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Date : 20030903

Dossier : IMM-1673-02

Référence : 2003 CF 1022

ENTRE :

                                                               JASVIR SINGH SIAN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 8 avril 2002, dans laquelle un arbitre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section d'arbitrage) a statué que le demandeur appartenait à une catégorie non admissible conformément à la division 19(1)f)(iii)B et à l'alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, dans sa forme modifiée (la Loi).


Ordonnance sollicitée

[2]                 Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur cherche à obtenir les mesures de réparation suivantes prévues au paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7 :

1.          une ordonnance enjoignant à l'office d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

2.          une ordonnance déclarant nul ou illégal, ou annulant, ou infirmant et renvoyant pour jugement conformément aux instructions que la Cour estime appropriées, ou prohibant ou encore restreignant toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office.

Contexte

Introduction


[3]                 Le demandeur est un Jat Sikh du village Umarpura Kalan, situé dans le district de Jalandhar, au Pendjab, en Inde. Du mois de décembre 1994 au mois de juillet 1999, le demandeur a passé son temps dans différentes prisons et, de juillet 1999 à juin 2000, il a vécu dans la clandestinité en se cachant à différents endroits au Pendjab. Le 10 juin 2000, le demandeur est arrivé au Canada, où il a revendiqué le statut de réfugié le 10 août 2000. Dans sa revendication, il a allégué une crainte fondée de persécution du fait de son appartenance à un groupe social particulier et de ses opinions politiques réelles ou apparentes. La mère du demandeur, Preetam Kaur Sian, ainsi que le frère, Ranjit Singh Sian, et le neveu, Davinder Singh Sian, de celui-ci habitent tous en Colombie-Britannique.

Allégations et enquête

[4]                 Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a allégué qu'il existait des éléments de preuve crédibles et dignes de foi démontrant que le demandeur avait pris part à de graves activités au Pendjab et qu'il était membre de la Khalistan Liberation Force (la KLF). On a ordonné la tenue d'une enquête, qui a eu lieu les 24 et 25 janvier 2002. Le ministre a fait valoir que le demandeur appartenait à une catégorie non admissible aux termes du sous-alinéa 19(1)(c.1)(i), de la division 19(1)f)(iii)(B) et de l'alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration, précitée.         

Motifs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section d'arbitrage)

Retrait de l'engagement de parrainage de Ranjit

[5]                 En décembre 1992, le frère du demandeur, Ranjit, a retiré son engagement de parrainage à l'égard du demandeur en déclarant que ce dernier était « un extrémiste sikh et _que sa_ mère _était_ au Canada, [alors il voulait] faire traiter la demande au Canada » .

[6]                 Tout en reconnaissant que le mot « extrémiste » n'était pas synonyme de « terroriste » , l'arbitre a affirmé que le retrait de l'engagement de parrainage faisait naître des inquiétudes. L'arbitre a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que Ranjit avait obtenu l'information directement du demandeur et par ouï-dire et qu'il était suffisamment préoccupé par les prétendues activités de son frère pour en venir à la mesure radicale de retirer son engagement de parrainage.

Revendication du statut de réfugié de Davinder

[7]                 Le neveu du demandeur, Davinder, a revendiqué le statut de réfugié pour le motif qu'il était harcelé en raison des problèmes du demandeur avec les autorités indiennes. Son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) en fait état. En soulignant que Davinder était très jeune (quinze ans) au moment où le FRP a été rempli, l'arbitre a affirmé qu'une personne agissant en son nom n'impliquerait pas un proche parent dans des activités susceptibles d'être graves sans avoir de raison valable. L'arbitre a conclu que les déclarations figurant dans le FRP reflétaient de manière crédible et digne de foi les réserves subjectives de Davinder au sujet du prétendu comportement du demandeur.


Témoignage de Ranjit

[8]                 Lors de l'audience concernant le statut de réfugié de Davinder, Ranjit a témoigné que le demandeur lui avait dit qu'il était membre de la KLF. L'arbitre a conclu que ce témoignage était crédible et digne de foi.

Articles de journaux

[9]                 L'arbitre a déclaré qu'un extrait de la Vancouver Punjabi Tribune, dans lequel on énonçait que le demandeur avait été arrêté, qu'il était un militant de haut niveau et qu'il appartenait à la KLF et à d'autres organisations, était très peu crédible et digne de foi parce que les faits qui y étaient mentionnés n'avaient pas fait l'objet d'une vérification indépendante. Selon l'arbitre, la valeur probante minime de l'article valait principalement pour confirmer certaines accusations portées contre le demandeur qui avaient été corroborées par des preuves provenant de sources indépendantes.

[10]            L'arbitre a également examiné des articles parus dans le Ajit Newspaper. Il a conclu qu'un des articles n'avait qu'une valeur probante minime et que l'autre n'en avait pas du tout ou presque.


Gurpreet Singh : Terrorism, Punjab's Recurring Nightmare

[11]            L'arbitre a conclu que les renseignements concernant le demandeur contenus dans le livre de Gurpreet Singh intitulé Terrorism, Punjab's Recurring Nightmare n'étaient que peu crédibles et dignes de foi.

Questions relatives au système judiciaire indien

Témoignage d'expert de Navkiran Singh, avocat

[12]            Le témoignage de Navkiran Singh, conseil du demandeur en Inde, a été accepté comme étant celui d'un expert dans les domaines du droit interne indien et des droits de la personne en général en Inde. L'arbitre a mentionné que le témoignage de Navkiran soulevait une question de partialité possible. Navkiran était dans la salle d'audience au cours du déroulement de cette dernière et il connaissait bien le demandeur. Selon l'arbitre, la question de la partialité se posait lorsqu'il s'agissait de déterminer le poids à accorder au témoignage de Navkiran, particulièrement en ce qui concerne l'interprétation de la déclaration de culpabilité relative au Premier rapport d'information (le PRI) no 3 dont le demandeur avait fait l'objet.


La Terrorist and Disruptive Activities (Prevention) Act(la TADA) et le système judiciaire indien

[13]            Navkiran a témoigné que la TADA « était considérée comme une loi draconienne qui empiétait sur le droit des personnes au respect de la vie privée et à la liberté. Partout en Inde, les autorités l'employaient souvent à mauvais escient contre les minorités, les sikhs, les musulmans » . L'arbitre a affirmé que la partialité diminuait le poids à accorder à ces déclarations.

Jugement relatif au PRI no 3

[14]            Le PRI no 3 énonce que le demandeur a fait l'objet de poursuites, aux termes de la TADA, pour possession d'objets illégaux sans permis. L'arbitre a mentionné que le demandeur avait affirmé qu'il se trouvait en détention illégale au moment où avaient eu lieu les infractions reprochées, les arrestations et la saisie des objets illégaux. De l'avis de l'arbitre, on n'avait pas présenté de preuve claire et convaincante d'un renversement général du fardeau de la preuve, de sorte que ce fardeau incomberait à l'accusé.

Autres PRI


[15]            Le demandeur a en fin de compte été acquitté des accusations contenues dans tous les PRI, à l'exception de celles figurant dans le PRI no 3. L'arbitre a déclaré que les autres PRI ne constituaient pas des preuves crédibles et dignes de foi des autres infractions qu'aurait prétendument commises le demandeur, mais démontraient cependant que les PRI n'avaient pas tous mené à des déclarations de culpabilité confirmées en appel par la Cour suprême de l'Inde.

Valeur probante de la déclaration de culpabilité relative au PRI no 3

[16]            La déclaration de culpabilité du demandeur relativement au PRI no 3 n'a pas été infirmée par la Cour suprême de l'Inde. L'arbitre a conclu que cette déclaration de culpabilité constituait une preuve crédible et digne de foi des faits allégués dans cette instance.

La KLF et la prétendue appartenance du demandeur à celle-ci

La prétendue appartenance du demandeur à la KLF

[17]            L'arbitre a conclu qu'il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était membre de la KLF au cours de la période visée. Il a examiné les éléments de preuve, y compris la preuve par ouï-dire présentée par Ranjit, les déclarations contenues dans le FRP de Davinder, les articles de journaux et la déclaration de culpabilité relative au PRI no 3 dont le demandeur avait fait l'objet. Il a accepté le témoignage de Navkiran selon lequel un individu traduit en justice en vertu de la TADA est réputé avoir pris part à des activités liées au terrorisme. Il a également mentionné qu'il était possible d'établir un lien plausible entre les objets illicites découverts en la possession du demandeur et sa prétendue appartenance à la KLF.


La nature de la KLF

[18]            L'arbitre a conclu qu'il existait des motifs raisonnables de croire que la KLF était une organisation qui se livrait à des actes de terrorisme approximativement pendant la période où le demandeur en était membre.

Questions d'interprétation

Règle de la meilleure preuve

[19]            L'arbitre a établi que la preuve concernant Davinder et Ranjit avaient peu de valeur probante. Il a examiné les éléments de preuve de façon globale pour déterminer la valeur probante cumulative à accorder à chacun d'eux. Il a déclaré que l'interrogatoire d'un témoin qui présente essentiellement une preuve par ouï-dire qui n'est pas déterminante en soi n'était pas essentiel pour garantir l'équité de l'audience. L'arbitre a conclu que, dans les circonstances, il aurait été illogique de suivre la règle de la meilleure preuve.

Inférence défavorable


[20]            L'arbitre était d'avis que la preuve initiale concernant Davinder et Ranjit ainsi que la preuve documentaire étaient suffisantes pour permettre au ministre de s'acquitter du fardeau qui lui incombait initialement relativement à certaines allégations, et que le fardeau était ensuite passé à Jasvir. Comme le conseil n'a pas procédé au contre-interrogatoire de ces témoins et n'a pas appelé le demandeur à témoigner au sujet de sa non-appartenance à la KLF ou des circonstances entourant le PRI no 3, l'arbitre en a tiré une inférence défavorable selon laquelle aucun des témoignages n'aurait été profitable au demandeur.

L'hypothèse ou la supposition par opposition à l'inférence raisonnable

[21]            L'arbitre a mentionné que les inférences relatives aux divers aspects de la preuve avaient été tirées avec soin, de façon logique et raisonnable, compte tenu de la totalité de la preuve présentée.

Analyse de la Loi

[22]            L'avocat du ministre a retiré l'allégation relative au sous-alinéa 19(1)(c.1)(i) de la Loi.

[23]            L'arbitre a conclu que le demandeur était visé par la division 19(1)f)(iii)(B) de la Loi, étant donné qu'il existait des motifs raisonnables de croire qu'il était membre de la KLF et que la KLF se livrait à des actes de terrorisme.


[24]            L'arbitre a également conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait été complice de crimes contre l'humanité commis par la KLF et qu'il était visé par l'alinéa 19(1)j) de la Loi. Il a affirmé que les assassinats commis par la KLF étaient, dans les circonstances, des « actes inhumains » , qu'ils visaient une population civile ou un groupe identifiable de personnes et qu'ils constituaient des crimes contre l'humanité selon le droit international au moment et au lieu de leur perpétration. Bien qu'il fût d'avis qu'aucun élément de preuve crédible et digne de foi n'avait confirmé la participation directe du demandeur aux assassinats commis par la KLF, l'arbitre a conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait été complice de crimes contre l'humanité que cette dernière avait perpétrés. L'arbitre a conclu qu'aucun élément de preuve ne donnait à penser que l'appartenance du demandeur à la KLF n'était pas entièrement volontaire, que le demandeur aurait pu rompre avec la KLF, que le demandeur et la KLF souscrivaient au même objectif brutal ou étaient complices de crimes contre l'humanité, que le demandeur avait été membre de la KLF pendant une longue période et qu'il aurait été au courant de ses activités terroristes généralisées.

Conclusion

[25]            L'arbitre a conclu que le demandeur n'était, au Canada, ni citoyen canadien ni résident permanent, et qu'il appartenait à deux catégories non admissibles. L'arbitre a conclu qu'il existait des motifs raisonnables de croire [que le demandeur] :

1. est ou était membre d'une organisation dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle se livrait à des actes de terrorisme, et

2. a commis une infraction mentionnée dans les articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.


L'arbitre a par conséquent pris une mesure d'expulsion conditionnelle contre le demandeur.

[26]            Il s'agit en l'espèce du contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre.

Arguments du demandeur

[27]            Le demandeur allègue que l'arbitre a fondé sa décision et son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments dont il disposait.

[28]            Le demandeur soutient que l'arbitre n'a tenu aucun compte de son FRP dans la décision qu'il a rendue. Il fait valoir qu'un examen de tous les éléments de preuve qu'il a présentés, et plus particulièrement de son FRP, n'aurait pas permis d'arriver à la conclusion qu'il était une personne visée par la division 19(1)f)(iii)(B) ou l'alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration, précitée. Il affirme que l'arbitre ne peut pas faire abstraction de son FRP et qu'il était tenu d'expliquer pourquoi il jugeait le FRP non crédible, le cas échéant.                                       


[29]            Le demandeur soutient que l'arbitre a, à tort, écarté le témoignage de Navkiran Singh. Il allègue que l'arbitre ne peut écarter le témoignage d'expert pour le motif que l'expert semble avoir fait preuve de partialité en faveur du demandeur. Il affirme que pour évaluer le témoignage d'une personne, on doit se demander si ce témoignage est crédible et digne de foi, et non si la personne fait preuve de partialité.

[30]            Selon le demandeur, les inférences tirées par l'arbitre ne sont pas raisonnables compte tenu des éléments de preuve dont il disposait. Le demandeur soutient que les inférences tirées par l'arbitre ne sont pas suffisantes pour appuyer la conclusion selon laquelle il aurait pris part à des activités terroristes.

[31]            Le demandeur fait valoir que l'arbitre a omis de respecter les principes de justice naturelle et d'équité procédurale ainsi que d'autres procédures qu'il était légalement tenu d'observer.

[32]            Le demandeur prétend que l'arbitre a commis une erreur de droit en faisant reposer sur ses épaules le fardeau de la preuve qui incombait au ministre. Il allègue que le fardeau de prouver qu'il appartient à une catégorie non admissible incombe en tout temps au gouvernement.

[33]            Selon le demandeur, l'arbitre a fait preuve de partialité dans sa décision compte tenu de la façon dont il a apprécié la preuve. Il affirme que l'arbitre n'a pas examiné de façon impartiale les éléments de preuve qui lui ont été présentés, et qu'il a tenu compte uniquement des éléments de preuve qui appuyaient la version des faits avancée par le ministre.

[34]            Le demandeur affirme que l'arbitre a omis de tenir compte du paragraphe 269.1(4) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, en dépit de la preuve contenue dans son FRP, selon laquelle il avait été torturé avant d'être déclaré coupable. Il fait valoir que l'arbitre était tenu d'examiner la question de savoir si les déclarations qu'il avait faites à la police et qui ont donné lieu à la déclaration de culpabilité avaient été obtenues par la torture. Il soutient qu'on ne doit pas tenir compte de la déclaration de culpabilité en tranchant la question de son appartenance à une catégorie non admissible selon le paragraphe 19(1) de la Loi sur l'immigration, précitée.

Arguments du défendeur

[35]            Le défendeur soutient que le demandeur conteste en réalité le poids que l'arbitre a accordé à la preuve, et qu'il ne s'agit pas là d'un motif valable aux fins d'un contrôle judiciaire. Le défendeur reconnaît que le fardeau de la preuve, dans les enquêtes, incombe au ministre, et fait valoir que c'est la norme de preuve relative à la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi qui doit être retenue. Le défendeur affirme que l'arbitre a examiné et soupesé soigneusement tous les éléments de preuve dont il disposait et qu'il a correctement appliqué le fardeau de la preuve tout au long de l'enquête.

[36]            Selon le défendeur, l'allégation de partialité avancée par le demandeur est sans fondement. Le défendeur affirme qu'un examen des motifs de l'arbitre n'amènerait pas une personne raisonnable à conclure à la partialité de celui-ci.       


[37]            Le défendeur fait valoir que l'argument du demandeur selon lequel l'arbitre aurait omis de tenir compte du paragraphe 269.1(4) du Code criminel, précité, est dénué de fondement. Le défendeur affirme que le demandeur remet en cause la façon dont l'arbitre a apprécié la preuve. Il soutient que les motifs démontrent clairement que l'arbitre a soigneusement examiné tous les éléments de preuve touchant le système judiciaire indien, à la fois dans son ensemble et par rapport au cas précis du demandeur.

Points litigieux

1.          L'arbitre a-t-il fondé sa décision et son ordonnance sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments dont il disposait?

a)          L'arbitre a-t-il fait abstraction du FRP du demandeur dans sa décision?

b)          L'arbitre a-t-il commis une erreur en écartant le témoignage de Navkiran Singh?

c)          Les inférences tirées par l'arbitre sont-elles déraisonnables compte tenu des éléments de preuve dont ce dernier disposait?

2.          L'arbitre a-t-il omis de respecter les principes de justice naturelle, d'équité procédurale et d'autres procédures qu'il était légalement tenu d'observer?

a)          L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en imposant au demandeur le fardeau de la preuve qui incombait au ministre?


b)          L'arbitre a-t-il fait preuve de partialité dans sa décision lorsqu'il a examiné la preuve?

c)          L'arbitre a-t-il omis de tenir compte de l'application des dispositions du paragraphe 269.1(4) du Code criminel, précité, concernant la contrainte, en dépit du fait que selon le FRP, le demandeur avait été torturé avant d'être déclaré coupable?

Disposition législative pertinente

[38]            Le paragraphe 19(1) de la Loi sur l'immigration, précitée, est rédigé en partie comme suit :

19(1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

_..._

19.(1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

. . .

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles :

_..._

(f) persons who there are reasonable grounds to believe

. . .

(iii) soit sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée :

_..._

(iii) are or were members of an organization that there are reasonable grounds to believe is or was engaged in

. . .

(B) soit à des actes de terrorisme,

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;

_..._

(B) terrorism,

except person who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest;

. . .

j) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles ont commis une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

(j) person who there are reasonable grounds to believe have committed an offence referred to in any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

[39]            Le paragraphe 269.1(4) du Code criminel, précité, énonce :

269.1(4) Dans toute procédure qui relève de la compétence du Parlement, une déclaration obtenue par la perpétration d'une infraction au présent article est inadmissible en preuve, sauf à titre de preuve de cette infraction.

269.1(4) In any proceedings over which Parliament has jurisdiction, any statement obtained as a result of the commission of an offence under this section is inadmissible in evidence, except as evidence that the statement was so obtained.

Analyse et décision

[40]            Question 1a)

1.          L'arbitre a-t-il fondé sa décision et son ordonnance sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments dont il disposait?

a)          L'arbitre a-t-il fait abstraction du FRP du demandeur dans sa décision?


À la page 2 de sa décision, l'arbitre a énoncé ce qui suit :

III.            ANALYSE DES ÉLÉMENTS DE PREUVE

Le conseil du ministre a soutenu qu'il y avait des éléments de preuve crédibles et dignes de foi, provenant de plusieurs sources, concernant les gestes prétendument posés par Jasvir, sa prétendue appartenance à la KLF et les activités et objectifs de la KLF. Les principaux éléments de preuve ont été examinés un à un afin de déterminer, d'abord, s'ils étaient crédibles et dignes de foi, et ensuite pour déterminer la valeur qu'il fallait leur accorder, considérés isolément et cumulativement :

A.             Retrait de l'engagement de parrainage de Ranjit

B.             Revendication du statut de réfugié de Davinder

C.             Témoignage de Ranjit

D.             Articles de journaux

E.              Gurpreet Singh : Terrorism, Punjab's Recurring Nightmare (Le terrorisme, cauchemar récurrent du Penjab)

F.              Affaires devant les tribunaux indiens

G.             La KLF et la prétendue appartenance de Jasvir

H.             Questions d'interprétation

Le conseil du ministre a prétendu que Jasvir a eu à comparaître devant des tribunaux indiens pour des affaires très graves qui semblent vouloir confirmer les allégations formulées contre lui. Du point de vue de l'arbitre, certains aspects des procédures devant les tribunaux représentent les éléments de preuve les plus crédibles et dignes de foi auxquels on peut accorder tout leur poids, et ce sont eux qui nous permettent de mettre le reste des éléments de preuve en contexte et de leur donner une signification. La valeur probante de tous les éléments de preuve a été examinée, en tenant compte de la possibilité qu'entrent en jeu la règle de la « meilleure preuve » , l'inférence défavorable et la partialité.


Cet extrait semble démontrer que l'arbitre estimait qu'il s'agissait là d'éléments de preuve à l'appui de la demande. Le FRP contient les allégations de fait formulées par le demandeur concernant les activités qu'on lui reprochait. J'ai examiné la décision de l'arbitre et je n'ai pas pu y trouver de passage portant sur la question du contenu du FRP du demandeur. Il ne fait aucun doute que le rôle de l'arbitre consiste à examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés et à leur accorder un certain poids. En l'espèce, l'arbitre n'a pas conclu à l'absence de crédibilité du demandeur. Il semble plutôt avoir omis de se pencher sur les déclarations contenues dans le FRP.

[41]            Lorsque la preuve, dans l'hypothèse où elle serait acceptée, pourrait être d'une importance cruciale pour le résultat de la demande, l'arbitre se doit de la prendre en considération. Je suis d'avis que l'arbitre a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en omettant d'examiner les déclarations faites par le demandeur dans son FRP. Il est impossible de déterminer si la décision de l'arbitre relativement à la division 19(1)f)(iii)(B) ou à l'alinéa 19(1)j) aurait été différente s'il avait tenu compte des déclarations contenues dans le FRP.

[42]            La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[43]            Compte tenu de ma décision à l'égard de la question ci-dessus, il ne sera pas nécessaire d'examiner les autres questions.


[44]            Les parties disposeront d'un délai d'une semaine à partir de la date de la présente décision pour me soumettre une question grave de portée générale, et d'une semaine additionnelle pour présenter leurs observations concernant toute question ainsi soumise.

                                                       « John A. O'Keefe »           

ligne

                                                                                                             Juge                      

Toronto (Ontario)

Le 3 septembre 2003

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 IMM-1673-02

INTITULÉ :              JASVIR SINGH SIAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

défendeur

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 6 MARS 2003

MOTIFS DE

L'ORDONNANCE :                                       MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                     LE 3 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :                                       

Christopher Elgin                                                    POUR LE DEMANDEUR

Brenda Carbonell           

                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS

AU DOSSIER :         Elgin Cannon & Associates

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg          

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE

                                                                                       Date : 20030903

                                                                         Dossier : IMM-1673-02

ENTRE :

JASVIR SINGH SIAN          

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                    défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                  

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