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Date : 20210301


Dossiers : T‑1846‑18

T‑1847‑18

Référence : 2021 CF 138

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 1er mars 2021

En présence de madame la juge Heneghan

Dossier : T‑1846‑18

ENTRE :

SUNCOR ÉNERGIE INC.

demanderesse

et

OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR

DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

défendeur

Dossier : T‑1847‑18

ENTRE :

SUNCOR ÉNERGIE INC.

demanderesse

et

OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR

DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

défendeur

VERSION PUBLIQUE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS

(La version confidentielle du jugement et des motifs a paru le 10 février 2021)

I. APERÇU

[1] Dans un avis de demande déposé le 19 octobre 2018 concernant le dossier numéro T‑1846‑18, Suncor Énergie Inc. (la demanderesse ou Suncor) sollicite la révision de la décision rendue le 4 octobre 2018 par M. Trevor Bennett, coordonnateur de l’accès à l’information et gestionnaire des ressources de l’Office Canada – Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers (le défendeur ou l’Office), en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 (la Loi). La décision autorise la communication de certains documents, conformément à la partie 1 de la Loi, en réponse à une demande d’accès à l’information.

[2] Dans un avis de demande déposé le 19 octobre 2018 concernant le dossier numéro T‑1847‑18, la demanderesse sollicite la révision d’une autre décision rendue par M. Bennett, autorisant la communication de certains documents relatifs à des levés et des données géophysiques et de la correspondance connexe.

[3] Deux autres décisions rendues par M. Bennett concernant la demanderesse font l’objet de demandes de révision dans les dossiers portant les numéros T‑47‑19 et T‑512‑19.

[4] Dans le dossier numéro T‑1846‑18, la demanderesse sollicite les mesures de redressement suivantes :

[traduction]

a) une révision de la décision rendue par M. Trevor Bennett de l’Office, de communiquer, sous réserve de caviardages limités, des documents de la demanderesse (les documents) qui contiennent des renseignements de tiers et les renseignements personnels des employés de la demanderesse;

b) une ordonnance annulant la partie de la décision de l’Office portant sur la communication des documents et ordonnant à l’Office de ne pas communiquer les documents;

c) subsidiairement à l’alinéa b) ci‑dessus, une ordonnance annulant la partie applicable de la décision et ordonnant à l’organisme de ne pas communiquer les documents sans avoir caviardé tous les renseignements de tiers et les renseignements personnels de tous les employés de la demanderesse contenus dans les documents;

d) une ordonnance enjoignant que la présente instance soit tenue à huis clos, que la preuve déposée dans l’instance soit traitée de façon confidentielle et scellée par la Cour, et qu’elle ne soit pas rendue publique sans une autre ordonnance de la Cour;

e) toute autre ordonnance ou mesure de redressement que la Cour estime juste, y compris l’adjudication des dépens à la demanderesse.

[5] Dans le dossier numéro T‑1847‑18, la demanderesse sollicite les mesures de redressement suivantes :

[traduction]

a) une révision de la décision rendue par M. Trevor Bennett de l’Office, de communiquer, sous réserve de caviardages limités, des documents de la demanderesse (les documents) qui contiennent des renseignements de tiers et les renseignements personnels des employés de la demanderesse;

b) une ordonnance annulant la partie de la décision de l’Office portant sur la communication des documents et ordonnant à l’Office de ne pas communiquer les documents;

c) subsidiairement à l’alinéa b) ci‑dessus, une ordonnance annulant la partie applicable de la décision et ordonnant à l’organisme de ne pas communiquer les documents sans avoir caviardé tous les renseignements de tiers et les renseignements personnels de tous les employés de la demanderesse contenus dans les documents;

d) une ordonnance enjoignant que la présente instance soit tenue à huis clos, que la preuve déposée dans l’instance soit traitée de façon confidentielle et scellée par la Cour, et qu’elle ne soit pas rendue publique sans une autre ordonnance de la Cour;

e) toute autre ordonnance ou mesure de redressement que la Cour estime juste, y compris l’adjudication des dépens à la demanderesse.

[6] Sur requête de la demanderesse visant à obtenir des ordonnances de confidentialité, conformément aux Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) (les Règles), de telles ordonnances ont été rendues le 10 décembre 2018 pour les deux dossiers portant les numéros T‑1846‑18 et T‑1847‑19.

II. LE CONTEXTE

[7] Les décisions faisant l’objet des présentes demandes de révision ont été rendues en réponse à des demandes écrites de divulgation de renseignements.

[8] Dans le dossier portant le numéro T‑1846‑18, le défendeur a reçu, le 16 septembre 2016, une demande d’accès à l’information concernant les renseignements suivants :

[traduction]

Pour la période comprise entre le 1er janvier 1970 et le 15 septembre 2016, l’ensemble de la correspondance, des registres des transmissions et autres documents similaires, à destination et en provenance de l’Office, se rapportant à l’envoi de données sismiques et de dérivés de données de GSI, accompagnant et confirmant cet envoi, dans les soumissions secondaires (soumissions secondaires définies précédemment par l’Office), pour les exigences en matière de données et de rapports sur les dépenses admissibles et les crédits de travail.

[9] Dans le dossier portant le numéro T‑1847‑18, le défendeur a reçu, le 2 août 2016, une demande d’accès à l’information concernant les renseignements suivants :

[traduction]

Pour la période comprise entre le 1er janvier 1990 et le 1er août 2016, veuillez fournir tous les dossiers de l’Office et la correspondance connexe qui concernent la copie de données sismiques, y compris l’ensemble de la correspondance, des contrats et des ententes avec les entreprises de reproduction.

[10] Les faits et les renseignements présentés ci‑après sont extraits des affidavits déposés par les parties, y compris les pièces jointes à ces affidavits, des transcriptions de contre‑interrogatoires et des éléments matériels de l’Office produits au titre de l’article 317 des Règles.

[11] À l’appui de ses demandes, la demanderesse a déposé l’affidavit de M. Glen Burke, daté du 31 octobre 2019.

[12] Dans sa réponse, le défendeur a déposé l’affidavit de M. Trevor Bennett, daté du 28 novembre 2019.

[13] M. Burke et M. Bennett ont tous les deux été contre‑interrogés au sujet de leur affidavit respectif.

[14] M. Burke travaille pour la demanderesse à titre de directeur du développement commercial, côte Est du Canada. Il a présenté une chronologie des événements et fait un résumé de la correspondance entre les parties relativement aux demandes. Son affidavit a été déposé par la demanderesse dans les deux dossiers portant les numéros T‑1846‑18 et T‑1847‑18.

[15] Dans son affidavit, M. Bennett a également décrit la correspondance entre les parties. M. Bennett a expliqué qu’il effectue une simple recherche sur Internet pour voir si le public a accès aux noms et aux affiliations de personnes qui ne sont pas des employés du gouvernement. Il a déclaré qu’il saisit le nom et l’affiliation dans « Google » et passe en revue la première page des résultats.

[16] M. Bennett a déclaré qu’il avait effectué une telle recherche dans chaque dossier et il a joint les résultats de ses recherches à titre de pièces à son affidavit.

T‑1846‑18

[17] Le 16 septembre 2016, le défendeur a reçu une demande d’accès à l’information concernant les renseignements suivants :

[traduction]

Pour la période comprise entre le 1er janvier 1970 et le 15 septembre 2016, l’ensemble de la correspondance, des registres des transmissions et autres documents similaires, à destination et en provenance de l’Office, se rapportant à l’envoi de données sismiques et de dérivés de données de GSI, accompagnant et confirmant cet envoi, dans les soumissions secondaires (soumissions secondaires définies précédemment par l’Office), pour les exigences en matière de données et de rapports sur les dépenses admissibles et les crédits de travail.

[18] Le défendeur a donné avis de cette demande à la demanderesse par une lettre datée du 25 octobre 2016, et il a joint des copies des documents qu’il a décrits comme une réponse à la demande.

[19] Les documents comprenaient huit lettres, datées du 26 avril 1985 au 22 mars 1989, qui avaient été échangées entre la demanderesse et le défendeur, concernant la reproduction de certains levés géophysiques et la soumission de levés géophysiques par la demanderesse. Les lettres comprenaient les noms et les coordonnées d’employés de la demanderesse, qui sont des renseignements confidentiels.

[20] La demanderesse a répondu le 10 novembre 2016 et a contesté la communication des documents, dans leur ensemble, au titre de l’alinéa 20(1)d) de la Loi. Elle a également contesté la divulgation de certains renseignements au titre du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b) de la Loi. La demanderesse a soulevé les objections suivantes :

  • 1) La demanderesse a allégué que, compte tenu de la nature de la demande, elle avait probablement été présentée par GSI. Étant donné que la demanderesse était en négociation avec GSI dans le cadre d’un litige en cours, elle a fait valoir que la communication des documents entraverait ces négociations et que les renseignements étaient soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)d) de la Loi.

  • 2) La demanderesse a également caviardé des renseignements qu’elle a prétendu être des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qu’elle a traités de manière confidentielle, et a réclamé qu’ils soient soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi.

  • 3) La demanderesse a fait valoir que les noms et les coordonnées de ses employés étaient des renseignements personnels et qu’ils devraient être caviardés.

  • 4) La demanderesse a contesté la divulgation de certains renseignements visés par l’ordonnance de confidentialité, notamment :

  • les noms, coordonnées et signatures des employés ||||||||||||||||||||||||||, ||||||||||, ||||||||||||||, ||||||||||||||||||||||, |||||||||||||||||| ainsi que ||||||||||||||||||||||;

· les numéros et les dates des rapports géographiques, les types de levés géophysiques et les régions géographiques couvertes.

  • 5) La demanderesse a soumis une copie des lettres avec les éléments caviardés suggérés, lesquels comprenaient des renseignements confidentiels.

[21] Le 1er décembre 2016, le défendeur a répliqué ainsi :

  • 1) Le rapport géophysique numéro 8627‑P028‑008Da, auquel le public avait accès le 3 janvier 1992, contenait les mêmes renseignements que ceux indiqués dans la réponse de la demanderesse datée du 10 novembre 2016. Le défendeur a soutenu qu’aucun renseignement n’était soustrait à la communication au titre de l’alinéa 20(1)d) de la Loi.

  • 2) Le défendeur a également noté que la communication des renseignements sur les employés qui peuvent être [traduction] « confirmés au moyen d’Internet » ne serait pas refusée dans la réponse à la demande.

[22] Les caviardages proposés portent sur des renseignements confidentiels visés par l’ordonnance de confidentialité.

[23] Dans une réplique datée du 1er décembre 2016, le défendeur a joint une copie de vérification des documents qui comprend les caviardages suivants des renseignements confidentiels :

  • - le nom de ||||||||||||||||||||||||||

  • - le numéro de téléphone, la signature et le titre de poste de ||||||||||||||||||||||||||||||

  • - la signature de ||||||||||||||||||||||

  • - le nom et le titre de poste de ||||||||||||||||||

  • - le nom et la signature de ||||||||||||||||||||||

[24] La demanderesse a répondu le 13 décembre 2016 en demandant des éclaircissements sur la lettre du défendeur eu égard aux renseignements contenus dans le rapport géophysique et à ses observations relatives à l’alinéa 20(1)b). La demanderesse a étoffé ses observations présentées au titre de l’alinéa 20(1)b) en précisant que les régions géographiques à l’étude aux fins d’exploration étaient des renseignements commerciaux de nature délicate. La demanderesse a réitéré sa position sur les caviardages au titre du paragraphe 19(1) de la Loi.

[25] En réplique, au moyen d’une lettre datée du 16 décembre 2016, le défendeur a fourni à la demanderesse une copie d’extraits du rapport géophysique qui présentaient les mêmes renseignements que ceux contenus dans les huit lettres en question. En réponse aux observations formulées par la demanderesse au titre de l’alinéa 20(1)d), le défendeur a fait remarquer qu’il était lié par la décision rendue par la Cour fédérale dans Geophysical Service Inc c Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 2003 CFPI 507, peu importe l’auteur de la demande.

[26] Dans une lettre datée du 13 janvier 2017, la demanderesse a répliqué en présentant les observations suivantes :

1) Bien que le rapport géophysique public ait contenu des références communes, les documents n’étaient pas identiques et ne contenaient donc pas les mêmes renseignements. Étant donné que le contexte des documents était différent, ils ne contenaient pas les mêmes renseignements et ils devraient être soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)d) de la Loi.

2) La demanderesse a également soutenu que la décision invoquée par le défendeur, Geophysical Service Inc, précitée, ne présentait aucune analogie avec la situation et ne s’appliquait pas. Elle a réitéré ses observations concernant une exception au titre du paragraphe 19(1) de la Loi.

[27] Dans une lettre datée du 11 avril 2017, le défendeur a informé la demanderesse qu’il n’y avait aucune preuve démontrant comment la communication des documents entraverait ses négociations avec GSI. Le défendeur a réitéré sa position concernant les renseignements soustraits à la communication au titre du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b).

[28] Par une lettre datée du 4 octobre 2018, le défendeur a avisé la demanderesse qu’il entendait procéder à la communication le 15 octobre 2018, à moins qu’une demande de révision ne soit déposée à la Cour fédérale. Le défendeur a joint à la lettre une copie des documents devant être communiqués, qui comportaient les mêmes caviardages que la copie envoyée le 1er décembre 2016.

T‑1847‑18

[29] Le 2 août 2016, le défendeur a reçu une demande d’accès à l’information concernant les renseignements suivants :

[traduction]

Pour la période comprise entre le 1er janvier 1990 et le 1er août 2016, veuillez fournir tous les dossiers de l’Office et la correspondance connexe qui concernent la copie de données sismiques, y compris l’ensemble de la correspondance, des contrats et des ententes avec les entreprises de reproduction.

[30] À un moment donné, l’auteur de la demande a précisé qu’il cherchait à obtenir [traduction] « tous les documents entre l’Office et les entreprises de copie, y compris les formulaires de demande de copie de contrats et les dossiers sélectionnés, etc. » [sic].

[31] Le défendeur a avisé la demanderesse de cette demande le 26 octobre 2016 et lui a donné la possibilité de répondre au plus tard le 16 novembre 2016. Le défendeur a joint des documents qu’il a décrits comme étant pertinents à la demande et qu’il se proposait de communiquer. Les documents que le défendeur estimait pertinents sont les suivants :

  • 1) Une demande d’accès à l’information présentée par la demanderesse au défendeur.

Ce document comprenait le nom et les coordonnées de deux employés, qui sont confidentiels.

  • 2) Une lettre du défendeur à la première entreprise de reproduction de copies lui demandant une soumission pour la reproduction de documents.

Dans cette lettre figuraient le nom et les coordonnées d’un employé, qui sont confidentiels. Veuillez consulter la note d’appui distincte.

[32] Dans des lettres datées du 15 novembre 2016, du 9 décembre 2016, du 12 décembre 2016 et du 11 janvier 2017, la demanderesse a contesté la divulgation de certains renseignements contenus dans ces documents, notamment :

  • 1) Les renseignements personnels de ses employés, y compris les noms des employés et leur correspondance avec le défendeur. La demanderesse a soutenu que les noms des employés, dans le contexte de leur correspondance avec le défendeur, étaient des renseignements personnels auxquels le public n’avait pas accès et qui ne devraient pas être divulgués au titre du paragraphe 19(1) de la Loi.

  • 2) Les renseignements géographiques qui, selon la demanderesse, présentent un intérêt pour elle relativement à ses activités d’exploration. La demanderesse a soutenu qu’il s’agissait de renseignements commerciaux de nature très délicate qu’elle traitait de manière confidentielle et qu’ils devraient être caviardés, conformément à l’alinéa 20(1)b) de la Loi. La demanderesse a soutenu que la demande même était confidentielle et qu’elle n’était pas accessible au public.

  • 3) Les renseignements qui pourraient raisonnablement entraver les négociations menées, aux termes de l’alinéa 20(1)d) de la Loi. La demanderesse a prétendu que la divulgation de renseignements concernant les rapports géophysiques qu’elle avait demandés pourrait entraver ses négociations dans le cadre d’un litige en cours avec GSI.

[33] La demanderesse a fourni des copies des documents avec les caviardages suggérés, y compris les noms et les coordonnées des employés. Elle a également soutenu que la liste complète des documents demandés dans la demande d’accès à l’information devait être caviardée.

[34] La demanderesse n’a pas précisé quelles parties des documents devraient être caviardées au titre du paragraphe 19(1) ainsi que des alinéas 20(1)b) et d) de la Loi.

[35] Dans une lettre datée du 23 novembre 2016, le défendeur a avisé la demanderesse que sa demande de caviardage de renseignements au titre des alinéas 20(1)b) et d) de la Loi ne contenait pas suffisamment de renseignements, et il lui a donné la possibilité de présenter d’autres éléments de preuve. Le défendeur a également noté que la communication des renseignements sur les employés qui peuvent être [traduction] « confirmés au moyen d’Internet » ne sera pas refusée dans la réponse à la demande. À cette lettre était jointe une copie de vérification des documents pertinents devant être communiqués.

[36] Le 23 novembre 2016, le défendeur a fourni à la demanderesse une copie de vérification des documents qu’il entendait communiquer. Certains renseignements personnels étaient caviardés, y compris le numéro de téléphone et l’adresse courriel de ||||||||||||||||||; le nom et le numéro de téléphone de ||||||||||||||||||; le nom, le numéro de bureau et le numéro de téléphone de ||||||||||||||||||||||||||.

[37] Cette copie de vérification comprenait de nouveaux caviardages de renseignements considérés comme confidentiels. La liste des documents demandés n’était pas caviardée dans la copie de vérification.

[38] Dans ses réponses à la demanderesse par lettres datées du 12 décembre 2016, du 16 décembre 2016 et du 11 avril 2017, le défendeur a exposé sa position ainsi :

  • 1) Les renseignements géographiques en question portaient sur des renseignements publics demandés par la demanderesse. La région géographique visée par les renseignements demandés couvrait d’immenses régions au large de la côte Est, et on ne savait pas exactement comment cela nuirait à l’avantage concurrentiel de la demanderesse.

Le défendeur a fait remarquer que les activités d’exploration et de production de la demanderesse sur la côte Est sont connues du public et mises en valeur par la demanderesse, notamment dans un rapport qui fournit plus de renseignements que les documents communiqués. Le défendeur a également déclaré que la façon dont la demanderesse lui avait transmis les demandes n’indiquait pas une attente de confidentialité.

  • 2) Aucune explication n’a été donnée quant à la façon dont on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que certains renseignements entravent les négociations de la demanderesse avec GSI. Le défendeur a également souligné qu’il était lié par la décision rendue par la Cour fédérale dans Geophysical Service Inc c Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 2003 CFPI 507.

  • 3) Lorsque les coordonnées d’un employé et son lien avec la demanderesse peuvent être confirmés par une recherche sur Internet, ils ne sont pas soustraits à la communication.

  • 4) Le défendeur a indiqué que les observations formulées par la demanderesse n’appuyaient pas une exception au titre du paragraphe 19(1) ainsi que des alinéas 20(1)b) et d) de la Loi.

[39] Le défendeur a joint une copie de la demande d’accès à l’information dans laquelle la demanderesse a demandé un certain nombre de rapports géophysiques. Cette demande comprenait le caviardage de renseignements qu’elle tenait pour confidentiels. Les seuls caviardages portaient sur des renseignements personnels, et les rapports demandés n’étaient pas caviardés.

[40] Le 14 décembre 2016, la demanderesse a informé le défendeur, par courriel, de son intention de solliciter une révision de la décision du défendeur de divulguer les renseignements en question.

[41] Le 4 octobre 2018, le défendeur a avisé la demanderesse, par lettre, qu’il entendait procéder à la divulgation le 15 octobre 2018, à moins qu’une demande de révision ne soit déposée à la Cour fédérale. Le défendeur a joint une copie des documents devant être communiqués, qui comportait les mêmes caviardages que la copie envoyée le 23 novembre 2016.

III. LES OBSERVATIONS

Les observations de la demanderesse

[42] La demanderesse fait valoir que les documents en cause dans les deux dossiers portant les numéros T‑1846‑18 et T‑1847‑18 sont soustraits à la communication au titre du paragraphe 19(1) ainsi que des alinéas 20(1)b) et d) de la Loi.

[43] La demanderesse soutient que le défendeur a commis une erreur en concluant que les noms et les coordonnées de ses employés n’étaient pas soustraits à la communication. Elle fait valoir que le contexte de leur correspondance avec le défendeur ou leur [traduction] « participation individuelle » à cette correspondance constituent des renseignements personnels qui sont soustraits à la communication au titre du paragraphe 19(1) de la Loi.

[44] S’appuyant sur le jugement rendu dans Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403, la demanderesse soutient que la définition de « renseignements personnels » est large et que le droit à la vie privée l’emporte sur le droit d’accès à l’information.

[45] La demanderesse, s’appuyant sur la décision rendue dans Janssen‑Ortho Inc c Canada (Santé), 2005 CF 1633, conf par (2007), 367 NR 134 (CAF), fait valoir que la participation d’employés du secteur privé à la correspondance avec le gouvernement, en l’espèce le défendeur, constitue des « renseignements personnels » qui sont soustraits à la communication.

[46] La demanderesse soutient également qu’il n’y a aucune preuve que la [traduction] « participation individuelle » des employés constituait des renseignements auxquels le public avait accès, comme le prévoit le paragraphe 19(2) de la Loi. Elle prétend que les recherches sur Internet effectuées par le défendeur montrent des noms et un lien avec la demanderesse, mais pas leur lien avec les documents ni leur [traduction] « participation individuelle » avec le défendeur.

[47] La demanderesse fait ensuite valoir que le document que le défendeur a proposé de communiquer réunit les conditions prescrites pour être soustrait à la communication, selon le critère énoncé dans la décision Air Atonabee Ltd c Canada (Ministre des Transports), [1989] ACF no 453 (CF). Dans le dossier numéro T‑1846‑18, la demanderesse sollicite le caviardage de renseignements sur des levés géographiques caviardés au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi.

[48] Dans le dossier numéro T‑1847‑18, la demanderesse prétend que les renseignements géographiques contenus dans les documents, liés à ses activités d’exploration, sont des renseignements de nature très délicate et qu’elle les traite de façon confidentielle. Elle fait valoir que ces renseignements sont soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi.

[49] En ce qui concerne l’exception à la communication prévue à l’alinéa 20(1)d) de la Loi, la demanderesse se fonde sur le témoignage de M. Burke, qui a déclaré que la demanderesse était actuellement engagée dans un litige avec Geophysical Services Inc.

Les observations du défendeur

[50] Le défendeur soutient que seuls le nom et les coordonnées des employés de la demanderesse sont des renseignements personnels et que le public a accès à ces renseignements. Il fait valoir que le fait que la [traduction] « participation individuelle » d’un employé, c’est‑à‑dire le fait qu’un employé a correspondu avec le défendeur, ne constitue pas un « renseignement personnel », mais une communication de nature professionnelle, et non personnelle. Par conséquent, le défendeur fait valoir que l’interdiction de communication prévue au paragraphe 19(1) de la Loi ne s’applique pas.

[51] Le défendeur soutient en outre que le paragraphe 19(2) de la Loi accorde un pouvoir discrétionnaire quant à la communication de renseignements personnels auxquels le public a accès. Il fait valoir que seuls les noms et les coordonnées des employés du défendeur, tels qu’ils figurent dans les documents, peuvent être décrits comme des « renseignements personnels » et que le public a accès à ces renseignements.

[52] Le défendeur fait également valoir que la décision rendue dans Janssen‑Ortho, précitée, peut être distinguée quant aux faits et ne s’applique pas en l’espèce.

[53] En ce qui concerne le fait que la demanderesse invoque l’alinéa 20(1)b) de la Loi, le défendeur soutient que la demanderesse a le fardeau de démontrer, au moyen d’une preuve, qu’elle est en droit d’invoquer cette disposition, et il ajoute qu’elle ne l’a pas fait.

[54] En ce qui concerne le dossier numéro T‑1846‑18, le défendeur fait valoir que le public a accès aux données géophysiques.

[55] Le défendeur soutient également que les renseignements dont la demanderesse sollicite le caviardage sont assujettis au paragraphe 119(5) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador, LC 1987, c 3, et qu’après l’expiration de la période de privilège, ils constituent des renseignements publics. Le défendeur fait valoir que, même si ces renseignements constituaient des renseignements confidentiels au moment où ils ont été soumis, à la fin des années 1980, ils constituent maintenant des renseignements publics.

[56] En ce qui concerne le dossier numéro T‑1847‑18, le défendeur soutient que les renseignements géographiques en cause ne sont pas confidentiels. Il fait valoir que les documents montrent que la demanderesse a cherché à obtenir des rapports géophysiques auxquels le public a accès et que ces rapports portent sur l’ensemble de la zone extracôtière de Terre‑Neuve‑et‑Labrador et ne révèlent pas de renseignements commerciaux de nature délicate. Le défendeur affirme que les activités d’exploration de la demanderesse sont publiquement connues et mises en valeur par la demanderesse.

[57] En ce qui concerne la prétention de la demanderesse à son droit au bénéfice de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)d) de la Loi, le défendeur fait valoir que la demanderesse n’a fourni aucune preuve à l’appui de cette prétention. La demanderesse invoque l’affidavit de M. Burke, qui ne dit rien d’autre qu’il existe actuellement un litige entre la demanderesse et Geophysical Services Incorporated, mais il n’y a aucune preuve que la divulgation des renseignements entraverait toute négociation continue.

IV. ANALYSE ET DISPOSITIF

[58] La première question à examiner concerne la norme de contrôle applicable.

[59] Dans leurs observations écrites initiales, les parties, invoquant l’arrêt Canada (Commissariat à l’information) c Canada (Premier ministre), 2019 CAF 95, ont fait valoir que l’examen de la question de savoir si les renseignements étaient soustraits à la communication au titre du paragraphe 19(1) ainsi que des alinéas 20(1)b) et d) de la Loi se faisait selon la norme de la décision correcte.

[60] Après l’audience, les parties ont eu la possibilité de présenter d’autres observations sur la norme de contrôle à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65. D’autres observations ont été déposées par le défendeur, le 5 janvier 2021, et par la demanderesse, le 15 janvier 2021.

[61] L’arrêt Vavilov, précité, montre que la norme de la décision raisonnable s’applique, par présomption, aux décideurs administratifs.

[62] Toutefois, dans une demande de révision présentée en vertu de l’article 44 de la Loi, le législateur a prévu, à l’article 44.1, qu’une révision sera effectuée de novo. L’article 44.1 se lit ainsi :

Révision de novo

De novo review

44.1 Il est entendu que les recours prévus aux articles 41 et 44 sont entendus et jugés comme une nouvelle affaire.

44.1 For greater certainty, an application under section 41 or 44 is to be heard and determined as a new proceeding.

[63] Dans l’arrêt Vavilov, précité, la Cour suprême a établi une distinction entre l’examen de novo et le contrôle selon la norme de la décision raisonnable, aux paragraphes 83, 116 et 124, ainsi :

[83] Il s’ensuit que le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. Le rôle des cours de justice consiste, en pareil cas, à réviser la décision et, en général à tout le moins, à s’abstenir de trancher elles‑mêmes la question en litige. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème. Dans l’arrêt Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a signalé que « le juge réformateur n’établit pas son propre critère pour ensuite jauger ce qu’a fait l’administrateur » : par. 28; voir aussi Ryan, par. 50‑51. La cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif – ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu.

[…]

[116] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’effectue différemment. Si une question d’interprétation législative fait l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision ne procède pas à une analyse de novo de la question soulevée ni ne se demande « ce qu’aurait été la décision correcte » : Ryan, par. 50. Tout comme lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable dans l’examen de questions de fait ou de questions concernant un pouvoir discrétionnaire ou des politiques, la cour de justice doit plutôt examiner la décision administrative dans son ensemble, y compris les motifs fournis par le décideur et le résultat obtenu.

[…]

[124] Enfin, même si la cour qui effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne doit pas procéder à une analyse de novo ni déterminer l’interprétation « correcte » d’une disposition contestée, il devient parfois évident, lors du contrôle de la décision, que l’interaction du texte, du contexte et de l’objet ouvre la porte à une seule interprétation raisonnable de la disposition législative en cause ou de l’aspect contesté de celle‑ci : Dunsmuir, par. 72‑76. Cette conclusion a été tirée notamment dans l’arrêt Nova Tube Inc./Nova Steel Inc. c. Conares Metal Supply Ltd., 2019 CAF 52, où, après avoir analysé le raisonnement du décideur administratif (par. 26‑61 (CanLII)), le juge Laskin a statué que l’interprétation de ce décideur était déraisonnable et, en outre, que les facteurs dont il a tenu compte militaient si fortement en faveur de l’interprétation contraire qu’elle constituait la seule interprétation raisonnable de la disposition en cause : par. 61. Comme nous l’expliquerons plus loin, il ne servirait à rien de renvoyer la question de l’interprétation au décideur initial en pareil cas. Par contre, les cours de justice devraient généralement hésiter à se prononcer de manière définitive sur l’interprétation d’une disposition qui relève de la compétence d’un décideur administratif.

[64] En l’espèce, la Cour suprême établit une distinction d’avec un examen de novo, où la Cour « se met à la place » du décideur initial et tranche l’affaire par elle‑même. Il ne s’agit pas nécessairement de déterminer si le décideur initial avait raison ou pas.

[65] Dans un contrôle selon la norme de la décision correcte, la Cour demande si le premier décideur a pris la décision « correcte ».

[66] Comme il a été mentionné précédemment, les tribunaux ont reconnu que la norme de la décision correcte s’appliquait à la révision des décisions impliquant le paragraphe 19(1) ainsi que les alinéas 20(1)b) et d) de la Loi. L’arrêt Vavilov, précité, dit aux cours de révision d’appliquer la norme de la décision raisonnable, sauf dans certaines circonstances limitées, par exemple lorsque les dispositions législatives applicables indiquent l’application d’une norme de contrôle différente, qu’il s’agisse d’une révision selon la norme de la décision correcte ou d’un examen de novo.

[67] L’arrêt Vavilov, précité, traite également des différences entre la révision selon la norme de la décision correcte et l’examen de novo.

[68] Dans les circonstances de l’espèce, les demandes en cause sont présentées en vertu de l’article 44 de la Loi. L’article 44.1 prévoit clairement que, dans un tel cas, la révision doit être effectuée de novo. Il n’est pas nécessaire, à mon avis, d’en dire plus sur les différences subtiles entre un examen de novo et la norme de la décision correcte.

[69] Les parties soutiennent que l’exercice du pouvoir discrétionnaire, conformément au paragraphe 19(2) de la Loi, est sujet à révision selon la norme de la décision raisonnable. Je suis d’accord; voir la décision rendue dans Canada (Commissaire à l’information c Canada (Ressources naturelles), 2014 CF 917.

[70] Le paragraphe 19(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Renseignements personnels

Personal Information

19 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements personnels.

19 (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains personal information.

[71] Le paragraphe 19(2) prévoit des exceptions à cette règle générale dans certaines circonstances. Le paragraphe 19(2) prévoit ce qui suit :

Cas où la divulgation est autorisée

Where disclosure authorized

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où

(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Part that contains personal information if

a) l’individu qu’ils concernent y consent;

(a) the individual to whom it relates consents to the disclosure;

b) le public y a accès;

(b) the information is publicly available; or

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act

[72] La Loi adopte la définition suivante de « renseignements personnels » contenue à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‑21 :

renseignements personnels

personal information

Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment :

means information about an identifiable individual that is recorded in any form including, without restricting the generality of the foregoing,

a) les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille;

(a) information relating to the race, national or ethnic origin, colour, religion, age or marital status of the individual,

b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé;

(b) information relating to the education or the medical, criminal or employment history of the individual or information relating to financial transactions in which the individual has been involved,

c) tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre;

(c) any identifying number, symbol or other particular assigned to the individual,

d) son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe sanguin;

(d) the address, fingerprints or blood type of the individual,

e) ses opinions ou ses idées personnelles, à l’exclusion de celles qui portent sur un autre individu ou sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à octroyer à un autre individu par une institution fédérale, ou subdivision de celle‑ci visée par règlement;

(e) the personal opinions or views of the individual except where they are about another individual or about a proposal for a grant, an award or a prize to be made to another individual by a government institution or a part of a government institution specified in the regulations,

f) toute correspondance de nature, implicitement ou explicitement, privée ou confidentielle envoyée par lui à une institution fédérale, ainsi que les réponses de l’institution dans la mesure où elles révèlent le contenu de la correspondance de l’expéditeur;

(f) correspondence sent to a government institution by the individual that is implicitly or explicitly of a private or confidential nature, and replies to such correspondence that would reveal the contents of the original correspondence,

g) les idées ou opinions d’autrui sur lui;

(g) the views or opinions of another individual about the individual,

h) les idées ou opinions d’un autre individu qui portent sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à lui octroyer par une institution, ou subdivision de celle‑ci, visée à l’alinéa e), à l’exclusion du nom de cet autre individu si ce nom est mentionné avec les idées ou opinions;

(h) the views or opinions of another individual about a proposal for a grant, an award or a prize to be made to the individual by an institution or a part of an institution referred to in paragraph (e), but excluding the name of the other individual where it appears with the views or opinions of the other individual, and

i) son nom lorsque celui‑ci est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet;

(i) the name of the individual where it appears with other personal information relating to the individual or where the disclosure of the name itself would reveal information about the individual,

toutefois, il demeure entendu que, pour l’application des articles 7, 8 et 26, et de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information, les renseignements personnels ne comprennent pas les renseignements concernant :

but, for the purposes of sections 7, 8 and 26 and section 19 of the Access to Information Act, does not include

j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment :

(j) information about an individual who is or was an officer or employee of a government institution that relates to the position or functions of the individual including,

(i) le fait même qu’il est ou a été employé par l’institution,

(i) the fact that the individual is or was an officer or employee of the government institution,

(ii) son titre et les adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail,

(ii) the title, business address and telephone number of the individual,

(iii) la classification, l’éventail des salaires et les attributions de son poste,

(iii) the classification, salary range and responsibilities of the position held by the individual,

(iv) son nom lorsque celui‑ci figure sur un document qu’il a établi au cours de son emploi,

(iv) the name of the individual on a document prepared by the individual in the course of employment, and

(v) les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de son emploi;

(v) the personal opinions or views of the individual given in the course of employment,

j.1) un conseiller ministériel, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les conflits d’intérêts, actuel ou ancien, ou un membre, actuel ou ancien, du personnel ministériel, au sens de ce paragraphe, en ce qui a trait au fait même qu’il soit ou ait été tel et à ses nom et titre;

(j.1) the fact that an individual is or was a ministerial adviser or a member of a ministerial staff, as those terms are defined in subsection 2(1) of the Conflict of Interest Act, as well as the individual’s name and title,

k) un individu qui, au titre d’un contrat, assure ou a assuré la prestation de services à une institution fédérale et portant sur la nature de la prestation, notamment les conditions du contrat, le nom de l’individu ainsi que les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de la prestation;

(k) information about an individual who is or was performing services under contract for a government institution that relates to the services performed, including the terms of the contract, the name of the individual and the opinions or views of the individual given in the course of the performance of those services,

l) des avantages financiers facultatifs, notamment la délivrance d’un permis ou d’une licence accordés à un individu, y compris le nom de celui‑ci et la nature précise de ces avantages;

(l) information relating to any discretionary benefit of a financial nature, including the granting of a licence or permit, conferred on an individual, including the name of the individual and the exact nature of the benefit, and

m) un individu décédé depuis plus de vingt ans. (personal information)

(m) information about an individual who has been dead for more than twenty years; (renseignements personnels)

[73] Dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 RCS 66, la Cour suprême du Canada a ordonné que la définition de « renseignements personnels » soit interprétée au sens large.

[74] Les renseignements en question, c’est‑à‑dire les noms et les titres de poste des employés, sont clairement des « renseignements personnels ». Ces renseignements correspondent à la définition fournie dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, précitée. Il s’ensuit donc que la véritable question à trancher est de savoir si ces renseignements doivent être divulgués, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 19(2) de la Loi.

[75] La demanderesse renvoie à la décision rendue dans Janssen‑Ortho, précitée, pour étayer son argument selon lequel le défendeur a commis une erreur en décidant de divulguer des renseignements sur la correspondance envoyée par ses employés au défendeur.

[76] Dans la décision Janssen‑Ortho, précitée, la Cour fédérale a conclu que la divulgation des noms des employés révélerait également des renseignements à leur sujet qui n’étaient pas du domaine public, y compris leur participation à des réunions, la rédaction de lettres et la paternité d’études sur l’élimination d’un produit médicamenteux du marché. La demanderesse fait valoir que ces conclusions s’appliquent également à la communication de renseignements concernant la correspondance entre ses employés et le défendeur.

[77] Dans sa réponse, le défendeur fait valoir que la décision rendue dans Janssen‑Ortho, précitée, peut être distinguée et que les faits de la présente affaire présentent une analogie avec ceux dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Bureau d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports) (CAF), [2007] 1 RCF 203 (Nav Canada). La Cour d’appel fédérale a conclu, aux paragraphes 54 et 55, que les communications du Bureau de la sécurité des transports du Canada ne constituaient pas des renseignements personnels, parce que les documents étaient de nature professionnelle et que, même s’ils pouvaient mener à l’identification d’une personne, les documents ne contenaient pas de renseignements sur une personne.

[78] Dans l’arrêt Husky Oil Operations Limited c Office Canada Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2018 CAF 10, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la contradiction apparente entre la décision Janssen‑Ortho, précitée, et l’arrêt Nav Canada, précité, et a conclu que les différents résultats étaient attribuables à la nature différente des renseignements en question. La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que dans l’arrêt Nav Canada, précité, les documents étaient « purement de nature transactionnelle et informationnelle », tandis que les documents dans la décision Janssen‑Ortho, précitée, révélaient des détails « intimes », plus précis, sur le travail et les opinions des employés.

[79] Dans l’arrêt Husky, précité, les documents comprenaient une demande de renseignements géophysiques présentée par la demanderesse et ne révélaient rien au sujet des employés nommés « hormis le fait que les demandes ont été présentées dans le cadre de leur emploi ».

[80] La Cour d’appel fédérale a donné une « interprétation téléologique du concept de renseignements personnels » et a conclu que les noms et les titres des employés de Husky contenus dans les documents demandés ne constituaient pas des renseignements personnels, car « les documents dans lesquels figurent les noms des employés ne révéleraient rien qui est intimement lié à leur vie privée et qu’ils auraient pu raisonnablement s’attendre à conserver pour eux‑mêmes ».

[81] Dans l’arrêt Suncor Energy Inc v. Canada – Newfoundland and Labrador Offshore Petroleum Board (2018), 418 DLR (4th) 144 (CAF), les faits étaient semblables à ceux de l’arrêt Husky, précité, et de la présente affaire. Dans les motifs du juge de Montigny, la Cour d’appel fédérale a conclu que [traduction] « les noms et les titres des employés de Suncor, ainsi que les renseignements révélant le rôle joué par ceux‑ci dans l’obtention par Suncor de certaines données géophysiques auprès de l’Office », n’étaient pas visés par la définition de « renseignements personnels ».

[82] Au paragraphe 19 de l’arrêt Suncor Energy Inc, précité, le juge de Montigny a également conclu qu’il était raisonnable pour le défendeur de divulguer les noms conformément à l’alinéa 19(2)b), parce que les noms et titres des employés étaient accessibles au public sur LinkedIn. La Cour d’appel fédérale a déclaré que la demanderesse avait le fardeau de démontrer que les documents divulguaient davantage de renseignements sur les employés que ce à quoi le public avait accès sur Internet.

[83] S’exprimant au nom des juges majoritaires dans les arrêts Suncor Energy et Husky, précités, la juge Gauthier a rejeté les appels, parce que le public avait accès aux renseignements, au sens de l’alinéa 19(2)b), et que la demanderesse n’avait pas présenté de preuve démontrant que les renseignements destinés à être communiqués allaient au‑delà des renseignements dont le public avait accès.

[84] Dans la présente affaire, les documents révèlent les noms des employés dans le contexte de la correspondance avec le défendeur.

[85] À mon avis, le fait qu’une personne ait correspondu avec le défendeur dans le cadre de son emploi était de nature transactionnelle et ne révélait pas de renseignements personnels, comme il en a été question dans les arrêts Nav Canada et Husky, précités. Le fait que la demanderesse qualifie la correspondance de [traduction] « participation individuelle » ne change pas la nature des renseignements et n’en fait pas des renseignements personnels.

[86] Les parties conviennent que les noms et les coordonnées des employés sont des renseignements personnels. Tous les employés de la demanderesse en question ont des profils LinkedIn publics qui montrent leur nom et leur lien avec la demanderesse. La demanderesse reconnaît que le public a accès à ces renseignements.

[87] À mon avis, dans ces circonstances et compte tenu de la jurisprudence pertinente, le défendeur a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en concluant que les renseignements contenus dans les documents, avec les noms des employés, sont accessibles au public et ne sont pas soustraits à la communication. Le fait que la personne ait correspondu avec le défendeur ne constitue pas un « renseignement personnel », et le défendeur n’a pas commis d’erreur en décidant de divulguer ces renseignements, de divulguer ces renseignements auxquels le public a accès.

[88] Dans les dossiers T‑1846‑18 et T‑1847‑18, la demanderesse prétend que les documents satisfont au critère énoncé dans la décision Air Atonabee, précitée, relativement à une exception au titre de l’alinéa 20(1)b). L’alinéa prévoit ce qui suit :

Renseignements de tiers

Third party information

20 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20 (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

[…]

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

[89] Dans le dossier numéro T‑1846‑18, la demanderesse demande le caviardage de renseignements sur des levés géographiques, au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi.

[90] Dans le dossier numéro T‑1847‑18, la demanderesse prétend que les renseignements géographiques relatifs à ses activités d’exploration, qui figurent dans les documents, sont des renseignements commerciaux de nature très délicate et qu’elle les traite de façon confidentielle. La demanderesse affirme que ces renseignements sont soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi.

[91] Selon la décision Air Atonabee, précitée, et l’arrêt Merck‑Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), [2012] 1 RCS 23, le demandeur doit satisfaire aux quatre critères pour que le renseignement visé soit soustrait à la communication au titre de l’alinéa 20(1)b).

[92] Se fondant sur la décision rendue dans Air Atonabee, précitée, la demanderesse fait valoir que, pour déterminer si les renseignements sont « confidentiels », la Cour doit tenir compte des critères suivants :

[traduction]

les renseignements contenus dans un document ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;

les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;

les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis volontairement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.

[93] Le défendeur soutient qu’il doit y avoir une attente raisonnable de confidentialité pour que les renseignements soient considérés comme confidentiels ainsi qu’une preuve suffisante que l’administration a également traité les renseignements de façon confidentielle, citant les décisions rendues dans Air Atonabee, précitée, et dans Bombardier Inc c Canada (Procureur général), 2019 CF 207.

[94] En outre, le défendeur fait valoir qu’il faut davantage que l’affirmation de la demanderesse selon laquelle celle‑ci considérait les renseignements comme confidentiels; les renseignements doivent avoir été traités de façon confidentielle par les deux parties et ne pas avoir été divulgués autrement. En l’espèce, le défendeur invoque les décisions rendues dans Air Atonabee et Janssen‑Ortho, précitées.

[95] Une preuve doit être fournie pour s’acquitter du fardeau imposé par l’alinéa 20(1)b) de la Loi. À mon avis, la preuve présentée par la demanderesse est insuffisante. Dans l’affidavit de M. Burke ainsi que dans ses arguments écrits et verbaux, la demanderesse affirme que les renseignements sont confidentiels, mais la preuve qu’elle donne n’appuie pas ces affirmations.

[96] En outre, la preuve montre que le public a déjà accès aux renseignements que le défendeur entend divulguer, y compris des renseignements sur les levés et les données géophysiques relativement au dossier numéro T‑1846‑18.

[97] Enfin, il y a la question de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)d) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

Renseignements de tiers

Third party information

20 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20 (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

[…]

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

[98] Selon la décision rendue dans Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre des Affaires extérieures) (1re inst), [1990] 3 CF 665 au para 24, une exception au titre de cette disposition exige la preuve que la divulgation des renseignements en question risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations.

[99] Encore une fois, à mon avis, la demanderesse n’a pas produit une preuve à l’appui de son recours à l’alinéa 20(1)d).

[100] Dans l’affidavit de M. Burke, déposé par la demanderesse dans les deux dossiers portant les numéros T‑1846‑18 et T‑1847‑18, le témoin a déclaré que la demanderesse était actuellement engagée dans un litige avec Geophysical Services Incorporated. Toutefois, rien ne prouve que la divulgation de ces renseignements risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations en lien avec ce litige. De toute façon, les termes « litige » et « négociations » ne sont pas des synonymes.

[101] À mon avis, la demanderesse n’a pas démontré que les renseignements satisfaisaient aux exigences nécessaires pour être soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)d).

V. CONCLUSION

[102] Par conséquent, les noms et les coordonnées de certains employés de la demanderesse, que le défendeur se propose de divulguer, sont des « renseignements personnels » visés par le paragraphe 19(1) de la Loi. Toutefois, le défendeur a raisonnablement conclu que le public avait accès à ces renseignements, au sens de l’alinéa 19(2)b) de la Loi, c’est‑à‑dire par l’entremise de LinkedIn, et il a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de divulguer ces renseignements. Les observations de la demanderesse concernant la [traduction] « participation individuelle » ne changent pas les faits concernant l’accessibilité au public.

[103] La demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’elle avait droit aux avantages prévus aux alinéas 20(1)b) et d) de la Loi, concernant la non‑communication des renseignements demandés.

[104] Il n’y a pas d’erreur susceptible de révision dans la façon dont le défendeur a traité les demandes d’accès qui font l’objet des présentes demandes de révision, et les demandes seront rejetées avec dépens en faveur du défendeur.


JUGEMENT dans les dossiers T‑1846‑18 et T‑1847‑18

LA COUR STATUE QUE les demandes sont rejetées avec dépens en faveur du défendeur.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B., juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1846‑18

 

INTITULÉ :

SUNCOR ÉNERGIE INC. c. OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

DOSSIER :

T‑1847‑18

INTITULÉ :

SUNCOR ÉNERGIE INC. c. OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 AOÛT 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

 

LA JUGE HENEGHAN

VERSION CONFIDENTIELLE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 10 FÉVRIER 2021

VERSION PUBLIQUE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 1ER MARS 2021

COMPARUTIONS :

J. Alexander Templeton

POUR LA DEMANDERESSE

Amy M. Crosbie

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnis Cooper

Avocats

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Curtis Dawe

Avocats

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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