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Date : 20030312

Dossier : IMM-1204-02

Référence : 2003 CFPI 303

Toronto (Ontario), le mercredi 12 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                          MYNOR MORE LONDON

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 M. Mynor More London (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent d'immigration Brian Clark (l'agent). Dans cette décision, datée du 28 novembre 2001, l'agent rejetait la demande de résidence permanente du demandeur, déposée alors qu'il se trouvait au Canada et fondée sur des raisons d'ordre humanitaire (la demande CH).


[2]                 Le demandeur est un citoyen du Guatemala qui est arrivé au Canada en 1988. Il a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Par la suite, il a reçu le droit d'établissement ainsi que la citoyenneté canadienne. Toutefois, sa citoyenneté canadienne a été révoquée en avril 1999, au motif qu'il l'avait obtenue par suite de fausses représentations quant à son identité. Le 19 octobre 1999, une ordonnance d'expulsion a été délivrée à son égard.

[3]                 En novembre 1999, le demandeur a fait une nouvelle demande de statut de réfugié au sens de la Convention. Il a alors utilisé son vrai nom, savoir Mynor Rene More, citoyen du Guatemala. Cette demande de statut de réfugié au sens de la Convention a été rejetée le 8 juin 2000. Le demandeur a sollicité une évaluation en tant que membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, demande qui a été rejetée le 22 août 2000.

[4]                 Le demandeur a alors sollicité, en septembre 2000, le droit d'établissement au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire. C'est dans ce cadre qu'il s'est rendu à une entrevue avec l'agent de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) au bureau de Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 25 juillet 2001.

[5]                 L'agent d'immigration a examiné les aspects positifs et les aspects négatifs de la vie du demandeur au Canada. Parmi les aspects positifs, il a tenu compte des relations personnelles à l'occasion desquelles le demandeur est devenu le père de trois enfants nés au Canada. Lors de son plus récent mariage, il est devenu le beau-père de l'enfant de son épouse canadienne.


[6]                 Du côté négatif, on trouve un certain nombre d'infractions criminelles pour lesquelles le demandeur a été trouvé coupable et, à l'occasion, condamné à des peines de prison.

[7]                 L'agent d'immigration a pris beaucoup de notes au sujet de l'entrevue, notes dans lesquelles il présente ses commentaires sur les divers aspects de la vie du demandeur au Canada, y compris sur les circonstances de son arrivée, l'historique de ses activités criminelles, ses emplois et ses relations personnelles. L'entrevue a duré près de deux heures. Bien que l'épouse du demandeur l'accompagnait, elle n'a pas été interrogée par l'agent d'immigration.

[8]                 L'agent d'immigration a rejeté la demande, déclarant ce qui suit dans ses motifs :

[traduction]

Je rejette la demande de résidence permanente présentée par l'intéressé alors qu'il se trouve au Canada et fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Je conclus que les facteurs négatifs suivants ont plus de poids que les facteurs positifs :

1. Le fait que l'intéressé a obtenu le droit d'établissement et la citoyenneté canadienne par fraude.

2. Le fait que l'intéressé n'a pas d'emploi stable, non plus que des ressources financières ou autres, fait ressortir qu'il est peu établi au Canada bien qu'il y soit depuis assez longtemps.

3. Le dossier criminel important de l'intéressé, y compris des périodes assez longues d'emprisonnement.


[9]                 Le demandeur soutient que l'agent d'immigration a commis une erreur en n'examinant pas l'intérêt de ses enfants nés au Canada, comme le prescrit l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Le demandeur déclare que la simple mention de ses enfants dans les notes de l'agent d'immigration ne répond pas à la norme imposée par l'arrêt Baker, précité, lorsqu'il s'agit de l'examen de leur intérêt. Il déclare que l'agent d'immigration n'a pas examiné l'impact négatif que le rejet de sa demande aurait sur les enfants.

[10]            De plus, le demandeur soutient que l'agent d'immigration a commis une erreur en se livrant à un examen superficiel de la qualité de son établissement au Canada. Le demandeur déclare que l'agent d'immigration doit pondérer ce facteur en arrivant à sa décision, ce qu'il n'a pas fait en l'instance.

[11]            Le défendeur soutient que le demandeur n'a pas démontré l'existence, dans l'examen de sa demande par l'agent d'immigration, d'une erreur ouvrant droit à révision.. Le défendeur soutient que le demandeur conteste en fait la façon par laquelle l'agent d'immigration a pondéré la preuve qui lui était présentée.

[12]            Le défendeur soutient que le demandeur veut obtenir de la Cour qu'elle procède à une nouvelle pondération de la preuve, ce qui n'est pas de son ressort.

[13]            La décision soumise au contrôle a été prise par l'agent d'immigration dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui confère le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (et modifications) (la Loi). Comme le précise l'arrêt Baker, précité, aux paragraphes 57 à 62, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter.


[14]            La question permettant de trancher ce litige consiste à savoir si l'agent d'immigration a raisonnablement examiné l'intérêt bien compris des enfants du demandeur, y compris de sa belle-fille, en arrivant à une décision négative. La jurisprudence qui fait autorité à ce sujet se trouve dans l'arrêt Baker, précité, de la Cour suprême du Canada, et dans l'arrêt ultérieur de la Cour fédérale du Canada, Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.).

[15]            Dans l'arrêt Legault, précité, la Cour a appliqué l'arrêt Baker, précité, et conclu que même si l'intérêt des enfants ne dictait pas la nature d'une décision fondée sur le pouvoir discrétionnaire, le décideur devait en tenir compte. La Cour d'appel fédérale déclare ceci, au paragraphe 12 :

Bref, l'agent d'immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, précité, au paragraphe 75), mais une fois qu'il l'a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu'à son avis il mérite dans les circonstances de l'espèce.

[16]            Selon moi, le demandeur a démontré qu'en l'instance l'agent d'immigration était conscient de l'existence des enfants du demandeur, mais qu'il n'a pas indiqué clairement dans ses motifs de refus qu'il avait tenu compte de leurs intérêts par rapport à l'impact sur eux du rejet de la demande. En fait, l'agent n'a même pas mentionné dans ses notes l'existence de la belle-fille du demandeur. Ceci est un fondement suffisant pour accueillir la demande de contrôle judiciaire.


[17]            En conséquence, la demande est accueillie et la question est renvoyée à un agent d'immigration différent pour nouvelle décision en conformité du droit. Les avocats ont déclaré qu'il n'y avait pas de question à certifier.

                                           ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la question est renvoyée à un agent différent pour nouvelle décision en conformité du droit. Il n'y a pas de question à certifier.

« E. Heneghan »                  

Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                              COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :              IMM-1204-02

                                                         

INTITULÉ :              MYNOR MORE LONDON

                                                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 4 MARS 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                     LE MERCREDI 12 MARS 2003

COMPARUTIONS :                                       

M. Lee Cohen                                                     pour le demandeur

Mme Melissa Cameron                                        pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee Cohen                                                           pour le demandeur

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le sous-procureur général du Canada                 pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20030312

Dossier : IMM-1204-02

ENTRE :

MYNOR MORE LONDON

                   demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                     défendeur

                                                       

MOTIF DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                       

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