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                                                                    Date : 20020109

                                                               Dossier : IMM-672-01

                                                  Référence neutre : 2002 CFPI 18

Entre :

                              NOELLA MIHAYO

                                                             demanderesse

                                  - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

   La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 17 janvier 2001 dans laquelle la Section du statut de réfugiéde la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention et que sa version des faits n'avait pas un minimum de fondement conformément au paragraphes 2(1) et 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

   La demanderesse, Noella Mihayo, est une citoyenne rwandaise. Elle prétend avoir une crainte fondée de persécution du fait de son appartenance à un groupe social et de ses opinions politiques.

   La Commission a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention parce qu'elle n'était pas suffisamment crédible.


   Dans la présente demande, il faut dans un premier temps déterminer si la Commission a commis une erreur en concluant que la demanderesse n'était pas crédible. Pour ce qui est de la crédibilité et de l'appréciation de la preuve, il est confirméque la Cour ne peut pas substituer sa décision à celle d'un tel tribunal lorsque le demandeur n'a pas établi que ce dernier a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7).

   En outre, la Commission est autorisée à conclure que le demandeur n'est pas crédible en raison d'invraisemblances dans son témoignage, dans la mesure où les conclusions de la Commission ne sont pas déraisonnables (voir Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.) et où ses motifs sont exprimés en « termes clairs et explicites » (Hilo c. Canada (M.E.I.), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.)).

   En l'espèce, la Commission a conclu clairement et sans équivoque que la demanderesse n'était pas crédible et a donné des motifs détaillés à l'appui de sa décision, citant des contradictions et des invraisemblances dans la déposition orale de la demanderesse, son formulaire de renseignements personnels, les notes prises au point d'entrée et la preuve documentaire. Après avoir examiné la preuve et sans adopter l'analyse de la Commission dans tous ses détails, je ne suis pas convaincu que les conclusions de la Commission, qui est un tribunal spécialisé, ne pouvaient être raisonnablement tirées (Aguebor, précité).

   La demanderesse affirme que la Commission n'a pas agi de façon impartiale en l'espèce et à l'égard des habitants de l'Afrique noire en général. Elle fonde son argument sur une décision antérieure du commissaire Beaubien-Duque, mais elle ne fournit aucun exemple concret et sérieux d'incidents propres à la présente affaire.


   En outre, l'affidavit de M. Tello ne me convainc pas qu'il y a eu partialitéen l'espèce. Premièrement, M. Tello n'a pas assisté à l'audience et tous ses arguments sont fondés sur les perceptions et les observations de la demanderesse. De plus, il est un collègue de l'avocat de la demanderesse, ce qui ne me convainc pas de l'objectivité de ses opinions. Enfin, l'énumération de plusieurs décisions où il y a pu y avoir une apparence d'impartialité ne rend pas automatiquement invalide la décision contestée en l'espèce.

   Sur ce point, la demanderesse ne m'a pas convaincu qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que la Commission aurait pu ne pas trancher l'affaire de manière objective (Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394).

À mon avis, les arguments de la demanderesse fondés sur la Charte canadienne des droits et libertés et les diverses conventions internationales sont prématurés parce que la décision en cause ne constitue pas l'étape finale du processus d'expulsion de la demanderesse; on n'y fait que conclure que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention (Barrera c. Canada (M.E.I.), [1993] 2 C.F. 3 (C.A.F.)). En outre, la conclusion de la Commission que la demanderesse n'est pas crédible indique qu'elle ne serait pas persécutée si elle devait être renvoyée au Rwanda. En conséquence, le Canada ne manquerait pas à ses obligations internationales en matière de droits de la personne en expulsant la demanderesse.

Enfin, la demanderesse prétend que la Commission n'a pas tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ni de la situation actuelle des femmes au Rwanda. De façon générale, le fait que la Commission ne mentionne pas certains éléments de preuve documentaire dans ses motifs n'est pas fatal quant à sa décision (voir l'arrêt Hassan c. Canada (M.E.I.) (1992), 147 N.R. 317, à la page 318 (C.A.F.)).


En l'espèce, la Commission a dans sa décision énoncé les éléments de preuve au dossier. Après une évaluation approfondie de ceux-ci, la Commission a conclu qu'ils ne permettaient pas d'établir que la demanderesse avait une crainte fondée de persécution. À mon avis, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la perception de la Commission selon laquelle la demanderesse n'était pas crédible équivaut en fait à une conclusion qu'il n'y avait aucun élément de preuve crédible à l'appui de sa revendication du statut de réfugié (Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244 (C.A.F.)).

Je ne suis pas convaincu que la Commission n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents ou que son appréciation de la preuve documentaire était déraisonnable. Àmon avis, les conclusions tirées par la Commission étaient raisonnables compte tenu du fait que la demanderesse a été jugée non crédible.

Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Je suis généralement d'accord avec les observations écrites déposées par l'avocat du défendeur (lettre datée du 20 décembre 2001, déposée le même jour) pour s'opposer à la certification des [TRADUCTION] « Questions proposées aux fins de certification » déposées par la demanderesse. En réalité, j'estime que les questions proposées ne satisfont pas aux exigences du paragraphe 83(1) de la Loi, exigences qu'explique le juge Décary de la Cour d'appel fédérale dans Liyanagamage c. M.C.I., 176 N.R. 4, à la page 5 :

Lorsqu'il certifie une question sous le régime du paragraphe 83(1), le juge des requêtes doit être d'avis que cette question transcende les intérêts des parties au litige, qu'elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [voir l'excellente analyse de la notion d' « importance » qui est faite par le juge Catzman dans la décision Rankin v. McLeod, Young, Weir Ltd. et al., (1986), 57 O.R. (2d) 569 (H.C. de l'Ont.)] et qu'elle est aussi déterminante quant àl'issue de l'appel. Le processus de certification qui est visé à l'article 83 de la Loi sur l'immigration ne doit pas être assimilé au processus de renvoi prévu à l'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale ni être utilisé comme un moyen d'obtenir, de la Cour d'appel, des jugements déclaratoires à l'égard de questions subtiles qu'il n'est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée. [caractères gras ajoutés par le défendeur]


En conséquence, les questions proposées ne seront pas certifiées.

« Yvon PINARD »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 9 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                                    Date : 20020109

                                                               Dossier : IMM-672-01

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2002

En présence de monsieur le juge Pinard

Entre :

                              NOELLA MIHAYO

                                                             demanderesse

                                  - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 17 janvier 2001 dans laquelle la Section du statut de réfugiéde la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention est rejetée.

« Yvon PINARD »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                          IMM-672-01

INTITULÉ:                          Noella Mihayo

- et -

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :             le 21 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :           monsieur le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                   le 9 janvier 2002

COMPARUTIONS:

M. Stewart Istvanffy                                     POUR LA DEMANDERESSE

M. François Joyal                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Stewart Istvanffy                                     POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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