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Date : 20030402

Dossier : T-2279-01

Référence : 2003 CFPI 391

Ottawa (Ontario), le mercredi 2 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                       CANADIAN FREIGHTWAYS LIMITED

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                      et WESTERN CANADA COUNCIL OF THE TEAMSTERS

                                                                                                                                        défendeurs

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue, le 27 novembre 2001, par l'agent d'appel du Bureau d'appel canadien en santé et sécurité au travail. La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision de l'agent d'appel et accueillant l'appel ou, subsidiairement, une ordonnance renvoyant la décision pour qu'un agent d'appel différent rende une nouvelle décision.

[2]                 La demande n'a fait l'objet d'aucune opposition. Ni l'un ni l'autre défendeur n'a déposé une comparution ou n'a déposé de documents ou encore ne s'est présenté à l'audition de la demande.

HISTORIQUE

[3]                 La demanderesse est une entreprise spécialisée dans les charges partielles qui assure des services de transport de marchandises par camion et des services connexes dans l'Ouest du Canada. Dans le cadre de ses activités, la demanderesse exploite un certain nombre d'entrepôts dans l'Ouest du Canada. La présente demande découle de l'exploitation par la demanderesse d'une installation intérieure de transbordement à Prince George (Colombie-Britannique).

[4]                 À cet endroit, on recule les camions à remorque chargés de marchandises dans les baies de chargement, situées de deux côtés opposés du quai. La marchandise est alors déchargée et elle est temporairement entreposée dans la région ou elle est immédiatement transférée de l'autre côté du quai pour être chargée dans d'autres camions. De petits chariots élévateurs à fourches et des chariots à commande manuelle sont utilisés pour enlever des camions à remorque les palettes ou les marchandises lourdes.


[5]                 Le 29 mai 2000, un agent de santé et de sécurité de Développement des ressources humaines Canada a procédé à une vérification au lieu de travail de Prince George. À la fin de la vérification, l'agent a rempli un formulaire de promesse de conformité volontaire dans lequel il avait noté que [TRADUCTION] « [l]es employés habituellement exposés au risque de heurt avec des véhicules en mouvement n'étaient pas protégés par des gilets de signalisation nettement visibles » . En réponse, le 31 août 2000, la demanderesse a informé l'agent qu'elle ne souscrivait pas à son avis, à savoir que la législation exigeant que les employés portent des gilets nettement visibles s'applique à l'égard de son installation intérieure de transbordement.

[6]                 Par conséquent, le 22 novembre 2000, l'agent de santé et sécurité a donné des instructions à la demanderesse, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (le Code). Les instructions citaient la demanderesse pour contravention aux alinéas 125(1)l) et w) du Code ainsi qu'à l'alinéa 12.13a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304 (le Règlement). Dans ses instructions, l'agent donnait à la demanderesse l'instruction de mettre fin à la contravention au plus tard le 20 décembre 2000 et de prendre des mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.


[7]                 La demanderesse a interjeté appel contre les instructions conformément au paragraphe 146(1) du Code. L'appel a été entendu par un agent d'appel à Vancouver le 18 septembre 2001. L'agent d'appel a confirmé les instructions données par l'agent de santé et de sécurité. La demande de contrôle judiciaire se rapporte à cette décision.

LA LÉGISLATION PERTINENTE

(i) Le Code

[8]                 Comme il en a été fait mention, les instructions qui sont ici pertinentes ont été données conformément au paragraphe 145(1), qui est ainsi libellé :


S'il est d'avis qu'une contravention à la présente partie vient d'être commise ou est en train de l'être, l'agent de santé et de sécurité peut donner à l'employeur ou à l'employé en cause l'instruction :

A health and safety officer who is of the opinion that a provision of this Part is being contravened or has recently been contravened may direct the employer or employee concerned, or both, to

a) d'y mettre fin dans le délai qu'il précise;

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu'il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

(a) terminate the contravention within the time that the officer may specify; and

(b) take steps, as specified by the officer and within the time that the officer may specify, to ensure that the contravention does not continue or re-occur.


[9]                 Les alinéas 125(1)l) et w) du Code qui auraient censément donné lieu à une contravention prévoient ce qui suit :



Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

[...]

Without restricting the generality of section 124, every employer shall, in respect of every work place controlled by the employer and, in respect of every work activity carried out by an employee in a work place that is not controlled by the employer, to the extent that the employer controls the activity,

[...]l) de fournir le matériel, l'équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité réglementaires à toute personne à qui il permet l'accès du lieu de travail;

[...]

(l) provide every person granted access to the work place by the employer with prescribed safety materials, equipment, devices and clothing;

[...]

w) de veiller à ce que toute personne admise dans le lieu de travail connaisse et utilise selon les modalités réglementaires le matériel, l'équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité réglementaires.

(w) ensure that every person granted access to the work place by the employer is familiar with and uses in the prescribed circumstances and manner all prescribed safety materials, equipment, devices and clothing.


[10]            Les paragraphes 146(1) et 146.1(1) du Code régissent l'appel interjeté devant l'agent d'appel; ils sont ainsi libellés :


146.(1) Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par l'agent de santé et de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les trente jours qui suivent la date où les instructions sont données ou confirmées par écrit, interjeter appel de celles-ci par écrit à un agent d'appel.

[...]

146.(1) An employer, employee or trade union that feels aggrieved by a direction issued by a health and safety officer under this Part may appeal the direction in writing to an appeals officer within thirty days after the date of the direction being issued or confirmed in writing.

[...]

146.1(1) Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l'article 146, l'agent d'appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

146.1(1) If an appeal is brought under subsection 129(7) or section 146, the appeals officer shall, in a summary way and without delay, inquire into the circumstances of the decision or direction, as the case may be, and the reasons for it and may

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

(a) vary, rescind or confirm the decision or direction; and

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu'il juge indiquées.

(b) issue any direction that the appeals officer considers appropriate under subsection 145(2) or (2.1).



LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES

[11]            La décision de l'agent d'appel est fondée sur les articles 12.1, 12.2 et 12.13 du Règlement. Ces dispositions sont ainsi libellées :


12.1 Toute personne à qui est permis l'accès au lieu de travail doit utiliser l'équipement de protection réglementaire visé par la présente partie dans les cas suivants :

12.1 Where

a) lorsqu'il est en pratique impossible d'éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la sécurité ou la santé;

(a) it is not reasonably practicable to eliminate or control a safety or health hazard in a work place within safe limits, and

b) lorsque l'utilisation de l'équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité.

(b) the use of protection equipment may prevent or reduce injury from that hazard, every person granted access to the work place who is exposed to that hazard shall use the protection equipment prescribed by this Part.

12.2 L'équipement de protection visé à l'article 12.1 :

12.2 All protection equipment referred to in section 12.1

a) doit être conçu pour protéger la personne contre le risque pour lequel il est fourni;

(a) shall be designed to protect the person from the hazard for which it is provided; and

b) ne doit pas présenter de risque.

[...]

(b) shall not itself create a hazard.

[...]

12.13 L'employé qui, pendant son travail, est habituellement exposé au risque de heurt avec des véhicules en mouvement doit être protégé par l'un des dispositifs suivants, nettement visible dans toutes les conditions d'utilisation :

12.13 Where an employee is regularly exposed to contact with moving vehicles during his work, he shall

a) un gilet de signalisation ou un vêtement semblable;

(a) wear a high-visibility vest or other similar clothing, or

b) une barrière.

(b) be protected by a barricade

that is readily visible under all conditions of use.



LA DÉCISION DE L'AGENT D'APPEL

[12]            L'agent d'appel s'est correctement arrêté à la question de savoir si l'alinéa 12.13a) du Règlement s'applique aux employés de la demanderesse, à l'installation de transbordement de Prince George, de sorte que ces derniers doivent, pendant leur travail, porter des gilets de signalisation ou des vêtements semblables.

[13]            En concluant que l'alinéa 12.13a) s'applique, l'agent d'appel a d'abord conclu qu'un chariot élévateur à fourches est un véhicule en mouvement au sens de l'article 12.13 du Règlement. Cette conclusion n'a pas été contestée. L'agent d'appel a ensuite examiné la partie XII du Règlement, en faisant remarquer que l'article 12.1 du Règlement établit que, dans la mesure où la chose est en pratique possible, l'employeur doit éliminer ou maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente. S'il est en pratique impossible de le faire et si l'emploi de l'équipement de protection peut empêcher ou réduire le risque de blessures, l'employeur doit veiller à ce que les employés qui sont exposés à ce risque utilisent le matériel protecteur indiqué. L'agent d'appel a en outre conclu que l'article 12.2 du Règlement prescrit que l'équipement de protection doit être conçu pour protéger la personne contre le risque et ne doit pas présenter de risque.


[14]            Quant aux faits dont il était saisi, l'agent d'appel a conclu que, pour éliminer ou maintenir à un niveau sécuritaire le risque de heurt accidentel entre les employés et les chariots élévateurs à fourches, comme il en est fait mention à l'alinéa 12.1a) du Règlement, l'employeur doit assurer un degré élevé d'organisation et le contrôle de la circulation piétonne et véhiculaire. L'agent d'appel a rejeté l'argument de la demanderesse selon lequel le risque de heurt accidentel entre les employés et les chariots élévateurs à fourches était minime et qu'il était maintenu à un niveau sécuritaire parce qu'il y avait peu de circulation piétonne dans l'entrepôt et parce que le quai est bien illuminé. À cet égard, il était convenu que les employés qui ne conduisaient pas de chariots élévateurs à fourches étaient habituellement exposés au risque de heurt avec un véhicule en mouvement et que, même si le quai était bien illuminé, les rayons de soleil qui s'infiltraient par les portes de l'entrepôt pouvaient, à son avis, créer des ombres illuminées d'une façon irrégulière ou causer un éblouissement susceptible de nuire à la capacité d'un opérateur ou d'autres employés de se voir mutuellement et d'éviter un heurt accidentel.

[15]            En réponse à l'argument de la demanderesse selon lequel les gilets de signalisation ne seraient pas utiles et pourraient même créer un risque pour les employés, l'agent d'appel a conclu qu'on ne pouvait pas accorder beaucoup d'importance aux avis exprimés par les comités sur la santé et la sécurité de la demanderesse sur ce point, parce qu'ils fondaient leurs conclusions sur des anecdotes plutôt que sur des études et parce que les travailleurs préfèrent généralement ne pas utiliser d'équipement personnel de protection.

[16]            L'agent d'appel a ensuite conclu ses motifs comme suit :

[TRADUCTION]


[44]          Enfin, [la demanderesse] a soutenu que l'alinéa 12.1b) du RCSS exige que l'agent de santé et de sécurité établisse que l'emploi de l'équipement de protection peut éliminer ou maintenir le risque de blessures, ce que, dit-elle, l'agent de santé et de sécurité [...] n'avait pas fait. Toutefois, je tiens à rappeler [à la demanderesse] le paragraphe 148.(5) du Code qui est ainsi libellé :

148.(5) Dans les poursuites pour infraction aux dispositions de la présente partie - à l'exclusion des alinéas 125(1)c), z.10) et z.11), l'emprisonnement étant exclu en cas de contravention de ces dispositions -, l'accusé peut se disculper en prouvant qu'il a pris les mesures nécessaires pour éviter l'infraction. [...]

Or, une instruction ne constitue pas une poursuite, mais je tiens à dire que ce principe de la prise des mesures nécessaires s'applique à l'appel interjeté contre une instruction et que la demanderesse a la charge de prouver qu'il n'y a pas eu contravention.

[45]          Pour les motifs susmentionnés, [la demanderesse] a omis d'établir à ma satisfaction que pendant leur travail, les employés qui travaillaient à son entrepôt, à Prince George (Colombie-Britannique), n'étaient pas habituellement exposés au risque de heurt avec des chariots élévateurs à fourches en mouvement et que le risque créé par cette exposition était maintenu à un niveau sécuritaire. Je confirme par les présentes l'instruction que l'agent de santé et de sécurité [...] a donnée [à la demanderesse] conformément au paragraphe 145(1) du Code le 22 novembre 2000 en lui ordonnant d'observer l'alinéa 12.13a) du [...] Règlement.

                                                                                                                           [non souligné dans l'original]

LES POINTS LITIGIEUX

[17]            La demanderesse affirme que l'agent d'appel a commis deux erreurs. Pour les motifs énoncés ci-dessous, j'ai uniquement jugé nécessaire d'examiner la première question soulevée par la demanderesse, à savoir si l'agent d'appel a commis une erreur de droit en concluant que le paragraphe 148(5) du Code (maintenant paragraphe 148(4) et ci-après désigné comme étant le paragraphe 148(4) du Code) imposait à la demanderesse la charge de prouver qu'il n'y avait pas eu contravention au Règlement.


LA NORME DE CONTRÔLE

[18]            L'article 146.3 du Code prévoit que les décisions de l'agent d'appel sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires. Pareilles décisions peuvent donc uniquement être examinées si l'agent d'appel a commis une erreur en interprétant les dispositions attributives de compétence ou s'il a excédé sa compétence en commettant une erreur de droit manifestement déraisonnable. Voir : CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983, à la page 1003.

ANALYSE

[19]            L'agent d'appel a correctement conclu que l'effet du Règlement précité est le suivant : l'employé qui est habituellement exposé au risque de heurt avec des véhicules en mouvement doit porter un gilet de signalisation ou un vêtement semblable dans les cas suivants :

i)           il est en pratique impossible d'éliminer ou de maintenir le risque que pareille exposition crée pour la sécurité;

ii)          l'utilisation du gilet ou d'un vêtement semblable peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité; et

iii)          le gilet ou autre vêtement semblable ne doit pas présenter de risque.

[20]            Toutefois, le Règlement n'indique pas à qui incombe la charge d'établir ces éléments lorsqu'une instruction fait l'objet d'un appel. En réponse à la prétention de la demanderesse selon laquelle la preuve dont disposait l'agent d'appel n'établissait pas le deuxième élément nécessaire (à savoir, que le gilet peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité), l'agent d'appel a invoqué le paragraphe 148(4) du Code pour imposer la charge de la preuve à la demanderesse, cette dernière devant établir qu'il n'y a pas eu contravention au Règlement. En se reportant ainsi au paragraphe 148(4), l'agent d'appel a commis une erreur.

[21]            L'article 148 du Code est une disposition portant sur les infractions générales. En vertu du paragraphe 148(1), quiconque contrevient à une disposition de la partie II du Code commet une infraction. Le paragraphe 148(4) du Code (autrefois paragraphe 148(5)) prévoit que la personne qui est accusée d'avoir enfreint à une disposition de la partie II du Code peut se disculper en prouvant qu'elle a pris les mesures nécessaires pour éviter l'infraction.


[22]            Ce moyen de défense fondé sur la prise des mesures nécessaires n'est pas pertinent dans un appel interjeté contre des instructions données par un agent de santé et de sécurité, et ce, pour les motifs ci-après énoncés. La présence du moyen de défense fondé sur la prise des mesures nécessaires prévu à l'article 148 du Code (qui traite des infractions) ainsi que l'absence d'une disposition similaire figurant aux articles 146 et 146.1 du Code (qui traitent de l'appel interjeté contre une instruction) permettent d'inférer que le législateur ne voulait pas que l'on puisse invoquer la prise de mesures nécessaires à l'encontre d'un appel interjeté contre des instructions. Cela indique probablement que la disposition relative aux infractions, à l'article 148 du Code, se rapporte à la poursuite d'infractions réglementaires, qui sont généralement des infractions de responsabilité stricte. En pareil cas, le poursuivant est tenu de prouver au-delà de tout doute raisonnable que l'infraction a été commise, à la suite de quoi l'accusé peut invoquer un moyen de défense fondé sur la prise des mesures nécessaires ou sur une erreur de fait afin d'échapper à une conclusion de culpabilité. Voir : La Reine c. Sault Ste. Marie (Ville), [1978] 2 R.C.S. 1299. Un moyen de défense fondé sur la prise des mesures nécessaires n'est pas pertinent dans le cas d'un appel interjeté contre des instructions lorsque l'applicabilité d'une disposition du Règlement est en cause dans l'appel.

[23]            En effet, en déterminant si l'article 12.13 du Règlement s'appliquait à l'exploitation de l'installation de transbordement, l'agent d'appel a exigé que la demanderesse [TRADUCTION] « prouve qu'il n'y a pas eu contravention » . Il s'agissait d'une erreur.

[24]            Quant à l'effet de cette erreur, dans la décision H.D. Snook (1991), 86 di 74, le président du Conseil canadien des relations du travail (le Conseil) a examiné la nature de l'instance dans un appel interjeté contre la décision d'un agent de sécurité. Au moment où cette décision a été rendue, le Code prévoyait que pareils appels étaient interjetés devant le Conseil. Le président Weatherill a décrit comme suit la procédure d'audition de l'appel :


La procédure suivie à l'audience a été dénuée de formalités, mais s'est déroulée dans l'ordre. À la demande du Conseil, l'agent de sécurité était présent, et le Conseil l'a cité à comparaître afin qu'il explique les faits qui l'avaient mené à sa décision. Les deux parties ont pu l'interroger et s'interroger mutuellement et elles ont eu l'occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments, à cette réserve près que je les ai priées de s'en tenir à ce qui était pertinent, c'est-à-dire à la question de la sécurité. Je leur ai dit clairement que l'agent de sécurité n'était pas là pour « défendre » sa décision, que la procédure ne devait pas être confondue avec un « appel » au sens propre du terme, et que personne n'avait la charge de prouver quoi que ce soit, car, comme le Code le veut, le Conseil procède, de façon sommaire, à l'examen des faits et des motifs qui ont mené l'agent à décider qu'il n'y avait pas de danger.

                                                                                                                           [non souligné dans l'original]

[25]            Plus récemment, dans la décision Verville and Canada (Correctional Service), [2002] C.L.C.A.O.D. no 12, au paragraphe 15, l'agent d'appel a décrit comme suit la nature d'un appel du genre ici en cause :

[TRADUCTION] Le Code permet à quiconque est « lésé » par des instructions d'interjeter appel de celles-ci à un agent d'appel (paragraphe 146(1)). L'agent d'appel mène ensuite une enquête « sommaire » sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions et peut modifier, annuler ou confirmer les instructions (paragraphe 146.1(1)). L'agent d'appel doit se mettre à la place de l'agent de santé et sécurité et rendre la décision que ce dernier aurait dû rendre. Un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) n'est pas un « appel » au sens technique du terme et, par conséquent, la charge de la preuve n'incombe à personne (voir H.D. Snook [...]). En se fondant sur l'article 122.1, qui prévoit que la partie II du Code a pour objet « de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi » l'agent d'appel cherche simplement à en arriver à la décision correcte au point de vue de la santé et de la sécurité.

[26]            Ces arrêts faisant autorité donnent à entendre que l'audience, dans un appel d'un pouvoir discrétionnaire, est de la nature d'une nouvelle audience, l'agent d'appel devant examiner toutes les circonstances et rendre ensuite une décision.

[27]            En l'espèce, l'agent d'appel s'est fondé sur une disposition non pertinente pour exiger que la demanderesse assume la charge de prouver qu'il n'y a pas eu contravention au Règlement. Ce faisant, l'agent a commis une erreur; je suis convaincue que l'erreur était suffisamment sérieuse et qu'il s'agissait d'une erreur de droit importante au point de vicier l'analyse de la preuve effectuée par l'agent. Il s'ensuit que la décision devrait être annulée.


LES DÉPENS

[28]            Je ne vois pas pourquoi les dépens ne devraient pas suivre l'issue de la cause. La demanderesse a droit à un seul mémoire de frais, les dépens devant être payés par le procureur général du Canada défendeur.

                                                 ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La décision de l'agent d'appel est annulée.

2.          La demanderesse a droit à un seul mémoire de frais, les dépens devant être payés par le procureur général du Canada défendeur.

                                                                                          « Eleanor R. Dawson »             

                                                                                                                          Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  T-2279-01

INTITULÉ :                                                 Canadian Freightways Limited

c.

Le procureur général du Canada et autre

LIEU DE L'AUDIENCE :                         Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                       le 12 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                               Madame le juge Eleanor R. Dawson

DATE DES MOTIFS :                               le 2 avril 2003

COMPARUTIONS :

M. Bruce Grist                                               POUR LA DEMANDERESSE

M. Jack Wright                                              POUR LE DÉFENDEUR

(le procureur général du Canada)

M. Don Davies                                               POUR LE DÉFENDEUR

(Teamsters Local Union No.31)

Mme Jocelynne Paris                                      POUR LE DÉFENDEUR

(le Bureau d'appel canadien)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau Du Moulin LLP              POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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