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Date : 20030310

Dossier : IMM-53-02

Référence neutre : 2003 CFPI 290

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                   ABUL BASHAR BHUIYAN

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 29 novembre 2001, que le demandeur Abdul Bashar Bhuiyan n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]                 Le demandeur est un citoyen du Bangladesh; il a allégué craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques. D'une façon générale, la revendication est fondée sur le fait qu'en sa qualité de membre exécutif du Parti national du Bangladesh (le BNP) et de la Fakirapul Businessmen's Association, le demandeur s'est élevé contre les activités criminelles et plus précisément contre les actes d'extorsion commis par la Ligue Awami. Des gens de la Ligue Awami proféraient souvent des menaces à son encontre et se livraient à du harcèlement physique et mental à son endroit. Au mois de mars 2000, ils ont même enlevé le demandeur et l'ont torturé pendant une période de quatre jours. Le demandeur a affirmé qu'on le poursuivait activement et que la police ne pouvait pas et ne voulait pas le protéger.

[3]                 La Commission a rejeté la revendication à cause de questions d'identité, de crédibilité et de vraisemblance. Elle a conclu que le demandeur « n'a jamais subi la persécution alléguée dans son témoignage et que le récit présenté à la Commission constitue de la pure invention visant à lui permettre d'obtenir le statut de résident au Canada sans avoir à emprunter les canaux habituels » .

[4]                 Quant à la question de l'identité, la Commission n'a accordé aucune valeur probante au certificat de naissance du demandeur parce qu'il renfermait de toute évidence des fautes d'orthographe et des incohérences :


On trouve à la pièce P-2 un certificat de naissance comprenant deux documents. Le premier est intitulé « Certificate by way of affidavit » (certificat de naissance par affidavit) et le deuxième, « Notarial Certificate » (Certificat notarié). Ils seraient tous deux délivrés par le même notaire public, un certain Nazrul Islam Bandol. Ces deux documents sont en eux-mêmes facilement contestables. L'affidavit comporte une faute d'orthographe. Le titre en caractères gras se lit comme suit : « Birth Certificate ny way of affidavit » au lieu de « by way » . Selon les timbres au bas de la page, l'adresse du notaire serait 284, West Dhanmondi Road. Toutefois, sur l'autre document intitulé « Notarial Certificate » , l'adresse imprimée dans la partie supérieure est 281, West Dhanmondi Road, tandis que le timbre figurant dans la partie inférieure de la page indique 284, West Dhanmondi Road. Le principal problème que posent ces documents produits par ordinateur est que le titre du certificat notarié se lit (en gros caractères gras) « Ceritifcate » au lieu de « Certificate » . Des fautes d'orthographe et erreurs aussi grossières sont généralement associées à de faux documents. Dans le cas présent, nous nous référons à l'affaire Hamid [Hamid, Iqbal c. Canada (Ministère de l'Emploi et de l'Immigration) (C.F., 1re inst., IMM-2829-94), Nadon, 20 septembre 1995], dans laquelle le tribunal déclare que la CISR n'est pas tenue de faire examiner les documents par des experts lorsqu'ils ne semblent pas authentiques. Par conséquent, le tribunal n'accorde pas de force probante à la pièce P-2. Le tribunal conclut que le revendicateur ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait d'établir son identité.

[5]                 Après avoir tenu compte des problèmes sérieux d'authenticité se rapportant à la pièce P-2, la Commission a déclaré sans faire le moindre autre raisonnement qu'elle n'accordait pas de valeur probante aux autres documents, à savoir un rapport médical (P-3), une lettre du Parti national (P-4) et une lettre de la Fakirapul General Merchant Association (P-5).

[6]                 Sans résumer le reste de la décision, j'examinerai les conclusions susmentionnées de la Commission. Le demandeur a soutenu que le rejet de tous ces documents n'était pas fondé et n'était pas équitable. Il a affirmé qu'il est reconnu depuis longtemps que la Commission est tenue de fournir des motifs clairs et explicites au sujet du rejet de la preuve soumise par l'intéressé. Le demandeur a affirmé qu'en l'espèce, la Commission ne s'était pas acquittée de son obligation. Il a affirmé qu'il ne suffisait pas de rejeter simplement d'emblée les autres documents justificatifs parce qu'un document renfermait des fautes d'orthographe.

[7]                 La Commission a mentionné la décision Hamid c. Canada (MEI), [1995] A.C.F. no 1293 (C.F. 1re inst.). Dans cette décision, Monsieur le juge Nadon a dit ce qui suit :

[...] Lorsqu'une commission, comme vient de le faire la présente, conclut que le requérant n'est pas crédible, dans la plupart des cas, il s'ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant ne puisse prouver de façon satisfaisante qu'ils sont véritablement authentiques. [...] Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n'est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d'affirmer qu'il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

[8]                 Toutefois, d'autres décisions plus pertinentes doivent être prises en considération et peuvent l'emporter sur cette conclusion. Dans la décision Ramalingam c. Canada (MCI), [1998] A.C.F. no 10 (C.F. 1re inst.), la conclusion que la Commission a tirée au sujet de la validité d'un certificat de naissance était en cause. Dans cette décision-là, Monsieur le juge Dubé a statué que « les pièces d'identité délivrées par un gouvernement étranger sont présumées valides à moins d'une preuve contraire » . Il a en outre statué ce qui suit :

En l'espèce, la Commission a contesté la validité du certificat de naissance sans produire d'autre élément de preuve à l'appui de sa prétention et, manifestement, la question des documents étrangers n'est pas un domaine que la Commission peut prétendre connaître tout particulièrement. À mon avis, cela constitue une erreur susceptible de révision de la part de la Commission.

[9]                 Plus récemment, dans la décision Osipenkov c. Canada (MCI), [2003] A.C.F. no 59, Madame le juge Layden-Stevenson, qui examinait une question similaire, a souscrit à cet avis :


Concernant la première conclusion, la CISR a rejeté le certificat de naissance du demandeur comme preuve de son origine juive. La Commission fait référence au fait que le certificat de naissance n'était qu'une photocopie, alors qu'en fait il s'agissait d'une copie certifiée conforme. Un certificat de naissance apparemment valide émis par l'État ne peut être rejeté sans preuve, extérieure au document, à partir de laquelle la Commission pouvait statuer que le document était faux.

[10]            Dans ce cas-ci, le certificat de naissance a été établi au moyen d'un affidavit des parents du demandeur, lequel a été authentifié par un [TRADUCTION] « notaire public désigné par le gouvernement de la République du Bangladesh pour l'ensemble du Bangladesh » . À mon avis, ce certificat a une valeur probante qui ne peut pas être rejetée sans que des explications valables soient données. La Commission a expliqué que des fautes d'orthographe et erreurs aussi grossières sont généralement associées à de faux documents. La raison que la Commission a donnée pour considérer l'affidavit comme frauduleux et le manque d'explications de la part du demandeur sont suffisants pour étayer la conclusion de la Commission. En outre, l'évaluation de la crédibilité du demandeur par la Commission étaye également cette conclusion. De plus, je crois qu'il vaut la peine d'ajouter que, comme il en a été fait mention au cours de l'audience, les signatures des déclarants ne sont pas apposées dans l'affidavit lui-même. Des documents d'identité sont essentiels au succès d'une revendication et la charge de démontrer la validité de pareils documents incombe au demandeur. Or, en l'espèce, le demandeur n'a pas été en mesure de s'acquitter de son obligation.


[11]            Quant aux autres documents dont il n'a pas été tenu compte, la Commission a agi d'une façon appropriée. Dans la décision Husein c. Canada (MCI), [1998] A.C.F. no 726, la Cour a statué qu'une fois que la Commission avait conclu que l'identité n'avait pas été établie, il n'était pas nécessaire de poursuivre l'analyse de la preuve.

[12]            Puisque j'ai décidé que les documents d'identité n'étaient pas valides et que la conclusion tirée par la Commission à cet égard n'était pas susceptible de révision, il n'est pas nécessaire de faire des remarques au sujet des autres arguments se rapportant à certaines conclusions de crédibilité. Quoi qu'il en soit, j'ai examiné ces conclusions; elles me semblent raisonnables.

[13]            Aucune question ne sera certifiée et aucune question n'a été proposée par les avocats.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié le 29 novembre 2001 est rejetée et aucune question n'est certifiée.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-53-02

INTITULÉ :                                                                     ABDUL BASHAR BHUIYAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 26 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Monsieur le juge Simon Noël

DATE DES MOTIFS :                                                  le 10 mars 2003

COMPARUTIONS :

Me Diane N. Doray                                                           POUR LE DEMANDEUR

Me Ariane Cohen                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Diane N. Doray                                                           POUR LE DEMANDEUR

6855, rue de l'Épée, bureau 203

Montréal (Québec) H3N 2C7

Ministère de la Justice du Canada                                    POUR LE DÉFENDEUR

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque ouest

Tour Est, 5e étage

Montréal (Québec) H2Z 1X4

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