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Date : 20000517


Dossier : IMM-2465-00



ENTRE :


MARCUS FABIAN EMMANUEL



demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS D'ORDONNANCE


LE JUGE DAWSON


[1]      Le 6 juin 1997, une mesure d'expulsion a été prise contre Marcus Fabian Emmanuel. La présente ordonnance a été rendue conformément au paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (la Loi) au motif que la Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié avait conclu que M. Emmanuel appartenait à la catégorie de personnes décrite au sous-alinéa 27(1)d)(i) de la Loi. En l'espèce, M. Emmanuel était une personne reconnue coupable d'avoir commis des infractions prévues au Code criminel à l'égard desquelles une peine d'emprisonnement de plus de six mois avait été imposée.


[2]      Monsieur Emmanuel a formé un appel contre cette décision devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le 10 septembre 1997, la Section d'appel a statué que le demandeur s'était désisté de son appel.

[3]      Aucune demande de contrôle judiciaire n'a été présentée à l'égard de cette décision, mais je ferai des remarques plus loin sur une demande liée mais non opportune.

[4]      Un autre rapport fondé sur le paragraphe 27(2) de la Loi a été produit au sujet de M. Emmanuel le 26 avril 2000. Ce rapport a été produit car le demandeur avait fait l'objet d'autres déclarations de culpabilité.

[5]      Le 3 mai 2000, une convocation enjoignant à M. Emmanuel de se présenter à un certain endroit en vue d'être renvoyé du Canada le 18 mai 2000 a été remise à ce dernier.

[6]      Monsieur Emmanuel a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visant à faire annuler cette convocation et à obtenir, dans l'intérim, une ordonnance en sursis de l'exécution de celle-ci.

[7]      J'ai conclu que la demande de sursis ne doit pas être accueillie. Voici les motifs sur lesquels j'ai fondé ma décision de rejeter la demande.

[8]      Le critère applicable à une demande de sursis est bien établi. Pour obtenir gain de cause, le demandeur doit établir :

i)      que la demande fondamentale soulève une question grave à trancher;

ii)      qu'il subira un préjudice irréparable si la demande en sursis n'est pas accordée;

iii)      que la prépondérance des inconvénients est favorable à l'octroi du sursis.

[9]      En l'espèce, le demandeur a soutenu devant moi que l'affaire soulève une question grave vu que sa mère avait parrainé sa demande de droit d'établissement au Canada en 1990 afin qu'il puisse prendre soin d'elle, et qu'elle ne peut tout simplement [TRADUCTION] « survivre physiquement pendant longtemps en l'absence du demandeur » `.

[10]      Le demandeur dit que cela soulève une question grave, savoir si les principes que la Cour suprême a énoncés dans l'arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, s'appliquent. Aucun argument concernant l'existence d'une autre question grave ne m'a été soumis à l'audition de la présente demande.

[11]      Pour établir l'existence d'une question grave, on doit démontrer que la question est soulevée par la demande fondamentale et qu'elle est étayée par des éléments de preuve.

[12]      En l'espèce, la demande fondamentale cherche à obtenir une ordonnance en annulation de la convocation relative au renvoi du demandeur et non de la mesure d'expulsion. À mon avis, la convocation ne soulève pas, dans les circonstances, de question grave pour ce qui est de l'applicabilité de l'arrêt Baker.

[13]      Compte tenu de la date de la mesure d'expulsion, il n'est d'aucune utilité pour le demandeur de dire qu'il [TRADUCTION] « déposera une nouvelle demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire » .

[14]      Une autre demande a été présentée, après l'expiration du délai prescrit, pour le compte du demandeur, en vue d'obtenir l'autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire de même qu'une prorogation du délai applicable au dépôt d'une telle demande. C'est le demandeur lui-même qui a présenté la demande le 25 avril 2000. Dans cette demande, il cherche également à contester la décision du 6 juin 1997 dans laquelle la Section d'arbitrage a conclu qu'il appartenait à la catégorie de personnes décrite au sous-alinéa 27(1)d)(i) de la Loi.

[15]      La demande n'a pas été signifiée et aucun dossier n'a été déposé de façon à mettre la demande en état. L'avocat du demandeur ignorait l'existence de cette demande jusqu'à ce que l'avocate du ministre la mentionne, de façon appropriée et fort louable, à l'audition.

[16]      La demande du 25 avril 2000 n'était pas étayée par un affidavit. Dans l'avis de la demande, le demandeur a affirmé qu'il avait retenu les services d'un avocat pour s'occuper de son affaire, mais que [TRADUCTION] « l'avocat a disparu et le demandeur ignore ses allées et venues. Le demandeur demande donc une prorogation de délai » .

[17]      Je ne suis pas disposée à me fonder sur cette demande, qui n'a pas été signifiée et qui a été présentée presque trois ans après le fait, dans des circonstances où l'on avait statué que le demandeur s'était désisté d'un appel formé contre la décision qu'elle cherchait à faire annuler.

[18]      En ce qui concerne la preuve qui a été produite pour étayer la présente demande de sursis, le demandeur a déclaré dans son affidavit :

[TRADUCTION]
Ma mère, qui est vieille et malade, a parrainé ma demande en 1990. Je vis avec elle depuis mon arrivée en 1990. Ma mère est très malade et elle a besoin de mon aide sur plusieurs plans. Elle subirait un préjudice irréparable si je quittais le Canada. Sa pression artérielle est extrêmement élevée et elle a subi deux chirurgies. Elle dépend littéralement de moi sur tous les plans.
Que bien que je vive avec ma mère, ma conjointe de fait et les deux enfants de cette dernière, ma mère dépend exclusivement de moi, car je suis la personne la plus près d'elle, pour des raisons évidentes. L'une des raisons pour lesquelles ma mère a parrainé ma demande était pour que je prenne soin d'elle. Je suis son seul enfant au Canada. Ma soeur habite à Sainte-Lucie.

[19]      Dans un autre affidavit, dont j'ai permis le dépôt à l'audition de la demande, le demandeur déclare :

[TRADUCTION] Que je suis la seule personne qui fournit des soins à ma mère avec laquelle cette dernière a établi un lien, et ce pour des raisons évidentes. L'une des raisons pour lesquelles ma mère a parrainé ma demande était pour que je prenne soin d'elle. Je suis son seul enfant au Canada. Ma soeur habite à Sainte-Lucie.

[20]      Je n'accorde aucun poids à la déclaration non étayée du demandeur, qui porte sur une question à la fois de fait et de droit, selon laquelle sa mère subira un préjudice irréparable. J'estime que le reste de la preuve du demandeur ne saurait étayer sa déclaration générale selon laquelle sa mère [TRADUCTION] « dépend littéralement de moi sur tous les plans » .

[21]      La mère du demandeur n'a pas produit d'affidavit, bien que l'affidavit qui a été déposé tardivement fît état d'une lettre qui, selon le demandeur, provenait de sa mère. Voici en entier le libellé de la lettre, qui est très brève et qui ne porte pas de date :

[TRADUCTION]
À qui de droit,
J'écris la présente lettre pour vous avisez qu'en 1993 et 1995, j'ai subi deux chirurgies importantes.
Depuis ces chirurgies, j'ai des problèmes de santé.

[22]      À mon avis, cela n'étaye pas les conclusions que le demandeur a tirées dans son affidavit. Je fais une inférence défavorable, sur la base de cet élément de preuve ténue et limitée, que la mère du demandeur n'a pas fourni de preuve à l'appui, bien qu'elle fût la personne la mieux placée pour fournir une telle preuve.

[23]      Cette preuve est insuffisante, à mon avis, pour étayer le point de droit du demandeur selon lequel la portée de l'arrêt Baker doit être étendue. Je ne fais aucune remarque en ce qui concerne le bien-fondé ou tout autre aspect de l'argument juridique du demandeur.

[24]      En conséquence, bien que ce volet du critère soit peu exigeant, je ne suis pas convaincu que le demandeur a établi que l'affaire soulevait une question grave. Sur la base de cette preuve, le demandeur ne m'a pas non plus convaincu qu'il avait établi l'existence d'un préjudice irréparable ni que la prépondérance des inconvénients était favorable à l'octroi du sursis.


[25]      En conséquence, la demande de sursis est rejetée.



« Eleanor R. Dawson »

                                             J.C.F.C.



Toronto (Ontario)

Le 17 mai 2000










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :              IMM-2465-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :          MARCUS FABIAN EMMANUEL

                     c.

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MARDI 15 MAI 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :              MERCREDI 17 MAI 2000

ONT COMPARU :              M. Munyonzwe Hamalengwa

                             Pour le demandeur

                     Mme Leena Jaakkimainen

                             Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

                     M. Munyonzwe Hamalengwa

                     Barrister & Solicitor

                     45, avenue Sheppard est, pièce 900

                     Toronto (Ontario)

                     M2N 5W9

                             Pour le demandeur

                     Mme Leena Jaakkimainen

                     Ministère de la Justice

                     First Canadian Place

                     130, rue King ouest, pièce 2400

                     Toronto (Ontario)

                     M5X 1K6

                             Pour le défendeur

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