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Date : 20051207

Dossier : T-1758-03

Référence : 2005 CF 1644

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 DÉCEMBRE 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                              THE CANADIAN COPYRIGHT LICENSING AGENCY

                                                        (ACCESS COPYRIGHT)

                                                                                                                                demanderesse

                                                                            et

                                                                U-COMPUTE et

                                                                  RIAZ A. LARI

                                                                             

                                                                                                                                      défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION

[1]                La Canadian Copyright Licencing Agency (Access Copyright ou la demanderesse) sollicite une peine d'emprisonnement de six mois à l'endroit de Riaz A. Lari (le défendeur) dans un procès pour outrage intenté en vertu des articles 466 à 472 des Règles des Cours fédérales (1998) (les Règles).

[2]                La demanderesse allègue essentiellement que M. Lari est coupable d'outrage parce qu'il a désobéi à plusieurs ordonnances de la Cour, une infraction décrite à l'alinéa 466b) des Règles.

[3]                En vertu de l'article 467 des Règles, la demanderesse a obtenu une ordonnance ex parte du protonotaire Milczynski, le 5 octobre 2004, enjoignant à M. Lari de comparaître devant un juge de la Cour fédérale, à Montréal, d'être prêt à entendre la preuve démontrant qu'il est coupable d'outrage au tribunal pour ne pas avoir respecté les ordonnances de la Cour prononcées le 29 septembre 2003, le 19 janvier 2004 et le 20 septembre 2004, ainsi que le jugement de la Cour en date du 19 juillet 2004, et d'être prêt à présenter une défense.

[4]                Les ordonnances et le jugement dont il est fait état au paragraphe 3 des présents motifs ont pour objet la reproduction non autorisée de manuels publiés par des éditeurs de livres canadiens et étrangers qui détiennent des droits d'auteur sur ces manuels au Canada et qui ont accordé à la demanderesse une licence pour exercer et gérer les droits de reproduction de leurs manuels.


[5]                Le 29 septembre 2003, la juge Layden-Stevenson a prononcé une ordonnance Anton Pillar, à l'appui d'une action pour violation de droit d'auteur, enjoignant aux défendeurs, U-Compute et M. Lari, de remettre toutes les copies non autorisées des manuels qu'ils avaient en leur possession ou sous leur garde ou contrôle. L'ordonnance visait l'établissement d'affaires sis au 2159, rue MacKay, Montréal. L'ordonnance Anton Pillar comportait également une injonction provisoire interdisant aux défendeurs de faire ou vendre directement ou indirectement des copies des manuels publiés par les éditeurs dont le nom figurait à l'annexe A, notamment des copies des manuels, ou de parties de ceux-ci, énumérés aux annexes B et C de l'ordonnance Anton Pillar. L'ordonnance n'a été exécutée qu'au début de janvier 2004.

[6]                Le 19 janvier 2004, la juge Tremblay-Lamer, après avoir examiné l'exécution de l'ordonnance Anton Pillar rendue par la juge Layden-Stevenson, a maintenu l'injonction provisoire jusqu'au jugement ou à tout autre règlement définitif et ordonné que tous les documents remis par les défendeurs demeurent sous la garde ou le contrôle de l'avocat superviseur et ne servent que dans le cadre de l'action.

[7]                Le 19 juillet 2004, le juge Harrington a rendu le jugement par consentement suivant :

[traduction]

(1)        M. Lari, ses employés, partenaires, représentants, associés, parents collaborant avec lui et toutes les personnes sous ses ordres, ou l'une d'elles, faisant affaire au 2159, rue MacKay, Montréal, Québec, ou ailleurs, (ci-après « Lari » ) se voient par les présentes interdire en permanence de faire, distribuer, vendre, exposer ou offrir en vente, louer, exhiber en public ou se trouver en possession de copies non autorisées, en tout ou en partie importante, des oeuvres publiées par l'une des entités énumérées à l'annexe A des présentes; [Non souligné dans l'original.]


(2)        M. Lari est visé de façon permanente par l'interdiction prévue à l'article 39.1 de la Loi sur le droit d'auteur;

(3)        M. Lari doit payer à la demanderesse la somme de 500 000 $ en dommages-intérêts prévus par la loi pour toutes les violations visées par la procédure;

(4)        M. Lari doit payer à la demanderesse la somme de 100 000 $ en dommages-intérêts punitifs;

(5)         M. Lari doit payer à la demanderesse les dépens de l'action sur la base avocat-client, lesquels sont fixés à 100 000 $.

[8]                Le 20 septembre 2004, le juge Von Finckenstein a accordé à la demanderesse, au paragraphe 3 de l'ordonnance qu'il a rendue, l'autorisation de se présenter au 2144, rue MacKay, au sous-sol de l'immeuble (qu'on croit être le 2140, rue MacKay), ainsi qu'au 2153 et au 2155, rue MacKay, sans préavis à M. Lari ou à toute autre personne :

[traduction]

(i)         pour y chercher et saisir toutes les copies papier des oeuvres publiées par les entités énumérées à l'annexe A du jugement rendu le 19 juillet 2004;

(ii)        pour y chercher, inspecter et saisir tous les disques durs ou autres appareils qui, au moment de l'inspection, contiennent des copies des oeuvres dont il a été fait état précédemment.

[9]                Le paragraphe 8 de l'ordonnance prévoyait que [traduction] « M. Lari ou les autres personnes responsables des lieux doivent permettre l'accès aux lieux à la demanderesse pour l'application du paragraphe 3 ci-dessus » .

[10]            L'ordonnance de justification du protonotaire Milczynski en date du 5 octobre 2004 précisait les actes reprochés à M. Riaz A. Lari :

[traduction]

a)        avoir continué, durant la période allant du 8 janvier 2004 au 19 juillet 2004, de faire et vendre, et de collaborer avec d'autres personnes qui font et vendent, des copies non autorisées d'oeuvres publiées par une ou plusieurs des entités énumérées aux annexes A à C de l'ordonnance du 29 septembre 2003, en violation du paragraphe 31 de celle-ci et du paragraphe 2 de l'ordonnance rendue le 19 janvier 2004;

b)            avoir continué, durant la période allant du 20 juillet 2004 au 22 septembre 2004, de faire et vendre, et de collaborer avec d'autres personnes qui font et vendent, au 2153, rue MacKay et au 2144, rue MacKay (sous-sol), à Montréal, Québec, des copies non autorisées des oeuvres publiées par une ou plusieurs des entités énumérées à l'annexe A du jugement en date du 19 juillet 2004, en violation des paragraphes 1 et 2 de celui-ci;               

c)            avoir refusé le 22 septembre 2004 l'accès au sous-sol du 2144, rue MacKay comme l'exigeait le paragraphe 8 de l'ordonnance du 20 septembre 2004, rendant ainsi impossible l'exécution de l'ordonnance par la demanderesse et la saisie des copies non autorisées des manuels qui ont été vues à cet endroit entre le 9 septembre 2004 et le 22 septembre 2004 à tout le moins.

[Non souligné dans l'original.]

[11]            M. Lari est le seul défendeur dans le présent procès pour outrage, la Cour ayant été informée que U-Compute était en faillite.


LE PROCÈS POUR OUTRAGE

[12]            L'article 469 des Règles prévoit que « [l]a déclaration de culpabilité dans le cas d'outrage au tribunal est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable » . La demanderesse a produit sept témoins qui ont témoigné pendant deux jours.

[13]            Comme il en avait le droit en vertu du paragraphe 470(2) des Règles, M. Lari n'a pas témoigné et la défense n'a produit aucun témoin.

(1)        Le témoignage de Warren Sheffer

[14]            Le premier témoin d'Access Copyright était Warren Sheffer qui agit à titre de conseiller juridique de la société à Toronto. Son témoignage consistait à dire à la Cour ce qu'est Access Copyright, ce qu'elle fait et quel est le fondement de ses activités.

[15]            Access Copyright a été créée en 1988 par des auteurs et des éditeurs canadiens et elle a été officiellement connue sous la désignation « CanCopy » jusqu'à ce qu'elle change de nom en juin 2002. Access Copyright est une organisation chargée de faire respecter les droits de reproduction. Grâce à des contrats d'affiliation, elle se voit accorder de façon exclusive les droits de reproduction des auteurs et éditeurs.

[16]            Access Copyright est également une société de gestion au sens de l'article 70.1 de la Loi sur le droit d'auteur. Compte tenu qu'elle détient de manière exclusive les droits de reproduction, elle peut à son tour accorder des licences à des centres de photocopie notamment pour la reproduction de manuels moyennant des redevances qu'elle perçoit et distribue aux auteurs et éditeurs concernés.

[17]            Access Copyright compte actuellement 6 000 membres auteurs et près de 400 membres éditeurs. En 2002 et 2003, Access Copyright a remis plus de 19 millions de dollars en redevances aux membres détenant des droits. En ce qui a trait aux détenteurs de licences, Access Copyright accorde individuellement des licences à diverses organisations telles que les différentes administrations publiques, les universités, les sociétés privées et les centres de photocopie, ainsi qu'à des personnes de la collectivité.

[18]            M. Sheffer a retracé l'historique des problèmes de CanCopy ou Access Copyright avec M. Lari et U-Compute que je résume ainsi :

(1)        À la suite d'une plainte par laquelle l'un des membres éditeurs dénonçait la reproduction illégale de manuels, les avocats de la demanderesse ont envoyé une mise en demeure datée du 8 octobre 1999 à M. Lari puisqu'il était la tête dirigeante de l'entreprise U-Compute.


(2)        Dans un affidavit souscrit le 5 novembre 1999, M. Lari, en sa qualité de président et de seul administrateur de U-Compute s'est engagé personnellement et au nom de U-Compute à ne plus jamais faire ou à ne plus jamais faire faire, vendre ou distribuer des copies non autorisées d'oeuvres protégées, comme l'interdit la Loi sur le droit d'auteur.

(3)        Le juge Gibson a rendu le 31 octobre 2000 une ordonnance sur consentement suivant laquelle il était interdit de façon permanente à M. Lari et à U-Compute, ainsi qu'à toutes les personnes sous leur autorité, de faire, offrir en vente, vendre, distribuer ou exposer en vente des copies non autorisées, en tout ou en partie importante, des neuf manuels précisés à l'annexe A de l'ordonnance.

(4)        Après avoir constaté que l'injonction permanente n'était pas respectée, la demanderesse a engagé une procédure pour outrage contre M. Lari et U-Compute qui a donné lieu à l'ordonnance du juge O'Keefe en date du 19 mars 2001, laquelle était fondée sur l'aveu de M. Lari quant au non-respect de l'injonction permanente prononcée le 31 octobre 2000. M. Lari et U-Compute ont été condamnés à payer 2 500 $ d'amende et 10 000 $ d'indemnité à la demanderesse au titre des dépens. De plus, un représentant de la demanderesse s'est vu accorder l'accès aux locaux de l'entreprise U-Compute. La Cour leur a également ordonné de cesser de faire ce qui leur avait été interdit de faire dans l'ordonnance du 31 octobre 2000.


(5)        Après une nouvelle enquête, la demanderesse a engagé une autre procédure pour outrage, compte tenu du non-respect des deux ordonnances mentionnées précédemment, qui a donné lieu à un aveu de non-respect par M. Lari et U-Compute. Le juge Martineau qui était saisi de l'affaire les a condamnés à une amende de 5 000 $ et au paiement des dépens avocat-client et leur a ordonné de s'abstenir de transgresser les deux ordonnances. M. Sheffer a dit à la Cour qu'Access Copyright avait décidé de renoncer aux dépens avocat-client à la condition que M. Lari se conforme aux ordonnances.

(6)        C'est après avoir reçu de nouveaux renseignements concernant des activités de reproduction illégale qu'Access Copyright a demandé et obtenu une ordonnance Anton Pillar en septembre 2003.

[19]            M. Sheffer a informé la Cour des résultats de l'exécution de l'ordonnance Anton Pillar prononcée par la juge Layden-Stevenson.


[20]            M. Sheffer a dit que plus de deux mille copies illégales d'oeuvres avaient été découvertes dans les locaux de l'entreprise U-Compute et que celles-ci avaient été en fin de compte saisies puis, par suite de la décision du juge Harrington, détruites. En raison d'incertitudes entourant les droits de reproduction de la demanderesse, 377 copies de manuels n'ont pas été saisies. Il a produit pour identification la pièce P-15 intitulée « U-Compute Book Inventory » qui avait été imprimée le 13 janvier 2004 à partir de l'ordinateur de M. Lari. Il s'agit d'un document de 107 pages. Il ne savait pas combien de copies d'oeuvres avaient été vendues mais il a calculé que si une seule copie non autorisée de chacune des 468 oeuvres avait été faite et vendue par M. Lari, la perte de revenu de l'éditeur se chiffrait à 44 000 $. M. Sheffer a dit à la Cour que la procédure Anton Pillar a donné lieu à un procès-verbal de transaction dont il a été tenu compte dans le jugement sur consentement rendu par le juge Harrington en date du 19 juillet 2004.

[21]            Le 20 juillet 2004, l'avocat d'Access Copyright a envoyé à M. Lari une copie certifiée du procès-verbal de transaction et l'a avisé que, en cas de non-respect du jugement rendu le 19 juillet 2004, Access Copyright demanderait une autre ordonnance pour outrage avec une peine d'emprisonnement d'au moins six mois (pièce P-17).

[22]            Après une autre enquête, Access Copyright a demandé l'ordonnance que le juge von Finckenstein a délivrée le 20 septembre 2004 et, en raison de cette ordonnance, elle a obtenu accès, le 22 septembre 2004, aux locaux situés au 2153 et au 2155, rue MacKay, mais non à ceux du 2144, rue Mackay. Il y a été découvert ce que M. Sheffer a qualifié d'activité de contrefaçon à grande échelle et que les oeuvres étaient en fait vendues à un endroit ne portant pas de nom situé de l'autre côté de la rue, à savoir le 2144, rue MacKay. Une autre liste d'inventaire datée cette fois-ci du 24 septembre 2004 (P-18 pour identification) a été imprimée à partir du disque dur d'un ordinateur se trouvant sur les lieux. La pièce P-18 a été comparée à la liste d'inventaire dont il a été question précédemment (pièce P-15 pour identification). M. Sheffer a affirmé que la comparaison avait permis d'établir que la liste d'inventaire du 24 septembre 2004 comportait 288 nouveaux titres dont 181 étaient des oeuvres publiées par les détenteurs de droits d'Access Copyright.


(2)        Le témoignage d'Elena Wegner

[23]            Elena Wegner est agente d'enquête pour la société King-Reid et associés à qui Access Copyright a demandé de mener une enquête sur le centre de photocopie situé au 2155, rue MacKay. L'enquête a permis d'établir que M. Lari faisait également affaire au 2153, rue MacKay. L'enquête avait pour but de déterminer si M. Lari se livrait seul ou avec d'autres à la production ou la vente des copies de manuels sur les lieux. L'agente d'enquête a retenu les services de Chartrand, Laframboise, une société d'enquêteurs de Montréal pour faire avancer l'enquête.

[24]            Le 31 août 2004, elle s'est rendue au 2155, rue MacKay et elle a vu sur la porte un écriteau mentionnant que Compu-X-Press avait emménagé à l'étage au-dessous, soit au 2153, rue MacKay. Elle a aussi constaté que le nom de M. Lari apparaissait sous les mots Compu-X-Press. Elle est descendue au 2153, rue MacKay, et a enregistré ses observations au moyen d'un petit dispositif d'enregistrement vidéo portatif. Elle a décrit la boutique du 2153, rue MacKay, comme se divisant en deux pièces. La pièce à l'avant débordait de produits informatiques à vendre sur lesquels étaient apposées des petites étiquettes de prix orange qui affichaient le nom U-Compute. Cette pièce comportait également trois photocopieurs en libre-service. Dans la pièce arrière, elle a vu trois gros photocopieurs commerciaux. Elle a identifié M. Lari comme étant l'une des personnes présentes. Elle l'a vu dans la pièce arrière de la boutique en train d'utiliser l'un des photocopieurs commerciaux.

[25]            Elle a identifié une autre personne, qu'elle a appelé l'employé no 2, dont la physionomie a été enregistrée sur la bande vidéo, à partir de laquelle elle a extrait une photo qui, après ma décision relative à l'objection de l'avocat de la défense, a été produite en preuve sous la cote P-21.

[26]            Elle a décrit l'individu comme étant un employé parce que, le 31 août 2004, lorsqu'elle s'est fait passer pour une cliente voulant obtenir des renseignements sur les imprimantes offertes, c'est lui qui l'a servie et qui a répondu à toutes ses questions.

[27]            Elle est retournée le 1er septembre 2004 au 2153, rue MacKay, où elle a rencontré un autre employé, qu'elle a appelé l'employé no 3, dont la photo a été produite sous la cote P-22, une photo imprimée à partir de son enregistreur vidéo. Elle a conclu qu'il s'agissait d'un employé parce qu'il se trouvait derrière le comptoir dans l'aire réservée au personnel et qu'il en est sorti pour venir la servir. Elle a également vu ce jour-là l'employé no 2 travailler à la caisse derrière le comptoir et servir des clients.

(3)        Les témoignages de Guy Forget et Michel Latour


[28]            Il convient de résumer le témoignage de ces personnes qui sont des agents d'enquête de Chartrand, Laframboise et qui, munis d'enregistreurs vidéo, ont observé depuis leur véhicule stationné les allées et venues au 2153, rue MacKay, et entre le 2153 et le sous­-sol du 2144, rue MacKay. M. Forget a fait le guet pendant les heures d'ouverture le 31 août, le 1er septembre et le 8 septembre 2004 et M. Latour a fait de même le 9 septembre 2004. Les photos extraites de la vidéo ont été produites en preuve.

[29]            Voici le résumé de leur témoignage :

(1)        Ils ont tous les deux identifié M. Lari et les employés no 2 et no 3.

(2)        Les observations de M. Forget se limitaient au 2153, rue MacKay, pour le 31 août et le 1er septembre 2004, mais, pour le 8 septembre 2004, elles s'étendaient également au nouvel emplacement situé au sous-sol du 2144, rue MacKay.

(3)        Au cours des deux premiers jours où il a fait le guet, M. Forget a observé des jeunes gens entrer sans rien dans les mains au 2153 et en ressortir avec des sacs ou des boîtes contenant des livres reliés.

(4)        M. Forget a observé, le 1er septembre 2004, M. Lari traverser la rue MacKay et se rendre au sous-sol du 2144. L'endroit était vide, mais il a vu M. Lari y passer le balai.

(5)        La vidéo montre un écriteau au 2155, rue MacKay, mentionnant que Compu-X-Press avait emménagé à l'étage au-dessous.


(6)        Les observations recueillies par M. Forget le 8 septembre 2004 concordent avec celles recueillies par M. Latour le 9 septembre 2004. Ils ont vu les employés no 2 et no 3 traverser la rue MacKay plusieurs fois pour faire la navette entre le 2153 et le 2144 durant ces deux jours, parfois en transportant des boîtes ou des sacs dont le contenu n'a pu être déterminé et, une fois, l'employé no 3 a été vu en train de transporter une machine de reliure.

(7)        Ils ont vu M. Lari, au 2153, diriger plusieurs fois des gens vers un endroit situé de l'autre côté de la rue. Plus souvent qu'autrement, ces gens, qui ressemblaient à des étudiants, traversaient la rue et descendaient au sous-sol du 2144.

(8)        Au cours de ces deux journées, ils ont vu bon nombre de personnes entrer au 2153 et ensuite traverser la rue jusqu'au 2144. La circulation entre les deux endroits durant ces deux jours a été constante.

(9)        Les clients arrivaient au 2144 sans rien dans les mains et en ressortaient en transportant des sacs de plastique.

(10)       M. Latour a affirmé catégoriquement que les objets avec lesquels les clients ressortaient du sous-sol du 2144 étaient des livres reliés ou des documents reliés au moyen d'une reliure en plastique noire. M. Latour et M. Forget ont tous les deux témoigné qu'ils ne pouvaient voir les titres des documents. M. Latour a dit qu'il avait vu un client sortir avec des documents reliés dans les mains et il a témoigné qu'il pouvait voir au travers des sacs de plastique et qu'il pouvait reconnaître des documents tenus par une reliure de plastique noire qui lui semblaient être des livres.


(4)        Le témoignage de Natasha Schwarzl

[30]            Natasha Schwarzl est agente d'enquête pour la société Chartrand, Laframboise. Elle a mené son enquête les 8, 9, 13, 16, 21 et 22 septembre 2004.

[31]            Le 8 septembre 2004, elle s'est présentée au 2153, à 9 h du matin, et elle a parlé à une femme (plus tard identifiée comme étant Mme Lari) de qui elle a essayé d'acheter quatre livres dont les titres lui avaient été fournis par Elena Wegner. La femme lui a dit qu'elle ne vendait pas de livres mais, après quelques questions, elle a ajouté qu'il était possible d'obtenir des copies. Elle est revenue au 2153, rue MacKay, le 9 septembre 2004, à 11 h et, à la suite d'une conversation avec la femme que la défense a reconnue comme étant Mme Lari, elle a traversé la rue pour se rendre au sous-sol du 2144, rue MacKay. La vidéo qu'elle a enregistrée montre que le sous-sol du 2144, accessible par une seule porte, n'est pas identifié et ne présente aucun affichage extérieur.

[32]            Elle a ensuite parlé à une personne qu'elle a identifiée comme étant l'employé no 3 et elle lui a demandé s'il avait des copies des quatre livres dont elle lui a donné les titres. Il l'a dirigée vers une autre personne qu'elle a identifiée comme étant l'employé no 2. Ce dernier lui a dit qu'il en avait un en magasin et qu'un autre pourrait être disponible le lundi suivant. Le livre qu'il avait en magasin était Organization, Development and Change de Cummings et Worley, publié par Thomson-Southwestern (pièce P-19), pour lequel elle a payé 35 $. Elle a demandé un reçu mais n'en a pas obtenu.


[33]            Elle a témoigné que, au sous-sol, il y avait beaucoup de livres sur le plancher et les comptoirs et qu'elle a vu l'employé no 3 en train de relier un livre copié. Elle a également vu des boîtes vides, elle n'a pas vu de caisse enregistreuse et elle n'a vu rien d'autre à vendre que des volumes reliés. Elle n'a pas vu de photocopieur sur les lieux. Elle a laissé à l'employé no 2 le titre et le nom de l'auteur du livre (Getting to Yes de Fischer) qu'elle devait venir chercher le lundi suivant.

[34]            Le 13 septembre, elle est revenue au 2153, rue MacKay, et elle a parlé à l'employé no 3 qui se trouvait alors derrière le comptoir. M. Lari était également présent. Elle leur a demandé si elle devait aller au 2144 pour prendre le livre. Tel qu'on lui a demandé, elle s'est rendue au sous-sol du 2144 où elle a vu quatre ou cinq personnes dont l'employé no 2 s'occupait et à qui il a remis des livres copiés. Elle a confirmé avoir vu encore des livres copiés sur le plancher et les comptoirs et dans ce qu'elle a désigné comme étant l'arrière-boutique. Elle lui a demandé le livre Getting to Yes de Fischer, mais il ne l'avait pas. Elle est alors retournée au 2153 et elle a commandé une souris pour son ordinateur qu'elle a payée à M. Lari et pour laquelle elle a obtenu un reçu.


[35]            Le 16 septembre 2004, elle est retournée au 2153 et elle a vu l'employé no 3 derrière le comptoir. M. Lari y était également. Elle a présenté à l'employé no 3 le texte original d'un livre intitulé Organisation Theory, publié par Prentice Hall, qu'elle avait acheté à la librairie de l'Université Concordia, et lui a demandé s'il était possible d'obtenir une copie de l'original. L'employé no 3 a montré le livre à M. Lari qui s'est adressé à elle. Il lui a dit que la copie serait prête samedi ou lundi et qu'il en coûterait 35 $.

[36]            Le 21 septembre 2004, elle est de nouveau retournée au 2153, rue MacKay, pour prendre la copie du livre. M. Lari était présent. Il est allé dans l'arrière-boutique et est revenu avec le texte original et la copie (P-20). Elle lui a remis 35 $.

[37]            Ensuite, elle est sortie du 2153 et elle a traversé la rue pour se rendre au sous-sol du 2144. La porte était verrouillée. Elle est retournée au 2153 et on lui a dit que ce serait ouvert de midi à 18 h. À 13 h, elle est retournée au sous-sol du 2144. L'employé no 2 se trouvait à la porte et il ne l'a pas laissée entrer, tout comme les trois autres personnes qui étaient là.

[38]            Le 22 septembre 2004, elle est retournée au 2144, rue MacKay, vers 11 h 30 mais la porte était verrouillée. Elle y est retournée vers midi. C'était ouvert. Elle est entrée et a vu l'employé no 2 vendre des livres copiés à des personnes. Elle a vu des livres sur le plancher et le comptoir et aussi des boîtes sur le comptoir.

[39]            En réponse à une question de la Cour, elle a évalué le nombre de copies qui se trouvaient au 2144 à plus d'une centaine, parce que les comptoirs et le plancher derrière les comptoirs étaient couverts de livres copiés.

[40]            Au contre-interrogatoire, elle a reconnu qu'elle n'avait pu voir les titres des documents reliés lorsqu'elle avait vu l'employé no 3 les remettre à des clients le 13 septembre 2004. Elle a également reconnu que, même si elle les avait vus, elle ne pouvait dire quels étaient les titres des documents empilés sur le plancher et il en était de même pour les documents qui se trouvaient dans la pièce arrière au 2144. Au contre-interrogatoire, elle a répondu qu'elle ne se souvenait pas à la question de savoir si elle avait vu M. Lari vendre d'autres livres lorsqu'elle était allée au 2153 pour prendre la copie du livre Organizational Theory. À une question posée ensuite par la Cour, elle a répondu que si elle avait vu M. Lari vendre une copie d'un livre à une autre personne, elle aurait enregistré ce fait.

(5)        Le témoignage de Catherine Bergeron

[41]            Catherine Bergeron est une avocate qui a été admise au Barreau du Québec en 2001, qui est employée à titre de collaboratrice au cabinet Léger, Robic, Richard et qui se spécialise en droit de la propriété intellectuelle. Elle et sa collègue, Alexandra Steele, avaient reçu le mandat d'exécuter l'ordonnance du juge von Finckenstein au 2153 et 2155, rue MacKay, ainsi qu'au sous-sol du 2144, rue MacKay.


[42]            Le 22 septembre 2004, à environ 13 h 20, Catherine Bergeron, stagiaire en droit, et une huissière se sont rendues au 2144. Elle est descendue au sous-sol mais la porte était verrouillée et il n'y avait aucune activité à l'intérieur. Elle a répété qu'il n'y avait qu'une seule porte et aucun affichage extérieur. Elle est retournée sur le trottoir et elle a attendu jusqu'à 17 h 30. Elle a alors de nouveau sondé la porte qui était demeurée verrouillée tout l'après-midi. Elle a toutefois vu durant cette période de temps environ 70 personnes essayer d'entrer. Vers 17 h 30, elle est allée au 2153, rue MacKay, pour aider sa collègue Alexandra Steele dans l'exécution de l'ordonnance.

[43]            Elle a dit avoir vu trois livres copiés dans la salle de bain du 2155. Elle a identifié ces trois livres : Short-Term Financial Management, publié par Southwestern Thomson Learning; Intermediate Accounting, publié par John Wiley & sons Canada Ltd.; Working Through Conflict, dont l'éditeur est inconnu.

[44]            Au contre-interrogatoire, elle a répété avoir trouvé ces livres au 2155, rue MacKay, qui est l'endroit situé au-dessus du 2153, rue MacKay; c'est dans la salle de bain du 2155, rue MacKay, que ces livres ont été trouvés. Elle a reconnu qu'il n'y avait aucune activité commerciale à cet endroit et que celui-ci était presque entièrement vide.

[45]            Au contre-interrogatoire, elle a affirmé que le 2155 et le 2153, rue MacKay, étaient reliés par un escalier.


(6)        Le témoignage d'Alexandra Steele

[46]            Alexandra Steele travaille également comme avocate au cabinet Léger, Robic, Richard et elle se spécialise dans les litiges de propriété intellectuelle. Elle avait surveillé l'exécution de l'ordonnance Anton Pillar autorisée par la juge Layden-Stevenson, en janvier 2004. Elle a témoigné que, à ce moment-là, soit au début de janvier 2004, 2 261 copies de manuels avaient été remises par M. Lari. Ces manuels avaient été numérisés et stockés dans la mémoire d'un ordinateur sur place et pouvaient être imprimés. Elle a confirmé que la liste d'inventaire de U-Compute portant la cote P-15 avait été imprimée à son cabinet à partir d'un disque dur saisi en vertu de l'ordonnance Anton Pillar.

[47]            Elle était également présente pour l'exécution de l'ordonnance rendue le 20 septembre 2004 par le juge von Finckenstein. Cette ordonnance a été exécutée le 22 septembre 2004, avec succès dans les locaux du 2153 et du 2155, mais sans succès dans ceux du 2144 pour les raisons mentionnées par Catherine Bergeron.

[48]            Alexandra Steele a rencontré M. Lari qui a reçu signification de l'ordonnance; elle lui a donné la possibilité de parler à son avocat à qui elle a transmis par télécopieur une copie de l'ordonnance. Après avoir reçu un autre appel de son avocat, M. Lari lui a permis d'exécuter l'ordonnance au 2153 et au 2155, sans toutefois lui donner accès au 2144, rue MacKay.

[49]            Avec l'aide d'un technicien en informatique, Alexandra Steele a fouillé un ordinateur situé dans le bureau de M. Lari et elle a ensuite imprimé, à partir du disque dur de l'ordinateur, diverses listes de livres (pièces P-18 et P-46) constituant un inventaire de 3 530 livres, dont la plupart avaient été numérisés (pièce P-47).

[50]            Mme Steele a témoigné qu'on ne lui a jamais donné accès aux locaux du sous-sol situés au 2144, rue MacKay, malgré le fait qu'elle ait demandé à M. Lari d'y avoir accès.

ANALYSE

a)          M. Lari est-il coupable d'outrage au tribunal?

(i)         Principes

[51]            Tel qu'il a été mentionné, l'article 469 des Règles prévoit que « [l]a déclaration de culpabilité dans le cas d'outrage au tribunal est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable » .

[52]            Le juge Cory dans R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, a expliqué, aux paragraphes 36 et 37 des motifs de la Cour, la notion de doute raisonnable dans les termes suivants :

¶ 36       Il serait peut-être utile de résumer ce que la définition devrait et ne devrait pas contenir. Les explications suivantes devraient être données :

- la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable est inextricablement liée au principe fondamental de tous les procès pénaux, c'est-à-dire la présomption d'innocence;


- le fardeau de la preuve incombe à la poursuite tout au long du procès et ne se déplace jamais sur les épaules de l'accusé;

- un doute raisonnable ne peut être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé;

- il repose plutôt sur la raison et le bon sens;

- il a un lien logique avec la preuve ou l'absence de preuve;

- la norme n'exige pas une preuve correspondant à la certitude absolue; il ne s'agit pas d'une preuve au-delà de n'importe quel doute; il ne peut s'agir non plus d'un doute imaginaire ou frivole;

- il faut davantage que la preuve que l'accusé est probablement coupable - le jury qui conclut seulement que l'accusé est probablement coupable doit acquitter l'accusé.

¶ 37       Par contre, certaines mentions concernant la norme de preuve requise doivent être évitées. Par exemple :

- le fait de décrire l'expression « doute raisonnable » comme étant une expression ordinaire, qui n'a pas de sens spécial dans le contexte du droit pénal;

- le fait d'inviter les jurés à appliquer la même norme de preuve que celle qu'ils utilisent, dans leur propre vie, pour prendre des décisions importantes, voire les plus importantes de ces décisions;

- le fait d'assimiler preuve « hors de tout doute raisonnable » à une preuve correspondant à la « certitude morale » ;

- le fait de qualifier le mot « doute » par d'autres adjectifs que « raisonnable » , par exemple, « sérieux » , « substantiel » ou « obsédant » , qui peuvent induire le jury en erreur;

- le fait de dire aux jurés qu'ils peuvent déclarer l'accusé coupable s'ils sont « sûrs » de sa culpabilité, avant de leur avoir donné une définition appropriée du sens des mots « hors de tout doute raisonnable » .

[53]            Dans Lifchus, précité, le juge Cory a formulé des directives destinées aux juges de première instance en ce qui a trait à la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable. Il a écrit ce qui suit au paragraphe 39 :

¶ 39       Les directives concernant la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable applicable dans un procès pénal pourraient être formulées ainsi :


Au début du procès, l'accusé est présumé innocent. Cette présomption demeure tant et aussi longtemps que le ministère public ne vous a pas convaincus hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité à la lumière de la preuve qui vous est présentée.

Que signifie l'expression « hors de tout doute raisonnable » ?

L'expression « hors de tout doute raisonnable » est utilisée depuis très longtemps. Elle fait partie de l'histoire et des traditions de notre système judiciaire. Elle est tellement enracinée dans notre droit pénal que certains sont d'avis qu'elle se passe d'explications. Néanmoins, certaines précisions s'imposent.

Un doute raisonnable n'est pas un doute imaginaire ou frivole. Il ne doit pas reposer sur la sympathie ou sur un préjugé. Il doit reposer plutôt sur la raison et le bon sens. Il doit logiquement découler de la preuve ou de l'absence de preuve.

Même si vous croyez que l'accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, cela n'est pas suffisant. Dans un tel cas, vous devez accorder le bénéfice du doute à l'accusé et l'acquitter, parce que le ministère public n'a pas réussi à vous convaincre de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

Cependant, vous devez vous rappeler qu'il est virtuellement impossible de prouver quelque chose avec une certitude absolue, et que le ministère public n'est pas tenu de le faire. Une telle norme de preuve est impossiblement élevée.

En bref, si, en vous fondant sur la preuve soumise à la cour, vous êtes sûrs que l'accusé a commis l'infraction, vous devez le déclarer coupable, car cela démontre que vous êtes convaincus de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.


[54]            L'avocat du défendeur, à plusieurs occasions durant son argumentation, a plaidé l'absence de preuve directe sur certains points, particulièrement en ce qui a trait à l'identification des titres des livres photocopiés, s'il en existe, laquelle est essentielle pour déterminer si M. Lari était coupable d'outrage en ne respectant pas les ordonnances de la Cour mentionnées précédemment. Cet argument soulève la notion de preuve indirecte et la question des critères auxquels il doit être satisfait pour une déclaration de culpabilité suivant la norme applicable en droit pénal. Je souligne, toutefois, qu'il existe une preuve directe de la vente de deux manuels photocopiés en violation des droits de reproduction de la demanderesse, l'un ayant été vendu par M. Lari lui-même et l'autre ayant été vendu au 2144, rue MacKay.

[55]            La Cour suprême du Canada a toujours affirmé que la preuve indirecte peut servir de fondement à une déclaration de culpabilité hors de tout doute raisonnable, en adoptant la règle formulée par le baron Alderson dans l'arrêt Hodge (1838), 168 E.R. 1136, qui s'énonce comme suit :

[traduction]

Ils [les jurés] devaient être convaincus non seulement que ces circonstances étaient compatibles avec sa culpabilité, mais ils devaient également être convaincus que les faits étaient tels qu'ils étaient incompatibles avec toute autre conclusion logique que celle de la culpabilité de l'inculpé.

[56]            Comme l'a fait remarquer le juge Ritchie dans R. c. John, [1971] R.C.S. 781, la formulation employée dans l'arrêt Hodge, précité, a été approuvée par la Cour suprême du Canada dans R. c. Comba, [1938] R.C.S. 396.


[57]            Dans l'arrêt John, précité, le juge Ritchie a cité et approuvé les propos du juge Spence dans R. c. Mitchell, [1964] R.C.S. 471 lorsqu'il a affirmé que : [traduction] « la directive donnée dans l'affaire Hodge n'ajoute ni ne retranche rien à la nécessité, en matière criminelle, de prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Elle fournit une formule qui aide à appliquer la norme admise de preuve au premier seulement des deux éléments essentiels d'un acte criminel, c'est-à-dire la perpétration de l'acte par opposition à l'intention qui a accompagné l'acte. Le premier élément, à supposer que l'on pourrait faire la preuve de chaque circonstance, serait susceptible d'être prouvé démonstrativement » .

[58]            Dans John, précité, le juge Ritchie a conclu que les termes employés dans l'arrêt Hodge, précité, « ne servent qu'à illustrer graphiquement le principe selon lequel, lorsque la preuve est entièrement indirecte, il doit être clairement expliqué aux jurés qu'avant de pouvoir être convaincus de la culpabilité de l'accusé [¼] hors de tout doute raisonnable, ils doivent d'abord être convaincus que les circonstances sont incompatibles avec toute autre conclusion logique que celle de sa culpabilité » . Il a ajouté que si les jurés entretenaient un doute quant à savoir si les circonstances étaient également compatibles avec une autre conclusion que celle de sa culpabilité, il était alors de leur devoir de donner à l'accusé le bénéfice du doute et de ne pas le déclarer coupable sur la seule preuve indirecte.

[59]            Dans cette décision, le juge Pigeon a décrit le concept de la preuve indirecte comme un concept exigeant des faits tels que leur existence soit une prémisse d'où l'on puisse conclure à l'existence du fait principal en logique rigoureuse. Il a dit que, pour justifier une condamnation, ces faits doivent être tels qu'il soit à juste titre possible d'en déduire logiquement la culpabilité de l'accusé. Si, de l'ensemble des faits démontrés par preuve indirecte, on ne peut logiquement déduire la culpabilité, il n'est pas nécessaire d'aborder l'autre question, celle de savoir si quelque autre conclusion logique est possible.

[60]            Pour obtenir d'autres exemples, se reporter à R. c. Mezzo, [1986] 1 R.C.S. 802, et R. c. Monteleone, [1987] 2 R.C.S. 154.

[61]            Bref, la preuve indirecte est une preuve de faits accessoires à partir de laquelle un tribunal peut raisonnablement inférer que les faits principaux ou importants qui sont essentiels à l'affaire ont été établis.

[62]            L'ordonnance de justification rendue par le protonotaire Milczynski le 5 octobre 2004 est le seul point de départ de l'analyse visant à déterminer si Access Copyright s'est acquittée du fardeau de prouver que M. Lari est coupable d'outrage en ne respectant pas les ordonnances et le jugement de la Cour.

[63]            Pour récapituler, les décisions enjoignant à M. Lari de ne pas reproduire les manuels pour lesquels Access Copyright a obtenu une licence des détenteurs de droits d'auteur sont les ordonnances du 29 septembre 2003 et du 19 janvier 2004 et le jugement du 19 juillet 2004. Il y a de plus l'ordonnance du juge von Finckenstein en date du 20 septembre 2004 obligeant M. Lari à donner à la demanderesse accès au sous-sol du 2144, rue MacKay.


[64]            Access Copyright devait prouver par preuve directe ou indirecte que, durant les périodes énumérées par le protonotaire Milczynski dans l'ordonnance du 5 octobre 2004 (soit du 8 janvier 2004 au 19 juillet 2004 et du 20 juillet 2004 au 22 septembre 2004), M. Lari a continué de faire et vendre lui-même ou en collaboration avec d'autres catégories de personnes précisées des copies non autorisées des oeuvres publiées par une ou plusieurs des entités énumérées dans le jugement rendu le 19 juillet 2004 par le juge Harrington.

[65]            La preuve, à mon avis, ne montre pas que M. Lari a fait ou vendu des copies non autorisées d'oeuvres durant la période du 8 janvier 2004 au 20 juillet 2004. La demanderesse avait saisi au début de janvier 2004 tous les manuels photocopiés. Il n'y a donc aucune preuve de vente durant cette période.

[66]            La preuve présentée par Access Copyright commence avec la visite de Mme Wegner le 31 août 2004 à la boutique de M. Lari, au 2153, rue MacKay, à Montréal, lorsqu'elle a identifié M. Lari et deux autres personnes qui y travaillaient. La preuve indique clairement que M. Lari gérait les activités sur les lieux. M. Schaffer a parlé dans son témoignage des conflits qui avaient opposé à partir de 1999 le prédécesseur d'Access Copyright à M. Lari qui était la tête dirigeante, le président et l'unique administrateur de U-Compute et qui avait accepté la responsabilité conjointe et solidaire avec U-Compute des violations antérieures.


[67]            Après les visites du 31 août et du 1er septembre 2004 à la boutique de M. Lari, Mme Wegner a alors retenu les services de la société Chartrand, Laframboise pour la surveillance et du cabinet d'avocats Roger, Robic, Richard pour l'exécution des saisies faisant suite au jugement. Les activités d'enquête et de saisie ont été concentrées durant les trois premières semaines de septembre 2004. Access Copyright a présenté une preuve directe démontrant que M. Lari n'avait pas respecté l'injonction lui enjoignant de ne pas vendre des copies non autorisées d'oeuvres publiées par un éditeur désigné. En l'occurrence, il a vendu à Mme Schwarzl le 21 septembre 2004 une copie non autorisée du livre intitulé Organization Theory publié par Prentice-Hall.

[68]            Je conviens avec l'avocat de M. Lari que, mis à part ce seul cas, il n'y avait aucune autre preuve directe de violation de l'injonction par M. Lari. Toutefois, la preuve indirecte démontrant que M. Lari exploitait une entreprise de reprographie à grand volume qui ciblait les étudiants de l'Université Concordia située à proximité est abondante.

[69]            La qualité de cette preuve indirecte satisfait au critère décrit dans l'arrêt Hodge, précité. Elle est compatible avec la violation de l'injonction interdisant la reproduction non autorisée d'oeuvres publiées par les éditeurs désignés et elle est tellement convaincante qu'elle est incompatible avec toute autre conclusion que celle voulant que M. Lari ait forcément violé l'injonction lui interdisant de faire et de vendre des copies non autorisées lui-même ou en collaboration avec les personnes identifiées comme étant les employés no 2 et no 3.

[70]            La preuve établit ce qui suit :

(1)        Access Copyright veille aux droits de reproduction d'un grand nombre d'auteurs et de grandes maisons d'édition dont les marques sont biens connues;


(2)        M. Lari et son entreprise avaient de longues listes d'inventaire précisant les oeuvres non autorisées numérisées et prêtes à être copiées - la liste d'inventaire du 13 janvier 2004 (pièce P-15), le fait que les 2 261 manuels copiés saisis en janvier 2004 représentaient 468 livres ou titres différents publiés par les éditeurs d'Access Copyright et également la liste d'inventaire du 24 septembre 2004 (pièce P-18) qui avait été portée à 3 530 manuels (moins les suppressions) dont la vaste majorité était publiée par les éditeurs d'Access Copyright.

(3)        Il faut répéter que, lorsque l'ordonnance Anton Pillar a été exécutée au 2153, rue MacKay, en janvier 2004, 2 261 manuels copiés ont été saisis. L'affidavit souscrit par Alexandra Steele le 14 janvier 2002, concernant l'exécution de cette ordonnance (pièce P-40 de la présente procédure) établit que la très grande majorité des livres copiés saisis avaient été publiés par des éditeurs qui avaient conclu une entente avec Access Copyright.

(4)        La preuve non contredite de Nathasha Schwarzl qui, au sous-sol du 2144, rue MacKay, a vu les employés no 2 et no 3 vendre des manuels copiés à des étudiants et qui a estimé à plus de cent le nombre de copies sur le plancher et les comptoirs et dans la pièce arrière de l'endroit.

(5)        La preuve des enquêteurs qui ont observé qu'il y a avait beaucoup de gens qui circulaient entre les deux emplacements de la rue MacKay, à savoir des étudiants qui arrivaient les mains vides mais qui ressortaient du sous-sol du 2144, rue MacKay avec des achats identifiés comme étant des livres copiés dans plusieurs cas.

(6)        La preuve de Catherine Bergeron qui était au 2144, rue MacKay, le 22 septembre 2004 et qui a estimé avoir vu 70 personnes essayer d'y entrer.


[71]            Cette preuve démontre hors de tout doute raisonnable qu'une entreprise de reprographie à grand volume était exploitée par M. Lari au 2153, 2155 et 2144, rue MacKay.

[72]            Il ne fait aucun doute que les deux personnes identifiées comme étant l'employé no 2 et l'employé no 3 étaient sous sa direction et ses ordres, étant donné qu'il avait avoué dans une procédure antérieure être la tête dirigeante de U-Compute. Le lien entre le 2153 et le 2155 et l'activité qui avait cours au sous-sol du 2144, rue MacKay, ne font aucun doute. Les employés no 2 et no 3 ont été vus en train de travailler aux deux endroits et en train de transporter du matériel entre les deux endroits. En outre, M. Lari a été vu en train de diriger la clientèle qui se présentait au 2153, rue MacKay, vers le sous-sol du 2144, rue MacKay.

[73]            L'étendue de l'activité de reproduction illicite, le nombre d'éditeurs avec lesquels Access Copyright a conclu des ententes, la similarité des listes portant les cotes P-15 et P-18 et le fait que la saisie exécutée en janvier 2004 a permis de récolter une quantité considérable de copies non autorisées d'oeuvres que M. Lari s'était vu interdire de faire et de vendre m'amènent à conclure hors de tout doute raisonnable que, au cours de la période allant du 31 août au 21 septembre 2004, M. Lari a considérablement transgressé l'injonction permanente imposée dans le jugement de la Cour du 19 juillet 2004. Aucune autre conclusion logique que celle de la culpabilité ne se dégage de la preuve directe et indirecte présentée à la Cour.


[74]            Je conclus également que M. Lari a refusé à Mme Steele, le 22 septembre 2004, l'accès au sous-sol du 2144, rue MacKay, afin qu'elle puisse saisir les copies prêtes à vendre ce même jour à midi, tel qu'en a témoigné Mme Schwarzl. De la preuve, il est possible d'inférer de manière raisonnable que M. Lari aurait pu permettre à Mme Steele d'entrer dans ces locaux, mais il ne l'a pas fait.

(b)        Quelle est la peine appropriée?

[75]            L'article 472 établit la peine que le juge peut ordonner lorsqu'une personne est reconnue coupable d'outrage au tribunal. Cette disposition est rédigée comme suit :


472. Lorsqu'une personne est reconnue coupable d'outrage au tribunal, le juge peut ordonner :

a) qu'elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu'à ce qu'elle se conforme à l'ordonnance;

b) qu'elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l'ordonnance;

c) qu'elle paie une amende;

d) qu'elle accomplisse un acte ou s'abstienne de l'accomplir;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

f) qu'elle soit condamnée aux dépens.

472. Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

(c) the person pay a fine;

(d) the person do or refrain from doing any act;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person's property be sequestered; and

(f) the person pay costs.

                       


[76]            Dans la décision Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor, [2000] A.C.F. no 341, la Cour a résumé les facteurs pertinents à prendre en considération dans la détermination d'une peine. Dans l'évaluation de la peine pour outrage, la Cour doit tenir compte de la gravité de l'outrage, de la dissuasion de conduites semblables, des profits tirés de la conduite reprochée, de la question de savoir si l'infraction pour outrage constitue une première infraction, des antécédents de l'auteur de l'outrage et de l'existence de facteurs atténuants tels que la bonne foi et les excuses.

[77]            Tel qu'il a été mentionné, M. Lari n'a pas témoigné dans sa défense puisque c'était son droit. À sa demande, je lui ai donné la possibilité de s'adresser à la Cour concernant la peine appropriée. Il a comparu devant la Cour le 31 octobre 2005 et il a été interrogé par son avocat et contre-interrogé par l'avocat d'Access Copyright.

[78]            M. Lari a informé la Cour que, après l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge von Finckenstein le 20 septembre 2004, il a vendu son entreprise située sur la rue MacKay et que, depuis ce temps, il n'a pas été impliqué dans des activités illégales de reproduction ou de vente de manuels. Il est âgé de 50 ans et occupe actuellement un emploi de gérant dans un restaurant indien de la région de Montréal pour lequel il touche un salaire brut de 500 $ par semaine. Il est le seul soutien de sa femme et ses trois enfants d'âge scolaire.

[79]            M. Lari a présenté des excuses plusieurs fois pour son comportement passé en disant que son implication dans des activités illégales de photocopie de manuels avait été une terrible erreur qu'il regrettait.

[80]            Je n'ai pas été impressionné, pour le moins que je puisse dire, par le témoignage de M. Lari. Il n'a apporté aucun document pour corroborer ce qu'il a dit à la Cour concernant la valeur de la résidence familiale, l'hypothèque dont elle était grevée, le solde de sa marge de crédit, le salaire qu'il gagnait, les déclarations de revenu antérieures, les déclarations antérieures de TPS et de TVQ, la paie des employés et les documents liés à la vente de son entreprise située sur la rue MacKay.

[81]            Il s'est contredit devant la Cour, ce qui a entaché irrémédiablement sa crédibilité. La principale contradiction concernait l'entreprise exploitée dans les locaux du sous-sol du 2144, rue MacKay. Il a affirmé qu'il n'avait rien à voir avec l'activité qui avait cours à cet endroit, alors que la preuve montre que les employés no 2 et no 3 y vendaient beaucoup de manuels photocopiés (pour le témoignage de M. Lari sur ce point, voir la transcription de l'audience du 31 octobre 2005, aux pages 50 à 52). En interrogatoire, il a reconnu que tous les documents et le matériel utilisés pour faire les copies illégales vendues au 2144, rue MacKay, en septembre 2004, y compris la liste d'inventaire enregistrée dans son ordinateur, provenaient de son établissement sis au 2153, rue MacKay.


[82]            Je ne crois pas que les deux personnes identifiées comme étant l'employé no 2 et l'employé no 3 n'avaient aucun lien avec M. Lari. Il s'est d'ailleurs contredit sur ce point. À la page 50 de la transcription, il a parlé d'eux comme ses ex-employés. Il a admis savoir qu'ils vendaient des copies de livres illégales au 2144, rue MacKay, et avoir facilité leurs activités.

[83]            Je crois que M. Lari était à tout le moins associé à l'entreprise du 2144, rue Mackay. Je crois que cette entreprise a été volontairement mise sur pied par M. Lari comme une tromperie en vue de se dissocier de la vente de textes photocopiés illégaux qui avait cours au 2153 et au 2155, rue MacKay.

[84]            Lorsqu'on lui a signalé qu'un témoin d'Access Copyright l'avait vu diriger les étudiants vers le 2144, rue MacKay, M. Lari a eu l'audace de laisser entendre qu'il n'indiquait pas nécessairement le 2144, rue MacKay, parce qu'il y avait un autre centre de photocopie plus bas dans la rue. (Voir la transcription aux pages 44, 45, 49 et 50.) Il ressort clairement du témoignage des enquêteurs que les étudiants se rendaient au 2144, rue Mackay, après l'indication donnée par M. Lari.


[85]            Dans l'application des facteurs pertinents quant à la détermination d'une peine appropriée, j'estime que tous ces facteurs sont nettement défavorables à M. Lari et je dis cela compte tenu de la conclusion que j'ai tirée quant à son manque de crédibilité. L'infraction pour outrage en était une grave. J'accepte la preuve présentée au nom d'Access Copyright suivant laquelle M. Lari était, en septembre 2004, à un moment où la demande atteignait l'une des deux pointes maximales de l'année universitaire, étroitement impliqué dans des activités illégales de reproduction et de vente à grand volume de manuels copiés. Le mandat d'Access Copyright n'est pas simplement d'intérêt privé mais également d'intérêt public. (Voir Canada (Société canadienne de perception de la copie privée) c. Canadian Storage Media Alliance, une décision de la Cour d'appel fédérale, publiée à 2004 CAF 424.)

[86]            La dissuasion générale est un facteur important. M. Lari nous a dit être au courant de l'existence de centres de photocopie illégale du genre non seulement aux environs de l'Université Concordia mais aussi aux environs de l'Université de Montréal.

[87]            La Cour n'a pas de preuve réelle quant aux profits réalisés avec l'activité illégale. M. Lari n'a pas enregistré ses ventes de manuels copiés et il n'a pas non plus présenté d'états financiers afférents à cette activité. Dans son témoignage devant la Cour, il a déclaré qu'il a fait des profits, mais que ceux-ci avaient disparu parce qu'il avait dû les utiliser pour acquitter ses propres frais juridiques, ceux d'Access Copyright dans les procédures précédentes et certains autres versements initiaux de dommages-intérêts qu'il a accepté de payer relativement au jugement sur consentement délivré par le juge Harrington.

[88]            Les antécédents de M. Lari se passent de commentaires : deux déclarations de culpabilité pour outrage et la mise sur pied d'une activité illégale immédiatement après le jugement sur consentement de juillet 2004.

[89]            Je doute de la sincérité de ses excuses et il n'existe aucune preuve de bonne foi substantielle.

[90]            L'examen de tous les facteurs pertinents penche en faveur d'une peine importante, à savoir l'emprisonnement comme le demande Access Copyright et tel qu'elle avait dit qu'elle demanderait si M. Lari continuait d'agir contrairement aux ordonnances de la Cour.

[91]            Je trouve intéressante, avec une modification, l'autre proposition qui a été avancée par l'avocat d'Access Copyright et acceptée par l'avocat de M. Lari : l'imposition d'une peine d'emprisonnement mais avec suspension immédiate conditionnelle au respect par M. Lari de conditions particulières dont la violation pourrait entraîner, par voie de requête présentée à la Cour, l'emprisonnement immédiat.

[92]            Tout bien pesé, dans l'ordonnance que je prononce ci-dessous, les conditions financières imposées, la condition relative au travail communautaire, le nombre d'heures proposé par les avocats que j'ai par ailleurs augmenté et l'obligation de respecter les injonctions permanentes existantes donneront à M. Lari la possibilité de réparer les torts causés et de faire un apport à la société.


[93]            Cette approche a été accueillie favorablement par la Cour dans les décisions suivantes : Clean-All Services Inc. c. Jasen Plunkett, dossier T-2051-01; Guccio Gucci S.P.A. c. Silvert et al. (1988), 19 C.P.R.(3d) 526; Hugo Boss A.G. et al. c. Sudsy's Enterprises Inc. (1990), 31 C.P.R. (3d) 525; Louis Vuitton S.A. et al. c. Tokyo-Do Enterprises Inc. et al. (1990), 37 C.P.R. (3d) 8; Tele-Direct (Publications) Inc. c. Canadian Business Online Inc. et al. (1998), 85 C.P.R. (3d) 338.

                                   O R D O N N A N C E                                   

Je déclare RIAZ A. LARI coupable des faits reprochés aux paragraphes b) et c) de l'ordonnance de justification du protonotaire Milczynski en date du 5 octobre 2004, à savoir :

[traduction]

b)            avoir continué, durant la période allant du 20 juillet 2004 au 22 septembre 2004, de faire et vendre, et de collaborer avec d'autres personnes qui font et vendent, au 2153, rue MacKay et au 2144, rue MacKay (sous-sol), à Montréal, Québec, des copies non autorisées des oeuvres publiées par une ou plusieurs des entités énumérées à l'annexe A du jugement en date du 19 juillet 2004, en violation des paragraphes 1 et 2 de celui-ci;

c)             avoir refusé le 22 septembre 2004 l'accès au sous-sol du 2144, rue MacKay comme l'exigeait le paragraphe 8 de l'ordonnance du 20 septembre 2004, rendant ainsi impossible l'exécution de l'ordonnance par la demanderesse et la saisie des copies non autorisées des manuels qui ont été vues à cet endroit entre le 9 septembre 2004 et le 22 septembre 2004 à tout le moins.

Comme peine appropriée, la Cour ordonne :

(1)       RIAZ A. LARI est par les présentes condamné à une peine d'emprisonnement de six mois à purger à l'établissement Montée St-François, situé au 600, Montée St-François, Laval, Québec, H7C 1S5.


(2)       RIAZ A. LARI est par les présentes condamné à payer à la demanderesse les dépens de la procédure pour outrage sur une base avocat-client raisonnable, à être taxés immédiatement par un officier taxateur, y compris les débours et la TPS; ces dépens devront être payés par M. Lari dans les trente (30) jours suivant la taxation.

(3)       L'imposition de la peine d'emprisonnement prévue au paragraphe (1) est par les présentes suspendue avec les conditions suivantes :

a)         RIAZ A. LARI devra en tout temps se conformer aux conditions des injonctions permanentes énoncées aux paragraphes (1) et (2) du jugement rendu par le juge Harrington en date du 19 juillet 2004.

b)         RIAZ A. LARI devra, dans les treize (13) mois suivant la date de la présente ordonnance, faire quatre cents (400) heures de service communautaire dans un centre d'hébergement de l'Armée du salut, à Montréal ou en banlieue, en effectuant le travail bénévole que lui confiera le directeur de ce centre (le directeur). Le directeur informera par écrit la Cour et l'avocat de la demanderesse lorsque l'arrangement aura été mis en place. Le travail effectué en service communautaire devra être vérifié par le directeur qui enverra une attestation à cet effet à la Cour et à l'avocat de la demanderesse au plus tard le 31 janvier 2007.


(4)       Le cas advenant que la demanderesse souhaite démontrer que M. Lari ne s'est pas conformé à une ou plusieurs des conditions imposées par la Cour, il lui sera loisible de demander un mandat d'incarcération à un juge de la Cour fédérale, en procédant ex parte ou autrement, selon les directives de ce juge, et RIAZ A. LARI, une fois que la Cour aura constaté le non-respect de l'une ou de plusieurs des conditions, sera incarcéré pour une période de six mois.

(5)       La présente ordonnance ne modifie en rien les conditions de l'ordonnance rendue le 19 juillet 2004 par le juge Harrington qui n'ont pas été remplies.

« François Lemieux »

                                                                                                                                                                              

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.                    


                                                     

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-1758-03

INTITULÉ :                                                                THE CANADIAN COPYRIGHT LICENSING AGENCY

c.

U-COMPUTE et RIAZ. A. LARI

                                                    

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         MONTRÉAL et OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                                        Les 24 et 25 janvier, 10 mai et 31 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    Le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                                               Le 7 décembre 2005

COMPARUTIONS :                  

Arthur B. RENAUD                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Dany S. PERRAS                                                      POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :         

SIM, HUGHES, ASHTON & McKAY LLP                                                          POUR LA DEMANDERESSE            

330 University Avenue, 6e étage

Toronto (Ontario) M5G 1R7                                       

MICHELIN & ASSOCIATES                                    POUR LES DÉFENDEURS

4101, rue Sherbrooke Ouest

Montréal (Québec) H3Z 1A7


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