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Date : 20030204

Dossier : ITA-691-02

Référence neutre : 2003 CFPI 122

          DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU,

                                  - et -

DANS L'AFFAIRE D'UNE COTISATION OU DES COTISATIONS

ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

EN VERTU D'UNE OU PLUSIEURS DES LOIS SUIVANTES :

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU,

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA,

LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI;

CONTRE :

                                 LA SUCCESSION DE FEU LAWRENCE CORRIVEAU

                                                                                                                                             débitrice-saisie

                                                                                   et

                                                                 BENOÎT PROULX

                                                                                   

                                                                                                                                                       tiers-saisi

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                 Il s'agit en l'espèce d'une requête de la créancière-saisissante, Sa Majesté la Reine, aux fins d'obtenir une ordonnance définitive de saisie-arrêt contre le tiers-saisi, Benoît Proulx.

Contexte principal

[2]                 Il ressort que la débitrice-saisie est créancière du tiers-saisi des honoraires et déboursés extra-judiciaires à payer à la succession de son avocat, feu Lawrence Corriveau, faisant affaires sous le nom de Corriveau, Avocats et/ou Corriveau et associés, pour les services rendus dans le cadre d'une poursuite en dommages et intérêts intentée contre le Procureur général du Québec dans le dossier portant le numéro 200-05-000709-936 et à l'égard de laquelle le tiers-saisi a obtenu gain de cause par décision finale de la Cour suprême du Canada, le 18 octobre 2001.

[3]                 Le 18 octobre 2001, la Cour suprême a en effet rétabli le jugement de la Cour supérieure sur la responsabilité de la Couronne provinciale ainsi que les dommages-intérêts accordés par le juge Letarte lesquels s'élevaient à la somme de 1 154 747,86$, plus, à compter de l'institution des procédures, les intérêts et l'indemnité additionnelle.

[4]                 Le tiers-saisi a par conséquent reçu environ 2 126 196,55$ de la Couronne provinciale à titre de dommages et intérêts.


[5]                 Vu par ailleurs l'endettement fiscal de feu Me Lawrence Corriveau, endettement qui échoit en principe à la débitrice-saisie, et vu les sommes dues par le tiers-saisi à la débitrice-saisie à titre d'honoraires, le 25 mars 2002 une ordonnance provisoire de saisie-arrêt a été rendue par laquelle il a été ordonné que toutes les sommes dues ou qui deviendraient dues par le tiers-saisi à la débitrice-saisie, dont notamment 30 pour cent du montant reçu par le tiers-saisi du gouvernement du Québec, soient saisies-arrêtées afin de répondre aux certificats datés des 22 décembre 1994 et 17 janvier 2002, déposés contre la débitrice-saisie par Sa Majesté la Reine du chef du Canada sur la somme de 473 951,31$.

[6]                 Il ressort que depuis des intérêts se sont ajoutés à la somme de 473 951,31$ et qu'un paiement de 44 661,25$ a été appliqué au compte depuis le 25 mars 2002. Le solde d'impôt dû s'élève maintenant à 456 327,36$.

Analyse

[7]                 Il appert sans conteste que la créancière-saisissante est bien fondée à vouloir saisir-arrêter auprès du tiers-saisi les honoraires dus par ce dernier à la débitrice-saisie.

[8]                 La difficulté réside dans le montant que la créancière-saisissante peut réclamer du tiers-saisi.

[9]                 La créancière-saisissante soutient qu'elle est en droit de saisir-arrêter 30% des sommes reçues par le tiers-saisi du Procureur général du Québec, et ce, en vertu d'une convention d'honoraires signée le 6 août 1997 entre le tiers-saisi et son procureur (la convention à 30%).


[10]            Quant au tiers-saisi, il soutient qu'il n'est redevable envers la débitrice-saisie que d'une somme représentant 10% de ce qu'il a reçu du Procureur général du Québec moins des honoraires payés à Me Christian Trépanier (22 630,07$), ayant agi à titre d'avocat conseil, et ce, en vertu d'une convention d'honoraires datée à la face même du 20 mars 1993 mais que le tiers-saisi soutient en témoignage avoir été conclue plutôt en mars 1999 (la convention à 10%).

[11]            Le texte des deux conventions est similaire si ce n'est, tel que mentionné précédemment, que celle datée à sa face même du 20 mars 1993 vise 10% des honoraires tandis que celle datée du 6 août 1997 vise 30% des honoraires.

[12]            Voici le texte de cette dernière convention:

                                              CONVENTION D'HONORAIRES

ENTRE:                                                     ME LAWRENCE CORRIVEAU    c.r.

ET:                                                               BENOIT PROULX

La présente convention reprend la teneur de l'entente prise au début du présent dossier entre Me Lawrence Corriveau, c.r. et monsieur Benoit Proulx concernant les modalités d'honoraires professionnels.

Il fut convenu que monsieur Benoit Proulx donnait le mandat à Me Lawrence Corriveau d'entreprendre des procédures en dommages et réclamation contre le Procureur Général. Pour effectuer ce mandat monsieur Benoit Proulx consentait à remettre à Me Lawrence Corriveau un montant équivalent à 30% de toute somme d'argent qui sera obtenue.

De plus, Me Lawrence Corriveau assumait à même le 30% tous les frais judiciaires et déboursés afférents.


ET LES PARTIES ONT SIGNÉ, EN DATE DU 6 AOÛT 1997, À QUÉBEC:

                                                                                                                                              (signé)                                            

                                                                                                  LAWRENCE CORRIVEAU, c.r.

                                                                                                                                              (signé)                                            

                                                                                                                         BENOIT PROULX                       

[13]            L'article 2863 du Code civil du Québec (le C.c.Q.) prévoit que les parties à un acte juridique constaté par un écrit ne peuvent, par témoignage, le contredire ou en changer les termes, à moins qu'il n'y ait un commencement de preuve.

[14]            Dans cette affaire, il m'apparaît indéniable que le tiers-saisi tente par son témoignage de contredire ou de changer les termes de la convention qui porte clairement et sans ambiguïté la date du 20 mars 1993, soit la convention à 10% qui se trouve ainsi suivant cette date de 1993 à être la première convention à avoir été signée.

[15]            L'article 2865 du C.c.Q. prévoit quant à lui ce qui suit:

     Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage, ou de la présentation d'un élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué.

(Mes soulignements.)


[16]            L'annotation S.E.N.C. (introduite par la mise en vigueur du Règlement d'application de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales le 1er janvier 1994) se trouvant sur le papier à lettre utilisé pour la convention d'honoraires à 10% ne saurait constituer en elle-même un commencement de preuve rendant vraisemblable le fait allégué, à savoir que ladite convention n'ait pas été signée en 1993 mais plutôt en 1999.

[17]            Je suis en effet d'accord pour dire à l'instar de la créancière-saisissante que même si l'annotation rend vraisemblable le fait que ladite convention à 10% a effectivement été signée après le 1er janvier 1994, elle ne rend pas pour autant vraisemblable le fait qu'elle ait pu être signée postérieurement à la convention à 30%, soit après le 6 août 1997.

[18]            Puisque sous l'article 2865 du C.c.Q. l'annotation S.E.N.C. ne rend pas vraisemblable le fait allégué, à savoir que la convention de 10% fut signée en 1999 et non en 1993, on ne peut entrer dans les paramètres mêmes de l'article 2863 C.c.Q. et soupeser le témoignage du tiers-saisi.

[19]            Par ailleurs, le tiers-saisi prétend n'avoir reçu aucune facture de la débitrice-saisie et, qu'en conséquence, il ne doit rien à celle-ci.

[20]            La créancière-saisissante soutient que les conventions d'honoraires suffisent en elles-mêmes pour créer l'obligation de payer du tiers-saisi.

[21]            Tel que mentionné précédemment, les conventions d'honoraires prévoient que le tiers-saisi consent à remettre à Me Lawrence Corriveau un certain pourcentage (10% ou 30% selon la convention) de toute somme d'argent qui sera obtenue.


[22]            Je suis d'accord pour soutenir que pour les fins de la créancière-saisissante, la seule mise en oeuvre de la condition selon laquelle le tiers-saisi recevait des sommes suffisait à créer une obligation de payer feu Me Lawrence Corriveau (voir les articles 1497, 1506 et 1507 du C.c.Q.). La facturation est peut-être un élément important entre un procureur et son client pour enclencher les mécanismes possibles de médiation et d'arbitrage. Je ne crois pas toutefois que cette nécessité de facturation affecte la situation aux yeux de la créancière-saisissante.

[23]            En conséquence, pour les fins des présentes, dès le moment où le tiers-saisi a reçu des sommes dans le cadre du litige l'opposant au Procureur général du Québec, il avait l'obligation d'en remettre un pourcentage à Me Lawrence Corriveau.

[24]            D'autre part, le tiers-saisi prétend que les honoraires de Me Christian Trépanier doivent être déduits des honoraires devant être payés à la débitrice-saisie, et ce, sans égard à l'une ou l'autre des conventions.

[25]            Or, aucune des conventions d'honoraires en preuve ne permet d'étayer cette thèse. De plus, aucun autre élément de preuve ne permet de tirer raisonnablement cette conclusion.


[26]            Par ailleurs, je ne partage pas l'avis du procureur du tiers-saisi à l'effet que de donner suite à la convention de 30% serait susceptible de donner un caractère de lucre et de commercialité à la profession d'avocats vu que le montant d'honoraires équivalent à 30% de la somme reçue par le tiers-saisi ne serait pas proportionnel aux services rendus. Rien de concluant en preuve n'a été soumis à cet égard.

[27]            Pour les motifs qui précèdent, je considère que la créancière-saisissante est en droit de saisir-arrêter 30% de la somme que le tiers-saisi a reçue du procureur général du Québec puisque la convention d'honoraires la plus récente à la face même des conventions écrites (soit celle datée de 1997) et signées par le tiers-saisi et par feu Me Lawrence Corriveau est celle prévoyant les honoraires de 30%.

[28]            Une ordonnance définitive de saisie-arrêt sera donc émise à cet égard suivant le projet d'ordonnance soumis par la procureure de la créancière-saisissante.

[29]            Vu les motifs qui précèdent, je n'ai pas à me pencher sur la problématique additionnelle soulevée par la date même de la convention de 10%, soit la première convention datée du 20 mars 1993. Puisque cette date précède l'entrée en vigueur le 1er janvier 1994 du C.c.Q., l'article 141 de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil, L.Q. 1992, ch. 57, pourrait rendre applicable à la dynamique à l'étude l'article 1234 du Code civil du Bas-Canada.

  

Richard Morneau     

ligne                    protonotaire

Montréal (Québec)

le 4 février 2003


                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030204

Dossier : ITA-691-02

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, et DANS L'AFFAIRE D'UNE COTISATION OU DES COTISATIONS ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU D'UNE OU PLUSIEURS DES LOIS SUIVANTES : LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA, LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI;

CONTRE :

LA SUCCESSION DE FEU LAWRENCE CORRIVEAU

                                                                     débitrice-saisie

et

BENOÎT PROULX

                                                                          tiers-saisi

                                                                                                                           

                                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                           


                        COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


ITA-691-02

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, et DANS L'AFFAIRE D'UNE COTISATION OU DES COTISATIONS ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU D'UNE OU PLUSIEURS DES LOIS SUIVANTES : LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA, LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI;

CONTRE :

LA SUCCESSION DE FEU LAWRENCE CORRIVEAU

                                            débitrice-saisie

et

BENOÎT PROULX

                                                 tiers-saisi


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :le 20 janvier 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU : 4 février 2003

ONT COMPARU :


Me Nadine Dupuis

pour la créancière-saisissante


Me Pierre Fournier

pour le tiers-saisi


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour la créancière-saisissante


Me William NoonanSillery (Québec)

pour la débitrice-saisie

Fournier et Associés

Montréal (Québec)

pour le tiers-saisi

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