Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030212

Dossier : IMM-826-02

Référence neutre : 2003 CFPI 154

Toronto (Ontario), le mercredi 12 février 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                         PARMINDER SINGH SAINI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE SNIDER

[1]              Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative à une décision en date du 7 février 2002 par laquelle une agente de Citoyenneté et Immigration (l'agente d'immigration) a statué qu'il n'existait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire justifiant le traitement de la demande de résidence permanente de Parminder Singh Saini (le demandeur) depuis l'intérieur du Canada.


LES FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE

[2]              En 1984, le demandeur, qui est originaire de l'Inde, a été reconnu coupable au Pakistan d'avoir détourné un avion de passagers de l'Inde au Pakistan. Après avoir passé dix ans en prison au Pakistan, il est arrivé au Canada sous un faux nom en février 1995 et a réussi à obtenir le statut de réfugié. Vers septembre 1995, sa véritable identité a été dévoilée et les autorités de l'immigration l'ont arrêté.

[3]              Le demandeur a fait l'objet d'un rapport fondé sur l'alinéa 19(1)c) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) et il a été conclu qu'il n'était pas admissible à rester au Canada. Une mesure de renvoi assortie de conditions a été prise contre lui et la ministre l'a avisé qu'elle songeait à établir un certificat attestant qu'il constitue un danger pour le public. Finalement, après plusieurs autres procédures, un certificat de cette nature a été établi au sujet du demandeur en 1997.

[4]              Le demandeur a obtenu un pardon à l'égard de l'infraction qu'il avait commise au Pakistan et a engagé une action devant la Cour fédérale afin d'obtenir un jugement déclaratoire portant qu'il ne pouvait être renvoyé en raison du pardon. Le demandeur a eu gain de cause devant la Section de première instance (Saini c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 253 (C.F. 1re inst.), mais la Cour d'appel fédérale a infirmé cette décision (Saini c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] C.S. C.A. n ° 622, et la demande d'autorisation d'interjeter appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada a été rejetée.


[5]              En juin 2000, le demandeur a demandé pour des raisons d'ordre humanitaire, conformément au paragraphe 114(2) de la Loi, une dispense de l'obligation de demander la résidence permanente depuis l'extérieur du Canada comme l'exige le paragraphe 9(1) de la Loi. Dans le cadre de sa demande, le demandeur a présenté des documents au sujet du risque auquel il serait exposé s'il retournait en Inde et des études universitaires qu'il a poursuivies au Canada, des lettres d'appui de différentes sources, une preuve de son indépendance économique, sa lettre de pardon du gouvernement pakistanais et une déclaration personnelle. L'agente d'immigration a rejeté la demande de dispense.

[6]              Depuis la décision que l'agente d'immigration a rendue et qui est en litige en l'espèce, le demandeur a également demandé un réexamen de l'avis de danger. Cette demande a été rejetée et la Cour fédérale est actuellement saisie d'une demande visant à obtenir l'autorisation d'interjeter appel de cette décision.

LA DÉCISION DE L'AGENTE D'IMMIGRATION

[7]              Après avoir passé en revue la preuve que le demandeur a présentée, l'agente d'immigration s'est exprimée comme suit :


[TRADUCTION] L'avocat du demandeur, M. Lorne Waldman, a soutenu que son client était très jeune lorsqu'il a commis l'infraction. Il a réagi de façon émotive à un moment historique, après l'attaque du Temple d'or par l'armée indienne au cours de laquelle de nombreuses personnes ont été tuées, y compris des Sikhs innocents. Le demandeur craint de retourner en Inde, parce que les droits de la personne ne sont pas respectés dans ce pays et que d'autres personnes qui se trouvaient dans une situation similaire et y sont retournées ont été tuées. De l'avis de l'avocat, le demandeur, qui est une personne bien connue en raison de la nature du crime qu'il a commis, risque d'être violemment agressé en Inde. L'avocat a fourni des documents, notamment des rapports concernant les atteintes aux droits de la personne commises à l'encontre des Sikhs du Punjab, et des déclarations de différentes personnes, comme celle d'un avocat du Punjab qui est spécialisé en droits de la personne et qui est actuellement conseiller en droit étranger pour la Law Society of British Columbia. L'avocat a ajouté que de nombreuses années se sont écoulées et qu'il s'agit de la seule infraction dont le demandeur a été reconnu coupable. Pendant les sept années qu'il a passées au Canada, soit près de quatre ans depuis qu'il a été relâché par les autorités de l'immigration, il n'a pas constitué un danger pour le public ni n'a été reconnu coupable d'une autre infraction.

[8]              Toutefois, l'agente d'immigration a conclu que le risque personnel auquel le demandeur pourrait être exposé à son retour en Inde était nettement inférieur au danger qu'il pouvait constituer lui-même pour le public canadien :

[TRADUCTION] J'ai pris connaissance des documents fournis et je reconnais les facteurs de risque que le demandeur et son avocat ont invoqués. Je souligne également que le demandeur a commis une infraction terrifiante pour le peuple civilisé. Il a été déclaré coupable et condamné et a passé dix ans en prison par suite de cette infraction. La Cour fédérale du Canada a décidé que le pardon que le demandeur a obtenu du gouvernement pakistanais n'a pas les mêmes effets que le pardon accordé au Canada. De plus, elle a confirmé la validité de la mesure d'expulsion prise par la ministre ainsi que de l'avis de danger que celle-ci a établi. Le temps écoulé depuis le crime ne réduit pas en soi la gravité de celui-ci. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que le risque personnel auquel le demandeur serait exposé à son retour en Inde serait supérieur au risque qu'il représente lui-même pour le public canadien. Après avoir examiné tous les renseignements fournis, je ne suis pas convaincue que le préjudice que le demandeur subirait à son retour en Inde serait démesuré ou qu'il ne serait pas mérité.

[9]              En conclusion, l'agente d'immigration n'a pas conclu que l'établissement du demandeur justifiait une dispense de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi.


ARGUMENTS

Les arguments du demandeur

[10]          Le demandeur soulève trois questions dans ses observations écrites :

·                        L'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d'évaluer la nature du risque auquel le demandeur était exposé?

·                        L'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada à l'heure actuelle et qu'il n'existait pas de raisons d'ordre humanitaire justifiant une dispense à son égard?

·                        L'article 7 de la Charte s'applique-t-il à la question de savoir si le demandeur devrait être renvoyé en Inde dans des circonstances où il pourrait être exposé à la torture?

[11]          Au cours des plaidoiries, le demandeur a souligné que sa question concernant l'article 7 de la Charte n'est plus pertinente, compte tenu des dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) qui concernent l'évaluation des risques avant le renvoi (ERAR). En conséquence, cette question n'a pas été débattue pendant les plaidoiries.

[12]          En ce qui concerne la première question, le demandeur a fait valoir que la procédure qu'a suivie l'agente d'immigration était boiteuse et n'était pas conforme aux principes de justice fondamentale. L'agente d'immigration devait, en l'espèce, évaluer le risque auquel le demandeur était exposé et le comparer à celui qu'il représentait pour le public. Même si l'agente d'immigration a reconnu que le demandeur était exposé à un risque, elle a omis d'évaluer ou de quantifier la nature et l'ampleur du risque en question. Elle n'a pas expliqué dans ses motifs la façon dont cette pondération a été faite. Le seul facteur négatif dans le cas du demandeur était l'avis de danger. Selon le demandeur, la décision de l'agente d'immigration ne pourrait être confirmée si elle faisait l'objet d'un examen approfondi; il ne s'agissait pas d'une décision raisonnable, quelle que soit la norme appliquée.

[13]          En ce qui a trait à la deuxième question, le demandeur a fait valoir que l'agente d'immigration a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il constituait un risque pour le public. Selon le demandeur, le temps écoulé est directement pertinent quant à la question de savoir s'il constituait encore un danger pour le public à la date de la décision. L'agente d'immigration doit en arriver à une décision contemporaine quant à la question de savoir si le demandeur représentait un danger pour le public. La décision antérieure de la ministre ne suffit pas. L'avis de danger a été établi en 1997, alors que le demandeur était incarcéré. Il est maintenant en liberté depuis plus de cinq ans et n'a commis aucun acte criminel.


Les arguments du défendeur

[14]          Le défendeur a soutenu que la Cour doit examiner la nature de la décision de l'agente d'immigration. Si sa demande était accueillie, le demandeur obtiendrait une dispense à l'égard de l'obligation de demander le statut d'immigrant admis depuis l'extérieur du Canada.

[15]          Selon le défendeur, la décision de l'agente d'immigration appelle une très grande retenue.

[16]          De l'avis du défendeur, la décision de l'agente d'immigration était raisonnable. L'agente n'a pas ignoré les facteurs qui jouaient en faveur du demandeur. Elle a souligné les liens entre le demandeur et le Canada, les atteintes aux droits de la personne commises en Inde et le fait que le demandeur n'a pas récidivé. Ces faits ont été soupesés par rapport à la preuve indiquant que le demandeur était un terroriste qui avait mis de nombreuses vies en danger. Il s'agissait là d'une conclusion raisonnable et la Cour ne devrait pas réévaluer la preuve. La Cour suprême du Canada a déjà statué que la décision dans laquelle un représentant du ministre évalue des questions de sécurité par rapport au risque auquel un demandeur serait exposé s'il était renvoyé mérite une grande retenue (Suresh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. n ° 3 (QL)).

ANALYSE

[17]          Pour les motifs exposés ci-après, j'estime que la présente demande devrait être rejetée.

[18]          Il est important de souligner la nature de la décision de l'agente d'immigration. Voici les dispositions législatives pertinentes :

9. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), sauf cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.

9. (1) Except in such cases as are prescribed, and subject to subsection (1.1), every immigrant and visitor shall make an application for and obtain a visa before that person appears at a port of entry.

...

...

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

...

...

(c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger :

(c.1) persons who there are reasonable grounds to believe

(i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis l'expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l'infraction...

(i) have been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more...

...

...

46.01 (1) La revendication de statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

46.01 (1) A person who claims to be a Convention refugee is not eligible to have the claim determined by the Refugee Division if the person:

...

...

e) l'arbitre a décidé, selon le cas :

(e) has been determined by an adjudicator to be:

i) qu'il appartient à l'une des catégories non admissibles visées à l'alinéa 19(1)c) ou au sous-alinéa 19(1)c.1)(i) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada...

(i) a person described in paragraph 19(1)(c) or subparagraph 19(1)(c.1)(i) and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada...

...

...

114.(2) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, autoriser le ministre à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense d'application d'un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou à faciliter l'admission de toute autre manière.

114. (2) The Governor in Council may, by regulation, authorize the Minister to exempt any person from any regulation made under subsection (1) or otherwise facilitate the admission of any person where the Minister is satisfied that the person should be exempted from that regulation or that the person's admission should be facilitated owing to the existence of compassionate or humanitarian considerations.

[19]          Je souscris aux commentaires suivants du défendeur :

[TRADUCTION] La révision des raisons d'ordre humanitaire constitue un examen spécial supplémentaire que peut demander la personne sollicitant une dispense de l'application des règles canadiennes en matière d'immigration dont l'application est par ailleurs universelle :

Ceux qui se plaignent de ne pas avoir bénéficié de l'application d'un règlement adopté en vertu du paragraphe 114(2) se plaignent en fait de ne pas avoir bénéficié d'un avantage particulier....La Cour ne devrait pas gêner l'exercice du pouvoir discrétionnaire par un agent ou un organisme autorisé par la loi à exercer ce pouvoir discrétionnaire, sauf s'il est clair que ce pouvoir a été exercé de mauvaise foi ou pour des raisons qui n'étaient pas liées aux objectifs pour lesquels le pouvoir discrétionnaire est accordé.

Vidal c. Canada (M.E.I.) (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 123, 49 Admin. L.R. 118, 41 F.T.R. 118

Mémoire du défendeur, au paragraphe 7

(souligné dans l'original)


[20]          Il ne s'agissait pas d'une EAAR, ni d'une démarche qui pouvait mener à un avis de danger ou à un réexamen d'un avis de danger. À cet égard, je souligne que le demandeur demande actuellement un réexamen de l'avis de danger et serait admissible à demander une ERAR conformément aux dispositions de la LIPR.

[21]          L'agente d'immigration a manifestement tenu compte de tous les facteurs pertinents qui favorisent la cause du demandeur, notamment :

·                        le risque auquel le demandeur serait exposé s'il devait retourner en Inde;

·                        le fait qu'il n'a pas constitué un danger pour le public ni n'a été reconnu coupable d'une autre infraction au cours des quatre années qui ont suivi sa libération;

·                        le soutien familial et communautaire dont le demandeur a bénéficié.

[22]          Ces facteurs ont été évalués par rapport à la gravité de l'infraction que le demandeur avait commise, à l'existence d'une mesure d'expulsion et à l'avis de danger délivré par la ministre.

[23]          À mon sens, le demandeur soutient que je devrais réévaluer les facteurs et accorder plus d'importance à ceux qui militent en sa faveur. Je refuse de le faire.


[24]          Plus précisément, le demandeur soutient que la ministre aurait dû « quantifier » ou évaluer les facteurs dans ses motifs. À mon avis, l'agente d'immigration n'était pas tenue, dans les circonstances de la présente affaire, de fournir une analyse plus détaillée au soutien de son évaluation. La décision qu'elle a prise était raisonnable, compte tenu de la preuve. Le fait que l'avis de danger est encore en vigueur revêt une importance particulière en l'espèce. Tant et aussi longtemps que cet avis est en vigueur, il appuie vivement la déclaration suivante de l'agente d'immigration : [TRADUCTION] « je ne suis pas convaincue que le risque personnel auquel le demandeur serait exposé à son retour en Inde serait supérieur au risque qu'il représente lui-même pour le public canadien » . L'agente d'immigration a reconnu la validité de la conclusion de la ministre qui a délivré l'avis de danger. Il ne s'agissait pas en l'espèce d'une instance dans laquelle le statut de cet avis était contesté. En conséquence, il était raisonnable de la part de l'agente d'accorder beaucoup de poids à ce facteur dans sa décision.

[25]          En ce qui a trait à la deuxième question, le demandeur soutient que l'agente d'immigration aurait dû tenir compte du temps écoulé depuis la délivrance de l'avis de danger. Pendant cette période, le demandeur était en liberté et ne s'est livré à aucune activité criminelle. Le demandeur a cité plusieurs décisions dans lesquelles la Cour fédérale a jugé que le temps écoulé était pertinent.

[26]          À mon avis, les trois décisions citées ne sont pas particulièrement utiles; deux d'entre elles concernaient des demandes de contrôle judiciaire relatives au refus d'une demande de réadaptation et de résidence permanente (Dee c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 345 (C.F. 1re inst.); Thamber c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. n ° 332 (C.F. 1re inst.) (QL)), tandis que l'autre concernait un avis de danger (Thompson c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. n ° 1097 (C.F. 1re inst.) (QL)). Ce n'est pas le cas en l'espèce.

[27]          Il est également possible de faire d'autres distinctions fondées sur la nature des infractions initiales. En ce qui a trait à l'infraction que le demandeur a commise, voici ce qu'a dit la Cour d'appel fédérale dans Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Parminder Singh Saini, [2002] 1 C.F. 200, au paragraphe 43 :

... La gravité du crime de détournement d'avion est évidente: cet acte est universellement condamné et sévèrement puni. Bien qu'il n'y ait aucun élément de preuve au sujet des circonstances précises entourant la perpétration de ce délit, le détournement d'avion constitue une infraction qui est toujours très grave. L'article 76 du Code criminel en fait une infraction punissable d'emprisonnement à perpétuité. Le Canada a ratifié des traités internationaux, comme la Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, signée à La Haye le 16 décembre 1970, 860 R.T.N.U. 105 et la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, conclue à Montréal le 23 septembre 1971, 974 R.T.N.U. 178, qui reconnaissent que la piraterie aérienne compromet la sécurité des personnes et des biens, gêne sérieusement l'exploitation des services aériens et mine la confiance des peuples du monde dans la sécurité de l'aviation civile. Ces instruments juridiques internationaux n'obligent pas le Canada à refuser l'admission à toute personne reconnue coupable de détournement d'avion, mais insistent fortement sur la gravité de ce crime et encouragent les signataires à réprimer de peines sévères la piraterie aérienne, à prendre des mesures pour en décourager la perpétration et, de façon générale, à collaborer entre eux pour condamner ce crime sur le plan international. Il est évident que la piraterie aérienne est considérée comme une des infractions pénales les plus graves. Un détournement d'avion est susceptible de combiner en un seul acte de nombreuses infractions, dont la prise d'otages, la séquestration, le vol, les voies de fait, l'extorsion et même le meurtre. Il comporte la violation de droits de la personne individuels tels que le droit à la vie, à la sécurité de sa personne et à la liberté de circulation. Il nuit économiquement aux compagnies aériennes, aux industries connexes et à l'économie en général. Le détournement d'avion ne se résume pas à la simple capture d'un avion en tant que fin en soi; il s'agit de la prise de contrôle d'un aéronef en vue de s'en servir [traduction] « comme un outil de coercition et d'extorsion psychologiques contre des États » (voir P. Wilkinson, Terrorism and the Liberal State (Londres: Macmillan Press, 1977), à la page 207). Qui plus est, les victimes de ce crime ne se limitent pas aux personnes qui ont la malchance d'être physiquement touchées, et ces effets ne se bornent pas à un seul État. La piraterie aérienne terrorise tous les États et la société dans son ensemble.


[28]          Contrairement à ce que le demandeur soutient, l'agente d'immigration n'a pas ignoré le temps écoulé et elle a fait explicitement allusion à cet aspect dans sa décision. Néanmoins, elle a conclu que la gravité de l'infraction avait une importance considérable. Cette évaluation était raisonnable. En conséquence, en disant qu'elle n'était pas convaincue [TRADUCTION] « que le demandeur subirait un préjudice inusité, démesuré ou non mérité s'il devait quitter le Canada et demander un visa d'immigrant par les voies normales » , elle n'a pas tiré une conclusion déraisonnable.

[29]          Compte tenu de toutes les circonstances de la présente affaire, je suis d'avis que la décision de l'agente d'immigration devrait être confirmée.

Question à faire certifier

[30]          Le défendeur a suggéré la question suivante à faire certifier :

1.          Dans une demande CH fondée sur le risque auquel le demandeur est exposé, l'agent d'immigration est-il tenu de quantifier le risque? Dans l'affirmative, quelles sont les normes minimales à appliquer à l'égard de la quantification du risque?

[31]          Je souligne que la présente demande, qui n'est que l'une des nombreuses affaires concernant le demandeur que les agents d'immigration ont examinées et dont la Cour fédérale a été saisie, est très inhabituelle et je doute que cette question soit une question de portée générale. En conséquence, je refuse de certifier la question.


                                           ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                    « Judith A. Snider »             

                                                                                                             Juge                             

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :                               IMM-826-02

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Parminder Singh Saini

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :                              le mercredi 5 février 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                          Madame le juge Snider

DATE DES MOTIFS :                                     le mercredi 12 février 2003

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman                                                                        POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman                                                                        POUR LE DEMANDEUR

Avocat

281 Eglinton Avenue East

Toronto (Ontario) M4P 1L3

Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                    Date : 20030212

                          Dossier : IMM-826-02

ENTRE :

PARMINDER SINGH SAINI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                             

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.