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                                                          Date : 20031120

                                                   Dossier : IMM-6074-02

                                                Référence : 2003 CF 1354

ENTRE :

                               CARLOS OSCAR DI NASSO

                               MARTA PATRICIA FEBRER

                             VERONICA ROMINA DI NASSO

                              GASTON NICOLAS DI NASSO

                                                                         demandeurs

                                       et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                ET DE L'IMMIGRATION

                                                                          défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 24 octobre 2002 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs ntaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des « personne[s] à protéger » selon la définition donnée respectivement aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

[2]    Le demandeur principal, Carlos Oscar di Nasso, est accompagné de ses trois personnes à charge : son épouse Marta Patricia Febrer, son fils Gaston âgé de 18 ans et sa fille Veronica âgée de 20 ans.


[3]    Les demandeurs, des citoyens de l'Argentine, prétendent craindre avec raison dtre persécutés, et courir le risque dtre torturés et de subir des traitements ou peines cruels et inusités aux mains d'un groupe de criminels organisés, s'ils sont renvoyés en Argentine.

[4]    Les problèmes des demandeurs ont commencé le 5 avril 2000 lorsqu'ils ont été victimes d'une invasion violente de domicile. À la suite de cet incident, lpouse du demandeur a déposé un rapport de police et, dix jours plus tard, le demandeur principal a été convoqué au poste de police pour l'identification de deux des agresseurs. Le lendemain, on a trouvé une note qui informait les demandeurs que s'ils ne retiraient pas le rapport de police, les criminels pourchasseraient leurs enfants. Inquiet, le demandeur principal a demandéà la police d'exercer une surveillance de sécurité. La police a assuré une surveillance pendant quatre jours, mais elle a dû y mettre fin à cause du manque de ressources.

[5]    Après cet incident, les demandeurs recevaient sans cesse des menaces par téléphone. En outre, Gaston a été agressé et volé sur la rue à plusieurs reprises. Aucun élément de preuve n'indique que les demandeurs ont signalé ces incidents à la police.

[6]    Le 16 juin 2001, un vol a été commis au lieu de travail du demandeur. Quelques jours plus tard, des vandales sont entrés par effraction dans la voiture du demandeur, qui était stationnée dans une rue du centre-ville, ont volél'autoradio et ont laissé une note de menace dans le véhicule détruit. Encore une fois, rien n'indique que l'un ou l'autre de ces incidents a été signalé à la police.

[7]    Le 23 juin 2001, Gaston a échappé de justesse à une tentative d'enlèvement par des hommes qui se trouvaient à bord d'un camion. Bien qu'un rapport de police ait été déposé relativement à cet incident, les agresseurs n'ont pas été arrêtés.


[8]    En juillet 2001, les demandeurs ont déménagé de Mendoza à Buenos Aires pour échapper aux menaces, aux agressions et aux vols. Les demandeurs ont même envisagé de quitter l'Argentine et, en août 2001, on leur a refusé des visas de visiteur au Canada.

[9]    Vers la fin du mois d'août 2001, les demandeurs ont reçu une note de menace à leur nouveau domicile à Buenos Aires. Les demandeurs ont quitté l'Argentine le 29 septembre 2001 et ont passépar les États-Unis d'Amérique avant d'arriver au Canada le 19 octobre 2001.

[10] Les demandeurs ont soulevé un argument à deux volets. Premièrement, ils soutiennent que la Commission a mal interprété le sens de l'expression « traitements ou peines cruels et inusités » . Lorsqu'elle est appelée à déterminer si le demandeur est une « personne à protéger » , la Commission doit se demander s'il a soumis des éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour établir qu'il y a une possibilité raisonnable que sa vie soit menacée ou qu'il soit exposé au risque de « traitements ou peines cruels et inusités » (voir Boateng c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration, [2003] A.C.F. no 810 (1re inst.) (QL)). Un examen approfondi de la preuve me permet de conclure que la Commission n'a pas mal interprété ou restreint indûment la portée de la définition de l'expression « traitements ou peines cruels et inusités » . L'appréciation qu'a faite la Commission de cet aspect de la demande est raisonnable, complète et fondée en droit. La Commission a apprécié les demandes des demandeurs, examiné la preuve qui lui a été soumise et conclu que les menaces et le préjudice subis par les demandeurs ntaient pas suffisamment graves pour satisfaire au critère préliminaire des « traitements ou peines cruels et inusités » .


[11] Deuxièmement, les demandeurs prétendent que la Commission a commis une erreur en concluant qu'ils pouvaient se prévaloir de la protection de ltat. Les demandeurs estiment que le recours à la police n'a pas mis un terme aux menaces dont ils faisaient l'objet et que la police ntait donc pas en mesure de fournir la protection dont ils avaient besoin. Il existe une présomption générale suivant laquelle ltat est en mesure de fournir une protection à ses citoyens; une preuve claire et convaincante est nécessaire lorsqu'on veut établir que ce n'est pas le cas (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689).

[12] Les demandeurs affirment que les Country Reports confirment que la police dans la province des demandeurs avait des liens avec les gangs de criminels. Cependant, les plaintes des demandeurs portent en grande partie sur l'efficacité des services de police, et les omissions locales de maintenir l'ordre de façon efficace nquivalent pas à une absence de protection étatique, à moins que la preuve, et notamment une preuve documentaire suivant laquelle la corruption policière est très répandue, situe l'expérience individuelle des demandeurs dans le contexte de la corruption policière (Zhuravlvev c. Canada (M.C.I.), [2000] 4 C.F. 3). En l'espèce, après avoir examiné la preuve et présumé que la Commission a examiné l'ensemble de la preuve lui ayant été soumise, je conclus que les demandeurs n'ont pas réussi à situer leur expérience individuelle dans le contexte de la preuve documentaire.

[13] Comme les deux arguments des demandeurs sont sans fondement, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[14] Les demandeurs ont proposé la question suivante aux fins de certification :

[traduction] Le demandeur qui prétend être une personne à protéger en raison d'une crainte de traitements cruels et inusités au sens de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés doit-il avoir subi un préjudice physique pour satisfaire au critère préliminaire?


[15] Je conviens avec le défendeur que cette question n'est pas déterminante quant à la présente demande et, par conséquent, la Cour ne certifiera aucune question (voir Liyanagamage c. Canada (M.C.I.)(1994), 176 N.R. 4).

« Yvon Pinard »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 novembre 2003

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                  COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-6074-02

INTITULÉ :                           CARLOS OSCAR DI NASSO, MARTA PATRICIA FEBRER, VERONICA ROMINA DI NASSO, GASTON NICOLAS DI NASSO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 15 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                    LE 20 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Chantal Desloges                      POUR LES DEMANDEURS

Lorne McClenaghan                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green & Spiegel                       POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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