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Date : 20020531

Dossier : IMM-3670-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 31 MAI 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

                                                                      CHO TAE SOO

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agent des visas en date du 10 mars 2000 est annulée et la demande est renvoyée pour nouvel examen par un agent des visas différent.

                                                                                                                                      « W.P. McKeown »                  

                                                                                                                                                                 Juge                              

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020531

Dossier : IMM-3670-00

Référence neutre : 2002 CFPI 622

ENTRE :

                                                                      CHO TAE SOO

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de l'agent des visas, datée du 10 mars 2000, par laquelle ce dernier rejetait la demande de résidence permanente au Canada.

[2]                 La question principale consiste à déterminer si l'agent des visas a commis une erreur en insistant de façon indue sur la question de savoir si le demandeur pouvait être un travailleur autonome à titre d'enseignant.

[3]                 Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada en qualité de travailleur autonome le 12 novembre 1998. Il a indiqué qu'il avait l'intention de donner des leçons de musique privées.

[4]                 Le demandeur est un musicien accompli. Il est membre de l'orchestre symphonique de Séoul et professeur à l'Université de Séoul. Il a donné des leçons en tant que travailleur autonome par le passé en Corée. Il a déclaré qu'il recruterait ses étudiants par l'entremise d'annonces à l'église coréenne et dans les journaux coréens au Canada.

[5]                 Le demandeur a des actifs nets d'une valeur approximative de 260 000 $. Il n'est pas complètement à l'aise en anglais, mais il prétend posséder suffisamment d'anglais pour donner une leçon de musique, son intention étant de s'intéresser surtout à la communauté coréenne au Canada.

[6]                 Dans son affidavit, l'agent indique qu'il a plusieurs préoccupations quant à savoir si le demandeur est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise :

[Traduction]

J'ai noté, à titre d'exemple, que le demandeur a fait carrière dans l'enseignement en Corée essentiellement dans le contexte de son emploi à temps plein à l'Université Soong Sil, et non comme travailleur autonome. Les cours privés qu'il donnait en sus de son emploi étaient une extension de celui-ci, puisqu'ils trouvaient leur source dans ses contacts à l'université et dans d'autres recommandations.


Le demandeur n'a pas fait une promotion active de ses services. Son expérience de travail en Corée ne lui a pas donné l'occasion de développer les capacités clés nécessaires pour devenir travailleur autonome, comme la promotion, le recrutement et les capacités de gestion d'affaires, telles que la négociation des contrats ou l'analyse des marchés. Au sujet de cette dernière capacité, le demandeur n'a pas fait de recherche ou d'enquête au sujet des conditions qui prévalent dans le monde des affaires au Canada, non plus qu'il n'a évalué la viabilité du travail autonome qu'il visait. Son plan d'affaires était vague et il n'était pas appuyé par une recherche ou une analyse de fond de l'entreprise qu'il désirait conduire au Canada. En soi, ce manque de recherche et de préparation a une incidence négative sur la capacité du demandeur d'être travailleur autonome au Canada et elle indique son manque de capacités en gestion générale des affaires.

[7]                 Après que l'agent des visas eut communiqué ses préoccupations au demandeur, ce dernier lui a indiqué que son épouse avait étudié le marché lors d'un séjour de six mois au Canada :

[Traduction]

Il a déclaré qu'il n'avait pas fait de recherche précise sur la demande au Canada, étant donné qu'il avait l'intention après son arrivée au Canada de s'appuyer sur les recommandations comme il le faisait en Corée. Le demandeur a déclaré qu'il faudrait un certain temps pour qu'il se fasse un réseau au Canada. L'épouse du demandeur a déposé copie d'un journal canadien en langue coréenne, où l'on trouve des publicités pour les professeurs de musique. Elle a déclaré être entrée en rapport avec certains d'entre eux au sujet de l'opération de leurs entreprises ainsi que de leurs taux. Elle a ajouté n'avoir trouvé aucune publicité portant sur des leçons de violon.

[8]                 L'agent a constaté que ces éléments répondaient à certaines de ses préoccupations au sujet de la demande pour les services offerts par le demandeur. Toutefois, ses préoccupations quant à la capacité du demandeur de s'établir dans l'occupation visée en tant que travailleur autonome n'étaient pas résolues.

[9]                   Le jour de l'entrevue, soit le 9 mars 2000, l'agent a rejeté la demande et en a informé le demandeur dans une lettre datée du 10 mars 2000. Il y déclare notamment que :

[Traduction]

Le Règlement sur l'immigration de 1978 définit un « travailleur autonome » de la façon suivante :

« travailleur autonome » s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.


J'ai conclu que vous ne satisfaisez pas à la définition d'un travailleur autonome. Plus particulièrement, vous ne m'avez pas convaincu que vous avez la capacité d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour vous-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

Analyse

[10]            Le critère à appliquer dans ce genre d'affaire a été énoncé par le juge en chef adjoint Jerome dans Yang c. MCI [1989] A.C.F. no 218 (1re inst.). Il déclare ceci :

Une analyse de la question me semble exiger l'examen de trois points. Premièrement, la requérante est-elle une musicienne accomplie (une réputation internationale serait à cet égard un atout précieux)? Deuxièmement, peut-elle enseigner? Troisièmement, peut-elle s'établir comme professeur autonome?

De plus, il est clair qu'il y aura manquement à l'équité procédurale si l'on insiste de façon indue sur la troisième question (Ho c. Canada [1989] A.C.F. no 245 (1re inst.)). L'agent des visas a reconnu que le demandeur était un musicien, mais il a refusé de reconnaître qu'il était un musicien accompli. Le dossier semble toutefois clairement indiquer qu'il est un musicien accompli. Il n'y a pas non plus de doute quant à la capacité du demandeur d'enseigner. Par conséquent, la question est donc de savoir s'il peut être un travailleur autonome en sa qualité d'enseignant. Il ressort de l'affidavit de l'agent que le point central de sa décision est la capacité du demandeur à être un travailleur autonome.


[11]            Selon moi, il y a une différence entre un demandeur qui désire être un travailleur autonome comme enseignant et un demandeur qui veut être un travailleur autonome en tant que personne d'affaires. En l'instance, l'agent des visas s'inquiétait du fait que le demandeur n'avait pas assisté à un séminaire d'affaires pour les immigrants potentiels, organisé par la province pour les travailleurs autonomes. Je ne suis pas d'avis que quelqu'un qui désire enseigner la musique pourrait tirer quoi que ce soit d'utile en se présentant à un tel séminaire.


[12]            Le demandeur a préparé un plan d'affaires dans lequel il estime ses gains pour la première année à 33 000 $. Il a aussi indiqué que son taux serait de 30 $ l'heure pour des leçons individuelles et de 15 $ l'heure pour des leçons de groupe. Le demandeur a aussi démontré qu'il y avait une communauté coréenne de plus de 100 000 personnes à Toronto et qu'il existait une demande pour des professeurs de violon coréens. Toutefois, le demandeur ne semblait pas savoir combien d'étudiants il pourrait avoir. J'accepte qu'il peut être difficile pour un demandeur de savoir combien d'étudiants prendraient des leçons privées et combien d'autres prendraient des leçons de groupe, mais ce fait indique un certain manque de connaissances quant à un élément du plan d'affaires. Le défendeur est d'avis que c'est le ministre qui doit pondérer les facteurs, ajoutant que la décision doit être maintenue, à moins qu'elle ne soit manifestement déraisonnable. Selon moi, le critère n'est pas celui de la décision manifestement déraisonnable, mais bien celui de la décision raisonnable simpliciter. La jurisprudence indique clairement que l'agent des visas ne doit pas donner une importance trop grande à la troisième question, par rapport aux deux autres. Même si l'obligation d'équité est minimale, elle exige au moins qu'on donne une importance égale à chacune des trois questions. En examinant l'affidavit et les notes de l'agent des visas, je constate que ce dernier n'a pas donné un poids égal à chacun des trois facteurs. On peut aussi constater ceci du fait que l'agent des visas a refusé de convenir que le demandeur était un musicien accompli. Il s'agit d'une conclusion de fait abusive que de dire qu'une personne qui a l'expérience du demandeur n'est pas un musicien accompli.

[13]            Dans les circonstances de l'affaire présente, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agent des visas du 10 mars 2000 est annulée. La demande est renvoyée à un agent des visas différent pour nouvel examen.

                                                                                   « W.P. McKeown »            

ligne

                                                                                                             Juge                       

OTTAWA (ONTARIO)

Le 31 mai 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

No DU GREFFE :                         IMM-3670-00

INTITULÉ :                                   CHO TAE SOO

c.

M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :         le 30 AVRIL 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :                           31 MAI 2001

   

ONT COMPARU :

  

M. CECIL L. ROTENBERGPOUR LE DEMANDEUR

M. GREG GEORGEPOUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

  

Cecil L. Rotenberg, c.r.POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

  

Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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