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Date : 20031002

Dossier : IMM-5052-01

Référence : 2003 CF 1127

ENTRE :

                                                              ARTHUR FROOM

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui a prononcé contre lui, le 17 octobre 2001, une mesure d'expulsion conditionnelle parce qu'il est une personne décrite dans l'alinéa 27(2)a) et le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, et modifications (la Loi). L'arbitre a estimé que le demandeur était membre d'une catégorie non admissible, à savoir une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis à l'étranger une infraction qui constituerait au Canada une infraction punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans.

LES FAITS


Contexte

[2]                Le demandeur est un ressortissant des États-Unis d'Amérique. Il n'est ni citoyen canadien ni résident permanent du Canada. Lui et son épouse, Sonia Lafontaine, sont actionnaires du Lafontaine-Riche Cosmetic Surgery and Skin Care Centre de Toronto et autres cliniques affiliées situées aux États-Unis, notamment une clinique située à New York. L'épouse du demandeur est citoyenne canadienne et, après leur mariage, le couple a partagé son temps entre le Canada et les États-Unis. C'est à la fin de février 1998 que le demandeur a été admis au Canada la dernière fois, à titre de visiteur. Son épouse était restée aux États-Unis.

Mandats américains

[3]                Deux mandats d'arrêt ont été délivrés par les États-Unis pour l'arrestation du demandeur (mandats qui portaient le nom de « Arthur Kissel, également appelé Arthur Fromme » ), l'un le 27 février 1998, l'autre le 20 mars 1998. Le premier mandat indique que le demandeur a contrevenu au United States Code Title 18, Section 1341 ( « 18 U.S.C. § 1341 » ), tandis que le deuxième allègue une violation du United States Code Title 18, Section 371 ( « 18 U.S.C § 371 » ). Ces deux dispositions sont reproduites ici :


[traduction]

Section 1341 - Fraudes et escroqueries

Quiconque ayant conçu ou cherchant à concevoir un plan ou artifice visant à frauder ou en vue d'obtenir de l'argent ou des biens au moyen de prétextes, déclarations ou promesses frauduleuses, ou visant à vendre, aliéner, prêter, échanger, modifier, donner, distribuer, remettre ou fournir ou procurer à des fins illicites une pièce, une obligation, un titre ou autre article contrefait ou apocryphe, ou toute chose qui semble être un tel article contrefait ou apocryphe, ou quiconque tentant d'agir de la sorte, place dans un bureau de poste ou autre dépôt autorisé d'articles postaux, dans le dessein d'exécuter ledit plan ou artifice, un objet quelconque pour qu'il soit envoyé ou livré par le Service postal, ou dépose ou fait déposer un objet quelconque pour qu'il soit envoyé ou livré par un transporteur privé ou commercial opérant dans plusieurs États, ou prend ou reçoit du Service postal ou de ce transporteur une chose quelconque, ou fait sciemment livrer, par courrier ou par tel transporteur, selon les directives apparaissant sur l'envoi, ou à l'endroit où la personne à qui l'envoi est adressé dit qu'il doit être livré, toute chose semblable, sera passible, en vertu du présent titre, d'une amende ou d'un emprisonnement maximal de cinq ans, ou à la fois de l'amende et de l'emprisonnement. Si la transgression porte atteinte à une institution financière, cette personne se verra imposer une amende maximale de 1 000 000 $ ou un emprisonnement maximal de 30 ans, ou à la fois l'amende et l'emprisonnement.

[...]

Section 371. Complot en vue de commettre une infraction ou de frauder les États-Unis

Si deux ou plusieurs personnes complotent soit pour commettre une infraction contre les États-Unis, soit pour frauder les États-Unis, ou un organisme des États-Unis, d'une manière quelconque ou pour une fin quelconque, et si l'une ou plusieurs de ces personnes commettent un acte visant à accomplir l'objet du complot, chacune d'elles se verra imposer, en vertu du présent titre, une amende ou un emprisonnement maximal de cinq ans, ou à la fois l'amende et l'emprisonnement. Si toutefois l'infraction dont la perpétration est l'objet du complot n'est qu'un délit, la peine dont ce complot sera punissable ne dépassera pas la peine maximale prévue pour tel délit.


[4]                Les mandats reposent sur une « plainte scellée » , en date du 27 février 1998, reçue de Andrew S. Trilling, un inspecteur postal auprès des Services d'inspection postale des États-Unis, et sur un acte d'accusation délivré par un grand jury de la Cour de district des États-Unis, district sud de New York. Selon ces documents, le demandeur et son épouse ont comploté avec d'autres individus en vue de présenter des réclamations frauduleuses à des sociétés d'assurance santé des États-Unis. Il est mentionné dans ces documents que des réclamations pour soins de santé ont été présentées, réclamations selon lesquelles des actes médicalement nécessaires avaient été accomplis par un médecin, alors qu'en réalité les actes en question n'avaient pas été accomplis par un médecin ni n'étaient médicalement nécessaires. Ce subterfuge avait pour objet de déclencher une obligation des sociétés d'assurances, et les sommes en question se situaient entre 5 800 $ et 45 000 $ par acte médical. Le demandeur n'avait accompli aucun des actes en question, mais il est allégué que le demandeur s'est chargé de produire les réclamations d'assurance.

Les États-Unis ont alerté la police de Toronto

[5]                Les autorités américaines ont alerté la police de Toronto à propos de la présence du demandeur à Toronto, et cela peu après la délivrance du premier mandat. Dans une télécopie datée du 9 mars 1998, l'inspecteur postal Trilling communiquait au sergent Dee, de l'escouade des fugitifs de la police de Toronto, l'adresse de la clinique et l'adresse domiciliaire du demandeur à Toronto. La police de Toronto a décidé d'arrêter le demandeur en l'accusant d'avoir accepté un emploi à la clinique de Toronto sans les autorisations requises. La police a visité la clinique à plusieurs reprises, mais n'y a pas trouvé le demandeur. En prétendant qu'ils voulaient rencontrer le demandeur afin d'examiner des photographies pour une enquête sur un cambriolage, les policiers sont parvenus à faire en sorte que le demandeur se rende à la clinique à la fin d'avril 1998. Lorsque le demandeur s'est présenté, il a été arrêté par la police à la faveur d'un mandat d'immigration, sur une inculpation de travail illégal.

L'enquête

[6]                Le 28 avril 1998, un rapport relatif au demandeur fut délivré en vertu de la Loi. Le rapport indiquait que le demandeur était une personne non admissible en raison de l'alinéa 27(2)a), parce qu'il était une personne mentionnée dans les sous-alinéas 19(1)c.1)(ii), 19(2)a.1)(i) et (ii). Le rapport indiquait aussi qu'il était non admissible en raison des alinéas 27(2)b) et g) de la Loi. L'affirmation se rapportant au sous-alinéa 19(2)a.1)(i) fut abandonnée au début de l'enquête, laquelle a débuté le 28 avril 1998.

[7]                L'enquête, qui a nécessité 17 séances, entre le 28 avril 1998 et le 17 octobre 2001, a nécessité plusieurs témoins, outre le demandeur. Les parties ont déposé 39 pièces à conviction.

[8]                L'une de ces pièces était une lettre datée du 12 septembre 2000, adressée aux services d'immigration du Canada par Mary Jo White, avocate au ministère de la Justice des États-Unis. Mme White était l'avocate chargée de poursuivre l'épouse du demandeur et autres personnes impliquées dans la clinique de New York. Elle informait les services d'immigration du Canada que, le 12 juillet 2000, l'épouse du demandeur avait été reconnue coupable aux États-Unis de 17 chefs d'accusation liés à sa participation dans le plan destiné à frauder des sociétés d'assurances. Les chefs d'accusation étaient les suivants : un chef de complot visant à commettre une fraude postale, huit chefs d'accusation de fraude postale, un chef de fraude en matière de soins médicaux, deux chefs de subornation de témoin, un chef de complot visant à effectuer des opérations financières illégales et quatre chefs d'opérations financières illégales. Mme White indiquait aussi que « Arthur Kissel, également appelé Arthur Froom » est accusé dans le même acte d'accusation que LaFontaine, et qu'il est accusé des mêmes actes criminels, à l'exception de l'un des chefs de subornation de témoin.


Procédure d'extradition

[9]                Le 3 juillet 2001, le ministre de la Justice autorisait le procureur général du Canada à aller de l'avant dans la procédure d'extradition et à obtenir une ordonnance d'incarcération du demandeur en application de l'article 15 de la Loi sur l'extradition, L.C. 1999, ch. 18. Cette « autorisation de procéder à l'extradition » fait l'objet d'une demande distincte et autonome déposée par le demandeur devant la Cour fédérale en vue de faire annuler la procédure d'extradition.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Loi sur l'immigration

[10]            Le paragraphe 27(2) prévoit notamment ce qui suit :



Rapports défavorables : autres cas

27. (2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de

a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c);

b) a occupé un emploi au Canada en violation de la présente loi ou de ses règlements;

g) est entrée au Canada ou y demeure soit sur la foi d'un passeport, visa -- ou autre document relatif à son admission -- faux ou obtenu                 b)             irrégulièrement, soit par des moyens frauduleux ou irréguliers ou encore par suite d'une fausse indication sur un fait important,

même si ces moyens ou déclarations sont le fait d'un tiers;

Reports on visitors and other persons

27. (2) An immigration officer or a peace officer shall, unless the person has been arrested pursuant to subsection 103(2), forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a person in Canada, other than a Canadian citizen or permanent resident, is a person who

(a) is a member of an inadmissible class, other than an inadmissible class described in paragraph 19(1)(h) or 19(2)(c);

has engaged or continued in employment in Canada contrary to this Act or the regulations;

(g) came into Canada or remains in Canada with a false or improperly obtained passport, visa or other document pertaining to that person's admission or by reason of any fraudulent or improper means or misrepresentation of any material fact,

whether exercised or made by himself or by any other person;


[11]            Les catégories non admissibles pertinentes dont fait état le paragraphe 19(1) sont les suivantes :


Personnes non admissibles

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger :

(ii) soit commis un fait -- acte ou omission -- qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;

Inadmissible persons

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

(c.1) persons who there are reasonable grounds to believe

(ii) have committed outside Canada an act or omission that constitutes an offence under the laws of the place where the act or omission occurred and that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more,

[...]


[12]            Les catégories non admissibles pertinentes dont fait état le paragraphe 19(2) sont les suivantes :



Autorisation de séjour à des personnes non admissibles

(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :

Inadmissible classes where entry permitted

(2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes:                 a.1) sont des personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger :

(a.1) persons who there are reasonable grounds to believe

(i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, par mise en accusation, d'un emprisonnement maximal de moins de dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis l'expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l'infraction

(i) have been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable by way of indictment under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of less than ten years, or

(ii) soit commis un fait -- acte ou omission -- qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, par mise en accusation, d'un emprisonnement maximal de moins de dix ans,

(ii) have committed outside Canada an act or omission that constitutes an offence under the laws of the place where the act or omission occurred and that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable by way of indictment under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of less than ten years,

sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;

except persons who have satisfied the Minister that they have rehabilitated themselves and that at least five years have elapsed since the expiration of any sentence imposed for the offence or since the commission of the act or omission, as the case may be;


[13]            L'alinéa 465(1)c) du Code criminel est ainsi rédigé :


Complot

465. (1) Sauf disposition expressément contraire de la loi, les dispositions suivantes s'appliquent à l'égard des complots :

Conspiracy

465. (1) Except where otherwise expressly provided by law, the following provisions apply in respect of conspiracy:


a) quiconque complote avec quelqu'un de commettre un meurtre ou de faire assassiner une autre personne, au Canada ou à l'étranger, est coupable d'un acte criminel et passible de l'emprisonnement à perpétuité;

(a) every one who conspires with any one to commit murder or to cause another person to be murdered, whether in Canada or not, is guilty of an indictable offence and liable to a maximum term of imprisonment for life;

b) quiconque complote avec quelqu'un de poursuivre une personne pour une infraction présumée, sachant qu'elle n'a pas commis cette infraction, est coupable d'un acte criminel et passible :

(b) every one who conspires with any one to prosecute a person for an alleged offence, knowing that he did not commit that offence, is guilty of an indictable offence and liable

(i) d'un emprisonnement maximal de dix ans, si la prétendue infraction en est une pour laquelle, sur déclaration de culpabilité, cette personne serait passible de l'emprisonnement à perpétuité ou d'un emprisonnement maximal de quatorze ans,

(i) to imprisonment for a term not exceeding ten years, if the alleged offence is one for which, on conviction, that person would be liable to be sentenced to imprisonment for life or for a term not exceeding fourteen years, or

(ii) d'un emprisonnement maximal de cinq ans, si la prétendue infraction en est une pour laquelle, sur déclaration de culpabilité, cette personne serait passible d'un emprisonnement de moins de quatorze ans;

(ii) to imprisonment for a term not exceeding five years, if the alleged offence is one for which, on conviction, that person would be liable to imprisonment for less than fourteen years;

c) quiconque complote avec quelqu'un de commettre un acte criminel que ne vise pas l'alinéa a) ou b) est coupable d'un acte criminel et passible de la même peine que celle dont serait passible, sur déclaration de culpabilité, un prévenu coupable de cette infraction;

(c) every one who conspires with any one to commit an indictable offence not provided for in paragraph (a) or (b) is guilty of an indictable offence and liable to the same punishment as that to which an accused who is guilty of that offence would, on conviction, be liable; and

d) quiconque complote avec quelqu'un de commettre une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

(d) every one who conspires with any one to commit an offence punishable on summary conviction is guilty of an offence punishable on summary conviction.


[14]            Le paragraphe 380(1) et l'article 381 du Code criminel sont ainsi rédigés :



Fraude

380. (1) Quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, frustre le public ou toute personne, déterminée ou non, de quelque bien, service, argent ou valeur :

Fraud

380. (1) Every one who, by deceit, falsehood or other fraudulent means, whether or not it is a false pretence within the meaning of this Act, defrauds the public or any person, whether ascertained or not, of any property, money or valuable security or any service, a) est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans, si l'objet de l'infraction est un titre testamentaire ou si la valeur de l'objet de l'infraction dépasse cinq mille dollars;

(a) is guilty of an indictable offence and liable to a term of imprisonment not exceeding ten years, where the subject-matter of the offence is a testamentary instrument or the value of the subject-matter of the offence exceeds five thousand dollars; or

b) est coupable :

(i) soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans,

(b) is guilty

(i) of an indictable offence and is liable to imprisonment for a term not exceeding two years, or

(ii) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire,

si la valeur de l'objet de l'infraction ne dépasse pas cinq mille dollars.

[...]

(ii) of an offence punishable on summary conviction,

where the value of the subject-matter of the offence does not exceed five thousand dollars.

[...]

Emploi de la poste pour frauder

381. Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans quiconque se sert de la poste pour transmettre ou livrer des lettres ou circulaires concernant des projets conçus ou formés pour leurrer ou frauder le public, ou dans le dessein d'obtenir de l'argent par de faux semblants.

Using mails to defraud

381. Every one who makes use of the mails for the purpose of transmitting or delivering letters or circulars concerning schemes devised or intended to deceive or defraud the public, or for the purpose of obtaining money under false pretences, is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding two years.


Décision de l'arbitre

[15]            Le 17 octobre 2001, l'arbitre rendait sa décision, dans laquelle elle concluait que le demandeur faisait partie d'une catégorie non admissible.


[16]            Le premier aspect que l'arbitre a examiné concernait l'accusation de travail illégal. Estimant que la preuve de cette accusation était faible, elle a conclu que l'affirmation selon laquelle le demandeur était une personne décrite dans l'alinéa 27(2)b) n'avait pas été établie, c'est-à-dire qu'il n'était pas une personne qui avait occupé un emploi au Canada en violation de la Loi sur l'immigration.

[17]            Puis l'arbitre a examiné l'affirmation selon laquelle le demandeur était une personne décrite dans l'alinéa 27(2)g), c'est-à-dire une personne qui était entrée au Canada par des moyens frauduleux ou irréguliers ou par suite d'une fausse indication sur un fait important. On affirmait que le demandeur avait donné une fausse indication sur l'objet de sa visite au Canada lorsqu'il avait été admis la fois précédente au Canada, en février 1998, parce qu'il n'avait pas informé les autorités de l'enquête en cours aux États-Unis. L'arbitre a conclu que la preuve ne permettait pas de dire que le demandeur avait, à son arrivée, l'intention de rester au Canada plus longtemps que temporairement. Le demandeur était au courant de l'enquête, mais l'acte d'accusation n'avait été délivré qu'après son arrivée au Canada, et il n'y avait aucune restriction sur son droit de se déplacer. L'arbitre a conclu que, au mieux, le demandeur avait une obligation formelle de signaler l'enquête, mais que cela ne suffisait pas à en faire une personne non admissible.


[18]            Finalement, l'arbitre a examiné l'allégation de non-admissibilité fondée sur le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), c'est-à-dire le cas d'une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger, commis un fait - acte ou omission - qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans. Elle a fait une analyse en deux volets. D'abord, elle a défini les infractions équivalentes selon le droit canadien, puis a évalué la preuve pour savoir s'il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait commis les infractions en question. L'arbitre a estimé que l'équivalent de la disposition 18 U.S.C. § 371 était l'alinéa 465(1)c) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-34. Selon elle, s'il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait commis l'infraction au Canada, alors la preuve établirait aussi l'équivalent canadien. L'arbitre a rejeté la tentative du demandeur de s'en rapporter à l'arrêt Kowbel c. La Reine [1954] R.C.S. 498, selon lequel un mari et son épouse seuls ne peuvent être reconnus coupables de complot, parce que la plainte scellée et l'acte d'accusation attestaient tous deux que le complot faisait également intervenir d'autres personnes.

[19]            L'arbitre a relevé que l'alinéa 465(1)c) du Code criminel parle d'un complot en vue de commettre un acte criminel, et non pas d'un complot en vue de frauder ainsi que le prévoit la disposition 18 U.S.C. § 371. Néanmoins, l'arbitre a estimé que les dispositions étaient équivalentes parce que le complot avait pour objet la perpétration d'une infraction contraire à la disposition 18 U.S.C. § 1341 et que les deux équivalents canadiens possibles de cette disposition étaient des actes criminels. Les équivalents possibles indiqués par l'arbitre étaient le paragraphe 380(1) et l'article 381 du Code criminel.


[20]            Ayant défini les équivalents en droit canadien, l'arbitre a passé en revue la preuve concernant la conduite du demandeur. Elle a retenu que le demandeur avait admis avoir monté un système informatisé de facturation afin que les cliniques maximisent les sommes obtenues des sociétés d'assurances, mais il a nié avoir commis une fraude, en affirmant que les accusations reposaient sur des motivations politiques. L'arbitre a passé en revue la preuve contenue dans la plainte scellée et dans l'acte d'accusation délivré par grand jury. M. Froom, également appelé Kissel, ainsi que son épouse et d'autres personnes, avaient comploté en vue de présenter des réclamations frauduleuses à des sociétés d'assurances de soins de santé. Selon la preuve, M. Froom « est responsable, en totalité ou en partie, de la production effective des réclamations aux sociétés d'assurances » . L'arbitre écrivait ce qui suit, à la page 11 de sa décision :

[traduction]... selon la preuve, il (M. Froom) a connaissance des services qui sont fournis et par qui ils le sont, dans les cliniques, et il sait que certains actes médicaux ne peuvent être l'objet de réclamations d'assurance santé. Il est reconnu que son épouse a été l'objet de procédures criminelles aux États-Unis dans des affaires où elle est coaccusée avec M. Froom et d'autres personnes, et qu'elle a été reconnue coupable d'infractions, notamment de complot en vue de commettre une fraude postale et une fraude aux soins de santé. Il nie avoir commis une quelconque fraude, et il affirme que les accusations déposées contre lui reposent sur des motivations politiques.

À mon avis cependant, son témoignage n'a pas été franc et crédible en ce qui a trait à son rôle dans les cliniques. Il n'a pas répondu à de nombreuses questions avec franchise, en répondant directement à la question posée, mais il a plutôt, à maintes reprises, répondu à une question par une question, et plusieurs fois il s'est fait prier avant de répondre au point qu'on lui demandait de préciser... la crédibilité est souvent douteuse tout au long de son témoignage.

Après examen de la preuve et de la jurisprudence pertinente, ainsi que des conclusions, je suis d'avis qu'il y a des motifs raisonnables de croire que M. Froom (ainsi que son épouse et d'autres personnes) ont commis, aux États-Unis, l'infraction... de complot « en vue de commettre une infraction » de fraude postale ou de fraude à l'encontre des États-Unis ou d'un organisme des États-Unis, d'une manière ou dans un dessein... dont font état les extraits des lois des États-Unis produits comme preuve et repris dans le texte de l'acte d'accusation délivré par le grand jury.

[21]            Pour ces motifs, l'arbitre a estimé que la preuve lui permettait de conclure que le demandeur était une personne décrite dans l'alinéa 27(2)a), ainsi que dans le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi, c'est-à-dire qu'il était membre d'une catégorie non admissible, plus précisément une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis à l'étranger une infraction qui constituerait au Canada une infraction punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans.


POINTS LITIGIEUX

[22]            Le demandeur conteste la conclusion de l'arbitre selon laquelle il est une personne décrite dans le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi. Les principaux points sur lesquels repose la présente demande sont les suivants :

23.               L'arbitre a-t-elle commis une erreur parce qu'elle n'a pas tiré, au regard de la crédibilité du demandeur, une conclusion précise appuyée par des motifs suffisants?

24.               Le recours du ministre à la procédure d'expulsion est-il un abus de procédure parce que l'on serait ici en présence d'une extradition déguisée?

25.               L'acceptation par l'arbitre de la lettre de Mme White datée du 12 septembre 2000 constitue-t-elle un manquement à la justice naturelle?

26.               L'arbitre a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu à l'équivalence des infractions?

27.               En affirmant que le demandeur avait commis les infractions, l'arbitre a-t-elle commis une erreur parce que la preuve de telles infractions ne serait pas suffisamment détaillée?

ANALYSE

1.         Crédibilité

[23]       Le demandeur affirme que l'arbitre a commis une erreur en concluant qu'il n'était pas crédible, et cela parce qu'elle n'a pas motivé cette conclusion.

[24]            Je n'accepte pas les arguments du demandeur en ce qui a trait à sa crédibilité. L'arbitre a précisé dans ses motifs les parties du témoignage du demandeur qu'elle croyait et les parties qui selon elle n'étaient pas crédibles. À la page 6 de la décision, elle a exprimé son avis sur la crédibilité du demandeur en ce qui a trait à l'allégation qui concerne l'alinéa 27(2)g) de la Loi :


[traduction] Le mieux que l'on puisse dire ici, à mon avis, c'est que son témoignage manque parfois de crédibilité et qu'il avait peut-être une « obligation formelle » , qu'il n'a pas accomplie, de signaler à l'agent examinateur qu'une enquête était en cours aux États-Unis le concernant...

Elle a ensuite tiré une conclusion distincte sur la crédibilité du demandeur en ce qui a trait à l'allégation reposant sur le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi :

[traduction] À mon avis cependant, son témoignage n'a pas été franc et crédible en ce qui a trait à son rôle dans les cliniques. Il n'a pas répondu à de nombreuses questions avec franchise, en répondant directement à la question posée, mais il a plutôt, à maintes reprises, répondu à une question par une question, et plusieurs fois il s'est fait prier avant de répondre au point qu'on lui demandait de préciser.

[25]            La conclusion défavorable de l'arbitre sur la crédibilité du demandeur, au regard de cet aspect du témoignage du demandeur, est le fait qu'il est resté évasif, attitude qui justifie tout à fait une conclusion de non-crédibilité. Le dossier dont nous sommes saisis autorise amplement la conclusion de l'arbitre. Pendant qu'il était contre-interrogé par l'agente chargée de présenter le cas (la CPC), le demandeur évitait de donner des réponses directes et souvent répondait d'une manière agressive aux questions de la CPC.

[26]            Dans l'arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991),15 Imm. L.R. (2d) 199, au paragraphe 6, la Cour d'appel fédérale s'était exprimée ainsi :

Selon moi, la Commission se trouvait dans l'obligation de justifier, en termes clairs et explicites, pourquoi elle doutait de la crédibilité de l'appelant. L'évaluation (précitée) que la Commission a faite au sujet de la crédibilité de l'appelant est lacunaire parce qu'elle est exposée en termes vagues et généraux.


Dans l'arrêt Hilo, l'appelant était l'unique témoin qui avait déposé devant la Commission. Dans le cas qui nous occupe, l'arbitre a auditionné plusieurs témoins et examiné 39 pièces à conviction. La décision de l'arbitre ne reposait pas sur la crédibilité du demandeur, mais plutôt sur une foule d'autres éléments de preuve. En conséquence, la crédibilité du demandeur n'était pas l'aspect qui a déterminé la décision de l'arbitre. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que l'arbitre s'est acquittée de son devoir d'expliquer suffisamment, en des termes clairs et indubitables, les raisons pour lesquelles elle doutait de la crédibilité du demandeur.

2.         Extradition déguisée et abus de procédure

            a)          Position du demandeur

[27]            Selon le demandeur, la tentative du ministre de l'expulser constitue un abus de procédure parce qu'il s'agit d'un cas d'extradition déguisée. Il soutient que la police a usé d'une ruse pour l'arrêter sur une inculpation de travail illégal, alors qu'en réalité elle agissait comme mandataire pour les autorités américaines, qui recherchaient le demandeur en tant que criminel fugitif. Au soutien de cet argument, le demandeur s'appuie sur la télécopie en date du 9 mars 1998 envoyée par l'inspecteur postal Trilling au sergent Dee, afin d'informer celui-ci de l'adresse de la clinique ainsi que de l'adresse du demandeur à Toronto. Selon le demandeur, cela prouve que le processus d'expulsion était guidé par les autorités américaines comme moyen de tourner le processus d'extradition.

b)          Fin illicite ou mauvaise foi


[28]            Pour soutenir un argument d'extradition déguisée, un demandeur doit prouver que le gouvernement était de mauvaise foi ou poursuivait une fin illicite. Il doit montrer que la procédure d'expulsion n'était qu'un simulacre ou n'était pas authentique. Il est nécessaire de prouver que le ministre ne considérait pas véritablement qu'il était dans l'intérêt public d'expulser M. Froom. M. Froom a la charge exigeante de montrer que l'objet de la procédure d'expulsion est de le livrer en tant que criminel fugitif à un État parce que celui-ci en a fait la demande, et non parce que la présence de M. Froom n'est pas conforme à l'intérêt public. Ainsi que l'indiquait Ann Warner Laforest dans son ouvrage intitulé Extradition to and from Canada, 3e édition, publié en 1991, aux pages 42 et 43 :

... il est de jurisprudence constante qu'à moins qu'il existe des éléments de preuve convaincants qui tendent à établir que le ministre n'a pas véritablement estimé qu'il était dans l'intérêt public d'expulser le fugitif, toute contestation de la validité de la procédure d'expulsion échouera... Pour qu'elle réussisse, il faudrait que le tribunal conclue que le ministre a ordonné la procédure d'expulsion dans le but d'éviter une procédure d'extradition, ou qu'il conclue que l'État étranger dans lequel l'intéressé est expulsé agira d'une manière scandaleuse ou oppressive. Pour des raisons évidentes, faute de preuves très convaincantes, le tribunal hésitera à tirer l'une ou l'autre de ces conclusions.

Ce passage a été cité avec approbation par le juge Rothstein (sa fonction à l'époque) dans le jugement Halm c. Le Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1996] 1 C.F. 547, au paragraphe 22.

[29]            Les principes qu'il convient d'appliquer pour savoir si une expulsion constitue une extradition déguisée ont été exposés dans l'affaire Shepherd c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 70 O.R. (2d) 766 (H.C.J.), confirmé (1989), 70 O.R. (2d) 765 (C.A.), à la page 775 :

[traduction]

1.              Si l'objet de l'exercice est l'expulsion de la personne concernée parce que sa présence ne s'accorde pas avec l'intérêt public, il s'agit là d'un exercice légitime du pouvoir d'expulsion.

2.              Si l'objet de l'exercice est de livrer à un État la personne concernée en tant que criminel fugitif parce que l'État en a fait la demande, il ne s'agit pas là d'un exercice légitime du pouvoir d'expulsion.

3.              Les tribunaux ont le loisir de se demander si l'objet recherché par le gouvernement était licite ou non.

4.              La charge de la preuve incombe à la partie qui allègue un exercice illicite du pouvoir. C'est une charge exigeante.


5.              Pour qu'elle réussisse, il serait nécessaire de conclure que le ministre ne considérait pas véritablement qu'il était dans l'intérêt public d'expulser la personne en question.

6.              L'entrée en vigueur de la Charte n'a pas réduit la charge de la preuve.

[30]            La Loi sur l'immigration prévoit qu'une personne dont on a des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis une infraction criminelle grave n'est pas admissible au Canada. Par conséquent, le défendeur aurait raison de considérer qu'il est dans l'intérêt public d'ordonner l'expulsion du fugitif.

[31]            Dans l'affaire Halm, précitée, le juge Rothstein expliquait la différence entre expulsion et extradition. Il s'est exprimé ainsi, à la page 561 :

D'entrée de jeu, je tiens à souligner que la thèse de l'avocat du requérant ne tient pas compte de la différence fondamentale qui existe entre l'expulsion et l'extradition. Il y a expulsion lorsqu'un État désire bannir quelqu'un. Il y a extradition lorsqu'un État étranger réclame un individu, et elle n'a lieu qu'à la demande de cet État. On ne peut empêcher le Canada de prendre des mesures en vue d'expulser une personne au simple motif que l'expulsion risque davantage que l'extradition de soumettre l'intéressé à des sanctions plus graves dans le pays où il est expulsé. Le Canada n'a aucun contrôle sur la volonté d'un État étranger d'obtenir qu'une personne soit extradée vers son territoire et on ne peut empêcher le gouvernement du Canada d'agir dans l'intérêt du public en expulsant les étrangers indésirables.


[32]            De même, dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Legault, 42 IMM. L.R. (2d) 192, la Cour d'appel fédérale a confirmé une mesure d'expulsion conditionnelle prononcée à l'encontre d'un citoyen américain, dans un cas où l'arbitre avait des motifs raisonnables de croire que le citoyen américain avait commis une infraction grave. Le citoyen américain avait été l'objet d'une procédure d'extradition qui avait été refusée par la Cour supérieure du Québec. Le citoyen américain était accusé d'infractions semblables à celles dont est accusé M. Froom, notamment de fraude postale. La Cour d'appel fédérale n'a pas trouvé que la procédure d'expulsion, engagée après l'échec de la procédure d'extradition, constituait un abus de procédure en tant qu'extradition déguisée. Cela renforce le principe selon lequel l'expulsion d'un fugitif n'est pas une extradition déguisée à moins que le demandeur ne prouve qu'il y a eu mauvaise foi ou fin illicite.

c)          Le demandeur avait le statut juridique de visiteur

[33]            Le demandeur fait valoir qu'il avait le statut juridique d'un visiteur au Canada lorsque l'enquête d'immigration a débuté. Le fait qu'une personne ait le statut juridique d'un visiteur au Canada n'empêche pas qu'il est dans l'intérêt public qu'il soit expulsé s'il est soupçonné d'activités criminelles, quand bien même les États-Unis n'auraient pas demandé son extradition. De toute manière, les États-Unis ont demandé l'extradition de M. Froom, et cette procédure d'extradition est en cours, sous réserve qu'elle soit contestée par M. Froom devant la Cour, dans une procédure distincte de la présente procédure.

d)          Conduite policière


[34]            Le demandeur a comparé la conduite de la police dans la présente affaire avec les circonstances de l'affaire Bennett v. Horseferry Road Magistrates Court, [1994] 1 A.C. 42 (H.L.), où le tribunal avait suspendu des poursuites criminelles parce que la police anglaise avait éludé les procédures officielles d'extradition pour obtenir la présence du défendeur en Angleterre. Un bref examen des circonstances de l'affaire Bennett montre que le demandeur compare des pommes avec des oranges. Bennett était un néo-Zélandais recherché en Angleterre pour des infractions liées à des fraudes. Lorsque la police anglaise eut trouvé le défendeur en Afrique du Sud, elle avait délibérément décidé de ne pas engager de procédures d'extradition et s'était entendue secrètement avec la police sud-africaine pour forcer le retour de Bennett en Angleterre. On peut trouver les faits pertinents au paragraphe 3 de l'arrêt Bennett :

[traduction]L'appelant fait valoir que, ayant pris la décision de ne pas recourir à la procédure d'extradition, la police anglaise s'est entendue secrètement avec la police sud-africaine pour que l'appelant soit arrêté en Afrique du Sud et renvoyé de force en Angleterre, contre sa volonté. L'appelant dit qu'il a été arrêté le 28 janvier 1991 à Lanseria, en Afrique du Sud, par deux détectives sud-africains, qui ont apposé une ordonnance restrictive civile sur l'hélicoptère au nom de la société financière britannique, et qui ont dit à l'appelant qu'il était recherché par Scotland Yard et qu'il était renvoyé en Angleterre. Par la suite, il a été détenu par la police jusqu'à ce qu'il soit embarqué dans un avion à Johannesburg, officiellement pour être expulsé vers la Nouvelle-Zélande, via Taipei. À Taipei, lorsqu'il a tenté de débarquer, il en a été empêché par deux hommes qui se sont identifiés comme policiers sud-africains et lui ont dit qu'ils avaient reçu l'ordre de le renvoyer en Afrique du Sud, puis vers le Royaume-Uni, pour le remettre à Scotland Yard. Il a été renvoyé en Afrique du Sud, puis détenu jusqu'à ce qu'il soit placé le 21 février, attaché à son siège, sur un vol partant de Johannesburg, pour arriver à Heathrow le matin du 22 février, date à laquelle il a été immédiatement arrêté par trois officiers de police, dont le sergent-détective Davies. Il dit aussi qu'il a été placé sur ce vol au mépris d'une ordonnance de la Cour suprême d'Afrique du Sud obtenue par un avocat en son nom l'après-midi du 21 février.


[35]            La différence entre l'affaire Bennett et l'affaire qui nous occupe apparaît immédiatement à la lecture de cet extrait. Dans le cas qui nous occupe, la police n'a pas recouru au même genre de tactiques déloyales employées par les policiers anglais et sud-africains dans l'affaire Bennett. Contrairement à l'affaire Bennett, nous n'avons pas ici affaire à un cas où l'expulsion vers le pays d'origine du défendeur sert uniquement de prétexte pour l'extrader vers un pays tiers. Les autorités canadiennes concernées par la présente affaire, contrairement à la police sud-africaine dans l'affaire Bennett, ne se sont pas livrées à un enlèvement de force dans un pays étranger ni n'ont désobéi à une ordonnance judiciaire légitime lorsqu'elles ont arrêté le demandeur. En outre, alors que Bennett avait été envoyé de force vers l'Angleterre, le demandeur a eu la possibilité de contester devant la Section d'arbitrage son expulsion vers les États-Unis. Après examen de la preuve, l'arbitre a estimé que les autorités canadiennes avaient un intérêt légitime à expulser le demandeur du Canada.

[36]            La seule ressemblance entre la présente affaire et l'affaire Bennett est l'existence de communications entre les autorités canadiennes et les autorités américaines sur les allées et venues du demandeur. Cette ressemblance ne suffit pas à elle seule à prouver qu'il s'agissait là d'une extradition déguisée. L'existence de communications semblables dans l'affaire Halm ne constituait pas, selon le juge Rothstein, une preuve de mauvaise foi ou de fins illicites. Voici ses propos, au paragraphe 25 :

Le fait que les États-Unis réclamaient le requérant ou que les fonctionnaires américains et les fonctionnaires canadiens étaient en communication ne démontre pas non plus que le ministre a agi de mauvaise foi ou qu'il poursuivait des fins illégitimes. Le fait que les États-Unis ont formulé une demande conditionnelle d'extradition ne permet pas non plus de conclure que le Canada a fait quoi que ce soit d'irrégulier en prenant des mesures pour expulser le requérant. D'ailleurs, l'avocat du requérant ne prétend pas que son client n'est pas indésirable ou qu'on ne devrait pas le forcer à quitter le Canada.

Les remarques du juge Rothstein sont directement applicables à la présente affaire. La télécopie datée du 9 mars 1998 ne suffit pas à elle seule à remplir l'exigeante charge de la preuve qui incombe au demandeur.

[37]            Les précédents font état de nombreux exemples de coopération entre les fonctionnaires canadiens et les fonctionnaires américains, exemples qui se sont soldés par l'expulsion légitime et régulière d'un criminel, plutôt qu'à son extradition.

[38]            Dans l'arrêt Shepard, la Cour d'appel de l'Ontario a cité en les approuvant les propos tenus par le juge Rouleau dans une autre affaire où une personne avait été reconnue coupable d'une infraction aux États-Unis et s'était enfuie au Canada. Il avait été découvert par la police canadienne à l'instigation et avec l'insistance du FBI. Les États-Unis n'avaient pas fait de demande d'extradition et il avait été soumis à une procédure d'expulsion. Dans l'arrêt Shepard, à la page 776, les propos du juge Rouleau ont été approuvés dans les termes suivants :

[traduction] La GRC n'a eu connaissance de la présence illégale du requérant au Canada que lorsqu'elle en a été informée par le FBI, puis la GRC et le FBI ont travaillé ensemble pour le trouver, et l'arrestation a été effectuée par des membres de la GRC et non par des membres de la direction de l'immigration, mais tous ces faits ne suffisent pas à prouver que le ministre n'a pas véritablement considéré qu'il était dans l'intérêt public d'ordonner son expulsion. Cette contestation de la validité de la procédure d'expulsion n'est pas recevable.

La Cour d'appel de l'Ontario n'a pas trouvé que l'expulsion d'un fugitif américain constituait une forme déguisée d'extradition, parce qu'il n'était pas établi que le ministre de l'Immigration n'avait pas véritablement jugé qu'il était dans l'intérêt public d'ordonner l'expulsion de ce fugitif américain. L'affaire Shepard cadre parfaitement avec le cas de M. Froom.


[39]            Le demandeur invoque aussi les circonstances entourant son arrestation, pour montrer qu'il s'agit ici d'une extradition déguisée. Selon lui, il a été attiré par la ruse vers la clinique, puis pris au piège, de manière à établir un faux prétexte sur lequel justifier son arrestation. Son affirmation n'est pas confirmée par le droit ni par les faits. Il y a piège lorsque la police donne à un individu l'occasion de commettre une infraction, sans qu'elle agisse en ayant des motifs raisonnables de croire que cette personne se livre déjà à une activité criminelle, pour alors l'inciter à commettre une infraction : R. c. Mack, [1988] 2 R.C.S. 903. Aucun de ces critères n'est présent dans l'affaire qui nous occupe. Il y avait lieu de croire que le demandeur s'était déjà livré à des actes criminels. À l'audience, le sergent Dee a déclaré que la police disposait d'un informateur qui avait observé le demandeur en train de travailler dans la clinique. Le prétexte qui avait conduit à la présence du demandeur à la clinique le jour de son arrestation était l'examen de photographies en marge d'une enquête relative à un cambriolage. On ne saurait parler ici d'une incitation à commettre un acte illégal. En attirant le demandeur à la clinique, la police agissait sur la foi d'une preuve préexistante de sa conduite illégale et tentait de faciliter son arrestation.

[40]            Par conséquent, le demandeur ne s'est pas acquitté de la charge rigoureuse qui lui incombait de montrer que les autorités canadiennes voulaient son expulsion dans un dessein illégitime.

3.          Justice naturelle

[41]       Le demandeur dit que son droit à la justice naturelle a été nié par la production d'une lettre de Mme White datée du 12 septembre 2000, dans laquelle elle écrivait que l'épouse du demandeur avait été reconnue coupable sur les mêmes chefs que ceux qui pesaient contre le demandeur. Il dit que cet élément de preuve était hors de propos et n'aurait pas dû être utilisé parce qu'il ne le concernait pas. Selon le demandeur, le préjudice entraîné par l'admission de telles allégations a été énorme.

[42]            Le défendeur affirme que l'arbitre était libre d'utiliser cette preuve car elle n'était pas liée par des règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Je partage son avis. En application du paragraphe 80.1(5) de la Loi, l'arbitre pouvait utiliser les éléments de preuve qu'elle jugeait crédibles ou dignes de foi :


Preuve

80.1. 5) L'arbitre n'est pas lié par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Il peut recevoir les éléments qui lui sont présentés dans le cadre des procédures instruites devant lui et qu'il considère comme crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder ses conclusions sur eux.

Rules of evidence

80.1. (5) An adjudicator is not bound by any legal or technical rules of evidence and, in any proceedings, may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances of the case.


[43]            Comme on peut le voir d'emblée à la lecture de cette disposition, les règles formelles de preuve ne sont pas applicables à l'arbitrage. L'élément de preuve en question atteint le seuil fixé dans le paragraphe 80.1(5). Il venait d'un procureur des États-Unis qui était directement concerné par la procédure criminelle engagée aux États-Unis, et il n'y a aucune raison de croire que cet élément de preuve n'était pas crédible ou digne de foi. Une partie de la preuve en question n'aurait peut-être pas été recevable dans un procès criminel, mais la preuve concernant le statut de l'enquête en cours aux États-Unis dont était l'objet le demandeur ainsi que d'autres présents dans la clinique était suffisamment rattachée à l'allégation en question pour être utilisée dans un arbitrage en matière d'immigration. D'ailleurs, le demandeur a eu tout le temps nécessaire pour réagir à cette preuve nouvelle avant la conclusion de l'enquête plusieurs mois plus tard. Par conséquent, la décision de l'arbitre ne sera pas annulée sur ce moyen.

4.          Équivalence

[44]       Le demandeur dit que, s'il avait commis les actes en question au Canada, il n'y aurait pas eu crime. Le demandeur a appelé comme témoin un avocat de Toronto qui exerce le droit criminel, Me David Cousins, pour qu'il témoigne sur ces aspects devant l'arbitre. Me Cousins a dit qu'il n'y aurait pas eu infraction criminelle au Canada parce que les différends entre les fournisseurs de soins de santé et les assureurs conduisent rarement à des poursuites criminelles au Canada. Par ailleurs, il a témoigné qu'il est légal au Canada pour des médecins de déléguer des services. Ainsi, l'accomplissement d'actes médicaux par l'épouse du demandeur à New York n'aurait pas été une infraction au Canada et, par conséquent, il n'y aurait aucune infraction que le demandeur aurait pu comploter de commettre.

[45]            L'argument du demandeur selon lequel les médecins sont autorisés à déléguer des services au Canada est, dans l'affaire qui nous occupe, une distorsion des présumées infractions. Le demandeur est accusé de complot en vue de commettre une fraude, non de complot en vue de déléguer abusivement des services médicaux. La question importante est de savoir si ses fausses déclarations constituent une infraction au Canada; il est hors de propos que l'acte sous-jacent à propos duquel il a fait les fausses représentations ne constitue pas une infraction au Canada.

[46]            Nous en arrivons à l'argument du demandeur selon lequel les fausses déclarations ne constitueraient pas une infraction criminelle au Canada parce que les différends entre fournisseurs de soins de santé et assureurs sont généralement réglés sans poursuites criminelles. Cet argument doit lui aussi être rejeté. Durant son témoignage devant l'arbitre, Me Cousins a reconnu que les poursuites criminelles demeurent une option. Son témoignage sur ce point se trouve aux pages 646 et 647 du dossier certifié du tribunal :


[traduction]

L'AVOCAT: Selon votre expérience, en Ontario par exemple, ces différends touchant la facturation sont-ils en général l'affaire du procureur de la poursuite ou l'affaire du Collège?

LE TÉMOIN: Oh ils sont presque toujours, presque invariablement, transmis au Collège des médecins et chirurgiens. Au cours des sept ou huit dernières années, il y a eu une période durant laquelle un médecin pouvait être accusé de ce que l'on appelait une fraude au RASO, mais, au cours des sept ou huit dernières années, la quasi-totalité des différends de ce genre ont été soumis au Collège. Il y a au Collège un comité appelé le Comité d'examen des médecins, et je me suis occupé de cas où des médecins ont été accusés de surfacturer le RASO, et aucun d'eux n'a été poursuivi au criminel. Tous ont eu une rencontre avec le Collège, ils s'entendent ou ne s'entendent pas sur les sommes à payer, et le médecin doit se soumettre à un plan de remboursement, et ce qui arrive, c'est que par la suite, le RASO déduira des honoraires du médecin l'argent que celui-ci doit rembourser au RASO. C'est la plupart du temps ainsi que les choses se passent. Je crois que l'on a pu voir quelque chose dans les journaux, il y a environ un an, à propos d'un médecin qui avait été accusé de fraude au RASO, mais c'est le premier cas du genre depuis de nombreuses années. Et je suis sûr qu'il y a quelque chose d'inhabituel dans ce cas particulier, parce que la plupart du temps le Collège règle la question en récupérant les sommes dues, et dans d'autres cas, par voie de mesures disciplinaires à l'endroit du professionnel de la santé lui-même.

[47]            Je considère comme crédible le témoignage de Me Cousins, mais à certains égards il y manque des informations importantes. Me Cousins n'a à peu près rien dit sur les circonstances dans lesquelles se déroulent les poursuites pour « fraude au RASO » . Quoi qu'il en soit, la décision de ne pas engager de poursuites signifie que l'individu en question ne sera pas reconnu coupable de l'infraction, mais cela n'empêche pas qu'il existe « des motifs raisonnables de croire » que l'individu « a commis » l'infraction en question, ce qui est la norme imposée par le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii).


[48]            La distinction entre la comparabilité d'infractions et la comparabilité de condamnations a été considérée dans l'arrêt rendu par le juge Strayer à propos de l'affaire Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 1 C.F. 235 (C.A.). Il s'exprimait ainsi, au paragraphe 18 : « ce qu'il faut examiner, c'est la comparabilité des infractions, et non la comparabilité des possibilités de condamnation dans les deux pays » . La question soulevée dans cette affaire était de savoir si un arbitre devrait tenir compte de la conduite adoptée par la police dans un autre pays, conduite qui, si elle avait été adoptée par la police au Canada, irait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge Staryer, estimant que ce n'était pas là un facteur pertinent en ce qui avait trait à l'article 19 de la Loi, a écrit au paragraphe 27 que, lorsqu'il se demande s'il y a équivalence, « il n'y a pas lieu pour l'arbitre de faire un parallèle entre les règles de preuve ou de procédure applicables dans les deux ressorts respectifs, lors même que les normes canadiennes sont imposées par la Charte » . D'après moi, cela veut dire qu'il n'importe pas de savoir si l'intéressé aurait été reconnu coupable de l'infraction pour le cas où elle aurait été commise au Canada; il s'agit plutôt de savoir si l'intéressé a « commis » une infraction « punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans » . C'est ce que l'arbitre a évalué ici, et je suis d'avis que ses conclusions en matière d'équivalence étaient exactes. Le demandeur n'a pas contesté les infractions au Code criminel que l'arbitre a jugé équivalentes.

5.          Caractère suffisant de la preuve

[49]            La preuve dont disposait l'arbitre au regard des présumés actes criminels commis par M. Froom comprend ce qui suit :


1.          la plainte scellée attestée sous serment par Andrew J. Trilling devant l'honorable Ronald L. Ellis, un magistrat des États-Unis, district sud de New York, dans l'affaire The United States of America v. Sonia Lafontaine, a.k.a. Sonia Froome and Arthur Kissel, a.k.a. Arthur Froome. Il s'agit d'une plainte de sept pages décrivant des actes de fraude allant de mars 1994 à janvier 1998, à New York, qui consistent en de fausses réclamations présentées à plusieurs sociétés d'assurance santé à l'égard de patients désignés patient 1, patient 2, patient 3, patient 4, patient 5 et faisant intervenir le médecin 1 et le médecin 2. Ces patients et ces médecins ont été interrogés par M. Trilling;

2.          l'acte d'accusation délivré par le grand jury à l'encontre du demandeur au regard de ces allégations;

3.          la lettre adressée le 12 septembre 2000 par le ministère de la Justice des États-Unis au Centre d'immigration du défendeur pour l'agglomération de Toronto, lettre à laquelle étaient joints un communiqué de presse ainsi que des articles tirés du New York Times et du New York Daily News et se rapportant à la déclaration de culpabilité de l'épouse du demandeur, qui était accusée des mêmes actes criminels que le demandeur. Le coaccusé a été reconnu coupable de complot en vue de commettre une fraude postale et une fraude aux soins de santé, ainsi que de complot en vue de se livrer à des opérations financières illégales. Un médecin, qui était également accusé avec le demandeur, a aussi plaidé coupable en réponse à une accusation de complot avec le demandeur en vue de commettre une fraude postale et une fraude aux soins de santé. Le communiqué de presse renferme des indications sur les présumés actes criminels commis par le demandeur, notamment le fait que le demandeur aurait transféré 492 000 $, somme qui comprenait le produit de fraudes, de comptes bancaires à New York vers des comptes bancaires à Toronto, après avoir eu vent des enquêtes pour fraude dont il était l'objet. L'article du New York Times, daté du 13 juillet 2000, mentionnait que Mme Lafontaine avait présenté des réclamations frauduleuses d'une valeur de près de 500 000 $ à des sociétés d'assurances pour les amener par duperie à payer une chirurgie cosmétique, une intervention rarement remboursée. Le reportage indiquait que le mari de Mme Lafontaine, Arthur Kissel (le demandeur), est, dans l'affaire considérée, un fugitif. Le reportage indiquait aussi qu'un médecin qui était accusé avec le demandeur avait plaidé coupable en réponse à l'accusation de fraude à l'assurance.


[50]            Dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Legault, précité, la Cour d'appel fédérale avait jugé qu'un arbitre pouvait s'en rapporter à l'acte d'accusation délivré par un grand jury fédéral des États-Unis à l'encontre de l'intimé, pour une diversité d'infractions, notamment l'infraction de complot en vue de commettre une fraude postale et une fraude. Le juge du procès avait infirmé la décision de l'arbitre parce qu'elle n'était fondée que sur les allégations figurant dans l'acte d'accusation qui avait été délivré par le grand jury, et parce que l'arbitre n'avait examiné aucun élément de preuve se rapportant aux présumées infractions, mais la Cour d'appel a cassé le jugement du juge de première instance. Au paragraphe 9, la Cour s'est exprimée ainsi :

Le juge des requêtes a également conclu que « sur le fondement des allégations dont il est fait état dans l'acte d'accusation, l'arbitre a commis une autre erreur de droit puisqu'il ne s'est pas prononcé de manière indépendante en fonction de la preuve soumise » .

L'arbitre avait estimé que le mandat d'arrêt décerné contre M. Legault ainsi que l'acte d'accusation constituaient des motifs raisonnables de croire que M. Legault avait commis plusieurs actes punissables aux États-Unis. L'arbitre avait dit que ces documents définissaient en détail les infractions. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi, au paragraphe 10 :

Rien n'indique qu'en l'espèce, l'arbitre n'ait pas procédé à un jugement indépendant des faits. Bien au contraire! Ainsi que lui-même l'a fait remarquer, l'acte d'accusation et le mandat d'arrêt « exposent en détail les infractions reprochées et donnent une description détaillée des moyens employés pour commettre les différentes infractions » . Il a conclu qu'il s'agissait là d'une preuve crédible ou digne de foi dans les circonstances de la cause et, à mon avis, cette décision relève parfaitement de son pouvoir discrétionnaire en la matière. Vu les éléments de preuve dont il était saisi, il était raisonnablement fondé à tirer cette conclusion.

Ce principe est applicable au cas qui nous occupe. Après examen de la preuve, je suis d'avis que l'acte d'accusation décerné par le grand jury, la lettre du ministère de la Justice des États-Unis et le communiqué de presse constituent une preuve suffisante des infractions sur lesquelles l'arbitre pouvait se fonder. Je suis d'avis que l'arbitre a eu raison de conclure, au vu de la preuve qu'elle avait devant elle, qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Froom avait commis l'infraction criminelle de complot visant à commettre une fraude postale et une fraude.

DISPOSITIF

[51]            Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.


QUESTIONS CERTIFIÉES PROPOSÉES

[52]            Le demandeur propose que soient certifiées les cinq questions suivantes :

1.          Un État étranger peut-il utiliser les dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour s'opposer à ce qu'une personne lui soit retournée pour faire face à des accusations criminelles qui auraient pu être l'objet d'une demande selon les dispositions de la Loi sur l'extradition si les allégations avaient été faites alors que l'intéressé se trouvait légalement au Canada et n'était pas une personne non admissible en application des autres dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés?

2.          Dans l'affirmative, en résulte-t-il une violation des protections énoncées dans un traité d'extradition entre deux pays qui prévoit des sauvegardes pour la personne recherchée, par exemple la règle de la spécialité? Dans ces conditions, y a-t-il abus de procédure?

3.          Y a-t-il abus de procédure quand un État étranger est à l'origine de la procédure de détention et d'expulsion engagée contre une personne qui est recherchée dans cet État pour des accusations criminelles, et quand cet État coopère avec les autorités canadiennes de l'immigration dans le dessein d'obtenir le retour de cette personne par voie d'expulsion? Le processus tout entier s'en trouve-t-il vicié et l'administration de la justice risque-t-elle d'être déconsidérée?

4.          L'arbitre peut-il dire qu'une personne a commis des actes criminels dans un État étranger de telle sorte qu'elle devient non admissible au Canada, sans donner de précisions sur les opérations particulières qui constituent la base de l'infraction?

5.          Une allégation qui ne précise pas en quoi les États-Unis ont été une victime, exigence impérative de la section 371 des Federal Statutes, pourrait-elle constituer la base d'une allégation en matière d'immigration à l'encontre d'une personne recherchée?


[53]            Le défendeur s'oppose, pour plusieurs raisons, à ce que ces questions soient certifiées. Je suis d'avis, pour les motifs susmentionnés, soit que les questions proposées ne soulèvent pas une question grave de portée générale qui n'ait pas déjà été décidée par la Cour suprême du Canada et/ou par la Cour d'appel fédérale, soit que les circonstances de cette affaire ne peuvent servir de fondement aux questions proposées. Par conséquent, je ne puis certifier aucune des questions proposées à titre de questions graves de portée générale qui devraient être certifiées en application de l'alinéa 74d) de la LIPR.

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »            

                                                                                                                                                     Juge                           

OTTAWA (ONTARIO)

le 2 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5052-01

INTITULÉ :                                                    ARTHUR FROOM

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MARDI 9 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                  LE JEUDI 2 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Me Lorne Waldman                                           pour le demandeur

Me Netta Logsetty                                             pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Lorne Waldman                                           pour le demandeur

Waldman et Associés

Avocats

281, avenue Eglinton est,

Toronto (Ontario) M4P 1L3

M. Morris Rosenberg                                        pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

            Date : 20031002

Dossier : IMM-5052-01

ENTRE :

ARTHUR FROOM

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                  


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