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Date : 20030226

Dossier : T-166-00

Référence neutre : 2003 CFPI 239

ENTRE :

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                             ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                          demanderesse

                                                            WALTER OBODZINSKY

                                                              (Alias Wlodzimierz ou

                                                              Volodya Obodzinsky)

                                                                                                                                                    défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

A.        LA REQUÊTE ET SON CONTEXTE

[1]                 Ces motifs font suite à une requête présentée par le défendeur, Walter Obodzinsky, recherchant que soient déclarés inadmissibles en preuve: 1) certains documents déposés au procès par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le « ministre » ); 2) une partie des témoignages et documents présentés durant la Commission rogatoire; et 3) une ordonnance que la preuve recueillie lors de la Commission rogatoire ne soit versée au dossier de l'instruction avant que soient décidées au procès les questions de la prescription et des laches.


[2]                 Le défendeur est né le 7 mai 1919 au village de Turez situé dans le district de Mir qui, entre 1921 et 1939, faisait partie de la Pologne avant de passer sous le contrôle de l'Union des républiques socialistes soviétiques ( « URSS » ) jusqu'à l'été 1941 pour, après, subir le joug de l'invasion et l'occupation allemande pendant trois ans et, par la suite, revenir sous le contrôle de l'URSS.

[3]                 Il est allégué par le ministre que le défendeur, durant l'été 1941, s'est volontairement joint comme policier à l'unité de police auxiliaire formée dans le district de Mir par l'Administration militaire d'occupation allemande et d'y avoir exercé fonctions jusqu'à l'été 1943, période durant laquelle cette police auxiliaire aurait appuyé les forces allemandes dans la perpétration d'atrocités, surtout contre la population juive.

[4]                 Il est allégué par le ministre qu'à l'été 1943, le défendeur devient officier dans une nouvelle formation - le Jagdzug Baronowitche - créée par les forces militaires allemandes pour lutter contre les partisans, une force de résistance.

[5]                 Le ministre dit que le défendeur, accompagne les forces allemandes dans leur retraite du Front de l'est, se retrouve avec la 30ième Waffen SS en France en août 1944 où, parmi d'autres, il déserte et passe du côté des Alliés pour se joindre plus tard au Second Corps Polonais à l'époque sous le commandement britannique et cantonné en Italie.


[6]                 Suite au décret du Conseil privé du Canada P.C. 3112 daté du 23 juillet 1946, le Canada accepte d'accueillir 4,000 ex-membres des Forces armées polonaises, y inclus ceux du 2ième Corps polonais pour travailler au Canada en agriculture pendant deux ans et ensuite être éligibles à la résidence permanente et à la citoyenneté canadienne.

[7]                 Le défendeur fut sélectionné et admis temporairement au Canada le 24 novembre 1946. Il obtient la résidence permanente en avril 1950 et la citoyenneté canadienne le 21 septembre 1955.

[8]                 Le processus de révocation de la citoyenneté canadienne du défendeur est entamé lorsque le ministre informa ce dernier le 30 juillet 1999 de son intention de faire rapport au Gouverneur général en conseil selon les dispositions de l'article 10 de la Loi sur la Citoyenneté (la « Loi » ). Le 24 août 1999, l'intimé, comme c'était son droit sous cette Loi, demanda au ministre de faire un renvoi de l'affaire à la Section de première instance de la Cour fédérale pour qu'elle détermine si le défendeur a acquis sa citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle des faits essentiels.


[9]                 Suite à la demande du défendeur, le ministre entreprit, le 1er février 2000, par voie de déclaration, des procédures à cette fin devant la Section de première instance de la Cour fédérale. Ces procédures reprochaient au défendeur d'avoir caché aux autorités canadiennes ses activités durant la Seconde guerre mondiale. En sommes, on lui reprochait d'avoir dissimulé intentionnellement son passé et, plus particulièrement, sa collaboration avec les Forces Nazies.

[10]            Après plusieurs recours devant la Section de première instance, la Cour d'appel fédérale et une demande de permission d'en appeler refusée par la Cour suprême du Canada, une Commission rogatoire fut établie par ordonnance du juge en chef adjoint en août 2002 qui, par la suite, recueille des témoignages en Biélorussie, en Angleterre et en Israël durant l'automne 2002. Le procès de l'instance débute à Montréal le 12 novembre 2002 pour entendre la preuve du ministre et c'est dans ce contexte que le défendeur présente sa requête pour exclure une certaine preuve que le ministre veut verser au dossier.

[11]            La toile de fond de l'instance est le décret C.P. 1946-3112 dont je reproduis un extrait:

AND WHEREAS the Minister of Mines and Resources proposes to permit entry into Canada under the authority of the Immigration Act of 4,000 single ex-members of the Polish Armed Forces who served with the Allied Forces engaged in hostilities against the Axis powers and who are presently located in the United Kingdom and Italy and are qualified for and willing to undertake agricultural employment in Canada;

NOW, THEREFORE, His Excellency the Governor General in Council, on the joint recommendation of the Minister of Labour and the Minister of Mines and Resources is pleased to order and doth hereby order as follows:-

1.         The Minister of Labour is hereby authorized


(a)_by arrangement with the Departments concerned to send representatives of the Departments of Mines and Resources and Labour and the Royal Canadian Mounted Police to the United Kingdom and Italy to interview and examine persons of the above-mentioned description for the purpose of selecting 4,000 of such persons for agricultural employment in Canada and to pay the necessary transportation and living expenses of such representatives while so engaged; [je souligne]

[12]            Le chef de l'équipe canadienne de sélection établie par C.P. 1946-3112 est M. H.R. Hare, fonctionnaire au sein du Service national de l'emploi qui, le 26 novembre 1946, fait rapport des activités de l'équipe.

[13]            Le sergent-major Ken Shakespeare de la Gendarmerie royale du Canada ( « GRC » ) est membre de l'équipe de sélection et qui, avec le sergent John Stevenson de la GRC, questionnent les candidats polonais. Il dépose son rapport le 4 janvier 1947.

[14]            MM. Hare & Shakespeare sont décédés depuis quelque temps.

B. LES OBJECTIONS SOULEVÉES PAR LE DÉFENDEUR

1)    Les rapports Hare et Shakespeare

[15]            Le défendeur prétend que sont inadmissibles en preuve les rapports Hare et Shakespeare et ceci pour trois motifs:


1)         Les exigences de l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada (la « Loi sur la preuve » ), exception législative à la règle de droit commun sur l'inadmissibilité de la preuve par ouï-dire, ne sont pas rencontrées pour deux raisons. Premièrement, les rapports n'ont pas été établis "dans le cours ordinaire des affaires" des ministères ou organismes concernés puisque ces rapports découlaient d'un plan spécial approuvé par le Conseil des ministres et que la GRC n'avait pas alors, dans le cadre ordinaire de ses affaires, la tâche de procéder à la sélection sécuritaire à l'étranger d'immigrants potentiels, une tâche en dehors de leur travail normal et, au deuxième motif que le rapport Shakespeare est exclu par l'article 30(10) de la Loi sur la preuve, ce rapport ayant été « établi au cours d'une investigation ou d'une enquête » .

2)         Une partie importante des rapports Hare et Shakespeare repose sur du ouï-dire. Ils rapportent des faits et des discussions sur lesquels ils n'auraient pu témoigner eux-mêmes.

3)         Les rapports de MM. Hare et Shakespeare reposent beaucoup sur des opinions visant les questions en litige et la majeure partie des données des rapports proviennent de plusieurs sources inconnues. Le défendeur en donne quelques exemples:

a)         paragraphe 26 « The Poles, who are masters of equivocation, quarelled with our interpretation » ;


b)         paragraphe 27, Shakespeare déclare que le pourcentage de rejet a été bien plus élevé que prévu en raison des critères élevés établis par la mission concernant l'état physique, « suitability and qualifications as farm workers and finally security » .

c)         Shakespeare déclare qu'il n'a pas l'impression que les meilleurs hommes ont été présentés comme candidats et il dit regretter le triage préliminaire effectué par les Polonais.

2)         Autres documents concernant l'immigration

[16]            Le défendeur veut exclure quelques autres documents d'immigration cités aux rapports d'experts, soit parce qu'ils ne sont pas des pièces au sens de l'article 30 de la Loi sur la preuve ou soit qu'il s'agit exclusivement de lettres d'opinion.

[17]            Les documents visés se retrouvent aux onglets 51,100,103, 233, 235, et 236. Par exemple, le défendeur prétend que le document à l'onglet 51, un document adressé au Sous-secrétaire d'État adjoint aux Affaires extérieures en date du 16 mai 1946, concernant les éventuels contrôles de sécurité à exercer sur les immigrants potentiels, n'est qu'une lettre d'opinion. Les documents aux onglets 100, 233 et 236 sont des comptes rendus des débats de la Chambre des communes.

  

3)         Documents historiques

[18]            Le défendeur veut exclure les documents historiques suivants:

a)         Selon lui, le document à l'onglet 10 intitulé « Event Report USSR No. 31 » provenant du chef de la Police de sécurité et de la SD, à Berlin, en date du 23 août 1941, n'est qu'un document d'analyses et d'opinions sur la situation dans les territoires occupés de l'Est (Ostland) et de l'URSS.

b)         Celui à l'onglet 40 est incomplet et celui à l'onglet 105 provient d'une source inconnue, n'est pas signé et, à ce titre, ne devrait pas être déposé et qui de plus, contient de nombreuses opinions et commentaires sur la situation de la police auxiliaire.

c)         Le document à l'onglet 106 est la transcription d'un discours prononcé par un haut-gradé de la SS, le Général Von Gottberg pour lancer les opérations de lutte contre les partisans dans les territoires de l'Est (Ostland). Selon le défendeur, il ne s'agit pas d'une pièce qui peut être produite sous l'article 30 de la Loi sur la preuve et, de plus, contient de nombreuses opinions.

4)         Documents recueillis en Commission rogatoire


[19]            Une troisième catégorie de documents dont l'exclusion est voulue se situe dans le cadre du témoignage de M. Suchcitz recueilli en Commission rogatoire. Le défendeur invoque l'inadmissibilité de certains commentaires et de certaines pièces aux motifs que son rapport d'expert, signifié au défendeur, n'en faisait nulle mention et ne portait nullement sur ces pièces.

[20]            D'une façon plus large en ce qui concerne les témoignages d'individus entendus en Commission rogatoire, le défendeur soulève plusieurs questions posées dont les réponses s'appuient, selon lui, sur le ouï-dire et donc ne peuvent être versées au dossier de l'instruction.

5)         Commission rogatoire - délai du dépôt de la preuve entière


[21]            En dernier lieu, le défendeur recherche une ordonnance de cette Cour que la totalité de la preuve reçue en Commission rogatoire ne soit pas versée au dossier de l'instruction avant que la Cour décide les défenses reposant de la prescription et des laches. Il allègue un préjudice irréparable notamment quant à sa réputation et sa vie privée si cette preuve est déposée maintenant et que, par la suite, la Cour rejette l'action du ministre soit parce qu'elle est prescrite ou pour cause de laches. Comme ces témoignages ont été obtenus dans les circonstances où il a été incapable et reste incapable, pour des raisons de santé, de participer à sa défense, à la Commission rogatoire, et à l'instruction, état de santé aggravé par le délai d'introduction de cette action et de la signification de l'avis de révocation, le dépôt des dites dépositions, il soutient, constituerait une violation des règles d'équité.

C.        LÉGISLATION     

[22]            Les articles 10 et 18 de la Loi sur la Citoyenneté se lisent:



10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée_:

a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

10(2) Présomption

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l'a acquise à raison d'une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l'un de ces trois moyens.

1974-75-76, ch. 108, art. 9.

18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée_:

a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;

b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

18(2) Nature de l'avis

(2) L'avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu'a l'intéressé, dans les trente jours suivant sa date d'expédition, de demander au ministre le renvoi de l'affaire devant la Cour. La communication de l'avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l'intéressé.

18(3) Caractère définitif de la décision

(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.

1974-75-76, ch. 108, art. 17.

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

(a) the person ceases to be a citizen, or

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

10(2) Presumption

(2) A person shall be deemed to have obtained citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person was lawfully admitted to Canada for permanent residence by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of that admission, the person subsequently obtained citizenship.

1974-75-76, c. 108, s. 9.

18.(1) The Minister shall not make a report under section 10 unless the Minister has given notice of his intention to do so to the person in respect of whom the report is to be made and

(a) that person does not, within thirty days after the day on which the notice is sent, request that the Minister refer the case to the Court; or

(b) that person does so request and the Court decides that the person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

18(2) Nature of notice

(2) The notice referred to in subsection (1) shall state that the person in respect of whom the report is to be made may, within thirty days after the day on which the notice is sent to him, request that the Minister refer the case to the Court, and such notice is sufficient if it is sent by registered mail to the person at his latest known address.

18(3) Decision final

(3) A decision of the Court made under subsection (1) is final and, notwithstanding any other Act of Parliament, no appeal lies therefrom.

1974-75-76, c. 108, s. 17.


[23]            L'article 30 de la Loi sur la preuve dispose:



30. (1) Lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est, en vertu du présent article, admissible en preuve dans la procédure judiciaire sur production de la pièce.

30(2) Présomption à tirer du défaut de renseignements

(2) Lorsqu'une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires ne contient pas de renseignements sur une chose dont on peut raisonnablement s'attendre à trouver la survenance ou l'existence consignées dans cette pièce, le tribunal peut, sur production de la pièce, admettre celle-ci aux fins d'établir ce défaut de renseignements et peut en conclure qu'une telle chose ne s'est pas produite ou n'a pas existé.

30(3) Copie des pièces

(3) Lorsqu'il n'est pas possible ou raisonnablement commode de produire une pièce décrite au paragraphe (1) ou (2), une copie de la pièce accompagnée d'un premier document indiquant les raisons pour lesquelles il n'est pas possible ou raisonnablement commode de produire la pièce et d'un deuxième document préparé par la personne qui a établi la copie indiquant d'où elle provient et attestant son authenticité, est admissible en preuve, en vertu du présent article, de la même manière que s'il s'agissait de l'original de cette pièce pourvu que les documents satisfassent aux conditions suivantes_: que leur auteur les ait préparés soit sous forme d'affidavit reçu par une personne autorisée, soit sous forme de certificat ou de déclaration comportant une attestation selon laquelle ce certificat ou cette déclaration a été établi en conformité avec les lois d'un État étranger, que le certificat ou l'attestation prenne ou non la forme d'un affidavit reçu par un fonctionnaire de l'État étranger.

                                 . . .

30(6) Le tribunal peut examiner la pièce et entendre des témoins

(6) Aux fins de déterminer si l'une des dispositions du présent article s'applique, ou aux fins de déterminer la valeur probante, le cas échéant, qui doit être accordée aux renseignements contenus dans une pièce admise en preuve en vertu du présent article, le tribunal peut, sur production d'une pièce, examiner celle-ci, admettre toute preuve à son sujet fournie de vive voix ou par affidavit, y compris la preuve des circonstances dans lesquelles les renseignements contenus dans la pièce ont été écrits, consignés, conservés ou reproduits et tirer toute conclusion raisonnable de la forme ou du contenu de la pièce.

                                 . . .

30(10) Preuve qui ne peut être admise aux termes de l'article

(10) Le présent article n'a pas pour effet de rendre admissibles en preuve dans une procédure judiciaire_:

a) un fragment de pièce, lorsqu'il a été prouvé que le fragment est, selon le cas_:

(i) une pièce établie au cours d'une investigation ou d'une enquête,

                                 . . .

30(11) Interprétation de l'article

(11) Les dispositions du présent article sont réputées s'ajouter et non pas déroger_:

a) à toute autre disposition de la présente loi ou de toute autre loi fédérale concernant l'admissibilité en preuve d'une pièce ou concernant la preuve d'une chose;

b) à tout principe de droit existant en vertu duquel une pièce est admissible en preuve ou une chose peut être prouvée.

30(12) Définitions

(12) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

30(12) « affaires » "business"

« affaires » Tout commerce ou métier ou toute affaire, profession, industrie ou entreprise de quelque nature que ce soit exploités ou exercés au Canada ou à l'étranger, soit en vue d'un profit, soit à d'autres fins, y compris toute activité exercée ou opération effectuée, au Canada ou à l'étranger, par un gouvernement, par un ministère, une direction, un conseil, une commission ou un organisme d'un gouvernement, par un tribunal ou par un autre organisme ou une autre autorité exerçant une fonction gouvernementale.

                                 . . .

30(12) « pièce » "record"

« pièce » Sont assimilés à une pièce l'ensemble ou tout fragment d'un livre, d'un document, d'un écrit, d'une fiche, d'une carte, d'un ruban ou d'une autre chose sur ou dans lesquels des renseignements sont écrits, enregistrés, conservés ou reproduits, et, sauf pour l'application des paragraphes (3) et (4), toute copie ou transcription admise en preuve en vertu du présent article en conformité avec le paragraphe (3) ou (4).

L.R. (1985), ch. C-5, art. 30; 1994, ch. 44, art. 91. [je souligne]

30. (1) Where oral evidence in respect of a matter would be admissible in a legal proceeding, a record made in the usual and ordinary course of business that contains information in respect of that matter is admissible in evidence under this section in the legal proceeding on production of the record.

30(2) Inference where information not in business record

(2) Where a record made in the usual and ordinary course of business does not contain information in respect of a matter the occurrence or existence of which might reasonably be expected to be recorded in that record, the court may on production of the record admit the record for the purpose of establishing that fact and may draw the inference that the matter did not occur or exist.

30(3) Copy of records

(3) Where it is not possible or reasonably practicable to produce any record described in subsection (1) or (2), a copy of the record accompanied by two documents, one that is made by a person who states why it is not possible or reasonably practicable to produce the record and one that sets out the source from which the copy was made, that attests to the copy's authenticity and that is made by the person who made the copy, is admissible in evidence under this section in the same manner as if it were the original of the record if each document is

(a) an affidavit of each of those persons sworn before a commissioner or other person authorized to take affidavits; or

(b) a certificate or other statement pertaining to the record in which the person attests that the certificate or statement is made in conformity with the laws of a foreign state, whether or not the certificate or statement is in the form of an affidavit attested to before an official of the foreign state.

                                 . . .

30(6) Court may examine record and hear evidence

(6) For the purpose of determining whether any provision of this section applies, or for the purpose of determining the probative value, if any, to be given to information contained in any record admitted in evidence under this section, the court may, on production of any record, examine the record, admit any evidence in respect thereof given orally or by affidavit including evidence as to the circumstances in which the information contained in the record was written, recorded, stored or reproduced, and draw any reasonable inference from the form or content of the record.

                                 . . .

30(10) Evidence inadmissible under this section

(10) Nothing in this section renders admissible in evidence in any legal proceeding

(a) such part of any record as is proved to be

(i) a record made in the course of an investigation or inquiry,

                                 . . .

30(11) Construction of this section

(11) The provisions of this section shall be deemed to be in addition to and not in derogation of

(a) any other provision of this or any other Act of Parliament respecting the admissibility in evidence of any record or the proof of any matter; or

(b) any existing rule of law under which any record is admissible in evidence or any matter may be proved.

30(12) Definitions

(12) In this section,

30(12) "business" « affaires »

"business" means any business, profession, trade, calling, manufacture or undertaking of any kind carried on in Canada or elsewhere whether for profit or otherwise, including any activity or operation carried on or performed in Canada or elsewhere by any government, by any department, branch, board, commission or agency of any government, by any court or other tribunal or by any other body or authority performing a function of government;

                                 . . .

30(12) "record" « pièce »

"record" includes the whole or any part of any book, document, paper, card, tape or other thing on or in which information is written, recorded, stored or reproduced, and, except for the purposes of subsections (3) and (4), any copy or transcript admitted in evidence under this section pursuant to subsection (3) or (4).

R.S., 1985, c. C-5, s. 30; 1994, c. 44, s. 91.


D.        ANALYSE ET CONCLUSIONS

1)         Les principes

[24]            Sopinka, Lederman et Bryant dans The Law of Evidence in Canada, 2ième édition (Toronto, Butterworths, 1999) expriment la règle du ouï-dire comme suit au paragraphe 6.2:


§ 6.2 Written or oral statements, or communicative conduct made by persons otherwise than in testimony at the proceeding in which it is offered, are inadmissible, if such statements or conduct are tendered either as proof of their truth or as proof of assertions implicit therein.

[25]            Les auteurs de The Law of Evidence in Canada, précité, dégagent les principes suivants dans leur analyse de l'article 30 de la Loi sur la preuve, une analyse qui contraste celle-ci avec les dispositions des lois provinciales sur la preuve:

1) la Loi sur la preuve, dans plusieurs aspects importants, est différente des lois provinciales;

2) la seule condition préalable d'admissibilité est que la pièce doit être établie dans le cours ordinaire des affaires. Plusieurs lois provinciales requièrent un deuxième élément à l'effet que l'auteur du document était obligé de le rédiger dans le cours ordinaire des affaires. Comme l'explique le juge Cromwell dans R. c. Wilcox, [2001] NSCA 45, au paragraphe 54, « [U]nlike several of the provincial evidence act provisions, there is no requirement [in section 30 of the Canada Evidence Act] that it be in the usual and ordinary course of business to make such a record » .


3)         La Loi sur la preuve n'a aucune exigence de contemporanéité. Son alinéa 30(6) prévoit que la Cour peut « examiner celle-ci [la pièce], admettre toute preuve à son sujet fournie de vive voix ou par affidavit, y compris la preuve des circonstances dans lesquelles les renseignements contenus dans la pièce ont été écrits, consignés, conservés ou reproduits et tirer toute conclusion raisonnable de la forme ou du contenu de la pièce » . Le juge Griffiths dans Setak Computer Services Corporation Ltd. v. Burroughs Business Machines Ltd. et al., (1977), 15 O.R. (2d) 750, écrit:

A substantial factor in the reliability of any system of records is the promptness with which transactions are recorded. Unless it appears from the context of the record, or the testimony of the witness introducing the writings or records into evidence, that the act, transaction, occurrence or event described therein occurred within a reasonable time before the making of the writing or record, then such writing or record should not be admitted for the purpose of proving those matters. Where there is evidence of some delay in the transcribing, then in each case, it would seem to me, the Court must decide, as a matter of fact, whether the time span between the transaction and the recording thereof was so great as to suggest the danger of inaccuracy by lapse of memory.

4)         Plusieurs lois provinciales sur la preuve permettent explicitement que l'information dans un document ou dans une pièce soit admissible même si l'auteur n'en a pas une connaissance personnelle, disposition que l'on ne retrouve pas à l'article 30 de la Loi fédérale sur la preuve. Nonobstant ce fait, la jurisprudence interprétant l'article 30 de la Loi sur la preuve sanctionne l'admissibilité d'un document basée sur le double ouï-dire. Mon collègue le juge MacKay, dans Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Oberlander, [1998] A.C.F. 1380, souscrit à cette jurisprudence au paragraphe 14 citant le juge Callaghan dans R. v. Grimba (1977), 38 C.C.C. (2d) 469, à cet effet:


[TRADUCTION][...] il semblerait que le fondement de cette disposition[c'est-à-dire l'article 30], lorsqu'il s'agit d'admettreune forme de preuve par ouï-dire, est la garantiecirconstancielle inhérente d'exactitude qui existeraitdans un contexte commercial, dans le cas de pièces surlesquelles on se fonde dans les affaires courantesd'entreprises individuelles et qui sont assujetties à desvérifications et à des contre-vérifications fréquentes.Il semble que l'article 30 n'empêche pas l'examen par laCour des pièces ainsi systématiquement conservées etproduites, et sur lesquelles on se fonde régulièrement,simplement parce qu'elles contiennent du ouï-dire ou dudouble ouï-dire [...] [je souligne]

[26]            Le juge Jackson, au nom de la Cour d'appel de la Saskatchewan, dans R. c. Martin (1997), 8 C.R. 5th 246, écrit:

50 Section 30 would have accomplished little if the author of the data contained in a business record had to be called to testify. The complexity of modern business demands that most records will be composed of information gleaned by the maker from others.

[27]            L'interprétation donnée à la loi ontarienne sur la preuve dans l'affaire Adderly c. Bremner, [1968] 1 O.R. 621, frapperait d'exclusion les pièces qui contenaient des opinions subjectives. Cette loi n'envisage que l'admissibilité de faits objectifs. Selon les auteurs de The Law of Evidence in Canada, précité, la loi fédérale n'exclut pas des opinions contenues dans un document:

§ 6.163 It is curious that the exclusion of statements of opinion is recognized in view of the fact that the Canada Evidence Act allows for the admissibility of records "in respect of a matter". It could be argued that the use of the general word "matter" contemplates records containing opinions and other subjective data.


2)         Application des principes

a)         Aux rapports Hare et Shakespeare

[28]            Le défendeur soutient que les rapports Hare et Shakespeare ont été établis hors du cours ordinaire des affaires et donc inadmissibles sous l'article 30(1) de la Loi sur la preuve. Ces rapports, dit-il, découlent d'un programme spécial mis en place par le décret 1946-3112. Pour MM. Hare & Shakespeare, ce n'était pas un travail normal.

[29]            Ces prétentions doivent être rejetées. Le demandeur a déposé en preuve l'affidavit de William Kelly, ancien Commissaire adjoint de la GRC responsable pour les matières de sécurité. Il atteste que le rapport Shakespeare a été rédigé dans le cours ordinaire des affaires. Il va de même pour le rapport Hare où Kerry Adam Badgely, docteur en histoire, dépose que celui-ci a été produit dans le cours ordinaire des affaires.

[30]            Je note que le mot « affaires » , est défini à l'article 30(12) de la Loi sur la preuve, et comprend « toute activité exercée ou opération effectuée, au Canada ou à l'étranger, par un gouvernement, . . . ou un organisme d'un gouvernement, ... ou par une autre autorité exerçant une fonction gouvernementale » .

[31]            J'ajouterais qu'il est évident, à sa face même, qu'il est tout à fait normal et habituel que les fonctionnaires fassent rapport de leurs activités.

[32]            La décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Zundel (1987), 18 O.A.C. 161 à 208-209, citée par le défendeur, n'a aucune application. Dans cette cause, il y avait absence de preuve que le document avait été rédigé dans le cours ordinaire des affaires. Ici, c'est le contraire.

[33]            Le défendeur allègue que la GRC à cette époque ne disposait d'aucun pouvoir légal de procéder à une sélection sécuritaire en vertu du décret. Cet argument n'a aucun mérite. C'est le décret lui-même qui donne mandat « to send representatives of the Departments of Mines and Resources and Labour and the Royal Canadian Mounted Police to ... Italy to interview and examine persons of the above-mentioned description for the purpose of selecting 4,000 of such persons... » .

[34]            Le défendeur plaide l'exclusion visée à l'article 30(10) de la Loi sur la preuve qui dispose « [L]e présent article n'a pas pour effet de rendre admissibles en preuve dans une procédure judiciaire . . . une pièce établie au cours d'une investigation ou d'une enquête » .

[35]            Cette objection, à mon avis, repose sur une mauvaise compréhension de la nature du rapport Shakespeare. Celui-ci est un rapport global sur toute les activités de la GRC en Italie dans la cadre de la mission canadienne de sélection qui elle n'est pas une enquête ou une investigation comme telle.

[36]            Si le rapport Shakespeare avait fait état d'une ou plusieurs entrevues avec des candidats ou avait dévoilé le contenu d'une telle entrevue, la situation aurait été peut-être différente mais ce n'est pas le cas.

[37]            Avec le rapport Shakespeare, nous sommes loin de la situation devant la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Laverty (no. 2) (1979), 47 C.C.C. (2d) 60, où celle-ci a exclu les notes rédigées par un inspecteur du service des incendies durant le cours de son investigation d'un feu à la résidence de l'accusé.

[38]            J'écarte deux autres points soulevés par le défendeur à l'encontre de l'admissibilité des deux rapports au motif que:

1)         Ceux-ci sont fondés sur le ouï-dire. Les rapports ont été signés par une personne qui n'avait pas personnellement connaissance des faits. Ces documents rapportent des faits et des discussions sur lesquels MM. Hare et Shakespeare n'auraient pu témoigner eux-mêmes; et


2)         une grande partie des rapports Shakespeare et Hare expriment des opinions sur les questions en litige.

[39]            J'ai déjà conclu que la jurisprudence sous l'article 30 n'exclut pas un document basé sur le ouï-dire mais, à mon avis, il y a beaucoup plus. M. Hare était le chef de la mission et M. Shakespeare était, au sein de la mission, l'officier supérieur de la GRC. Leurs rapports confirment qu'ils étaient au centre névralgique des décisions prises et qu'ils avaient connaissance personnelle des faits et des événements décrits là - ils les ont vécus - il ne s'agit pas d'un rapport reposant sur le ouï-dire.

[40]            Quant au deuxième point, l'allégation que les rapports reposent sur des opinions, le procureur du demandeur m'a cité une jurisprudence (voir R. c. West, [2001] O.J. no 3413 et la doctrine, The Law of Evidence, précité, pages 605 à 615) au soutient de sa prétention que les règles de la preuve concernant les opinions formulées par des témoins ordinaires sont « loin d'être rigides comme le prétend le défendeur » . Il ne me sera pas nécessaire d'examiner cette question en détail. À mon avis, les opinions identifiées par le défendeur n'ont aucune pertinence au présent litige et je ne leur accorde aucun poids.


[41]            En dernier lieu, le défendeur attaque la fiabilité du rapport Shakespeare. La mission retourne au Canada au début novembre 1946 et son rapport est daté du 4 janvier 1947. À mon avis, le rapport est fiable parce que je ne vois pas comment ce rapport, vu sa nature, perd sa valeur par l'écoulement d'un délai de deux ou trois mois.

[42]            Je conclus que les rapports Hare et Shakespeare sont admissibles en preuve selon l'article 30 de la Loi sur la preuve.

[43]            De plus, le procureur du demandeur maintient l'admissibilité des deux rapports sur la base de l'exception à la règle du ouï-dire fondée sur les principes de nécessité et de fiabilité selon la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada dans R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531 et R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915. Je ne discuterai pas cette base alternative d'admissibilité des rapports Hare et Shakespeare. Je dis simplement que je suis convaincu que ces documents seront admissibles en vertu des principes de nécessité et de fiabilité tels que conçus par la Cour suprême du Canada. Nécessité réside dans le fait que les auteurs des deux rapports sont décédés. La notion de fiabilité a été discutée par le juge Nadon, alors juge de la Division de première instance, dans l'arrêt Lecoupe c. Canada (1994), 81 F.T.R. 91. Au paragraphe 24, il énumère certains facteurs pour soupeser l'aspect de fiabilité. Je souscris à l'argumentation écrite du demandeur qu'en l'espèce les rapports Hare & Shakespeare comportent plusieurs indices sérieux de fiabilité:

1)         les déclarants étaient désintéressés;


2)         il n'y avait aucun litige envisagé au moment où les déclarants ont rédigés leur rapport;

3)         les rapports ne visent pas le défendeur en particulier mais visent plutôt près de 4,000 ex-membres du Second Corps polonais rencontrés par la mission canadienne en Italie ou en Angleterre;

4)         les déclarants avaient des moyens de connaissance qui n'étaient pas à la portée de gens ordinaires;

5)         les rapports étaient établis dans le cadre de leur emploi et étaient acheminés à leur supérieur; et

6)         les rapports sont cohérents avec les autres documents déposés en preuve.

b)         aux autres documents d'immigration

[44]            Le document à l'onglet 51 est une lettre du sous-commissaire de la GRC en date du 16 mai 1946 à Laurent Beaudry, Sous-secrétaire d'État adjoint. Le demandeur prétend qu'il s'agit d'une lettre d'opinion. Je ne suis pas d'accord. Dans cette lettre, le sous-commissaire Gagnon de la GRC constate certains faits, préconise l'établissement d'un système de sécurité pour les immigrants au Canada et explique pourquoi. Ce document est admissible soit sous l'article 30 de la Loi sur la preuve ou aux motifs de nécessité et de fiabilité.

[45]            Les documents aux onglets 100, 233 et 236 sont des extraits des débats de la Chambre des communes en 1946. Comme le mentionne le demandeur, les discours à la Chambre démontrent l'attitude du gouvernement, son programme en matière d'immigration et sa justification. Ces documents sont admissibles. Voir la décision du juge Denis dans J.T.I. MacDonald Corporation c. la Procureure générale du Canada et la Société canadienne du cancer, no 500-05-031299-975, (C.S.Q.), s'appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Willick c. Willick, [1994] 3 R.C.S. 670, « il est admis que la preuve extrinsèque n'est pas réservée au seul renvoi non plus qu'aux seules affaires constitutionnelles » .

[46]            L'onglet 103 contient une note en date du 31 juillet 1946 consignée par M. LePan au dossier. Le défendeur voudrait l'exclure au motif que M. LePan y émet son opinion. À mon avis, le document à l'onglet 103 n'est qu'un compte rendu préparé par M. LePan sur sa conversation avec M. Hudd. Ce document est couvert par l'article 30 de la Loi sur la preuve.

[47]            L'onglet 235 est un article d'un journal en date du 3 mai 1947 intitulé « 141 Nazi Poles on Farms Here » . J'admets le document puisqu'il n'est pas offert pour faire preuve de son contenu mais plutôt pour démontrer que cette information a été diffusée et met en contexte la réaction du gouvernement à la Chambre des communes déposée à l'onglet 236.


c)         aux documents historiques

[48]            Le défendeur s'oppose à l'admissibilité en preuve du document à l'onglet 10 intitulé « Event Report USSR No. 31 » en date de Berlin le 23 août 1941, provenant du Chef de la police de sécurité et de la SD. Le défendeur prétend qu'il s'agit d'un document d'analyse et d'opinion. Je reconnais l'admissibilité de ce document sous l'article 30 de la Loi sur la preuve. Le juge MacKay dans Oberlander, précité, avait entrepris l'analyse de certains documents de guerre produits en preuve par le ministre et les a admis en preuve selon les dispositions de l'article 30 de la Loi sur la preuve. Au paragraphe 11 il écrit:

11 Je décrirais les documents de guerre en question comme étant des directives ou des ordres du haut commandement des Forces armées de la Wehrmacht, ou du chef de la Police de sécurité et des SD (un service de sûreté des SS), du commandement de l'Armée ou d'un quartier général local, ainsi que des rapports provenant des unités de campagne, appelés "rapports d'événements, URSS", ou des rapports ultérieurs sur les activités, provenant des territoires occupés de l'Est, établis régulièrement à l'aide de rapports d'unités individuelles, et conformé ment aux directives du bureau central, transmis le long de la chaîne de commandement aux bureaux centraux des services de police et des services militaires.

[49]            À mon avis, le document dont le défendeur recherche l'exclusion est un document de guerre et est admissible selon la jurisprudence établie par le juge MacKay dans Oberlander, précité.


[50]            Le défendeur dit que le rapport à l'onglet 40 intitulé « Overall Report from 16th October 1941 to 31st January 1942 » provenant des Einstazgruppe A est incomplet parce qu'il ne reproduit que certaines pages reliées au chapitre III sur les Juifs mais qu'il n'y a rien sur la Biélorussie. Le demandeur réplique que le rapport n'est pas incomplet. La copie allemande est complète mais, compte tenu des coûts associés avec la traduction du document de 184 pages, seule la partie pertinente au litige a été traduite.

[51]            À l'audition, le procureur du demandeur attire mon attention aux pages 61, 62 et 63 du chapitre sur les Juifs où sont mentionnées les activités du Einstazgruppe A en Biélorussie. Cette explication me satisfait. J'admets le document.

[52]            Le document à l'onglet 105 est un rapport rédigé sur la police auxiliaire en Biélorussie et est libellée « Minsk, 10 avril 1943 » . Le défendeur prétend que ce document devrait être exclu parce qu'il est de source inconnue. J'ai devant moi l'affidavit de la directrice « of the Great Patriotic War Period (World War II) Documents Department at the National Archives of the Republic of Belarus in the City of Minsk, Republic of Belarus » . Elle dépose au paragraphe 11 ceci:

I have made a study of matters relating to the history of the documents that are in my charge. On this basis, I can state and do verily believe that the document referred to in this Affidavit was seized by Soviet troops in July 1944 during the liberation of Belorussia from German occupation. The document was transferred to the control of the Central State Archives by the Soviet Army in July of 1944 shortly after its seizure. The document has been in the continuous custody of these Archives, now named the National Archives of the Republic of Belarus, since its acquisition.

[53]            De plus, la directrice affirme que ce document est rédigé dans la langue allemande « and is . . . memorandum on the structural organization and status of police forces recruited from the local population in Belorussia » . Je suis satisfait de sa provenance. Ce document est admis en vertu de l'article 30 de la Loi sur la preuve. C'est un document de guerre.

            3)         Preuve recueillie par Commission rogatoire

a)         Objections particulières

[54]            Le défendeur soulève deux objections particulières. Premièrement, le défendeur s'objecte à ce que certaines parties des témoignages soient versées en raison du ouï-dire. Je procède à l'examen de cette deuxième objection avant d'aborder la première en dernier lieu. Deuxièmement, l'expert Suchcitz, en Commission rogatoire, a témoigné sur des sujets qui n'ont pas été identifiés dans son rapport et a fait référence à des documents nouveaux qui n'avaient pas été mentionnés dans son rapport.

i)          Certaines parties des dépositions contestées en raison du ouï-dire


[55]            Le défendeur s'objecte à un passage du témoignage de Boris Ivanovitch Gruschevsky. Son témoignage portait sur l'établissement de la police auxiliaire après l'arrivée des allemands et de savoir si les individus se sont joints à cette police volontairement. La Cour lui a posé une question. Il a répondu « je les ai reconnus parce qu'ils avaient un bandeau ici, une badge, et les gens parlaient. C'est comme ça que j'ai appris que c'était des gens qui ont joint volontairement » . Je n'exclus pas le passage. Il s'agit simplement d'une question de la pondération de la preuve.

[56]            Plusieurs parties du témoignage de Valentina Alexeyevna Keda sont contestées.

[57]            Je ne vois aucune justification d'exclure aucun passage de la déposition de Mme Keda. Ma lecture des passages indique que les faits qu'elle relate sont basés principalement sur ce qu'elle a vu. Là où les réponses sembleraient indiquer le contraire, je soupèserai cette preuve.

[58]            Le défendeur s'objecte à trois passages du témoignage de Nicolai Antonovich Grigorovich. Je propose d'expurger du témoignage de M. Grigorovich un passage seulement, celui à la page 133, lignes 12 à 26. Le fait qu'il relate est basé purement sur le ouï-dire.

[59]            Une partie du témoignage de Joseph Harkavi à la page 26, lignes 7 à 25, doit être expurgée. Il ne pouvait relater les événements sur lesquels il a témoigné parce qu'il avait quitté son village ce jour là.


[60]            Le défendeur conteste deux passages du témoignage de Zeev Schreiber. Le premier passage n'est pas exclu. Il a vu les policiers amener des gens, y compris son père, sa mère, ses frères et ses soeurs. Il a entendu des coups de fusil. Son témoignage n'est pas du ouï-dire mais une observation personnelle. Le reste du passage est une question de poids. Quant au deuxième passage, il n'est pas exclu. M. Schreiber vivait à Mir et pouvait très bien estimer la population juive avec laquelle il a vécu dans un ghetto pendant des mois.

ii)         Le témoignage de M. Suchcitz et les documents non mentionnés dans son rapport

[61]            M. Suchcitz a été reconnu comme témoin expert « in the history of the Polish Armed Forces during the Second World War, including the creation of documents relating to military personnel in the Polish Armed Forces » .

[62]            Il a déposé un rapport d'expert selon les dispositions de l'article 279 des Règles de la Cour fédérale, 1998, (les « Règles » ) qui se lit comme suit:



279. Sauf ordonnance contraire de la Cour, le témoignage d'un témoin expert recueilli à l'interrogatoire principal n'est admissible en preuve, à l'instruction d'une action, à l'égard d'une question en litige que si les conditions suivantes sont réunies :

a) cette question a été définie dans les actes de procédure ou dans une ordonnance rendue en vertu de la règle 265;

b) un affidavit ou une déclaration signée par le témoin expert et certifiée par un avocat, qui reproduit entièrement le témoignage, a été signifié aux autres parties au moins 60 jours avant le début de l'instruction;

c) le témoin expert est disponible à l'instruction pour être contre-interrogé.

279. Unless the Court orders otherwise, no evidence in chief of an expert witness is admissible at the trial of an action in respect of any issue unless

(a) the issue has been defined by the pleadings or in an order made under rule 265;

(b) an affidavit, or a statement in writing signed by the expert witness and accompanied by a solicitor's certificate, that sets out in full the proposed evidence, has been served on all other parties at least 60 days before the commencement of the trial; and

(c) the expert witness is available at the trial for cross-examination.


[63]            En particulier, au paragraphe 20 et 21 de son rapport, l'expert Suchcitz écrit comment le Deuxième Corps polonais a recruté ses membres et, en particulier, le processus menant à l'inclusion ou à l'exclusion de volontaires ou d'ex prisonniers de guerre dans les rangs de cette unité.

[64]            Au paragraphe 20 de son rapport, il décrit l'établissement de centres de recrutement pour le Deuxième Corps polonais:

                                                        . . .

POW i.e. Poles who had been forced to serve in the German Army went before either an American or British commission as well as a Polish commission. Those who wished to do so could volunteer to serve in the Polish Armed Forces and following clearance were inducted into them. Those who did not wish to serve in the Polish Forces or had not been cleared were sent back to the POW camps. Of 54,000 of German Army POW that passed through the Polish selection and interrogation pool, 1,151 Poles were not admitted into the Polish Forces.

[65]            Au paragraphe 21 de son rapport, l'expert Suchcitz indique que plusieurs soldats dans l'Armée de résistance, qui avaient combattu contre les allemands durant l'occupation de la Pologne, se sont évadés vers l'Ouest après l'avance de l'Armée soviétique en 1944 et 1945.

[66]            Au paragraphe 9 de son rapport, M. Suchcitz dépose ceci:


Records to which reference is made in this Affidavit are described in the Business Record Affidavit of John James Harding dated May 29, 2000. The records are contained in the personal service record file of "Obodzinsky Wlodzimierz" and are in the custody of ... .

[67]            Le défendeur veut l'exclusion du dossier de l'instruction de toute mention par M. Suchcitz de documents autres que ceux spécifiquement mentionnés dans son rapport et, à cet égard, prétend que lesdits documents produits des archives de M. Suchcitz et identifiés comme pièce « Commission no. 3 » eux-mêmes devraient être exclus parce que non mentionnés dans son rapport.

[68]            Je remarque que les documents dont le défendeur demande le rejet lui ont tous été divulgués en juin 2002 dans un cartable liste 2 (Polish Army documents).

[69]            Le demandeur souligne que la référence aux documents contestés venait des archives de M. Suchcitz et ne faisait qu'expliquer son rapport et particulièrement ses paragraphes 20 et 21.


[70]            De toute façon, en présumant que la référence par M. Suchcitz aux documents contestés aurait dû être faite dans son rapport, le demandeur invoque la règle 280(1)c) qui prévoit que la Cour pourrait autoriser toute autre déposition orale de l'expert. Le demandeur soutient que la référence par M. Suchcitz aux documents contestés n'avait qu'un but et c'était de permettre à la Cour de mieux comprendre son témoignage. Il soutient que le défendeur n'a subi aucun préjudice étant donné que cette preuve ne portait pas sur M. Obodzinsky en tant qu'individu.

[71]            J'ai étudié tous les documents qui se trouvent à la pièce « Commission 3 » et j'ai examiné les parties du témoignage que le défendeur exige soit rayées parce qu'elles portent sur des pièces qui n'ont pas été mentionnées dans son rapport d'expert.

[72]            J'accepte la thèse du demandeur que fondamentalement les documents produits par M. Suchcitz sous « Commission 3 » et son témoignage sur ceux-ci l'ont été dans le seul but d'expliquer les paragraphes 20 et 21 de son rapport en faisant référence à ces documents. Sa déposition orale est permise en vertu de l'article 280(1)c) des Règles de la Cour fédérale, 1998, qui se lit comme suit:


280. (1) Le témoignage d'un témoin expert recueilli à l'interrogatoire principal peut être présenté en preuve à l'instruction :

a) par la lecture par celui-ci de tout ou partie de l'affidavit ou de la déclaration visé à l'alinéa 279b);

b) par sa déposition orale expliquant tout passage de l'affidavit ou de la déclaration qu'il a lu;

c) avec l'autorisation de la Cour, par toute autre déposition orale de celui-ci.

280. (1) Evidence in chief of an expert witness may be tendered at trial by

(a) the reading into evidence by the witness of all or part of an affidavit or statement served under paragraph 279(b);

(b) testimony by the witness explaining any of the content of an affidavit or statement that has been read into evidence; and

(c) with leave of the Court, other testimony by the witness.



[73]            De plus, je souscris aux remarques du demandeur que le témoignage de M. Suchcitz sur ce point a permis à la Cour de mieux comprendre le dossier. C'est la Cour qui a posé à M. Suchcitz de multiples questions sur ces documents et sur son témoignage y afférent. Par surcroît, je ne constate aucun préjudice au défendeur.

[74]            Par conséquence, aucune portion du témoignage de l'expert Suchcitz ne sera rayée et les pièces « Commission 3 » sont admises.

d)         Décision nécessaire sur la prescription et les laches avant le dépôt de la preuve de la Commission rogatoire

[75]            Le paragraphe 15 de la défense se lit:

Le défendeur soulève que l'action du demandeur est prescrite selon la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif et ou selon la Loi sur la Cour fédérale et, de façon subsidiaire, invoque la doctrine des laches.

[76]            Le défendeur recherche une ordonnance que la preuve devant la Commission rogatoire ne doit pas être versée au dossier de l'instruction avant que soient décidées au procès les défenses de la prescription et des laches. Le défendeur raisonne que s'il a gain de cause sur une ou l'autre des ses défenses, l'action du ministre sera rejetée. Les témoignages devant la Commission rogatoire n'auront aucune utilité sauf de causer un préjudice irréparable au défendeur à cause de la lumière que ceux-ci ont jetée sur son passé.

[77]            Le demandeur résiste en plaidant que récemment la Cour fédérale d'appel a réglé la question de la prescription en l'espèce dans Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration v. Walter Obodzinsky, [2002] C.A.F. 518 et, qu'implicitement, le juge Nadon a décidé la question des laches dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) v. Obodzinsky, [2000] F.C.J. no 1675.

[78]            C'est le juge Létourneau qui a rendu les motifs de jugement au mois de décembre 2002 dans l'appel du demandeur à l'encontre du jugement de la juge des requêtes qui avait accueilli la demande du défendeur pour jugement sommaire mais non pas au motif que l'action était prescrite, moyen qu'elle a écarté.

[79]            Au paragraphe 45 de ses motifs, le juge Létourneau écrit ceci:

45 L'appel incident, je le rappelle, vise à faire renverser la décision de la juge des requêtes par laquelle elle a conclu que l'action de l'appelante n'était pas assujettie à la prescription. Sans discuter du bien-fondé de cette décision à son mérite, je suis d'avis que la question de prescription ne pouvait être soumise à la juge des requêtes pour jugement sommaire, particulièrement compte tenu des faits au dossier. En fait, je ne crois pas qu'une objection fondée sur la prescription puisse même être faite au juge saisi du renvoi pour les raisons suivantes. [je souligne]

[80]            Selon le juge Létourneau « l'objection fondée sur la prescription faite par l'intimé découle à la fois d'une mauvaise conception et d'une compréhension erronée de la procédure de renvoi dans laquelle il s'est engagé » . Il analyse les dispositions de l'article 18 de la Loi et conclut au paragraphe 49 ceci:


49 En outre, en supposant que l'intimé puisse invoquer la prescription, je ne peux voir comment celle-ci peut courir en sa faveur tant qu'il n'a pas fait une demande de renvoi à la Cour, .... [je souligne]

[81]            Au paragraphe 50, il est d'avis qu'il n'était pas opportun « de s'aventurer sur le terrain de la prescription quand les faits n'étaient pas tous connus » .

[82]            Ma lecture des motifs du juge Létourneau m'a convaincu que la porte de la défense du défendeur que l'action est prescrite reste légèrement ouverte mais les signaux émis par la Cour fédérale d'appel sont très intenses.

[83]            Il en va de même pour la question des laches. Le juge Nadon, alors juge de la Division de première instance, a décidé qu'il n'y avait aucun motif de suspendre les procédures prises par le ministre à l'encontre du défendeur, y inclus au motif qu'il y avait eu abus de procédure en raison du délai d'introduction de cette action.

[84]            La doctrine des laches peut s'appliquer là où aucune période de prescription est prévue mais une condition nécessaire est l'existence d'un délai déraisonnable d'instituer l'action; l'autre condition est le préjudice subi.

[85]            Le juge Nadon, aux paragraphes 32, 33, 34, 35 et 36 de ses motifs, a considéré cette question du délai et a conclu qu'elle ne justifiait pas l'arrêt des procédures.

[86]              À mon avis, le juge Nadon n'a pas décidé, strictement parlant, la défense des laches invoquée mais son analyse est fort pertinente et n'est pas favorable au défendeur.

[87]            Je refuse l'ordonnance recherchée par le défendeur et ceci pour deux motifs. Premièrement, en supposant que j'ai le pouvoir discrétionnaire d'émettre une telle ordonnance, je dois balancer plusieurs intérêts qui, par analogie imparfaite, s'assimilent à ceux identifiés par la Cour suprême du Canada dans Sierra Club du Canada c. Canada (ministre des Finances), [2002] A.C.S. 42.

[88]            Soupesant la faiblesse des défenses invoquées et le préjudice quant à sa réputation et sa vie privée avec l'intérêt soulevé par la publicité des débats judiciaires et la liberté d'expression (voir Edmonton Journal c. Alberta (P.G.), [1989] 2 R.C.S. 1326), je trouve que la preuve recueillie en Commission rogatoire doit être versée maintenant.

[89]            Il y a un autre élément plus important. À mon avis, le mandat que j'ai reçu d'agir comme commissaire suite à l'ordonnance du juge en chef adjoint ne m'investit d'aucun pouvoir m'autorisant de ne pas divulguer les témoignages que j'ai entendus et de sceller les transcriptions. Les instructions que j'ai reçues sont dans le sens contraire comme l'est aussi la règle 273 qui se lit comme suit:



273. Sauf ordonnance contraire de la Cour, toute déposition recueillie à l'interrogatoire visé aux paragraphes 271(1) ou (4) peut, sans autre justification, être invoquée en preuve par toute partie. [je souligne]

273. Unless the Court orders otherwise, evidence obtained on an examination under subsection 271(1) or (4) may, without further proof, be used in evidence by any party.


[90]            Pour ces motifs, la requête du défendeur est rejetée. J'ordonne que la preuve recueillie en Commission rogatoire soit versée au dossier de l'instruction à l'exception des lignes 12 à 26 (page 133) du témoignage de Nicolai Antonovich Grigorovich, et des lignes 7 à 25 (page 26) du témoignage de Joseph Harkavi, qui doivent être expurgées.

                                                                                                                           « François Lemieux »   

                                                                                                                                                                                                                    

                                                                                                                                               J u g e                

Ottawa (Ontario)

26 février 2003


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                            

  

DOSSIER :                                    T-166-00

INTITULÉ :                                   MCI c. WALTER OBODZINSKY (AKA WLODZIMIERZ & VOLODYA OBODZINSKY)

   

LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :         13 JANVIER 2003

MOTIFS :                                      L'HONORABLE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :              26 JANVIER 2003

                                                                                                                                                          

COMPARUTIONS :

Me David Lucas

Me Sébastien Dasylva                                                             POUR LE DEMANDEUR

Me Johanne Doyon                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA             POUR LE DEMANDEUR

DOYON, GUERTIN, MONTBRIAND &

PLAMONDON                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

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