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Date : 20030827

Dossier : T-611-01

Référence : 2003 CF 1007

Montréal (Québec), le 27 août 2003

En présence de :         Me Richard Morneau, protonotaire

ENTRE :

                                                               FORTIER 2000 LTÉE

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                                MARCEL MATIÈRE

                                                                                                                                                     défendeur

                                                                                   et

                                                             MARCEL MATIÈRE et

                                                         BÉTON PROVINCIAL LTÉE

                                                                                                                   demandeurs reconventionnels

                                                                                   et

                                                               FORTIER 2000 LTÉE

                                                                                                               défenderesse reconventionnelle

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                 La Cour est saisie en l'espèce par l'une et l'autre partie d'une requête pour trancher des objections à l'encontre de questions posées lors de l'interrogatoire au préalable des représentants des parties.

[2]                 On doit mentionner au départ qu'une question mérite réponse en interrogatoire au préalable si elle est pertinente aux points qui sont en litige entre les parties, c'est-à-dire si elle est susceptible d'aider, directement ou indirectement, la cause de l'une des parties ou de nuire à la cause de l'autre (voir Sydney Steel Corp. v. The Ship Omisalj (1992), 2 C.F. 193, 197-8).

[3]                 Le litige de base entre les parties peut se présenter sous ses traits essentiels comme suit.

[4]                 La demanderesse Fortier fabrique et vend plusieurs types de voûtes préfabriquées. Ces voûtes sont en forme d'arche et n'ont pas de radier, c'est-à-dire sans plateforme de support, et ne formeraient pas, selon elle, un objet de forme cylindrique ou tubulaire.

[5]                 Le défendeur Marcel Matière est l'inventeur et le titulaire des brevets canadiens en litige.

[6]                 Selon la demanderesse, les revendications des brevets viseraient notamment des voûtes avec radiers, en forme de tube et/ou ayant des murs semi-cylindriques.


[7]                 La position de la demanderesse est qu'elle ne contrefait pas les brevets en litige en ce que ses activités ne seraient pas clairement visées par les revendications des brevets notamment en raison du fait que les voûtes qu'elle construit ne comporteraient pas de radier et ne seraient pas de forme cylindrique ou tubulaire contrairement aux descriptions contenues aux revendications des brevets. De plus, la demanderesse soutient que ses voûtes préfabriquées reprennent les éléments de l'art antérieur qui sont dans le domaine public depuis fort longtemps.

[8]                 La demanderesse a intenté une action contre, entre autres, le défendeur Matière afin de faire déclarer par la Cour notamment qu'aucune des revendications des brevets ne couvre les voûtes préfabriquées de Fortier.

[9]                 Le défendeur Matière a déposé sa défense et s'est porté demandeur reconventionnel en compagnie de Béton Provincial Ltée.

[10]            En janvier 2003, la Cour a permis à la demanderesse d'amender sa réponse et sa défense reconventionnelle afin d'y ajouter des conclusions relatives à l'invalidité des revendications des brevets en raison qu'elles viseraient des éléments de l'art antérieur divulgués publiquement par le passé.

[11]            Il y a lieu maintenant de procéder à l'analyse des questions toujours en litige en procédant catégorie par catégorie et en débutant avec la requête de la demanderesse.

Analyse

I.           Requête de la demanderesse

[12]            Les questions ou engagements restants débutent à la catégorie 3. À cet égard, la demanderesse ne m'a pas convaincu qu'il s'agissait ici d'engagements clairs de la part du défendeur. Partant je préfère regarder cette catégorie quant au mérite substantif ou non des questions soulevées.

[13]            Les engagements 19 et 20 sous cette catégorie cherchent à savoir si la lecture des ouvrages de la demanderesse par le défendeur amène ce dernier à considérer que lesdits ouvrages présentent un tube. Ces questions, bien qu'elles s'attardent aux biens de la demanderesse et que cette dernière devrait connaître ses produits et bien que ces mêmes questions arborent un aspect technique, il m'apparaît que le défendeur devra y répondre puisqu'elles demeurent néanmoins de nature factuelle et que le défendeur, qui est l'inventeur en l'espèce, peut y répondre.


[14]            Dans l'affaire Foseco Trading A.G. c. Canadian Ferro Hot Metal Specialties, Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 35, Madame le juge Reed a dû apprécier le bien-fondé d'une question demandant des renseignements ayant à la fois un caractère factuel et un caractère technique. Elle s'est exprimée ainsi, à la page 52 :

Il m'a toutefois été impossible de trouver une énonciation du principe qu'il convient d'appliquer dans une cause comme celle qui nous occupe, où les renseignements demandés ont un caractère technique (et pourraient, pour cette raison, être fournis dans l'affidavit d'un témoin expert), mais sont connus de la partie demanderesse et lorsque la question a un caractère factuel, bien qu'on puisse dire qu'elle oblige le témoin à exprimer un avis, dans la mesure où de nombreuses affirmations de « fait » nécessitent l'expression d'une « opinion » . Je suis donc d'avis que dans de tels cas, le principe qui doit s'appliquer est que le caractère factuel de la question a la préséance, et qu'une réponse doit être fournie à la question.

[15]            Toutefois pour ce qui est de l'engagement 21 sous cette catégorie 3 de même que pour les engagements sous la catégorie 4, les questions alors posées sont beaucoup plus larges et vastes que les engagements 19 et 20 ci-dessus discutés. Ces engagements n'auront donc pas à recevoir réponse parce que ce serait là demander au défendeur d'interpréter les revendications des brevets visés.

[16]            Quant à la question sous la catégorie 6, elle vise une analyse d'un ouvrage du défendeur. Cet exercice n'est pas pertinent en l'espèce. Cette question n'a pas à recevoir réponse.

[17]            Quant à la question sous la catégorie 8, je ne crois pas qu'il soit approprié et qu'il revienne donc au défendeur d'indiquer si une définition du dictionnaire s'applique à une situation donnée. Cette question n'a pas à être répondue.

[18]            Quant à la catégorie 9, les deux questions qui s'y trouvent visent carrément à engager le défendeur dans une interprétation des revendications d'un brevet. Cette tâche revient à la Cour et aux experts. Ces questions n'ont pas à être répondues.

[19]            Quant à la catégorie 10, et plus spécialement quant aux questions restantes sous cette catégorie, elles visent à ce que le défendeur identifie le caractère innovateur et inventif de ses brevets. Or, la question du caractère innovateur de toute invention en est une qu'il appartient à la Cour de trancher à la lumière des témoignages d'experts en la matière sur les connaissances générales et sur l'art antérieur (voir Jackmorr Manufacturing Ltd. v. Waterloo Metal Stampings Ltd. (1985), 8 C.P.R. (3d) 271, à la page 275). Ces questions n'ont donc pas à recevoir réponse.

II.         Requête du défendeur Marcel Matière

[20]            Quant aux questions restantes sous cette requête, il y a lieu d'adjuger comme suit.

[21]            Quant aux questions 4, 5 et 16 (page 316, dossier de requête du défendeur), ces questions devront recevoir réponse puisqu'elles visent un exercice factuel, avec des aspects techniques, qui est permis par l'arrêt Foseco, supra, paragraphe [14].

[22]            Quant aux questions 9 et 10, elles sont d'une facture beaucoup trop hypothétique pour qu'elles doivent recevoir réponse. Elles n'auront donc pas à être répondues.


[23]            En résumé quant aux deux requêtes à l'étude et quant à l'échéancier à poursuivre dans le présent dossier, les parties devront se gouverner comme suit :

1.          Au plus tard le 12 septembre 2003, les parties fourniront des réponses aux questions sur lesquelles elles se sont entendues ainsi qu'à celles ordonnées ici par la Cour.

2.         Au plus tard le 30 septembre 2003, les parties produiront de nouveau leur(s) témoins pour réinterrogatoire. Quant au réinterrogatoire de M. Matière, il m'apparaît que vu que l'invalidité des brevets sera soulevée en interrogatoire à son égard pour la première fois, vu que les questions ordonnées ici à son encontre sont peu nombreuses, vu que ce dernier réside en France, si la demanderesse souhaite le réinterroger en personne, elle devra débourser les coûts de son déplacement.

3.         Au plus tard le 30 octobre 2003, les parties signifieront et déposeront toute requête pour faire trancher, si cela s'avère nécessaire, les objections soulevées et les engagements pris lors des réinterrogatoires de leur(s) témoin(s) pour lesquels des réponses n'ont pas été fournies.


4.         Dans la mesure où aucune discussion de conciliation ne sera en cours après cette date, la demanderesse signifiera et déposera une demande de conférence préparatoire au plus tard le 17 novembre 2003.

[24]            Comme le succès est largement divisé quant aux deux requêtes à l'étude, il n'y a pas lieu d'accorder de dépens à leur égard à l'une ou l'autre des parties.

Richard Morneau

protonotaire


                                                                              COUR FÉDÉRALE

Date : 20030827

Dossier : T-611-01

Entre :

FORTIER 2000 LTÉE

                                                                                                                                                                        demanderesse

et

MARCEL MATIÈRE

                                                                                                                                                                                défendeur

et

MARCEL MATIÈRE

et

BÉTON PROVINCIAL LTÉE

                                                                                                                                             demandeurs reconventionnels

et

FORTIER 2000 LTÉE

                                                                                                                                         défenderesse reconventionnelle

                                                                                                                                                                            

                                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                              ET ORDONNANCE

                                                                                                                                                                            


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-611-01

FORTIER 2000 LTÉE

                                                                                              demanderesse

et

MARCEL MATIÈRE

                                                                                                    défendeur

et

MARCEL MATIÈRE

et

BÉTON PROVINCIAL LTÉE

                                                                     demandeurs reconventionnels

et

FORTIER 2000 LTÉE

                                                                 défenderesse reconventionnelle


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE : le 22 août 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU :27 août 2003

ONT COMPARU :


Me Pascal Lauzon

POUR LA DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Me Katherine Stachrowski

POUR LE DÉFENDEUR ET LES DEMANDEURS RECONVENTIONNELS


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE/DÉRENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Gowling Lafleur Henderson

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR ET LES DEMANDEURS RECONVENTIONNELS

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