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Date : 20031001

Dossier : IMM-4910-02

Référence : 2003 CF 1137

Toronto (Ontario), le 1er octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

NAVENTHAN BALASUBRAMANIAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 M. Naventhan Balasubramaniam (le demandeur) est un Hindu tamoul citoyen du Sri Lanka âgé de trente ans. Il demande l'asile et prétend craindre la persécution du fait de sa race, de son appartenance à un certain groupe social et des opinions politiques qu'on lui prête. Il craint les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), l'armée et les forces de sécurité.

[2]                 Dans la décision datée du 25 septembre 2002, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.


[3]                 Même si la Commission a apparemment accepté l'identité du demandeur en tant que jeune Tamoul, elle a conclu que la crédibilité était la question déterminante dans la présente demande. La Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible. Puisqu'elle a conclu que le demandeur n'était pas crédible, elle a conclu que sa prétention quant à la crainte subjective ou objective n'était pas fondée et a donc rejeté sa demande d'asile.

[4]                 Le demandeur demande que la décision soit rejetée et renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audition et statue à nouveau sur l'affaire.

Questions en litige

[5]                 Le demandeur soulève deux questions :

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte du risque pour le demandeur en tant que jeune Tamoul de l'Est du Sri Lanka, vu le fait que la Commission a accepté son identité?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'était pas crédible?


Analyse

Première question en litige : La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte du risque pour le demandeur en tant que jeune Tamoul de l'Est du Sri Lanka, vu le fait que la Commission a accepté son identité?

[6]                 Selon les prétentions du demandeur, la Commission ne s'est pas penchée sur la question du risque pour le demandeur en tant que jeune Tamoul.

[7]                 Selon les prétentions du défendeur, la preuve documentaire concernant la situation dans un pays ne peut, de façon générale, constituer le fondement d'une demande d'asile en l'absence d'un lien avec des éléments de preuve crédibles reliés au demandeur (Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.), [1990] 3 C.F. 238, [1998] A.C.F. no 604 (QL); Tharmalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] CFPI 727, [2003] A.C.F. no 943 (1re inst.) (QL); Neame c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F no 378).

[8]                 À mon avis, la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte du risque pour le demandeur en tant que jeune Tamoul de l'Est du Sri Lanka.


[9]                 La Commission paraît avoir accepté l'identité du demandeur comme jeune Tamoul de l'Est du Sri Lanka. Toutefois, la Commission a conclu que le demandeur « n'est pas crédible et qu'il n'est, par conséquent, pas parvenu à établir ses craintes » . Cette phrase constitue l'unique analyse faite pas la Commission de la crainte objective et subjective de persécution du demandeur au Sri Lanka. Plus particulièrement, la Commission ne s'est pas arrêtée à la question de savoir si, en tant que Tamoul de l'Est du Sri Lanka, le demandeur courrait un risque. La Commission n'a pas, non plus, mentionné la preuve documentaire qui décrit ce risque éventuel.

[10]            La Cour a statué que, lorsque l'identité d'un jeune Tamoul est acceptée, la Commission a l'obligation d'évaluer le risque pour le demandeur s'il devait retourner au Sri Lanka, et ce même si l'on conclut que sa version des faits n'est pas crédible (Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 694 (1re inst.) (QL); Kamalanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 553, [2001] A.C.F. no 826 (1re inst.) (QL); Jeyaseelan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 356, [2002] A.C.F. no 458 (1re inst.) (QL); Mylvaganam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1195 (1er inst.) (QL)).

[11]            Je fais mien le raisonnement du juge Gibson dans la décision Mylvaganam, précitée, où il a fait droit à une demande de contrôle judiciaire, et a dit ce qui suit au paragraphe 10 :

La SSR disposait de preuves documentaires nombreuses démontrant les difficultés auxquelles font face tous les jeunes Tamouls, en particulier ceux qui viennent du Nord du Sri Lanka. Même en écartant carrément, comme elle l'a fait, les actes de persécution que le demandeur prétend avoir subis, elle ne paraît pas avoir, dans le raisonnement sur lequel elle appuie sa décision en l'espèce, nié le fait que le demandeur était bien un jeune Tamoul originaire du Nord du Sri Lanka. La SSR a accepté ce fait et ensuite écarté les preuves matérielles dont elle disposait selon lesquelles une personne comme ce demandeur risquait de faire l'objet de persécution s'il était obligé de retourner au Sri Lanka, qu'il pourrait donc fort bien avoir une crainte subjective dtre persécuté et que cette crainte reposait aussi sur une base objective réelle. La SSR n'a même pas envisagé cette possibilité et je suis convaincu qu'elle a pris sa décision sans tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait.

[12]            À mon avis, les décisions auxquelles renvoie le demandeur ne sont ni extrêmement pertinentes (Sheikh, précitée) ni de nature à permettre une distinction (Tharmalingam, précitée).

[13]            Par conséquent, la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en n'évaluant pas le bien-fondé de la crainte de persécution du demandeur. Cette erreur est suffisante pour accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Il n'est pas nécessaire de traiter de l'autre question soulevée dans la présente demande.

Question pour certification

[14]            Ni l'une ni l'autre partie n'a soulevé de question pour certification. Aucune question ne sera certifiée.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Commission soit rejetée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audition et statue à nouveau sur l'affaire.

2.          Aucune question n'est certifiée.

                                                                                   « Judith A. Snider »          

                                                                                                             Juge                       

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.

                                                                                                                   


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-4910-02

INTITULÉ :                                           NAVENTHAN BALASUBRAMANIAM

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 1ER OCTOBRE 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LA JUGE SNIDER                   

DATE DES MOTIFS :                        LE 1ER OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Michael Crane                           POUR LE DEMANDEUR       

David Tyndale                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Michael Crane                           POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                                 COUR FÉDÉRALE

Date : 20031001

Dossier : IMM-4910-02

ENTRE :

NAVENTHAN BALASUBRAMANIAM

                                                                                    demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                     défendeur

                                                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                                      


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