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Date : 20030213

Dossier : IMM-3213-01

Référence neutre : 2003 CFPI 163

OTTAWA (ONTARIO), LE 13 FÉVRIER 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                             RUI HENG ZHANG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         M. Rui Heng Zhang (le « demandeur » ) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas Vito Galifi (l' « agent des visas » ) en date du 23 mai 2001. Dans sa décision, l'agent des visas a refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur.


[2]                Le demandeur, un citoyen de la République populaire de Chine, a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants, en juin 1999. Il a nommé son emploi envisagé comme étant « ingénieur électricien et électronicien » , Classification nationale des professions « CNP » , catégorie 2133. Le demandeur a inclus son épouse et son fils comme étant des personnes à charge qui l'accompagnent.

[3]                Le demandeur a présenté des éléments de preuve portant sur sa formation et son expérience professionnelle en Chine avec sa demande de résidence permanente. Il a obtenu un baccalauréat en génie en Chine en 1984. Il a travaillé comme ingénieur électronicien chez Yantai Electronics Industrial Institute of Science and Technology de 1984 à 2000. Il a alors obtenu un congé pour préparer une maîtrise en technologie de l'information en Australie.

[4]                En plus des renseignements sur sa formation, ses antécédents professionnels et ses titres de compétence, le demandeur a fourni une lettre de recommandation de son employeur ainsi qu'une évaluation favorable des études du Conseil canadien des ingénieurs.

[5]                Le demandeur a été reçu en entrevue par l'agent des visas le 8 mai 2001. D'après les notes du Système de traitement informatisé des dossiers ( « STIDI » ) conservées par l'agent des visas, des questions ont été posées au demandeur sur son emploi et ses fonctions. L'agent des visas a enregistré dans les notes du STIDI qu'il n'était pas convaincu que le demandeur avait accompli les fonctions principales d'un ingénieur electricien / électronicen décrites dans la CNP. Aucun point n'a été attribué pour l'expérience.


[6]                À l'issue de l'entrevue, l'agent des visas a informé le demandeur que sa demande était rejetée au motif que le demandeur n'avait pas démontré qu'il avait de l'expérience dans son emploi envisagé. En conséquence, le demandeur n'avait obtenu aucun point d'appréciation pour l'expérience. Le refus a été officialisé dans une lettre en date du 23 mai 2001.

[7]                Les notes du STIDI révèlent que le demandeur a eu l'occasion de répondre à cette décision défavorable et que sa seule réponse a été une demande de renseignements sur la possibilité de faire une nouvelle demande.

[8]                Le demandeur et l'agent des visas ont tous deux déposé des affidavits relativement à la présente demande de contrôle judiciaire. Les affidavits fournissent des rapports contradictoires sur ce qui s'est passé à l'entrevue. Le demandeur souligne une attitude négative et irrespectueuse de la part de l'agent des visas durant l'entrevue. L'agent des visas nie cela et rend compte du contenu des échanges qui ont eu lieu et qui ont mené à la décision défavorable.

[9]                La question déterminante qui émerge de la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si l'agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en omettant d'évaluer l'ensemble de la preuve dont il disposait, en particulier la lettre de recommandation présentée par le demandeur. Cette lettre de recommandation préparée par son employeur actuel et de longue date, souligne diverses fonctions accomplies par le demandeur depuis 1986. La lettre est datée de septembre 1999.


[10]            Se fondant sur Javadimia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 23 Imm. L.R. (3d) 126 (C.F. 1re inst.), et Bhatti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1889 (1re inst.) (QL), le demandeur soutient que la Cour conclura à une erreur susceptible de contrôle judiciaire lorsqu'un agent des visas rend une décision en faisant abstraction de la preuve présentée ou en n'appréciant pas, sans motifs, tous les éléments de preuve dont il dispose.

[11]            Le demandeur affirme que l'agent des visas a commis, en l'espèce, une telle erreur puisqu'il n'a pas tenu compte de la lettre de recommandation qui révèle qu'il a de l'expérience dans son emploi envisagé. Le demandeur prétend que, l'agent des visas n'ayant fait aucune mention de cette lettre dans les notes du STIDI et dans la lettre de refus, la Cour devrait conclure qu'une preuve pertinente, représentée par la lettre de recommandation, n'a pas été prise en compte.

[12]            Le défendeur soutient qu'il n'y a aucune obligation pour l'agent des visas de mentionner chaque élément de preuve et que, de toute façon, il y a une présomption que tout élément de preuve pertinent a été pris en compte. Le défendeur se fonde ici sur Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL), et Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F).

[13]            Par ailleurs, le défendeur affirme que l'agent des visas était fondé à préférer le témoignage du demandeur lui-même, recueilli à l'entrevue, à la lettre de recommandation en question. Ici, le défendeur se fonde sur Dizon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration,


2002 CFPI 115, [2002] A.C.F. no 135 (1re inst.) (QL), où la Cour a décidé que, dès lors que l'agent des visas a conclu qu'une personne n'avait pas accompli les tâches d'un emploi envisagé, la valeur probante des lettres d'emploi était considérablement affaiblie.

[14]            Une question qui émerge de la présente affaire est de savoir si l'agent des visas a exercé d'une manière appropriée le pouvoir discrétionnaire que lui accorde la loi pour aboutir à une conclusion raisonnablement appuyée par la preuve et s'il a exclu toute considération étrangère. L'omission de la lettre de recommandation conduit-elle inévitablement à la conclusion que l'agent des visas n'en a pas tenu compte? Finalement, l'agent des visas pouvait-il à bon droit préférer le témoignage de vive voix du demandeur à la lettre de recommandation?

[15]            Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, la Cour suprême du Canada a précisé en ces termes la norme d'examen applicable à la décision d'un décideur désigné par la loi :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.


[16]            Le demandeur a soulevé un argument d'équité procédurale relatif à la manière dont l'entrevue a été menée. Les affidavits déposés aussi bien par le demandeur que par l'agent des visas fournissent des comptes rendus très différents de l'entrevue. Dans Dizon, précité, le juge Dawson s'est penchée sur une situation semblable et a décrit les affidavits en cause dans cette affaire-là comme fournissant « des comptes rendus très différents » . Elle a commenté la preuve par affidavit comme suit :

Cette contradiction de la preuve est troublante. En dernier ressort, il est nécessaire de la trancher en se rappelant qu'il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et non d'un appel. Dans une demande de contrôle judiciaire, il incombe à la partie demanderesse de prouver qu'une erreur susceptible de révision a été commise et il n'appartient pas à la Cour d'exercer son propre pouvoir discrétionnaire pour examiner le fond de la demande de résidence permanente.

[17]            À mon avis, la même norme s'applique en l'espèce. Le demandeur n'a pas contre-interrogé l'agent des visas sur son affidavit et une simple affirmation d'une irrégularité ne suffit pas pour établir un comportement fautif. Je conclus qu'aucune violation de l'équité procédurale ne découle de la conduite de l'entrevue.

[18]            Pour ce qui est de l'omission par l'agent des visas de prendre en considération la lettre de recommandation, j'estime qu'il n'y a pas suffisamment de preuve pour tirer une conclusion sur ce point. Même si je suis d'accord avec le demandeur que ni les notes du STIDI, ni la lettre de refus ne mentionnent ce document, je ne suis pas convaincu que ce silence signifie que l'agent des visas a fait abstraction de la lettre. Il ne démontre pas non plus que la conclusion finale tirée par l'agent des visas sur le manque d'expérience du demandeur était déraisonnable, puisque le dossier montre effectivement que cette conclusion était appuyée par la preuve.


[19]            La preuve en question est l'information fournie par le demandeur durant son entrevue lorsque l'agent des visas lui a posé des questions sur ses fonctions dans son emploi antérieur et son emploi actuel. Je suis convaincu que l'agent des visas pouvait à bon droit apprécier cette preuve pour se faire une opinion. En effet, cette preuve est pertinente pour la tâche de l'agent des visas qui est de décider si le demandeur remplit les conditions requises pour obtenir une autorisation de séjour au Canada. La preuve obtenue à une entrevue est tout au moins aussi importante que la preuve documentaire produite par un immigrant éventuel. Apprécier la preuve fait partie du mandat de l'agent des visas.

[20]            En définitive, je conclus qu'il n'y a aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire dans le processus suivi par l'agent des visas dans la présente affaire. La demande de contrôle judiciaire est rejetée; les avocats ont fait savoir qu'aucune question à certifier n'émerge.

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée; aucune question à certifier n'émerge.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-3213-01

INTITULÉ :               RUI HENG ZHANG

                                                                                            demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE LUNDI 10 FÉVRIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 FÉVRIER 2003

COMPARUTIONS :

Mark Rosenblatt                                                POUR LE DEMANDEUR

Greg George                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mark Rosenblatt

335, rue Bay, bureau 1000                               

Toronto (Ontario) M5H 2R3                                         POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030213

Dossier : IMM-3213-01

ENTRE :

RUI HENG ZHANG

                                                                    demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                     défendeur

                                                                                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE

                                                                                                                         


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