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Date : 19991116


Dossier : IMM-321-99


Ottawa (Ontario), le 16 novembre 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD


ENTRE :


YUK SHEUNG CHENG


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


défenderesse



ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 26 mai 1998, dans laquelle R. Albert Nauman, responsable de programme au consulat général du Canada à Buffalo (New York), a conclu qu"il n"y avait pas suffisamment de motifs d"ordre humanitaire pour continuer de traiter la demande de résidence permanente que la demanderesse a présentée, est rejetée.

YVON PINARD

                                             JUGE

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 19991116


Dossier : IMM-321-99



ENTRE :


YUK SHEUNG CHENG


demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


défenderesse



MOTIFS D"ORDONNANCE


LE JUGE PINARD


[1]      La demanderesse cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 26 mai 1998, dans laquelle R. Albert Nauman, responsable de programme au consulat général du Canada à Buffalo (New York), a conclu qu"il n"y avait pas suffisamment de motifs d"ordre humanitaire pour continuer de traiter la demande de résidence permanente qu"elle a présentée.

[2]      Voici les deux seules questions litigieuses que la demanderesse a soulevées devant moi :

     i)      le gestionnaire de programme a-t-il commis une erreur de droit en interprétant mal l"expression " d"ordre humanitaire " ou en abusant de son pouvoir discrétionnaire en appliquant les directives que le ministre a rendues pour aider les agents d"immigration à trancher des questions en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l"immigration ou de l"article 2.1 du Règlement sur l"immigration de 1978?; et
         ii)      des motifs adéquats ont-ils été exposés à l"appui de la décision du responsable de programme?

[3]      La norme de contrôle applicable aux affaires faisant intervenir des motifs d"ordre humanitaire est passablement sévère. Dans l"arrêt Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration et autre (9 juillet 1999), 25823, le juge L"Heureux-Dubé a écrit, au nom de la Cour suprême du Canada, au paragraphe 62 :

[...] Je conclus qu"on devrait faire preuve d"une retenue considérable envers les décisions d"agents d"immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l"analyse, de son rôle d"exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l"absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d"un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d"appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d"aussi grande retenue que celle du caractère "manifestement déraisonnable". Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter .

[4]      Au paragraphe 72, le juge L"Heureux-Dubé a poursuivi en discutant de la façon dont une décision fondée sur des motifs d"ordre humanitaire devrait être prise :

[...] Comme il est dit plus haut, les agents d"immigration sont censés rendre la décision qu"une personne raisonnable rendrait, en portant une attention particulière à des considérations humanitaires comme maintenir des liens entre les membres d"une famille et éviter de renvoyer des gens à des endroits où ils n"ont plus d"attaches. Les directives révèlent ce que le ministre considère comme une décision d"ordre humanitaire, et elles sont très utiles à notre Cour pour décider si les motifs de l"agent Lorenz sont valables. Elles soulignent que le décideur devrait être conscient des considérations humanitaires possibles, devrait tenir compte des difficultés qu"une décision défavorable imposerait au demandeur ou aux membres de sa famille proche, et devrait considérer comme un facteur important les liens entre les membres d"une famille. [...]

[5]      En l"espèce, le gestionnaire de programme a dit, en contre-interrogatoire, que [TRADUCTION] " les directives applicables aux demandes fondées sur des motifs d"ordre humanitaire portent sur des difficultés excessives - des difficultés dont le demandeur n"est pas responsable. Je n"ai pas estimé que votre cliente était visée par ces directives ". En outre, il ressort des notes CAIPS qu"il a examiné le dossier de la demanderesse. Le gestionnaire de programme a également dit dans son affidavit qu"il avait examiné la demande, les notes CAIPS et les lettres que l"avocat de la demanderesse avait écrites, et qu"il avait tenu compte de la situation familiale de la demanderesse. En contre-interrogatoire, le gestionnaire de programme a dit plus particulièrement qu"il avait tenu compte du fait que la demanderesse pourrait, à l"avenir, se retrouver seule à Hong Kong. Sur le fondement de cette preuve, il a conclu qu"il n"y avait pas suffisamment de motifs d"ordre humanitaire pour justifier que la demande continue d"être traitée.

[6]      À mon avis, le gestionnaire de programme a été mis au courant des motifs d"ordre humanitaire et il a tenu compte des difficultés excessives qu"une décision défavorable pourrait faire subir à la demanderesse et à sa famille. Compte tenu de la preuve dont il disposait, sa décision était raisonnable.

[7]      En ce qui concerne l"obligation de fournir à la demanderesse des motifs adéquats étayant la décision en question, le juge L"Heureux-Dubé dit, dans l"arrêt Baker , précité, au paragaphe 43 :

[...] Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l"espèce où la décision revêt une grande importance pour l"individu, dans des cas où il existe un droit d"appel prévu par la loi, ou dans d"autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise. [...]

En l"espèce, comme dans l"affaire Baker , les notes d"un agent de révision subordonné, qui ont été fournies à l"avocat de la demanderesse, ont été considérées comme étant les motifs de la décision. Je suis convaincu qu"il ressort de ces notes, jointes à la décision du gestionnaire de programme telle qu"exposée aux paragraphes 7 à 9 de l"affidavit de ce dernier, que des motifs adéquats ont été fournis à la demanderesse pour étayer la décision du gestionnaire de programme.

[9]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[10]      Je suis d"accord avec le défendeur que la présente affaire ne soulève pas de question à certifier, et ce pour les motifs suivants :

-      la demanderesse n"a pas établi pourquoi le critère qu"énonce la politique du ministère et que la Cour suprême du Canada a approuvé dans l"arrêt Baker , précité, ne s"applique pas à la présente affaire;
-      la demanderesse avait en sa possession, avant de produire des observations écrites relativement à la demande d"autorisation, les notes CAIPS, qui contiennent les notes de plusieurs membres du personnel de l"Immigration qui ont touché à la présente affaire et qui étaient analogues aux notes en cause dans l"affaire Baker , précitée.

YVON PINARD

                                             JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 16 novembre 1999.


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-321-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :          Yuk Sheung Cheng c. M.C.I.


LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)


DATE DE L"AUDIENCE :              le 13 octobre 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD


EN DATE DU :                  16 novembre 1999



ONT COMPARU :


M. Cecil L. Rotenberg, c.r.                      POUR LA DEMANDERESSE

M. James Brender                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Cecil L. Rotenberg, c.r.

Toronto (Ontario)                          POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg

Sous-procureuer général du Canada                  POUR LE DÉFENDEUR

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