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Date : 20030708

Dossier : IMM-3674-02

Référence : 2003 CF 846

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2003

En présence de Monsieur le juge Lemieux                          

ENTRE :

                                                        ALEXANDER ZILENKO,

                                                            MARINA ZILENKO,

                                                          VLADIMIR ZILENKO,

                                                               ANNA ZILENKO

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Je partage essentiellement l'avis de l'avocate du défendeur selon lequel la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[2]                Les demandeurs, une unité familiale constituée des père et mère et de leurs deux enfants, ont émigré de Russie vers Israël en 1993. Ils en sont à leur deuxième revendication du statut de réfugié au Canada; la Section du statut de réfugié a rejeté leur première revendication le 19 novembre 1999.

[3]                Lors de leur première revendication, les demandeurs, qui sont de nationalité russe et ne sont pas juifs, ont dit craindre d'être persécutés par un groupe juif ultranationaliste. Vladimir a exprimé un motif de crainte additionnel, ayant demandé sans succès d'être exempté du service militaire pour objection de conscience.

[4]                Après le rejet de sa première revendication, la famille n'a pas contesté la décision et a quitté volontairement le Canada à destination de l'Allemagne, où elle est demeurée quelques semaines sans revendiquer le statut de réfugié. Le père, Alexander, et sa fille Anna ont tenté d'entrer de nouveau au Canada, mais ils ont été renvoyés immédiatement vers Israël. La mère, Marina, et son fils se sont rendus au Mexique, où ils n'ont pas non plus revendiqué le statut de réfugié.

[5]                Je souscris aux arguments suivants avancés par l'avocate du défendeur :


1 °         Le tribunal a appliqué à juste titre le principe de la res judicata (la préclusion de question déjà tranchée) pour faire obstacle aux revendications de Marina et Vladimir Zilenko, qui ne sont pas retournés en Israël (se reporter à Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1769, et à Telemichev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1103).

L'avocat des demandeurs a soutenu que le principe de la res judicata ne s'appliquait pas parce qu'il n'y a pas eu de décision définitive à l'égard tant de la première que de la deuxième revendications. Sa prétention ne peut être admise.

Le principe de la res judicata s'applique à la première revendication mais pas à la deuxième et, en l'espèce, la première détermination du statut de réfugié constituait une décision définitive parce qu'elle n'a pas été contestée et que les demandeurs ont quitté le pays volontairement. J'ajoute que dans Vasquez et Telemichev, précitées, la situation était identique : les revendicateurs sont partis volontairement sans contester la première décision.


2 °         En examinant la crainte d'être persécutés des demandeurs, le tribunal ne s'est pas restreint à la nature et à la portée de la crainte des demandeurs liée au service militaire obligatoire en Israël, mais il s'est aussi penché sur leur crainte d'être victimes de terroristes palestiniens. Le tribunal n'était pas convaincu que les demandeurs étaient ciblés personnellement ou collectivement, en tant que membres non juifs de la collectivité russe (se reporter à Rizkallah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992),156 N.R. 1 (C.A.F.) et à Salibian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 250 (C.A.)).

L'avocat des demandeurs soutient que le tribunal n'a pas tenu compte des facteurs de la nationalité russe et de la non-judaïcité, du moins en ce qui concerne le père et la fille qui étaient retournés en Israël. Le problème qui se pose pour l'avocat, toutefois, c'est que ce motif n'a pas été avancé devant le second tribunal.

3 °         La question de l'absence de protection de l'État, du fait de la nationalité et de la religion des demandeurs, n'a pas été soulevée devant le tribunal qui a instruit leur deuxième revendication - leur crainte et leur preuve à ce sujet ce n'était pas qu'ils ne pourraient se réclamer de la protection de l'État. Le tribunal n'a été saisi d'aucune preuve sur ce point et je rejette l'argument de l'avocat selon lequel on peut déduire l'absence de protection de l'État. Les demandeurs doivent produire une preuve claire et convaincante (se reporter à Ward c. Procureur général du Canada, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 726).


4 °         Le défaut de revendiquer le statut de réfugié lorsque l'occasion s'est présentée, bien que n'étant pas déterminant, est un facteur important à examiner pour évaluer le caractère véritable de la crainte subjective (se reporter à Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. n ° 1758 (1re inst.) et à Thiruchelvam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1120). La présente affaire n'en était pas une de revendication tardive comme l'a soutenu l'avocat des demandeurs.

5 °         Finalement, l'avocat des demandeurs a cité le passage suivant de The Law of Refugee Status d'Hathaway, à la page 188 :

[traduction]

Ainsi, bien que le principe général soit que les victimes de guerre et de violence ne sont pas de ce seul fait des réfugiés, il est néanmoins possible pour les personnes provenant d'un pays ravagé par les conflits de démontrer le bien-fondé de leur revendication du statut de réfugié. Il en est ainsi non pas lorsque la violence est simplement généralisée, mais plutôt lorsqu'elle vise un groupe civil ou politique déterminé, ou encore, si la guerre ou les conflits n'ont pas des cibles spécifiques, lorsque la crainte du revendicateur a pour source des formes ou origines spécifiques de privation au sein de la société. [Non souligné dans l'original.]

L'avocat des demandeurs a soutenu que ces derniers, en raison de leur origine ethnique et de leur religion, seraient moins susceptibles d'obtenir une protection efficace de l'État en Israël que ne le sont les citoyens juifs. Les demandeurs n'ont produit aucune preuve personnelle ou documentaire, au moyen de dossiers d'information sur le pays, au soutien de cette prétention. Je la rejette par conséquent.


                                        ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. La certification d'aucune question n'a été proposée.

           « François Lemieux »          

                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-3674-02

INTITULÉ :               ALEXANDER ZILENKO,

MARINA ZILENKO,

VLADIMIR ZILENKO,

ANNA ZILENKO

                                                                                          demandeurs

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 3 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    Le juge Lemieux

DATE DE L'ORDONNANCE :                    Le 8 juillet 2003

COMPARUTIONS :

M. Jeffrey Platt

POUR LES DEMANDEURS

Mme Gretchen Timmins

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Jeffrey Platt

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR


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