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Date : 20030613

Dossier : T-278-03

Référence : 2003 CFPI 745

ENTRE :

                                                                    SOBEYS GROUP INC.

                                                                                                                                                         demanderesse

                                                                                     - et -

                                                               TOLIX HOLDINGS INC. et

ATLANTIC LOW TEMPERATURE SYSTEMS LIMITED

                                                                                                                                                         défenderesses

                                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Les défenderesses demandent une ordonnance portant suspension des procédures engagées dans la présente action qui a été introduite par déclaration de la défenderesse déposée le 17 février 2003. Elles demandent également une prorogation du délai pour le dépôt de leur défense, jusqu'à concurrence de 30 jours après la levée de toute suspension qui pourrait être accordée. La requête est introduite à la suite d'une action entamée par les défenderesses en janvier 2002 devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans laquelle elles reprochaient à la demanderesse, Sobeys Group Inc., et trois sociétés liées, la violation de contrats de licence et de confidentialité et la contrefaçon du brevet canadien no 2,268,241, délivré le 27 novembre 2001 à la défenderesse, Tolix Holdings Inc., à l'égard duquel elle a accordé une licence exclusive d'utilisation à Atlantic Low Temperature Systems Limited, l'autre demanderesse dans la présente requête.

[2]                 Tolix Holdings Inc. ( « Tolix » ) et Atlantic Low Temperature Systems Limited ( « ALTS » ) sont des sociétés constituées sous le régime des lois de la Nouvelle-Écosse. La demanderesse, Sobeys Group Inc. ( « Sobeys » ), est également une société constituée sous le régime des lois de la Nouvelle-Écosse. Elle a principalement pour activité l'exploitation de magasins de vente au détail de produits alimentaires, de centres de distribution et de camions réfrigérés. Elle exploite son activité non seulement en Nouvelle-Écosse, mais également dans les provinces de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et d'Ontario.

[3]                 Dans la présente action, Sobeys sollicite une déclaration à l'effet qu'elle n'a pas contrefait le brevet des défenderesses ainsi qu'une déclaration que les revendications 6 à 19 du brevet litigieux sont invalides et nulles.

[4]                 Le brevet litigieux a trait au maintien de la température optimale d'entreposage de produits biologiques. En 1999 et 2000, ALTS et Sobeys ont conclu deux contrats de licence, incorporant des contrats de confidentialité relatifs à l'utilisation par Sobeys de la technologie brevetée d'entreposage hypothermique des défenderesses. L'action introduite devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse prétend qu'il y a eu violation de ces contrats et contrefaçon du brevet.

[5]                 Dans cette action, Sobeys a demandé et obtenu des précisions supplémentaires au sujet des allégations formulées par les défenderesses Tolix et ALTS. Elle a également introduit sans succès une demande de précisions complémentaires devant la Cour de la Nouvelle-Écosse et elle a déposé sa défense dans cette action le 26 avril 2002. En partie, la défense affirme que le brevet litigieux est invalide et nul au regard de toutes ses revendications. Sobeys se défend également dans cette action en rejetant l'allégation de contrefaçon. Les parties ont échangé des listes de documents; elles ont signifié des demandes de renseignements, mais n'ont pas encore entamé les interrogatoires préalables.

[6]                 Dans la présente action introduite par Sobeys devant notre Cour, aucune démarche n'a encore été entreprise pour faire avancer l'action et aucune défense n'a encore été déposée bien qu'un projet de défense ait déjà été communiqué à la demanderesse.

[7]                 Tolix et ALTS demandent la suspension, sur la base du paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, ensemble ses modifications (la « Loi » ), en attendant l'issue finale de l'action S.H. no 176564 devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse; elles demandent également une prorogation - de 30 jours après la levée de toute suspension qui pourrait être accordée en l'espèce - du délai pour déposer une défense à la déclaration de Sobeys. Le paragraphe 50(1) de la Loi prévoit :

50. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire:

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

b) lorsque, pour quelque autre raison, l'intérêt de la justice l'exige.

50. (1) The Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter,

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.


[8]                 La suspension fondée sur l'article 50 de la Loi n'est accordée que dans les cas les plus clairs où la partie requérante établit que la poursuite de l'action serait oppressive ou vexatoire ou qu'elle constituerait un abus des procédures, alors que la suspension ne causerait aucune injustice à la partie intimée (voir Apotex Inc. c. AstraZeneca (Canada), [2003] A.C.F. no 224 au par. 12, confirmé en appel [2003] C.A.F. 235). Dans cette affaire, la Cour d'appel a confirmé l'octroi d'une suspension accordé dans une action devant la Cour fédérale introduite dans les trois semaines suivant l'introduction d'une action devant une cour provinciale, alors que dans les deux actions, les parties étaient les mêmes, les faits étaient les mêmes tout comme les causes d'action et les défenses et les mêmes questions en litige étaient circonscrites par des actes de procédure semblables et les mesures de redressement demandées étaient semblables, à l'exception d'une demande de la part d'Apotex devant la Cour fédérale en radiation d'enregistrements de droits d'auteur, une forme de mesure de redressement qui ne peut être obtenue devant la cour provinciale.

[9]                 Tolix et ALTS demandent que soient suivies en l'espèce la décision rendue dans Apotex ainsi que d'autres décisions au même effet, afin d'accorder la suspension. On fait valoir qu'il y a eu un progrès substantiel dans l'affaire devant la cour de la Nouvelle-Écosse, bien qu'on reconnaisse que les interrogatoires préalables n'ont pas encore été entamés. Il semble certes que l'action en Nouvelle-Écosse implique des parties défenderesses autres que Sobeys Group Inc., mais les autres défenderesses sont des sociétés liées dont les actionnaires sont identiques, leurs administrateurs sont identiques et toutes les défenderesses sont représentées par le même avocat. En cas de suspension, aucun tiers ne serait lésé. Au demeurant, bien qu'il soit reconnu que dans l'action devant la cour de la Nouvelle-Écosse le nombre de questions en litige soit plus important qu'en l'espèce, c'est-à-dire des questions ayant trait aux contrats de licence et de confidentialité, dès lors que les questions peuvent être dégagées en l'espèce, les questions de contrefaçon et de validité du brevet sont soulevées dans les deux actions. Les défenderesses font valoir que la seule différence entre les prétentions devant les deux tribunaux se ramène à la demande de réparation in rem, c'est-à-dire la radiation du brevet du registre, recours qui ne peut être obtenu que devant la Cour fédérale.


[10]            Cette dernière suggestion est de nature plutôt conjecturale puisque dans la présente action aucune défense n'a été déposée et les questions en litige ne sont pas encore déterminées. Les demanderesses font valoir que Sobeys a soulevé la question de la validité dans l'action en Nouvelle-Écosse et que, partant, la présente procédure serait inutile si leur défense dans ladite action était accueillie. En ce qui concerne les parties, Sobeys pourrait effectivement soulever en défense le principe de la chose jugée ou l'abus de procédure. Évidemment, cela ignore la demande de redressement in rem que sollicite Sobeys dans la présente instance. Aucune réponse n'a encore été opposée à cette prétention, tout comme c'était le cas dans Apotex où les questions en litige avaient été définies par les actes de procédure, et AstraZeneca avait donné un engagement qu'elle respecterait toute décision rendue par la cour provinciale relativement à la validité et consentirait à ce qu'Apotex introduise une instance en radiation du registre si la cour provinciale devait favoriser la thèse d'Apotex.

[11]            La demanderesse en l'espèce fait valoir qu'elle sera lésée si une suspension était accordée maintenant, car cela aurait pour effet de lui refuser une réparation in rem, de bloquer son accès au tribunal de son choix, et de bloquer son accès à une déclaration, même si elle avait gain de cause dans l'action devant la cour de la Nouvelle-Écosse, ce qui toucherait ses activités dans plusieurs provinces. De plus, si l'action en Nouvelle-Écosse devait être tranchée sur une base autre que celle de la validité du brevet litigieux, alors la question de la validité du brevet demeurera une question ouverte entre les parties (voir Dominion Mail Order Products c. Weider, (1976), 28 C.P.R. (2d) 27; Figgie Int. Inc. c. Citywide Machine Wholesale, (1993), 50 C.P.R. (3d) 89, à la page 92 (C.F. 1re inst.)).

[12]            Certes, la Cour doit veiller à éviter des inconvénients indus et des dépens supplémentaires à raison de la poursuite de deux actions devant des tribunaux différents à ce stade, dès lors que les questions en litige demeurent non définies et qu'aucune défense n'a été déposée en l'espèce et puisqu'aucun engagement n'a été pris qui pourrait satisfaire la réparation in rem que recherche Sobeys, je ne suis cependant pas persuadé que l'intérêt de la justice commande la suspension. La Cour doit en être convaincue si une suspension devait être accordée.


[13]            Dans les circonstances actuelles, il se pourrait que les facteurs que je considère entachés de vices trouvent une réponse satisfaisante avant que cette procédure ne passe à l'étape du procès. Je m'attendrais qu'elle soit placée sous le régime de la gestion des instances et je le recommanderais au juge en chef adjoint, en conformité avec les Règles de la Cour. Le juge ou le protonotaire responsable de la gestion de l'instance pourrait s'assurer qu'il n'y ait pas dédoublement indu des efforts devant la présente Cour s'agissant de questions qui pourraient s'avérer semblables à celles examinées dans l'action en Nouvelle-Écosse. En effet, il se pourrait qu'à une date ultérieure le juge responsable de la gestion de l'instance estime indiqué de suspendre la présente instance s'il y avait beaucoup de progrès dans l'action en Nouvelle-Écosse. Si tel n'est pas le cas, l'instance devant la présente Cour pourrait s'avancer sans délai indu.

Conclusion

[14]            Partant, je refuse, à ce stade, d'accorder la suspension sollicitée par les défenderesses dans leur requête et je refuse d'accorder la prorogation du délai de dépôt d'une défense laquelle devait dépendre de l'octroi de la suspension. L'ordonnance rendue actuellement prévoit une prorogation du délai, jusqu'à concurrence de 21 jours de la date de l'ordonnance, pour permettre aux défenderesses dans la présente action de déposer une défense.

                                                                                                                                          « W. Andrew MacKay »             

                                                                                                                                                                    J.C.F.C.                      

Ottawa (Ontario)

13 juin 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-278-03

INTITULÉ :                                           SOBEYS GROUP INC.

- et -

TOLIX HOLDINGS INC. et

ATLANTIC LOW TEMPERATURE SYSTEMS

LIMITED       

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Jeudi, 1er mai 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

DATE DES MOTIFS :                        Vendredi, 13 juin 2003

COMPARUTIONS :

Gary O'Neill et Jane Clark                     POUR LA DEMANDERESSE

Aidan Meade                                           POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP

Bureau 2600

160, rue Elgin

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3                                                 POUR LA DEMANDERESSE

McInnes Cooper

1601, rue Lower Water

C.P. 730

Halifax (Nouvelle-Écosse)

B3J 2V1                                                  POUR LES DÉFENDERESSES

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