Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030723

Dossier : IMM-4918-03

Référence : 2003 CF 913

ENTRE :

                                                              KEVIN JON PARSONS

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge MacKAY

[1]                 Les présents motifs visent à expliquer une ordonnance datée du 30 juin 2003 selon laquelle une demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi présentée par le demandeur et qui devait être entendue le 2 juillet 2003 a été rejetée. La demande a été entendue au téléphone et à la fin de la téléconférence, l'ordonnance a été rendue oralement, puis confirmée par écrit un peu plus tard au cours de cette même journée.


[2]                 Le demandeur, né en juillet 1963 au Royaume-Uni, est arrivé au Canada alors qu'il était âgé de huit mois et il vit au pays depuis. Cependant, il n'a pas obtenu sa citoyenneté canadienne. Il a un fils maintenant âgé de 12 ans qui depuis l'âge de un an relève de sa responsabilité exclusive, étant donné que la mère a quitté la famille.

[3]                 Après avoir été reconnu coupable en janvier 2000 de possession de drogues d'usage restreint en vue d'en faire le trafic et d'agression sexuelle, le demandeur a été condamné et mis en détention. Conséquemment à ces déclarations de culpabilité, on a ordonné son expulsion du Canada le 29 septembre 2000. Cette mesure d'expulsion a été portée en appel devant la Commission d'appel de l'immigration, mais celle-ci, après avoir reçu des avis de danger au sujet du demandeur qui avaient été formulés au nom du défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, n'y a pas donné suite, en vertu de la Loi sur l'immigration en vigueur à cette époque.

[4]                 Le 21 août 2001, la présente Cour a infirmé le premier avis daté du mois de novembre 2000. Avant que la demande de contrôle judiciaire ne soit entendue, la Cour a ordonné un sursis d'exécution de la mesure de renvoi en instance. Un deuxième avis de danger à l'égard du demandeur a été émis le 27 mai 2002. Cet avis a fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire déposée devant la présente Cour. Avant qu'elle n'entende ladite demande le 27 juin 2002, celle-ci a de nouveau ordonné un sursis en attente d'une décision relativement à la demande de contrôle judiciaire qui lui avait été présentée. La présente Cour a finalement admis cette demande avec le consentement du défendeur le 2 juin 2003.

[5]                 Par la suite, le demandeur a été convoqué à une entrevue au cours de laquelle on lui a indiqué qu'il ferait l'objet d'une mesure de renvoi du Canada le 2 juillet 2003, décision à l'égard de laquelle il demande maintenant un sursis d'exécution.

[6]                 Lorsque cette affaire a été présentée aux fins d'audition, le demandeur avait demandé à la Commission d'appel de l'immigration d'infirmer l'appel qu'il avait interjeté à l'encontre de la première mesure d'expulsion ordonnée contre lui, appel auquel la Commission, après avoir reçu des avis de danger formulés au nom du ministre, n'a pas donné suite. Ces décisions étant maintenant infirmées, il importe maintenant que la Commission d'appel ait la possibilité de rendre une décision concernant l'appel qu'interjette le demandeur à l'encontre de la mesure d'expulsion. Cependant, en ce qui concerne le défendeur, il fait valoir que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, S.C. 2002, ch. 27, telle qu'elle a été modifiée (la LIPR), stipule qu'une personne ne peut être admise au Canada si elle possède un casier judiciaire grave et qu'elle n'a pas le droit d'interjeter appel devant la Section d'appel de la Commission à l'encontre d'une mesure de renvoi ordonnée contre elle. On soutient que l'appel qu'a porté le demandeur devant la Commission a été abandonné conformément à l'article 196 de la LIPR. La Commission elle-même a récemment décidé qu'elle n'avait aucune compétence pour entendre un appel qui a été abandonné en vertu des dispositions de la LIPR (voir Andries Kroon c. Canada (MCI), SAI, no de dossier VA-02816, 27 mai 2003). Je suis convaincu que l'appel qu'a porté le demandeur devant la Commission d'appel de l'immigration a été instruit correctement, conformément à la LIPR.


[7]                 Je constate que le demandeur n'a pas présenté de demande d'évaluation du risque avant le renvoi, bien qu'on le lui ait conseillé. Il n'a pas non plus présenté de demande d'admission au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire avant l'audition de la présente demande de sursis. Il indique toutefois dans sa déclaration sous serment qu'il a préparé une telle demande et que son avocat la présentera en son nom.

[8]                 On allègue que le principal fondement sur lequel s'appuie la demande de sursis est lié à des raisons d'ordre humanitaire concernant le fils de l'appelant et à la relation qu'ils ont entre eux. On soutient que les représentants du ministre n'ont en aucun moment tenu compte adéquatement de ces motifs et que cette omission cause des préjudices irréparables aux fins de la demande de sursis.


[9]                 Essentiellement, selon la déclaration sous serment du demandeur, de tels préjudices résident dans le fait qu'il entretient une relation étroite avec son fils et qu'il est responsable de son bien-être et de son éducation. Pendant sa mise en détention, le fils du demandeur vivait avec le père de ce dernier, qui est maintenant âgé de 62 ans et qui n'est pas en très bonne santé. Il a en effet obtenu son congé de l'hôpital après avoir subi une chirurgie cardiaque seulement quelques jours avant l'audience de la demande de sursis. S'il est renvoyé du Canada, le demandeur affirme qu'il sera soit forcé d'abandonner son fils afin de lui permettre de grandir dans son pays natal, soit de l'emmener avec lui au Royaume-Uni, pays qui leur est à tous les deux totalement étranger.

[10]            À mon avis, si je tiens compte des circonstances de l'affaire en l'espèce, la preuve présentée devant la Cour ne constitue pas de préjudices irréparables. Je ne doute pas que la séparation du père et du fils provoquerait un bouleversement au sein de la famille au même titre que s'ils quittent le Canada pour retourner au Royaume-Uni. Cependant, cela ne cause aucun préjudice irréparable entre maintenant et le moment où l'on tiendra compte de la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire et de la demande de contrôle judiciaire proprement dite. Si la décision est favorable, le demandeur peut revenir au Canada en vertu du paragraphe 52(2) de la LIPR. Il est important de se rappeler que le demandeur n'a pas le droit à cette étape-ci des procédures de demeurer au Canada, et la demande de sursis de son renvoi n'aurait simplement pour effet que de lui permettre de rester ici temporairement.

[11]            Je reconnais que lorsqu'un sursis a été accordé au demandeur en 2002, mon collègue, le juge Beaudry, a notamment formulé le commentaire suivant :


[traduction]                                                                                                                          [5]              La Cour suprême du Canada a statué, dans l'arrêt Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, que les répercussions d'une décision prise en matière d'immigration sur les enfants du revendicateur doivent être prises en compte. En l'espèce, le demandeur a un fils de dix ans. Ce dernier habite avec le père et la belle-mère du demandeur, mais il a des rapports réguliers avec son père, qu'il voit les fins de semaine. Le demandeur et son fils n'ont pas vu la mère de celui-ci depuis des années. S'il était expulsé, le demandeur devrait choisir entre emmener son fils avec lui au Royaume-Uni ou le laisser au Canada. En optant pour la première solution, le demandeur retirerait son fils de l'environnement dans lequel il a grandi et l'éloignerait de son grand-père et de l'épouse de celui-ci avec lesquels il entretient aussi une relation harmonieuse et stable. Par ailleurs, s'il retournait au Royaume-Uni sans son fils, celui-ci souffrirait d'être séparé du seul parent biologique avec lequel il a un lien. Par conséquent, on peut conclure que l'expulsion du demandeur causerait un préjudice irréparable à son fils.

[12]            À mon avis, l'arrêt Baker, à la lumière de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Legault c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 C.A.F. 125, [2002] 4 C.F. 358 (C.A.) n'appuie pas la position du demandeur puisque dans l'affaire en l'espèce, conformément à une décision d'exécuter une mesure d'expulsion ordonnée contre le demandeur, l'agent d'immigration concerné était tenu d'évaluer les répercussions d'une telle décision sur les intérêts de son fils de nationalité canadienne. La jurisprudence n'appuie pas le point de vue de l'appelant selon laquelle celle-ci ainsi que la LIPR [traduction] « stipulent clairement que les droits d'un enfant d'origine canadienne doivent être pris en considération lorsqu'il s'agit de rendre une décision qui portera atteinte aux droits de cet enfant. »   

[13]            Dans les circonstances de l'affaire en l'espèce, aucune preuve qui démontre que les intérêts de l'enfant ont été portés à l'attention de l'agent de renvoi qui a délivré la mesure de renvoi contre le demandeur n'a été présentée devant la Cour. Qui plus est, les arrêts Baker et Legault concernaient une décision rendue à l'égard d'une demande d'admission au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire. Aucune décision de la sorte n'est en cause dans la présente affaire, la demande pour de tels motifs n'ayant pas encore été présentée.

[14]            En présumant qu'une question grave a été soulevée devant la Cour par l'entremise de la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire et de la demande de contrôle judiciaire proprement dite, je ne suis pas convaincu que des préjudices irréparables seront causés au demandeur et aux meilleurs intérêts de son fils si le demandeur est renvoyé du Canada et que par la suite, une décision favorable est rendue à l'égard de la demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire et de la demande de contrôle judiciaire proprement dite.

[15]            Par conséquent, la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi ordonnée contre M. Parsons est rejetée.

         « W. Andrew MacKay »       

Juge                      

Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 juillet 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 IMM-4918-03

INTITULÉ :              KEVIN JON PARSONS c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                OTTAWA et EDMONTON

DATE DE L'AUDIENCE :                              30 juin 2003 (par téléconférence)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge MacKAY

DATE DES MOTIFS :                                     Le 23 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Kevin E. Moore                                                   POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude de Kevin E. Moore                                                 POUR LE DEMANDEUR

Edmonton (Alberta)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.