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Date : 20031028

Dossier : T-1606-03

Référence : 2003 CF 1260

Montréal (Québec), le 28 octobre 2003

En présence de Monsieur le juge Beaudry

ENTRE :

                                                 CARREFOUR LANGELIER INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                          L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BEAUDRY

[1]                Il s'agit d'une requête que la demanderesse a présentée en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant à M. David Feher de se présenter à nouveau pour être contre-interrogé au sujet de son affidavit du 29 septembre 2003, de répondre à des questions et de déposer une copie du mandat qu'il a reçu de la défenderesse.

[2]                Au cours du contre-interrogatoire de M. Feher qui a eu lieu le 29 septembre 2003, l'avocate de la défenderesse a formulé quatre objections et refusé de fournir une copie du mandat donné à M. Feher.

[3]                Dans l'affidavit au sujet duquel il a été interrogé, M. Feher déclare qu'il est comptable pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Le service des recouvrements lui a demandé d'évaluer les actions que M. Harry Glassman détient dans la société de portefeuille Grands Horizons de l'Île (Grands Horizons). M. Glassman a déposé un document de cession en faillite le 9 août 2002 et le service des recouvrements devait évaluer les actions qu'il possédait aux fins du recouvrement. La valeur de Grands Horizons provient des actions que celle-ci détient dans Moncan Inc. En conséquence, pour déterminer la valeur des actions que M. Glassman détient dans Grands Horizons, il est nécessaire d'établir la valeur de Moncan Inc., ce qui, à son tour, nécessite l'évaluation des investissements que celle-ci a faits dans Carrefour Langelier Inc.

[4]                Le 20 août 2003, conformément au paragraphe 231.2(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, la demanderesse a reçu un avis lui demandant de fournir des renseignements et des documents au plus tard le 10 septembre 2003. C'est dans ce contexte que M. Feher s'est fait demander de répondre sous serment à des questions de Carrefour Langelier Inc. au sujet de l'affidavit qu'il avait signé.


[5]                Le mandat écrit que M. Feher a obtenu du service des recouvrements figure sur la formule T-104. Les avocats de la demanderesse ont demandé une copie de ce document. La défenderesse s'est opposée avec raison à la production de ce document. Il appert clairement des affidavits déposés par M. Feher et M. Danny Guay que le mandat consiste à évaluer les actions de M. Glassman aux fins du recouvrement.

[6]                La demanderesse soutient qu'elle a besoin de ce document pour répondre à l'avis de demande de renseignements et documents. Je ne suis pas d'accord. Après avoir analysé les documents déposés, j'estime qu'il ne s'agit pas d'une recherche à l'aveuglette de la part du service des recouvrements. Dans le bilan qu'il a déposé dans le dossier de sa faillite, M. Glassman indique qu'il possède une action de catégorie G de Moncan Inc. ainsi qu'une action de catégorie B et 166 250 actions de catégorie F de Grands Horizons. La défenderesse a déposé un document daté du 12 septembre 2003 dans lequel l'inspecteur général des institutions financières confirme que Moncan Inc. est actionnaire de Carrefour Langelier Inc. et que M. Glassman est le secrétaire et le « principal dirigeant » .

[7]                Je ne vois donc aucune raison d'appuyer la demande et d'obliger la défenderesse à produire le mandat écrit donné à M. Feher. Même si la transcription révèle effectivement que le témoin semble confus, il est évident qu'il est investi d'un mandat clair l'autorisant à déterminer la juste valeur marchande des actions que détient M. Glassman dans Grands Horizons (aux pages 12, 18 et 19).

[8]                Le juge Rothstein (alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale) a dit ce qui suit dans AGT Ltd. c. Canada (Procureur général du Canada), [1996] 3 C.F. 505 (C.F. 1re inst.) :

4. Il n'est pas nécessaire qu'une demande de production de documents énonce les raisons pour lesquelles les documents sont demandés.

                5. Tant et aussi longtemps que les documents concernent une enquête véritable au sujet de la dette fiscale d'une personne, ils peuvent être visés par une demande de production fondée sur le paragraphe 231.2(1).

[9]                J'ajouterais qu'il n'est pas nécessaire que le mandat donné à M. Feher dans la présente affaire soit remis à la demanderesse. Par conséquent, l'objection est accueillie.

[10]            Les quatre objections suivantes ont été soulevées :

1.         À la page 33 de la transcription, l'avocate de la défenderesse a contesté la pertinence de l'endroit où le témoin a obtenu les documents. Les réponses ont été données sous réserve de l'objection et, puisqu'elles ont déjà été données, la demanderesse sait désormais d'où proviennent les documents. L'objection est donc théorique, mais j'aurais permis la question.


2.         À la page 48 de la transcription, les avocats de la demanderesse ont voulu savoir de M. Feher si celui-ci avait fait parvenir la même demande au sujet de la société 2466. Il s'agit d'une tierce partie par rapport à la demanderesse. Par conséquent, l'objection est accueillie, parce que le renseignement demandé n'est pas pertinent. La société à dénomination numérique 2437-2666 Quebec Inc. est une autre entité qui est complètement distincte de Carrefour Langelier Inc.

3.         À la page 56 de la transcription, l'objection concernait les questions posées à M. Feher au sujet d'un document préparé par une autre personne. Je conviens avec l'avocate de la défenderesse que le témoin n'est pas obligé de commenter un montant (comme celui de la présente affaire, soit 138 371 $) figurant dans un document qu'il n'a pas lui-même préparé. L'objection est accueillie.

4.         À la page 62 de la transcription, l'objection concernait la question suivante : [traduction] « Quelles sont les autres réserves que vous devriez formuler si vous ne pouviez obtenir les renseignements et documents énumérés dans votre paragraphe 9? » . Dans son affidavit, M. Feher a déclaré ce qui suit à la page 9 :

[traduction] Afin d'évaluer l'investissement en question dans Carrefour Langelier Inc., il est nécessaire d'obtenir les renseignements suivants de Carrefour Langelier Inc. ou au sujet de celle-ci :

a)              le registre des procès-verbaux de Carrefour Langelier Inc.;

b)              une copie de la convention liée à [traduction] « l'investissement dans la société de personnes » dont il est fait mention dans les états financiers de 2002 de Carrefour Langelier Inc.;

c)              les états financiers de cette société de personnes pour la période allant de 1997 à 2002;

d)              des détails (copie du contrat, nom du « particulier » , nom de la « société » qui est contrôlée par ce « particulier » , description des titres en cause) concernant le « solde de la créance sur vente » dont il est fait mention dans les états financiers de 2002;


e)              des détails (nom des sociétés en question, actions de ces sociétés, etc.) concernant le montant « dû par des sociétés liées » et par « la société mère » , soit le total de 6 736 176 $ dont il est fait mention dans les états financiers de 2002 sous la rubrique « éléments d'actif » ;

f)              des détails concernant les emprunts de 7 540 876 $ dont il est fait mention dans les états financiers de 2002.

Je suis d'avis que cette question n'est pas pertinente et qu'elle est hypothétique. Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Feher explique ce qui arriverait s'il ne pouvait obtenir les renseignements :

[traduction] Si je n'obtiens pas ces renseignements, je ne serai pas en mesure de donner une opinion sans réserve au sujet de la juste valeur marchande desdites actions que détient le débiteur, Harry Glassman.

Au paragraphe 12, il a ajouté ce qui suit :

[traduction] J'ai présumé que les faits tirés des états financiers joints aux déclarations de revenus de la société sont vrais.

Je ne vois aucune raison de permettre cette question, parce qu'il appartient à M. Feher de faire l'évaluation et de donner un avis au sujet de la valeur des actions que M. Glassman détient dans Grands Horizons. Ce renseignement n'a rien à voir avec la demanderesse. Par conséquent, cette objection est accueillie.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée, les dépens devant suivre l'issue de la cause.

                    « Michel Beaudry »            

                Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1606-03

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         CARREFOUR LANGELIER INC.

c.

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 27 octobre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    Monsieur le jugeBeaudry

DATE DES MOTIFS :                                   Le 28 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Aaron Rodgers                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Chantal Comtois                                                            POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Spiegel Sohmer                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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