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                                                                 Date : 20030320

                                                             Dossier : IMM-2272-02

                                                 Référence neutre : 2003 CFPI 316

Entre :

                               JASHIM UDDIN

                                                    Partie demanderesse

                                  - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                    Partie défenderesse

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

   Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la « Loi » ) à l'encontre d'une décision rendue le 3 mai 2002 par l'agent d'immigration Maurice Groulx ( « l'agent » ), concluant qu'il n'y avait pas de raison prévue au paragraphe 114(2) de la Loi qui permettait d'accorder au demandeur la dispense ministérielle aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi.


   Le demandeur, Jashim Uddin, est citoyen du Bangladesh. Il a revendiqué le statut de réfugiédès son arrivée au Canada en juin 1998. Il avait allégué une crainte bien fondée de persécution au Bangladesh en raison de sa religion. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa revendication en mars 1999 en raison de nombreuses contradictions et invraisemblances dans son témoignage, ce qui avait eu pour effet de sérieusement miner sa crédibilité.

   Le demandeur s'est marié le 21 septembre 1999 avec Shabnam Khan, une citoyenne canadienne, veuve et mère de trois enfants de son premier époux. Le demandeur, son épouse et les enfants vivent ensemble depuis le mariage.

   Le 23 avril 2002, le demandeur et son épouse se sont présentés à une entrevue avec l'agent dans le but de voir examiner sa demande de dispense de visa.

   Le demandeur soumet notamment que l'agent a confondu le fardeau de la preuve applicable dans les cas de motifs humanitaires avec celui applicable dans les cas de demandeurs non reconnus du statut de réfugié ( « DNRSRC » ). L'agent a conclu que le demandeur ne courait aucun risque personnalisé en cas de renvoi, tel qu'il appert de l'extrait suivant des motifs de sa décision :

Le requérant ne m'a pas convaincu que sa vie ou sa sécuritéseraient en danger dans son pays, ou qu'il pourrait être la victime de mauvaises traitements. Sa famille est toujours vivante et installée au Bangladesh. Il pourra compter sur l'assistance de ces derniers.

   Cette considération, tout à fait appropriée dans le cas d'une détermination de DNRSRC sous la définition du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, ne l'est cependant pas dans le cas de dispense pour des raisons d'ordre humanitaire où un demandeur doit seulement convaincre l'agent qu'il rencontrerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives en cas de renvoi. Àce sujet, l'extrait suivant de l'arrêt Irimie c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (22 novembre 2000), IMM-427-00, est tout à fait révélateur :

[10]      . . . Selon le Guide préparé par le ministre de l'Immigration à l'intention du personnel du ministère aux fins du traitement de ces demandes, les considérations humanitaires s'entendent de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives :


Il incombe au demandeur de convaincre l'agent que, vu sa situation, l'obligation, dont il demande d'être dispensé, d'obtenir un visa hors du Canada lui causerait des difficultés (i) inhabituelles et injustifiées ou (ii) excessives. [...]

Les difficultés que subirait le demandeur (s'il devait présenter sa demande de visa hors du Canada) doivent, dans la plupart des cas, être inhabituelles. Il s'agit, en d'autres termes, de difficultés qui ne sont pas prévues dans la Loi ou le Règlement, et

Les difficultés que subirait le demandeur (s'il devait présenter sa demande hors du Canada) doivent, dans la plupart des cas, découler de circonstances indépendantes de sa volonté. [...]

Dans certains cas où le demandeur ne subirait de difficultés ni inhabituelles ni injustifiées (s'il devait présenter sa demande de visa hors du Canada), il est possible de conclure à l'existence de CH en raison de difficultés considérées comme excessives pour le demandeur compte tenu de ses circonstances personnelles.

Citoyenneté et Immigration Canada, Guide sur le traitement des demandes au Canada, chapitre IP5, Demandes d'établissement présentées au Canada pour des considérations humanitaires (CH). Section 6. La décision CH.

[11]      Dans l'arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, (1999), 243 N.R. 22, Madame le juge L'Heureux-Dubé a souligné que le Guide indique bien la façon dont le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre et exercé au nom de celle-ci par l'agent qui entend la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire doit être exercé : [...]

   L'agent s'est donc trompé en exigeant du demandeur, dans sa demande de dispense de visa pour motifs humanitaires, qu'il le convainque de l'existence d'un danger à sa vie ou à sa sécuritéen cas de retour dans son pays.

   Cette erreur étant suffisante en elle-même pour justifier l'intervention de la Cour, il ne sera pas nécessaire de discuter des autres arguments soulevés par le demandeur.

   En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire devra être considérée à nouveau par un autre agent d'immigration.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 mars 2003


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

             NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-2272-02

INTITULÉ :                           JASHIM UDDIN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 4 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :     L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                    20 mars 2003                        

ONT COMPARU :

Me Michel Le Brun                    POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Michel Pépin                        POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Michel Le Brun                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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