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                                                                                                                                 Date : 20041019

                                                                                                                    Dossier : IMM-6586-03

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1380

ENTRE :

                                                         JACEK MICHAL NOREK

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

Introduction

[1]                Le commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a considéré que le demandeur s'était désisté de sa demande d'asile, parce qu'il n'a pas cru l'excuse qu'il a donnée pour ne pas avoir comparu à l'audience sur le désistement. Une partie de cette excuse a eu une incidence négative sur la décision de la Commission. La question est de savoir si le rejet de cette excuse par la Commission est raisonnable.


Contexte

[2]                Le demandeur est un citoyen de la Pologne qui fonde sa demande d'asile sur le fait qu'il est persécuté en tant qu'homosexuel.

[3]                Le 2 mars 2003, le demandeur a été informé que sa demande d'asile serait entendue le 11 juin 2003. Il a attendu jusqu'au 9 juin 2003 pour retenir les services d'un avocat, qui n'était pas disponible pour comparaître le jour de l'audience.

[4]                Le demandeur dit que qu'il s'est présenté seul aux bureaux de la Commission quelques minutes après 13 h, le 11 juin 2003, et qu'un interprète lui a dit qu'il devait revenir le 9 juillet 2003, date à laquelle une nouvelle audience de la Commission serait tenue.

[5]                Le demandeur a par la suite reçu un avis daté du 13 juin 2003 l'informant qu'une audience serait tenue le 9 juillet 2003 [traduction] « pour [lui] donner la possibilité d'expliquer pourquoi la Section de la protection des réfugiés ne devrait pas prononcer le désistement de [sa] demande » .

[6]                Le commissaire ayant entendu la procédure de désistement a rejeté l'explication fournie par le demandeur quant à la raison pour laquelle il n'avait pas comparu à l'audience du 11 juin. En conséquence, la Commission a prononcé le désistement de la demande d'asile.


[7]                La décision de la Commission comporte deux paragraphes particulièrement pertinents dans lesquels le commissaire accorde une grande importance au moment où le demandeur s'est présenté aux bureaux de la Commission et met en doute la crédibilité du demandeur.

[traduction]

Cela étant dit, je ne crois pas le demandeur lorsqu'il dit qu'il est arrivé ici et qu'il a parlé à quelqu'un au guichet à 13 h 15, qui lui aurait dit que l'audience était prévue pour le jour même, puisque les commis du guichet pouvaient obtenir ce renseignement au plus tôt à 13 h 35.

                                                          * * * * * * * * * *

Ce que je trouve le plus troublant c'est le manque de crédibilité de l'explication donnée quant à la raison pour laquelle le demandeur n'a pas comparu à l'audience. Ma décision aurait peut-être été différente si le demandeur m'avait dit ce matin qu'il s'était bel et bien présenté à la Commission, mais qu'il était arrivé en retard, sans essayer de faire porter le blâme sur la Commission en changeant la chronologie des événements. Mais je ne peux pas ne pas tenir compte du manque de crédibilité de ses explications.

[8]                Le demandeur a déposé devant la Cour un affidavit donnant une chronologie plus précise des événements du 11 juin 2003. En particulier, le demandeur dit qu'il est arrivé aux bureaux de la Commission à 13 h 25 et qu'il a demandé les services d'un interprète. L'interprète lui a dit d'attendre, est revenu l'informer qu'une autre audience aurait lieu et qu'il pouvait s'en aller. La preuve par affidavit du demandeur n'a pas été contestée.

Analyse

[9]                La présente affaire peut se résumer à la question de savoir s'il était déraisonnable pour la Commission de ne pas croire l'explication donnée par le demandeur relativement au retard. La norme de contrôle applicable en l'espèce est la décision raisonnable.


[10]            Une grande importance semble être accordée à la question de savoir si le demandeur est arrivé aux bureaux de la Commission à 13 h 15 et, sur ce point, le commissaire a conclu que le récit du demandeur avait été fabriqué. Le commissaire a affirmé que le demandeur avait pu être informé de la nouvelle date d'audience sur le désistement au plus tôt à 13 h 35.

[11]            Dans son affidavit, le demandeur dit qu'il est arrivé à 13 h 25, après quoi il y aurait eu une période d'attente relative à une question de traduction, de sorte qu'il serait possible que le demandeur ait été informé après 13 h 35 de la nouvelle date. Dans le témoignage oral qu'il a produit devant la Commission, le demandeur a affirmé qu'il était arrivé [traduction] « vers » 13 h 15.

[12]            Vu l'importance que revêt pour le demandeur une décision prononçant le désistement de sa demande, l'imprécision de la preuve relative à la chronologie des événements et l'intention manifeste du demandeur de poursuivre sa demande d'asile, j'estime qu'il était déraisonnable pour la Commission d'accorder autant d'importance à une période de 10 minutes, dans un sens ou dans l'autre.

[13]            Vu la preuve non contredite dont est saisie la Cour quant à l'heure d'arrivée du demandeur, l'excuse qu'il a fournie était plus que plausible - il s'agit de la seule preuve concrète relative à la chronologie des événements.


[14]            Vu que la jurisprudence de la Cour établit que la Commission doit tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire dans le cadre d'une audience sur le désistement (voir Kavunzu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 172 F.T.R. 240), je conclus que la Commission ne s'est pas dûment acquittée de cette obligation en l'espèce.

[15]            Pour ces motifs, la décision de la Commission sera annulée et la Commission devra procéder au traitement de la demande d'asile du demandeur.

[16]            Vu que ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé la certification d'une question et que je ne vois aucune question de portée générale, aucune question ne sera certifiée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                      IMM-6586-03

INTITULÉ :                                                    JACEK MICHAL NOREK

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 5 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 19 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Thomas R. McIver                                            POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McIver & McIver                                              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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