première instance et d'appel dans l'arrêt Time Data Recorder International Ltd. et al. v. Minister of National Revenue (Customs and Excise) (1993), 66 F.T.R. 253 (1ère instance) et, dans le cas de la Cour d'appel, décision non rapportée du 21 avril 1997, dossier A-518-93, établissent clairement que seule la décision du défendeur quant à l'existence du motif d'infraction ou d'utilisation sous l'article 131 de la Loi peut faire l'objet d'un appel sous l'article 135.

[8]      Je suis d'accord avec le défendeur sur ce point. Toutefois, il ne m'apparaît pas qu'il soit clair et évident à la simple lecture de la déclaration que l'ensemble des motifs d'excuse que cherche à faire valoir la demanderesse, plus spécifiquement aux paragraphes 14 à 20 de la déclaration, ne vise qu'à faire revoir des conditions de restitution qui auraient été imposées par le défendeur sous l'article 133 de la Loi.

[9]      À cet égard, on doit retenir que la déclaration ne fait pas état du fait que des conditions de restitution ont été imposées et on ne peut dans les circonstances se référer à aucune preuve pour s'en satisfaire. Même si l'on devait retenir que de telles conditions ont été forcément formulées, on peut concevoir à ce stade-ci, comme l'a fait valoir la procureure de la demanderesse, que la déclaration s'attaque avant tout à la décision première du défendeur sous l'article 131 de la Loi, soit celle de confirmer que c'est valablement qu'a été retenu dans les circonstances le motif d'utilisation du véhicule pour le transport de marchandises en violation de la Loi.

[10]      Le paragraphe 13 de la déclaration de même que la première conclusion de cette dernière militent en ce sens; on y réclame la cassation de la saisie pratiquée. De plus, il est permis d'abonder dans le même sens que la procureure de la demanderesse quant à la lecture de la deuxième conclusion de la déclaration. Selon cette version, le fait d'y réclamer que le véhicule soit remis à la demanderesse, et ce, sans frais, ne vise pas nécessairement à faire revoir toute condition de restitution mais vise, au cas où la saisie serait cassée, à ce que des frais d'entreposage ne soient pas chargés à la demanderesse pour la période où le véhicule aurait été sous saisie.

[11]      Quant à la possibilité en droit pour la demanderesse de s'attaquer à la décision première du défendeur sous l'article 131 de la Loi, la procureure de la demanderesse a indiqué que cette dernière entendait faire valoir à l'encontre de cette décision une défense de diligence raisonnable. À cet égard, la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Time Data, supra, en page 9, en refusant de se prononcer sur la question, n'a pas écarté la possibilité de faire valoir sous la Loi une telle défense. La Cour a même tenu à préciser que sa décision antérieure dans l'arrêt La Reine c. Letarte, [1981] 2 C.F. 76, n'écartait strictement que la défense de bonne foi sous la Loi, laissant ainsi entendre que tout autre élément de fait démontrant une diligence raisonnable n'était pas nécessairement à écarter.

[12]      Il est intéressant de noter, dans cet ordre d'idées, que l'article 139 de la Loi aurait permis à la demanderesse de faire valoir une défense de même nature si elle n'avait pas été en possession du véhicule au moment de la saisie. Partant, est-ce qu'il est clair et évident qu'une même défense est inapplicable sous l'article 131? Je n'en suis pas satisfait.

[13]      En conséquence, je ne puis conclure qu'il soit clair et évident que la déclaration porte sur l'article 133 de la Loi - et non sur la décision tirée aux termes de l'article 131 de la Loi - et que cette déclaration ne présente, par conséquent, aucune cause raisonnable d'action sous l'article 135 de la Loi.

[14]      Cette requête sera donc rejetée, frais à suivre.

Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC),

le 23 janvier 1998

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-2329-97

CHANTALE DESBIENS

     Partie demanderesse

ET

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     Partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 19 janvier 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 23 janvier 1998

COMPARUTIONS:

Me Marie-France Vincent pour la partie demanderesse

Me Hélène Beaumont pour la partie défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Marie-France Vincent pour la partie demanderesse

Claude F. Archambault & Associés

Montréal (Québec)

Me George Thomson pour la partie défenderesse

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.