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Date : 20040402

Dossier : IMM-3196-03

Référence : 2004 CF 498

Vancouver (Colombie-Britannique), le vendredi 2 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                                  VAN HIEN LE

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Monsieur Van Hien Le est un citoyen du Vietnam qui affirme craindre avec raison la persécution du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, soit d'être un capitaliste dans le pays communiste qu'est le Vietnam. Il affirme aussi être une personne à protéger.


[2]                Dans la partie narrative de son Formulaire sur les renseignements personnels (FRP), M. Le affirme que, alors qu'il se trouvait au Vietnam, il était directeur de la Hanoi Industrial Equipment Corporation et, à ce titre, il était responsable des contrats d'achats partout au pays. Il affirme qu'il utilisait des méthodes capitalistes dans son travail, y compris donner des cadeaux aux fournisseurs. Monsieur Le affirme que, en 1999, ses associés lui ont reproché d'utiliser ces méthodes « capitalistes » , ce qui constituait une infraction criminelle au Vietnam. Monsieur Le affirme qu'il a craint d'être emprisonné pour ce motif.

[3]                Monsieur Le affirme également dans la partie narrative de son FRP que, au début de 2000, il a pris de l'argent appartenant à la Hanoi Industrial Equipment Corporation et s'est procuré un visa de visiteur pour venir au Canada à l'occasion d'une foire commerciale. Il ajoute que s'il retourne au Vietnam, ses associés lui feront du mal ou le feront mettre en prison pour avoir détourné des fonds de la société et qu'il sera poursuivi par les autorités pour ses méthodes capitalistes.

[4]                La demande de M. Le a été entendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) le 6 mars 2003, qui a rendu oralement sa décision le même jour. Le tribunal a conclu que le témoignage de M. Le était très peu fiable ou crédible. Le tribunal a conclu que son témoignage était : « truff[é] d'incohérences, d'omissions et d'invraisemblances » . Il s'en est suivi que, selon le tribunal, son témoignage n'était ni crédible, ni fiable, et qu'il n'avait pas réussi à établir qu'il était un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger. C'est de cette décision que M. Le demande le contrôle judiciaire.


[5]                Dans les motifs détaillés de sa décision, le tribunal a énuméré les incohérences, les omissions et les invraisemblances qui l'ont amené à conclure que le témoignage de M. Le n'était pas crédible.

[6]                En ce qui a trait aux incohérences, le tribunal a noté que, alors que M. Le avait affirmé dans son témoignage oral qu'il était gestionnaire de la Hanoi Industrial Equipment Corporation, la fiche des Renseignements généraux qu'il avait remplie disait qu'il était directeur de Assembly Line Trading Ltd. Cette incohérence affectait grandement sa demande et il n'a pas pu fournir d'explication valable.

[7]                En outre, selon les notes prises par un agent de l'immigration lors d'une entrevue qu'il aurait eue avec M. Le en février 2002, M. Le aurait affirmé que son épouse l'avait quitté en 1999. Quand on lui a demandé pourquoi ce fait n'avait pas été mentionné dans son FRP (qui a été rempli en mars 2002), M. Le a répondu que, lorsqu'il avait rempli son FRP, son épouse ne lui avait pas encore dit qu'elle l'avait quitté. Quand on lui a fait remarquer que sa réponse n'était pas compatible avec ce qu'il avait dit à l'agent d'immigration en février 2002, soit qu'elle l'avait quitté, M. Le a répondu que sa femme n'avait pas été très claire. M. Le a aussi affirmé que les faits qui avaient poussé sa femme à partir étaient survenus en avril 2002.

[8]                Après avoir lu toute la transcription de la preuve présentée au tribunal, je suis convaincue que le tribunal a eu raison de conclure que « en vous observant lorsque vous avez livré votre témoignage aujourd'hui, j'avais la nette impression que vous concoctiez petit àpetit votre témoignage dans le but de rehausser votre demande d'asile. À mon avis, vous êtes très capable de dire tout ce que vous jugez nécessaire pour réussir. »

[9]                En ce qui a trait aux omissions, il est bien établi en droit que la Section de la protection des réfugiés peut tirer une conclusion défavorable lorsqu'un demandeur omet d'inclure des renseignements importants dans son FRP. Voir, par exemple, Akhigbe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 249. En l'espèce, M. Le n'a fait aucune mention dans son FRP que ses associés avaient fait des menaces à son épouse et que cela l'aurait forcée à partir, ou qu'il craignait d'être accusé d'avoir détruit des biens de l'État et d'avoir trahi son pays s'il retournait au Vietnam. Selon les explications qu'il a fournies au tribunal, il s'agissait là d'éléments qui étaient au coeur de sa demande. Je suis d'accord avec l'avocate du défendeur qu'il y avait peu de points communs entre le contenu du FRP de M. Le et le témoignage qu'il a donné devant le tribunal.

[10]            Même si M. Le a essayé de justifier certaines de ces omissions, il était loisible au tribunal de rejeter ces explications, comme il l'a fait, et de tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité en se fondant sur ces omissions.

[11]            Lors de l'audience devant moi, l'avocat de M. Le n'a pas repris l'argument qu'il avait avancé dans son mémoire des faits et du droit selon lequel les problèmes relatifs au contenu du FRP étaient dus à la traduction. Cet argument ne reposait en rien sur la preuve et a été contredit par M. Le dans son témoignage devant le tribunal lorsqu'il a reconnu le FRP et a parlé de sa traduction.

[12]            Enfin, le tribunal n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire lorsqu'il a conclu que la preuve n'était ni suffisamment crédible ni suffisamment fiable pour établir que M. Le était soit un réfugié au sens de la Convention soit une personne à protéger. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[13]            Les avocats n'ont proposé aucune question à la certification et la présente affaire ne soulève aucune question.


                                                                ORDONNANCE

[14]            LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                              _______________________________________

                                                                                                                                                Juge                                     

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-3196-03

INTITULÉ :                                       VAN HIEN LE

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 31 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                     LE 2 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Negar Azmudeh                                   POUR LE DEMANDEUR

Sandra Weafer                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Embarkation Law Group                      POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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