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Date : 20030627

Dossier : T-1427-01

Référence : 2003 CFPI 801

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                           LEONARD JOHN CUR

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                      LE MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TAC) en date du 9 mai 2001 par laquelle le TAC a informé le demandeur qu'il ne révisera pas sa décision du 28 mai 1998 qui avait rejeté la demande du demandeur en vue de prestations rétroactives de pension jusqu'en mai 1963, date de la demande.

[2]                Le demandeur, Leonard John Cur, était membre des Forces actives du 18 août 1943 au 9 janvier 1946.


[3]         Le 14 mai 1963, le demandeur a présenté une demande de pension, alléguant une lésion à la colonne vertébrale qui, selon le demandeur, résultait d'un accident qu'il avait eu en octobre 1945 à bord du NCSM Gatineau.

[4]         Le 10 juin 1963, suite aux demandes de renseignements du demandeur relativement à une pension, l'avocat-conseil des pensions, H. Colbeck, a écrit à l'avocat en chef des pensions pour demander une recherche des fiches de visite médicale. Des recherches ont été menées pour retrouver les registres maritimes du NCSM Gatineau qui contiendraient des renseignements relatifs à l'affection dorsale qu'aurait eue le demandeur en 1945. Aucun registre semblable n'a été retrouvé.

[5]         Le 19 août 1963, M. Colbeck a envoyé une lettre au demandeur pour l'informer qu'une enquête complète avait été menée dans les registres du navire pendant la période au cours de laquelle le demandeur a été en service à bord du navire et que des rapports sur sa blessure n'étaient pas disponibles.

[6]         Le 8 février 1971, le demandeur a écrit une lettre au ministère des Anciens Combattants (le ministère) pour demander des renseignements relativement à son affection dorsale.       


[7]         Le 5 mars 1971, Lloyd Aiken, avocat-conseil régional des pensions a écrit au demandeur l'informant que les registres maritimes pour la période pertinente n'étaient pas disponibles. Dans la lettre, M. Aiken a proposé que le demandeur entre en contact avec l'avocat régional des pensions à Montréal pour examiner son cas et pour savoir si d'autres efforts pourraient être faits pour établir sa blessure. Le demandeur n'est pas allé de l'avant avec sa demande.

[8]         Le 10 juin 1996, le demandeur a présenté une demande pour une pension d'invalidité relativement à sa perte d'audition et à son affection dorsale.

[9]         Le 19 décembre 1996, après être entrée en contact avec le médecin du demandeur, l'agente des pensions, Ghislaine Belanger, a présenté au nom du demandeur le premier résumé sommaire de la demande relative aux affections de _ perte d'audition _ et de _ discopathie dégénérative de la colonne lombaire (opérée) _.

[10]       Le 30 janvier 1997, le ministère a fait parvenir au demandeur une lettre de décision l'informant qu'il avait rendu une décision favorable relativement à son affection de perte d'audition. Toutefois, en l'absence d'une preuve documentaire d'affections dorsales ou de plaintes durant le service ou pendant les 17 années après le service, le ministère a conclu que ses problèmes de dos étaient une affection qui était survenue après sa libération et qu'il ne pouvait pas rendre une décision favorable relativement à la partie de sa demande de pension qui portait sur l'affection dorsale.    


[11]       Le 12 février 1997, l'avocat du demandeur, Leo Di Battista, a informé le ministère de l'intention de son client de solliciter un réexamen par le TAC de la décision du ministère, en application de l'article 84 de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6, (la Loi sur les pensions).

[12]       Le 10 décembre 1997, après réexamen de la décision du ministère, le TAC a décidé en faveur de la demande de pension présentée par le demandeur, en 1996, relativement à sa discopathie dégénérative de la colonne lombaire, la décision prenant effet à la date de la demande du 10 juin 1996.

[13]       Le demandeur a prétendu qu'il avait droit à la rétroactivité jusqu'au 14 mai 1963. Le 11 mai 1998, il a présenté des observations écrites pour un appel de la décision du TAC relativement à la rétroactivité de la pension, en application de l'article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch-18 (la Loi).

[14]       Le 28 mai 1998, le TAC a accordé au demandeur trois ans de rétroactivité à partir de la date de la décision qui a accordé la pension, en application du paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions. Le TAC a décidé qu'il n'y avait aucun fondement juridique pour répondre favorablement à la demande de rétroactivité du demandeur jusqu'en 1963. Il n'y avait pas non plus de retards causés par le ministère qui donneraient droit au demandeur à deux années supplémentaires de rétroactivité.


[15]       Le TAC a décidé que l'absence de fiches médicales relatives aux affections du demandeur ne l'empêchait pas d'aller de l'avant avec sa demande. Il a noté qu'à l'audience, le demandeur avait admis qu'en raison de ce qu'il avait interprété comme étant un refus délibéré dans la procédure, il avait perdu confiance et il n'était pas allé de l'avant avec sa demande jusqu'à ce qu'il ait fait une nouvelle demande en 1996. Le TAC était d'avis que seul le demandeur était à blâmer pour ne pas être allé de l'avant avec sa demande.

[16]       Le 28 septembre 1999, le demandeur a présenté une demande au TAC afin que le Tribunal réexamine sa décision du 28 mai 1998, en application du paragraphe 32(1) de la Loi.

[17]       Le 9 mai 2001, le TAC a rendu une décision relativement à la demande du demandeur.

[18]       Le TAC a décidé que personne ne pouvait être tenu responsable d'un retard avant qu'une demande n'ait été présentée. En l'espèce, le demandeur n'avait présenté aucune demande avant le 10 juin 1996. Un délai maximum a été donné en vertu des dispositions de la Loi sur les pensions dans la décision du 28 mai 1998. Bien que cela soit malheureux, le demandeur a été tenu seul responsable de tout le retard lié à l'étude de sa demande de pension relativement à la discopathie dégénérative de la colonne lombaire. Le ministère n'a causé aucun retard déraisonnable au demandeur en étudiant sa demande. Pour tous ces motifs, le TAC a décidé qu'il ne réviserait pas la décision du 28 mai 1998.

[19]       Le 2 août 2001, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du TAC.


ANALYSE

[20]       En 1995, le Parlement a apporté des changements à la structure du processus d'examen et d'appel de la pension des anciens combattants. En vertu de la Loi, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a remplacé le Tribunal d'appel des anciens combattants, le Conseil de révision des pensions du Canada et la Commission des allocations aux anciens combattants. Le TAC est actuellement la seule instance en matière d'examen et d'appel relativement aux pensions des anciens combattants.

[21]       L'article 31 de la Loi dispose qu'une décision rendue par un comité d'appel en vertu du paragraphe 29(1) de la Loi est définitive et exécutoire :


31.    La décision de la majorité des membres du comité d'appel vaut décision du Tribunal; elle est définitive et exécutoire.

31.    A decision of the majority of members of an appeal panel is a decision of the Board and is final and binding.


[22]       Toutefois, le paragraphe 32(1) permet le réexamen d'une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) de la Loi :


32. (1)    Par dérogation à l'article 31, le comité d'appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

32. (1)    Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel.



[23]       Le paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions dispose que le paiement d'une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l'autre : la date de la demande et la date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée :


39. (1)    Le paiement d'une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l'autre :

39. (1)    A pension awarded for disability shall be made payable from the later of

a) la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu;

(a) the day on which application therefor was first made, and

b) une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée au pensionné.

(b) a day three years prior to the day on which the pension was awarded to the pensioner.


[24]       Le paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions dispose que le TAC peut accorder une compensation supplémentaire dont le montant n'excède pas la valeur annuelle cumulative de deux années de pension lorsqu'il y a des retards administratifs ou des difficultés indépendantes de la volonté du pensionné.


39. (2)    Malgré le paragraphe (1), lorsqu'il est d'avis que, en raison soit de retards dans l'obtention des dossiers militaires ou autres, soit d'autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension devrait être accordée à partir d'une date antérieure, le ministre ou le Tribunal, dans le cadre d'une demande de révision ou d'un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire dont le montant ne dépasse pas celui de deux années de pension.

39. (2)    Notwithstanding subsection (1), where a pension is awarded for a disability and the Minister or, in the case of a review or an appeal under the Veterans Review and Appeal Board Act, the Veterans Review and Appeal Board is of the opinion that the pension should be awarded from a day earlier than the day prescribed by subsection (1) by reason of delays in securing service or other records or other administrative difficulties beyond the control of the applicant, the Minister or Veterans Review and Appeal Board may make an additional award to the pensioner in an amount not exceeding an amount equal to two years pension.


[25]       Le demandeur prétend que le TAC a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou sans tenir compte de la preuve soumise, et que le TAC a violé l'article 39 de la Loi.


[26]       Le demandeur prétend en premier lieu que le TAC a refusé de prendre en compte les demandes de renseignement qu'il avait présentées en 1963 relativement à sa demande de pension. Il prétend que le ministère a causé un retard administratif en ne divulguant pas toute l'information dont il disposait. Il prétend également que le TAC a commis une erreur lorsqu'il l'a tenu seul responsable de tout le retard qu'il y a eu dans le traitement de la demande.

[27]       Même si j'ai de la sympathie pour le demandeur qui sent qu'il n'était pas en mesure d'aller de l'avant avec sa demande parce que la preuve de ses blessures n'était pas disponible, il avait quand même l'obligation d'aller de l'avant avec sa demande et le manque de preuve médicale ne l'empêchait pas d'agir ainsi. Dans sa décision du 28 mai 1998, le TAC a noté que le 5 mars 1971, M. Lloyd Aiken a demandé au demandeur de prendre contact avec l'avocat régional des pensions à Montréal pour examiner son cas et décider si d'autres efforts pouvaient être faits pour établir sa blessure. Le demandeur n'est pas allé de l'avant avec sa demande. Ainsi, le ministère a essayé d'aider le demandeur et il ne peut être tenu responsable d'aucun retard lié au traitement de sa demande.

[28]       Ainsi, il était raisonnable de la part du TAC de lui accorder trois ans de pension rétroactive, mais pas deux années supplémentaires.

[29]       Le demandeur prétend également que le TAC a violé l'article 39 de la Loilorsqu'il a refusé de réviser sa décision antérieure.                                


[30]       En application de l'article 39 de la Loi, le TAC doit tirer de la preuve qui lui a été soumise toute inférence raisonnable qui puisse être favorable au demandeur et accepter tout témoignage non contredit qui lui est présenté par le demandeur et qu'il considère crédible dans les circonstances.

[31]       En l'espèce, le demandeur n'a présenté aucune nouvelle preuve dans sa demande de réexamen. Néanmoins, le TAC a fait une évaluation supplémentaire et apprécié la preuve qui lui avait été soumise et il a conclu qu'il n'allait pas réviser sa décision antérieure. Je suis convaincue que, dans les circonstances, le TAC a donné plein effet à la Loi et n'a commis aucune erreur de droit.                        

[32]       Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             T-1427-01

INTITULÉ :                                                                            LEONARD JOHN CUR

c.

LE MINISTRE DES ANCIENS

COMBATTANTS

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    le 25 juin 2003                                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Madame la juge Danièle Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                                                           le 27 juin 2003

COMPARUTIONS :                        

Leonard John Cur                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Bernard Letarte                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leonard John Cur                                                                     POUR LE DEMANDEUR                   

La Macaza (Québec)

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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