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Date : 20031202

Dossier : T-1747-02

Référence : 2003 CF 1405

Entre :

                        CHARLOTTE RHÉAUME

                                                        Demanderesse

Et :

                       SA MAJESTÉLA REINE

                                 et

           ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

                                 et

          CUSTOMS EXCISE UNION DOUANE ET ACCISE (CEUDA)

                                                       Défenderesses

                        MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]                 Il s'agit en l'espèce d'une requête de la demanderesse pour en appeler de la décision du protonotaire Richard Morneau, ayant accueilli la requête des défenderesses en radiation de sa déclaration d'action. La demanderesse a de plus déposé une requête visant à suspendre les procédures en appel jusqu'à ce que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la "Commission") se soit prononcée sur les plaintes qu'elle a déposées suite à I'ordonnance du protonotaire.

[2]                 Depuis le 25 mai 1987, la demanderesse est une employée indéterminée du ministère du Revenu national, Impôt, Douanes et Accise (maintenant l'Agence des douanes et du revenu du Canada).

[3]                 Depuis le 2 août 1993 au 8 mars 2002, la demanderesse occupait le poste d'agent des demandes de renseignements, un poste de groupe et niveau PM-02 au Service des interprétations techniques du Bureau régional de l'Accise et de liaison de la taxe sur les produits et service.

[4]             Dans l'exercice de ses fonctions, la demanderesse administrait la Loi sur la taxe d'accise, rendant notamment des décisions verbales et écrites en matière de la taxe sur les produits et services ("T.P.S"). Cependant, en vertu d'une entente intervenue entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec en 1992, l'administration de certaines matières concernant la TPS a été confiée au ministère du Revenu du Québec.


[5]              Par conséquent, en 1998, le Ministère du revenu national a procédé à la restructuration des postes de la Direction des décisions et de l'interprétation TPS\TVH. En raison de cette restructuration, le Ministère du revenu national a créé des nouveaux postes d'Analyste principal des interprétations techniques, classifiés de groupe et niveau AU-02. Ces nouveaux postes ont été affichés et comblés (par nomination par mérite ou par concours) en vertu des dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[6]                 Le 29 octobre 1999, la demanderesse a déposé un grief. La demanderesse y conteste la légitimité de la procédure de restructuration au sein de l'Agence ainsi que la ré-affectation des tâches des postes qui figuraient dans la même classification et au même niveau de poste que celui qu'elle occupait à l'époque, notamment le poste d'agent de demandes de renseignements, PM-02. La demanderesse conteste également la procédure de dotation des employés qui ont été nommés par nomination sans concours (mérite individuel) ou par nomination avec concours (mérite relatif) au poste re-classifié d'Analyste principal des interprétations techniques (AU-02) suite à cette restructuration.

[7]             À l'époque où la demanderesse a déposé son grief, elle était régie par la convention collective intitulée "Convention entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada : Services des programmes et de l'administration" (la "convention collective").


[8]             Ce grief a été traité jusqu'au dernier palier et a par la suite été porté en arbitrage par la demanderesse assistée par son syndicat, la défenderesse Alliance de la Fonction Publique du Canada ("l'AFPC") ainsi que par la défenderesse Customs Excise Union Douanes et Accise ("CEUDA") qui est un élément de l'AFPC, conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.T.F.P.) et à la convention collective.

[9]                 Le 8 octobre 2002, le syndicat a retiré la partie du grief relatif à la description de tâches de la demanderesse quelques jours avant sa date prévue d'arbitrage.

[10]            Actuellement, la demanderesse poursuit toujours son grief du 29 octobre 1999 en alléguant qu'elle a subi une rétrogradation, ce que son employeur conteste.

[11]          Le 15 octobre 2002, la demanderesse a intenté une action à la Cour fédérale dans laquelle elle demande principalement que Sa Majesté La Reine la nomme dans un poste de niveau supérieur et qu'elle soit condamnée à lui verser le salaire et les bénéfices marginaux reliés à ce poste depuis le 1er janvier 1999;


[12]            De plus, la demanderesse allègue que les défenderesses l'AFPC et CEUDA ont manqué à leur obligation fiduciaire envers elle lorsqu'elles:

a)          n'ont pas affiché et publié les avis de nomination au Service des interprétations techniques TPS\TVH au Québec;

b)          ont omis de demander à l'employeur d'afficher ou de publier les avis de nomination "avec" ou "sans" concours;

c)          ont omis de soumettre sa candidature à chacune des nominations "sans concours" en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;

d)          ont omis de soumettre sa candidature à chacune des nominations "avec concours" en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique; et

e)          n'ont pas exigé ou demandé à l'employeur d'élargir les zones de concours de façon à inclure le Québec pour les postes de niveau supérieur.

[13]          Les défenderesses ont déposé une requête en radiation de la déclaration de la demanderesse et en rejet de son action en vertu des règles 221(1)a) et f) des Règles de la Cour fédérale (1998).


[14]            Dans son jugement du 17 janvier 2003, le protonotaire Richard Morneau a accueilli la requête en radiation aux motifs que:

a)         la Cour fédérale n'a pas compétence pour entendre I'action compte tenu que les faits litigieux sont reliés à la relation employeur-employé et que la procédure de grief prévue à la L.R.T.F.P. et à la convention collective est le seul recours approprié;

b)         la demanderesse ne peut obtenir un mandamus contre Sa Majesté la Reine, ne peut demander cette conclusion que par demande de contrôle judiciaire contre un office fédéral et, même si le recours avait été introduit par voie de demande de contrôle judiciaire, il ne pourrait être accordé compte tenu que I'Agence des douanes et du Revenu n'a aucun devoir légal de nommer la demanderesse dans un autre poste;

c)         la Cour fédérale n'a pas compétence pour trancher le différend entre la demanderesse et les défenderesses l'AFPC et CEUDA puisqu'en vertu des paragraphes 21(1) et 23(1) et (2) de la L.R.T.F.P, la Commission a la compétence exclusive de statuer sur toute plainte provenant d'une employée contre son syndicat relativement à une violation du devoir de représentation envers elle.


[15]            Le 29 janvier 2003, la demanderesse a produit une requête en appel de la décision du protonotaire.

[16]            Le 2 juin 2003, la demanderesse a déposé deux plaintes devant la Commission. Dans lesdites plaintes, la demanderesse allègue que les défenderesses l'AFPC et CEUDA ont agit de manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi en matière de représentation envers elle, contrairement au paragraphe 10(2) de la L.R.T.F.P.

[17]            Le 8 septembre 2003, la demanderesse a déposé une requête dont les conclusions visent à faire suspendre les procédures en appel jusqu'à ce que la Commission se soit prononcée sur les plaintes qu'elle a déposées suite à I'ordonnance du protonotaire.

[18]            Ainsi, avant de s'attarder sur les mérites de la requête en appel, il est primordial de se prononcer sur la recevabilité de la requête en suspension, afin de déterminer s'il y a lieu de se pencher, à ce stade, sur les arguments de fond.


[19]            La demanderesse argumente que, puisque les défenderesses l'AFPC et CEUDA ont plaidé que la demanderesse n'a pas épuisé la procédure prévue par la L.R.T.F.P. dans leur dossier de requête en radiation, qu'elles maintiennent en appel cet argument et que, par ailleurs, le protonotaire Morneau a fait sien cet argument dans sa décision, il est opportun que cette Cour suspende les procédures jusqu'à ce qu'une décision de la Commission soit rendue à l'égard des plaintes de la demanderesse contre les défenderesses l'AFPC et CEUDA.

[20]            La demanderesse prétend que cette suspension ne peut que mieux servir les intérêts de l'administration de la justice et que par ailleurs, il est tout à fait pertinent et nécessaire que la demanderesse puisse prendre connaissance de la décision administrative de la Commission eu égard à ses plaintes contre les défenderesses l'AFPC et CEUDA avant que l'appel ne soit entendu.

[21]            Les défenderesses s'opposent à cette suspension, car elles soumettent que le juge saisi de la nouvelle instance que constitue l'appel de la décision du protonotaire doit exercer son pouvoir discrétionnaire en fonction des éléments de preuve présentés aux protonotaire et non tenir une nouvelle audience fondée sur de nouveaux éléments de preuve.

[22]            Ainsi, les défenderesses soumettent que la décision de la Commission ne peut avoir aucune incidence sur l'issue de la requête en appel de la demanderesse pour les motifs suivants:

a)          la décision de la Commission constituerait un nouvel élément de preuve qui n'a pas été présenté au protonotaire Morneau;


b)          la compétence exclusive de la Commission en matière de devoir de représentation fait en sorte que cette Cour n'a aucune compétence pour statuer sur la même question; et

c)          la demanderesse dispose d'un recours en contrôle judiciaire advenant qu'elle n'est pas satisfaite de la décision de la Commission et elle est limitée à ce recours.

[23]            De plus, les défenderesses argumentent que dans les circonstances, quel que soit le sort réservé aux plaintes de la demanderesse par la Commission, l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit clairement que cette Cour n'a pas compétence pour entendre l'action de la demanderesse, qui relève exclusivement de la L.R.T.F.P.

[24]            À mon avis, la requête pour suspension ne doit pas être accordée car, comme le souligne les défenderesses, la requête en appel devrait se limiter aux éléments de preuve qui ont été présentés au protonotaire lors de l'audience en date du 9 décembre 2002 et ne pourrait inclure des éléments de preuve qui se rapportent à des événements survenus après cette date.


[25]            Par ailleurs, l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale fixe les critères qui permettent à la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures. Cet article énonce:

"50. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

b) lorsque, pour quelque autre raison, l'intérêt de la justice l'exige."

[26]            En I'espèce, il ne s'agit ni d'une demande en instance devant un autre tribunal, ni d'une situation où entre en jeu I'intérêt de la justice.

[27]            Pour ces motifs, la requête en suspension des procédures est rejetée. Il y a donc lieu de passer à l'analyse des arguments de fond.

[28]            La demanderesse soumet que la décision du protonotaire est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle assimile l'action en responsabilité civile délictuelle de la demanderesse à un mandamus. Ainsi, la demanderesse argumente que la seule conclusion mandatoire des huit autres conclusions de son action en responsabilité civile délictuelle ne peut dénaturer son action en responsabilité au point de la convertir en un mandamus.


[29]            La demanderesse souligne que la jurisprudence et la doctrine reconnaissent la possibilité de joindre dans une action des conclusions mandatoires à des conclusions déclaratoires et d'autres conclusions.

[30]            De plus, la demanderesse soumet que ses demandes pour des dommages-intérêts, des dommages exemplaires en raison des préjudices conjoints causés par les défenderesses ne sont pas des conclusions accessoires.

[31]            D'autre part, la demanderesse soumet que le protonotaire Morneau a erré en droit en liant l'obligation fiduciaire des défenderesses l'AFPC et CEUDA à la convention collective de la demanderesse. La demanderesse soumet que le devoir fiduciaire naît du seul fait qu'elle est syndiquée et non pas du devoir du syndicat issu de la convention collective.

[32]            Pour ce qui est de la conclusion du protonotaire concernant la possibilité d'un recours administratif plus approprié, plus précisément celui d'une plainte auprès de la Commission, la demanderesse soumet que la L.R.T.F.P ne lui offre aucun secours et ne peut donc remplacer son action en responsabilité civile.


[33]            La Couronne rappelle que la demanderesse a déposé le 29 octobre 1999 un grief fondé sur les mêmes faits que ceux faisant l'objet de la présente action.

[34]            La Couronne soumet que la L.R.T.F.P et la convention collective prévoient une procédure de règlement des griefs qui constitue un code complet applicable à la résolution du présent litige à l'exclusion de tout autre recours de droit commun. Elle souligne que cette conclusion s'impose même si le syndicat de la demanderesse a retiré la partie de son grief touchant sa description de tâches avant I'arbitrage.

[35]            De plus, la Couronne soumet que conformément à I'article 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour fédérale n'a pas compétence pour entendre la présenté action qui relève exclusivement de la L.R.T.F.P.

[36]            Par ailleurs, la Couronne soumet que la conclusion recherchée par la demanderesse équivaut à une demande de mandamus à I'encontre de Sa Majesté La Reine; or, elle rappelle que la Couronne jouit d'une immunité à I'encontre des injonctions et des mandamus.


[37]            Les défenderesses l'AFPC et CEUDA soumettent que le protonotaire Morneau n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de fait. Les défenderesses l'AFPC et CEUDA soumettent que la déclaration de la demanderesse ne révèle aucune cause d'action valable et que c'est à bon droit qu'elle a été radiée.

[38]            Les défenderesses l'AFPC et CEUDA soumettent que cette Cour n'a pas la compétence nécessaire pour trancher le différend entre eux et la demanderesse puisque ce dernier ressort de la compétence exclusive de la Commission.

[39]            De plus, elles soumettent que les actes reprochées aux défenderesses l'AFPC et CEUDA ne peuvent faire l'objet d'une action contre ces dernières puisqu'elles n'ont pas la compétence pour intervenir en matière de dotation, de restructuration et de classification.

[40]            Par ailleurs les défenderesses l'AFPC et CEUDA énoncent que la convention collective ne prévoit aucune disposition quant aux exigences relativement à l'affichage des concours, l'attribution des fonctions aux postes, la classification des postes et la nomination des employés dans des postes.


[41]            Les défenderesses l'AFPC et CEUDA soumettent que même si la demanderesse allègue que les défenderesses ont manqué à leur obligation fiduciaire envers elle et prétend que les actes reprochés engagent une 'responsabilité civile extracontractuelle' de la part des défenderesses, la déclaration ne contient pas un exposé concis des faits substantiels sur lesquels une telle responsabilité civile extracontractuelle puisse être fondée.

[42]            Enfin, les défenderesses l'AFPC et CEUDA soulignent que la demanderesse ne peut intenter une action contre les défenderesses car elle dispose d'un recours exclusif qui est prévu à l'article 23 de la L.R.T.F.P.

[43]            Une lecture attentive de la décision du protonotaire Morneau m'amène à conclure que ce dernier n'a aucunement erré et est arrivé à la bonne conclusion et, par conséquent, sa décision ne contient aucune erreur qui justifierait l'intervention de cette Cour.

[44]            En ce qui concerne la poursuite de la Couronne, il ressort du dossier que la demanderesse a déposé un grief fondé essentiellement sur les mêmes faits que ceux faisant l'objet de la déclaration d'action.

[45]            Le grief a été traité jusqu'au dernier palier et a par la suite été porté en arbitrage par la demanderesse assistée par le syndicat, et ce, suivant l'article 91 de la L.R.T.F.P. et la convention collective en vigueur. Cette disposition édicte :

91.(1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

...


b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

[46]            Les faits de la cause sont couverts par les termes généraux de cette loi. La demanderesse est une "fonctionnaire" au sens de la définition de l'article 2 de la L.R.T.F.P., et les conclusions qu'elle recherche sont certainement couvertes par les mots "tout fait portant atteinte à ses conditions d'emploi".

[47]            Le plaignant qui n'obtient pas satisfaction à l'issue de la procédure de grief prévue à l'article 91, peut, par application de l'article 92 de la L.R.T.F.P., demander que sa plainte soit soumise à l'arbitrage. Cependant, cette dernière disposition est de portée plus limitée que l'article 91, ce qui fait que certaines questions qui peuvent faire l'objet d'un grief ne peuvent pas être renvoyées à l'arbitrage. C'est d'ailleurs ce qui explique la décision du syndicat de retirer la partie du grief relatif à la description de tâches de la demanderesse quelques jours avant sa date prévue d'arbitrage.


[48]            Ainsi, si le plaignant n'est pas satisfait de l'issue du grief déposé sous le régime de l'article 91 et que le différent soit couvert par l'article 92, il peut aller en arbitrage. Si le différend n'est pas couvert par l'article 92, la décision est finale. Quelle qu'en est l'issue, la décision rendue par l'agent des griefs en application de l'article 91 ou par l'arbitre en application de l'article 92 peut, par application de l'article 18.1 de laLoi sur la Cour fédérale, faire l'objet d'un recours en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

[49]            Il est de la jurisprudence constante de cette Cour que la procédure de règlements de griefs prévue par la L.R.T.F.P. constitue un code complet et exclusif applicable à la résolution du litige en matière de relations du travail à l'exclusion de tout autre recours de droit commun.

[50]            En effet, dans l'affaire Johnson-Paquette c. Canada [2000] A.C.F. no 441, la Cour d'appel fédérale, suivant le raisonnement de la Cour suprême dans l'affaire Weber c. Ontario Hydro (1995),125 D.L.R.(4th) 583 (C.S.C.), a énoncé sous la plume du juge Noël:

"10. L'intention du législateur d'exclure l'intervention des tribunaux dans les litiges en matière de relations de travail peut donc être formulée expressément ou ressortir implicitement. Lorsque, comme c'est le cas pour la LRTFP, le législateur a, au moyen d'une loi, adopté ce qui se veut manifestement un code complet applicable à la résolution des litiges en matière de relations de travail dans un secteur donné d'activité et a rendu l'issue des recours prévus dans la loi finale et obligatoire pour les personnes concernées, le fait de permettre le recours aux tribunaux ordinaires auxquels ces tâches n'ont pas été attribuées porterait atteinte au régime législatif [...] Pour donner effet à ces régimes, il faut considérer que le législateur a exclu le recours aux tribunaux ordinaires."


[51]            En vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance de la Cour a compétence dans les cas de demande de réparation contre la Couronne "[s]auf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi". À mon avis, le protonotaire a à bon droit conclu dans la présente affaire que la L.R.T.F.P prévoit le contraire.

[52]            Par ailleurs, le protonotaire a correctement conclu que les conclusions mandatoires recherchées ne pouvaient être accordées compte tenu que I'Agence des douanes et du Revenu n'a aucun devoir légal de nommer la demanderesse dans un autre poste.

[53]            Pour ce qui est du volet de la poursuite intentée contre les défenderesses l'AFPC et CEUDA, il est primordial de souligner que l'obligation d'une organisation syndicale envers ses membres est prévue au paragraphe 10(2) de la L.R.T.F.P. qui interdit à l'organisation syndicale et ses représentants d'agir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de ses membres.

[54]            Le membre ainsi lésé dispose d'un recours qui est prévu à l'article 23 de la L.R.T.F.P. Cette disposition énonce :

"23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;"


[55]            Ainsi, si elle désire revendiquer ses droits à titre de membre d'une organisation syndicale, la demanderesse doit déposer une plainte auprès de la Commission. Advenant que la demanderesse ne soit pas satisfaite de la décision de la Commission, elle disposerait par la suite, par application de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, d'un recours en contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

[56]            En l'espèce, la demanderesse n'a pas épuisé la procédure de plainte prévue par la L.R.T.F.P. ni le recours en contrôle judiciaire subséquent. Ce qu'elle essaie de faire, c'est d'attaquer en contrôle judiciaire certaines décisions du syndicat par voie d'action en dommages-intérêts pour délit civil, ce qu'elle ne peut pas faire.

[57]            Le fait que la demanderesse a enfin décidé, à la suite des indications du protonotaire Morneau, et après l'analyse des arguments des défenderesses l'AFPC et CEUDA et la réalisation du bien-fondé desdits arguments, de se prévaloir de la procédure de grief, ne change absolument rien à l'absence de mérite de sa requête en appel. Bien au contraire, cela illustre jusqu'à quel point la demanderesse elle-même est consciente des lacunes et faiblesses de son argumentation.


[58]            Pour ces motifs, la requête est rejetée avec dépens que je fixe au montant de 500,00$ pour la défenderesse Sa Majesté la Reine et 500,00$ pour les défenderesses Alliance de la Fonction publique du Canada et Customs Excise Union Douane et Accise (Ceuda).

ligne

      JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 2 décembre 2003


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                     

DOSSIER :                  T-1747-02

INTITULÉ:                 CHARLOTTE RHÉAUME c. SA MAJESTÉ LA REINE et ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA (AFPC) et CUSTOMS EXCISE UNION DOUANES ET ACCISE (CEUDA)

LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :      18 novembre 2003

MOTIFS :                    L'honorable juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :        Le 2 décembre 2003

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

CHARLOTTE RHÉAUME          POUR LA DEMANDERESSE

BROSSARD, QUÉBEC

ME DIANE PELLETIER         POUR LA DÉFENDERESSE

MINISTÈRE DE LA JUSTICE    SA MAJESTÉ LA REINE

OTTAWA, ONTARIO

ME LISE LEDUC              POUR LES DÉFENDERESSES

MINISTÈRE DE LA JUSTICE    AFPC et CEUDA

OTTAWA, ONTARIO


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