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Date : 20000203


Dossier : T-2513-97


Ottawa (Ontario), le 3 février 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE CULLEN


ENTRE :



LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET

ÉDITEURS DE MUSIQUE



demanderesse



et



1007442 ONTARIO LTD. EXPLOITANT SON ENTREPRISE SOUS LE NOM DE

I DON KNOWS et CRYSTAL B. MOREY



défenderesses



ORDONNANCE


     La demanderesse ayant présenté une requête en vue de la radiation de la défense et de l"obtention d"un jugement en sa faveur ou, subsidiairement, en vue de l"obtention d"un affidavit de documents exact et complet de la part des défenderesses;

     CETTE COUR ORDONNE aux défenderesses de déposer et de signifier au plus tard le 30 mars 2000 un autre affidavit renfermant les documents suivants :

a)      les états financiers des défenderesses pour les années 1994 à 1999;
b)      un grand livre;
c)      certains documents indiquant le nombre de places pour l"application du tarif 3C;
d)      certains éléments de preuve concernant les oeuvres musicales utilisées par les défenderesses.

Les interrogatoires préalables seront effectués dans les 60 jours de la signification de l"affidavit de documents des défenderesses.





                                 B. Cullen
                                         J.C.F.C.


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




Date : 20000203


Dossier : T-2513-97


ENTRE :



LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET

ÉDITEURS DE MUSIQUE



demanderesse



et



1007442 ONTARIO LTD. EXPLOITANT SON ENTREPRISE SOUS LE NOM DE

I DON KNOWS et CRYSTAL B. MOREY



défenderesses



MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE CULLEN

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une requête visant à la radiation de la défense et à l"obtention d"un jugement en faveur de la demanderesse. Subsidiairement, la demanderesse sollicite un affidavit de documents exact et complet. Cette requête est présentée dans le contexte de la violation d"un droit d"auteur.


LES FAITS

[2]      La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique demanderesse (SOCAN) est une société à but non lucratif établie en vertu des lois du Canada. SOCAN s"occupe d"octroyer des licences pour l"exécution en public et la communication au public d"oeuvres dramatico-musicales par télécommunication au Canada.

[3]      La défenderesse, 1007442 Ontario Ltd., exploite son entreprise sous le nom " I DON KNOWS " et exploite un restaurant, un bar, une boîte de nuit pour adultes, une discothèque, une boîte de nuit ou un établissement similaire. La défenderesse présente au public des oeuvres musicales au moyen de spectacles dans lesquels des enregistrements sonores sont utilisés (ci-après les danses exotiques). La défenderesse Crystal B. Morey est présidente et administratrice de la défenderesse 1007442 Ontario Ltd.

[4]      En vertu de l"article 67 de la Loi sur le droit d"auteur, SOCAN est la seule société de perception au Canada et, à ce titre, elle a le droit de percevoir certaines redevances. Ces redevances ou droits sont publiés chaque année dans la Gazette du Canada, en tant que tarifs 3B et 3C. En vertu des tarifs, le titulaire d"une licence doit chaque année soumettre une déclaration à SOCAN.

[5]      SOCAN a accusé les défenderesses d"avoir permis que les locaux, une salle de spectacle, soient utilisés aux fins de l"exécution en public, au moyen de danses exotiques et de musique enregistrée, d"oeuvres musicales sur lesquelles elle possède des droits d"exécution, et ce, pour leur profit personnel.

[6]      Le 26 juillet 1999, Monsieur le juge Gibson a ordonné aux défenderesses de signifier leur affidavit de documents au plus tard le 30 septembre 1999, à défaut de quoi la demanderesse aurait le droit de solliciter ex parte et par écrit une ordonnance radiant la défense et accordant un jugement en sa faveur.

[7]      À la suite de plusieurs demandes faites par SOCAN, les défenderesses ont fourni un affidavit de documents qui, selon SOCAN, était incomplet et insuffisant. Après la date prévue dans l"ordonnance du 26 juillet 1999, elles ont fourni à la demanderesse une liste supplémentaire de documents, sous la forme d"un document sans serment.

ARGUMENTS DE LA DEMANDERESSE

[8]      SOCAN a allégué que lorsque l"on dépose un document qui est réputé être un affidavit de documents mais qui ne peut pas être considéré comme tel, la Cour, en vertu de la règle 227c ), peut radier la défense et accorder un jugement en faveur de la demanderesse. SOCAN allègue que l"affidavit en question ne communique pas les documents pertinents se rapportant à la rentabilité et au calcul du montant des dommages-intérêts. Il est soutenu que la liste supplémentaire des défenderesses, indépendamment du fait qu"elle a été signifiée en dehors du délai imparti, n"est pas conforme aux exigences formelles s"appliquant aux affidavits de documents. Les défenderesses ne se sont donc pas conformées à l"ordonnance de Monsieur le juge Gibson et, partant, SOCAN était autorisée à demander ex parte la radiation de la défense.

[9]      Subsidiairement, SOCAN soutient que les défenderesses devraient être contraintes à signifier un affidavit de documents exact et complet, conformément à l"ordonnance de Monsieur le juge Gibson.

[10]      Il est en outre soutenu, à titre subsidiaire, qu"en raison de l"affidavit de documents insuffisant qui a été signifié, il faudrait proroger le délai applicable aux interrogatoires préalables, qui devait selon l"ordonnance commencer à courir au moment de la signification d"un affidavit de documents.

[11]      SOCAN a allégué que lorsqu"une requête est présentée par suite du dépôt d"un affidavit de documents insuffisant, il convient d"adjuger les dépens à la partie requérante. Il est en outre souligné qu"une partie devrait être indemnisée lorsque l"inaction d"une autre partie l"oblige à prendre des mesures judiciaires.

ARGUMENTS DES DÉFENDERESSES

[12]      Les défenderesses ont nié que l"ordonnance de la Cour ait été violée étant donné que la liste supplémentaire complétait l"affidavit de documents, qui a été fourni dans le délai imparti.

[13]      Les défenderesses ont allégué que la requête de SOCAN est en fait présentée à l"aveuglette. Elles ont souligné que les documents sollicités par la demanderesse ne sont pas pertinents en l"espèce. Elles ont ensuite soutenu que la liste des oeuvres musicales, des enregistrements ou des vidéos n"est pas en leur possession, parce qu"elles ont retenu les services d"un animateur. En outre, elles ont soutenu que les documents concernant la publicité ne sont pas en leur possession.

[14]      Les défenderesses ont souligné que SOCAN demande la communication de leurs états financiers, alors qu"elle n"énumère pas ces documents dans son affidavit de documents.

[15]      Les défenderesses ont en outre soutenu que leurs recettes proviennent de la vente d"aliments et de boissons, et non de la musique. Elles ont soutenu que les tarifs ne devraient pas s"appliquer à leur entreprise, étant donné que l"exécution d"oeuvres musicales ne fait pas partie intégrante du spectacle présenté par l"établissement. Elles ont donc nié qu"un profit ait été tiré de la violation d"un droit d"auteur.

ANALYSE

[16]      La règle 223(1) des Règles de la Cour fédérale prévoit que chaque partie signifie un affidavit de documents aux autres parties dans les 30 jours suivant la clôture des actes de procédure.

[17]      La règle 222(2) prévoit qu"un document est pertinent si la partie entend l"invoquer ou si le document est susceptible d"être préjudiciable à sa cause ou d"appuyer la cause d"une autre partie.

[18]      La règle 227 prévoit que la Cour peut, si elle est convaincue qu"un affidavit de documents est inexact ou insuffisant, ordonner qu"un affidavit exact soit déposé ou que les actes de procédure de la partie pour le compte de laquelle l"affidavit a été établi soient radiés en totalité ou en partie.

[19]      Le critère qui s"applique à la production d"un document dans un affidavit est celui de la pertinence. Dans la décision Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Co., Baker Marine Co., et Gaz Inter-Cité Québec Inc.1, le juge McNair a expliqué comment déterminer si les documents sont pertinents :

En ce qui concerne les documents qui doivent être produits, le critère est simplement celui de la pertinente. Le critère de la pertinence ne peut donner lieu à l"exercice du pouvoir discrétionnaire. C"est par l"application de la loi et non dans l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire, que l"on détermine quels documents les parties ont le droit de consulter. La question de savoir quel document se rapporte vraiment aux questions en litige est tranchée selon le principe suivant : il doit s"agir d"un document dont on peut raisonnablement supposer qu"il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de le lancer dans une enquête qui pourra produire l"un ou l"autre de ces effets.

[20]      Selon la jurisprudence récente, un document pertinent est un document dont on peut raisonnablement supposer qu"il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire.

[21]      En l"espèce, les défenderesses ont fourni un affidavit renfermant cinq ou six documents. Après l"expiration du délai imparti par Monsieur le juge Gibson, les défenderesses ont fourni une liste non solennelle renfermant les états financiers se rapportant aux années 1993 et 1994.

[22]      Comme les défenderesses en ont fait mention, se fonder sur le simple soupçon qu"un document existe ou qu"il pourrait être pertinent, c"est procéder à l"aveuglette2. Toutefois, en l"espèce, SOCAN a réussi à me convaincre que certains documents qui sont en la possession des défenderesses sont ici pertinents. De fait, la plupart des documents demandés par SOCAN sont des documents qui sont normalement établis dans la pratique normale du commerce.

[23]      Les défenderesses ont soutenu qu"aucun profit n"a été tiré de la présumée violation. Je ne suis pas d"accord. Les défenderesses présentent des danses exotiques et, partant, la musique fait partie du spectacle, qui génère des recettes pour la boîte de nuit. Dans la décision Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. 348803 Alberta Ltd., et al.3, il a été statué ce qui suit :

Il importe peu que les défendeurs n'imposent aucun droit particulier, un prix d'entrée par exemple, pour la musique qu'offre leur établissement. La musique donne une ambiance agréable à ce genre d'établissements. Elle ajoute une certaine valeur au commerce des défendeurs, sinon ils auraient cesser d'en faire jouer. Je dois maintenant déterminer, de façon approximative, quelle est cette valeur.

[24]      Étant donné que la requête est présentée dans le contexte d"une action en dommages-intérêts fondée sur la violation d"un droit d"auteur, les états financiers des défenderesses pour les années 1994 à 1999 sont certes nécessaires aux fins de la détermination du montant des dommages-intérêts et profits possibles.

[25]      J"estime en outre que certains documents pertinents n"ont pas été communiqués par les défenderesses, par exemple :

a)      un grand livre;
b)      un document indiquant le nombre de places pour l"application du tarif 3C;
c)      certains éléments de preuve concernant les oeuvres musicales utilisées par les défenderesses.

[26]      Je conclus donc que les défenderesses devraient déposer et signifier un autre affidavit renfermant les documents mentionnés ci-dessus aux paragraphes [24] et [25].


                                 B. Cullen
                                         J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 3 février 2000

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  T-2513-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE c. 1007442 ONTARIO LTD. et AUTRE

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 29 NOVEMBRE 1999

LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE CULLEN EN DATE DU 3 FÉVRIER 2000.


ONT COMPARU :

JAMES E. MILLS                              pour la demanderesse
HENRY LUE                              pour les défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING, STRATHY & HENDERSON                  pour la demanderesse

OTTAWA (ONTARIO)

DIMOCK STRATTON CLARIZIO                      pour les défenderesses

TORONTO (ONTARIO)


__________________

1 [1998], 25 F.T.R. 226 (C.F. 1re inst.).

2 Galehead Inc. c. Trinity , [1998] A.C.F. no 1669.

3 (1997), 79 C.P.R. (3d) 449 (C.F. 1re inst.).

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