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     Date : 19980123

     Dossier : IMM-3711-96

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 1998

En présence de : Monsieur le juge Joyal

ENTRE

     JOSE NICANOR JUAREZ-YARLEQUE,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     ORDONNANCE

         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 L. Marcel Joyal

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


     Date : 19980123

     Dossier : IMM-3711-96

ENTRE

     JOSE NICANOR JUAREZ-YARLEQUE,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

    

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE JOYAL

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 10 mai 1996 dans laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention, compte tenu de la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

Les faits

[2]      Le requérant, citoyen péruvien, appartenait à l'armée de l'air de 1982 jusqu'à ce qu'il ait quitté son pays en septembre 1995. Il était en poste à Lima et il était chargé de patrouiller une partie de la capitale contre les actes de la guérilla Sendero Luminoso (Shining Path).

[3]      Le 25 août 1995, il a pris le commandement d'une unité qui a arrêté quelques membres soupçonnés de Shining Path. Au cours de l'opération, sa troupe a blessé et tué un individu, reconnu plus tard comme un chef local d'une cellule de la guérilla.

[4]      Le 28 août, le requérant a appris que quelqu'un se renseignait sur lui à sa base militaire. Trois jours plus tard, il a reçu un appel téléphonique menaçant, qu'il a considéré comme étant une farce.

[5]      Le 1er septembre, alors que le requérant marchait entre sa maison et sa base, trois personnes sont sorties d'une voiture et elles se sont mises à tirer sur lui. Le requérant, qui portait un pistolet réglementaire, a riposté en tirant et il a couru jusqu'à chez lui. Il est revenu plus tard à la base militaire pour signaler l'incident à son supérieur. On lui a alors dit qu'il n'était pas assez important pour justifier une protection spéciale, et qu'il pouvait se défendre en utilisant son arme réglementaire.

[6]      Cette même nuit, le requérant a décidé de quitter le Pérou. Il a emmené sa famille chez des parents et, avec l'aide de ceux-ci, il a obtenu assez d'argent pour quitter le pays. Il est parti le 8 septembre 1998, et il a pris l'avion pour Los Angeles. Il est arrivé plus tard au Canada et il a revendiqué le statut de réfugié.

[7]      Le requérant n'a demandé à personne de le protéger, à l'exception de son supérieur militaire immédiat. Il n'a pas demandé un transfert militaire à un autre endroit au Pérou, et il n'a pas été rapporté la preuve que d'autres membres de son unité avaient été visés par Shining Path.

La décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié

[8]      La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le requérant avait une possibilité de refuge intérieur (une PRI), mais qu'il n'avait jamais demandé à être transféré à une région plus sûre du pays. La Commission a conclu que le requérant pouvait se prévaloir de la protection de l'État, et qu'il ne connaîtrait pas plus qu'une [TRADUCTION] "simple possibilité" de persécution au Pérou d'aujourd'hui.


Le point litigieux

[9]      Il s'agit de déterminer si la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a commis une erreur de droit en se fondant sur des conclusions de fait erronées quant à la possibilité d'une PRI et à l'existence de la protection de l'État.

Analyse

[10]          L'avocat du requérant soutient que la Commission a méconnu une importante quantité d'éléments de preuve objective. À l'appui de sa position, l'avocat fait état d'extraits et de parties de la preuve documentaire déposée devant la Commission. Toutefois, il faut se rappeler que la décision d'un tribunal doit être examinée et analysée dans son intégralité. On ne saurait [TRADUCTION] "disséquer" la preuve et n'utiliser que des parties particulières isolément pour confirmer son point de vue. Je me permets de dire que la preuve documentaire, prise dans l'ensemble, tend à démontrer que la situation politique au Pérou s'améliore.

     Possibilité de refuge intérieur

[11]      Dans une conclusion quant à l'existence d'une PRI, un tribunal est tenu d'être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans l'éventualité de son renvoi à son pays d'origine. Il s'agit de déterminer, non pas si le requérant voulait s'installer dans une autre région du pays, mais s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il se débrouille dans ce lieu avant de faire la moitié du tour du monde pour chercher refuge.

[12]      En l'espèce, le requérant a été un officier militaire pendant plus de dix ans. Il a reçu une bonne formation, et il montré à la Commission sa capacité de se défendre. Après avoir examiné la preuve documentaire concernant la situation au Pérou et après avoir pris en considération la situation particulière du requérant, je ne saurais qualifier la conclusion de la Commission de déraisonnable. En dépit de quelques comptes rendus de violation des droits de l'homme de la part du gouvernement péruvien, de la police et des autorités militaires, la Commission disposait, à mon avis respectueux, suffisamment d'éléments de preuve documentaire pour étayer sa conclusion que la situation au Pérou s'améliorait, et que le requérant avait une PRI dans une autre partie du pays.

     Protection de l'État

[13]      Dans l'analyse de l'existence de la protection de l'État, un tribunal doit présumer qu'un État est en mesure de protéger ses citoyens à moins qu'il n'y ait un effondrement total de l'appareil étatique. La protection d'un autre État n'est nécessaire que lorsque le pays d'origine d'un demandeur ne veut ni ne peut le protéger. Toutefois, un demandeur ne satisfera pas à la définition de réfugié au sens de la Convention s'il est [TRADUCTION] "objectivement déraisonnable pour lui de n'avoir pas demandé la protection des autorités de son pays d'origine".

[14]      Dans sa décision, la Commission a conclu que le requérant pouvait obtenir la protection appropriée de l'État, mais qu'il ne l'a pas recherchée en s'adressant à toutes les sources possibles. La Commission a fondé sa décision sur le témoignage du requérant sur la façon dont il s'était défendu lorsqu'il avait été attaqué. Le fait qu'il était un soldat expérimenté, qu'il n'était pas un personnage important dans l'armée et qu'il est parti sans même demander l'aide de quiconque à l'exception de son supérieur ou sans demander à être transféré à une autre base, tout cela, la Commission l'a examiné avant de conclure bien raisonnablement comme elle l'a fait.

Conclusion :

[15]      Il est évident que la Commission a assez longuement examiné la preuve documentaire considérable produite par le requérant, et je ne vois aucune erreur de fait ou de droit dans ses conclusions.


[16]      La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

                                 L. Marcel Joyal

                                         JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 23 janvier 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-3711-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Jose Nicanor Juarez-Yarleque c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 29 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE JOYAL

EN DATE DU                      23 janvier 1998

ONT COMPARU :

    D. Blake Hobson                  pour le requérant
    Larissa Easson                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Hobson & Hewlett                  pour le requérant
    Vancouver (C.-B.)
    George Thomson
    Sous-procureur général
    du Canada                      pour l'intimé
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