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Date : 20001121

Dossier : T-324-00

ENTRE :

                                                        WEN HSU TSENG

                                                                                                                                  appelant

                                                                    - et -

                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                 ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                      intimé

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                Il s'agit d'un appel qu'a interjeté Wen Hsu Tseng, l'appelant, d'une décision datée du 13 janvier 2000 dans laquelle le juge Marguerite Ford a refusé de faire droit à sa demande de citoyenneté.                            

[2]                L'appelant, né le 14 juillet 1953, est un citoyen de Taïwan. Il a obtenu le droit d'établissement au Canada le 10 février 1996 et a présenté une demande de citoyenneté le 2 mars 1999.


[3]                Entre le 27 février 1996 et le 24 octobre 1998, l'appelant s'est absenté du Canada pendant 839 jours, de sorte qu'il avait bien en deçà du nombre de jours requis pour satisfaire aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, qui est rédigé comme suit :


5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;


[4]                En particulier, il manque à l'appelant approximativement 800 jours. Le juge de la citoyenneté, après avoir examiné les faits pertinents et cité certaines décisions de la Cour, est arrivée à la conclusion suivante :


[TRADUCTION] J'ai décidé de ne pas faire de recommandation favorable en vertu du paragraphe 5(3) ou du paragraphe 5(4) de la Loi, en particulier vu qu'aucune preuve n'établissait que vous aviez des quelconques problèmes de santé, que vous étiez dans une situation particulière ou inhabituelle de détresse, ou que vous aviez rendu au Canada des services exceptionnels.

Bien que vous ayez soumis des éléments de preuve d'un lien avec le Canada, vous avez été beaucoup plus absent que présent au Canada et, à mon avis, vous n'avez pas passé assez de temps au Canada pour satisfaire aux exigences de la Loi. Quand vous serez en mesure de passer plus de temps au Canada, vous ferez un excellent citoyen, mais, pour le moment, j'estime que votre demande est prématurée.

Conformément au paragraphe 14(3) de la Loi sur la citoyenneté, vous êtes donc informé que votre demande de citoyenneté est rejetée pour les motifs qui précèdent.

[5]    À mon avis, le juge de la citoyenneté n'a pas commis d'erreur en tirant la conclusion susmentionnée. En concluant ainsi, je m'appuie sur la décision de mon collègue le juge Muldoon dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259, aux pages 260 à 261, où il a expliqué comme suit l'objectif visé par les exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté :

En entreprenant une interprétation téléologique du texte de loi, on doit se demander pourquoi le législateur prescrit au moins trois ans de résidence au Canada durant les quatre années qui précèdent la date de la demande de citoyenneté.

Il est évident que l'alinéa 5(1)c) vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple – en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux – durant les trois années requises. [...] Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses.    [...]

[...] La loi ne dit pas à la Cour de s'abandonner à la sentimentalité pour tourner ou pour défier la condition légale de résidence. Peut-être par méprise sur la jurisprudence de cette Cour en la matière, il semble que des demandeurs se sont fait conseiller que pour satisfaire à la condition prévue par la loi, il suffit d'avoir un ou des comptes bancaires canadiens, de s'abonner à des magazines canadiens, de s'inscrire à l'assurance-maladie

canadienne, d'avoir une demeure et des meubles et autres biens au Canada et de nourrir de bonnes intentions, en un mot, tout sauf vivre vraiment au milieu des Canadiens au Canada pendant trois des années précédant la date de la demande, ainsi que le prescrit le législateur. On peut se poser la question : « Mais si le candidat à la citoyenneté suit des études à l'étranger? Qu'y a-t-il de si urgent? » Si le candidat ne peut trouver une école ou université à sa convenance au Canada, qu'il suive les études à l'étranger puis revienne au Canada pour satisfaire à la condition de résidence. [...]

[...] Ainsi donc, ceux qui entendent partager volontairement le sort des Canadiens en devenant citoyens du pays doivent le faire en vivant parmi les Canadiens, au Canada, durant trois des quatre années précédant la demande, afin de se canadianiser. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à l'étranger, car la vie canadienne et la société canadienne n'existent qu'au Canada, nulle part ailleurs.

[6]                Je m'appuie également sur la décision du juge Pinard dans Affaire intéressant Ching Pin Lin (dossier T-2803-97, rendue le 16 janvier 1999), où à la page 3 de ses motifs, il déclare :

En supposant qu'une interprétation correcte de l'alinéa 5(1)c) de la Loi n'exige pas la présence physique au Canada durant les 1 095 jours de résidence y prescrits lorsqu'il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles, je considère toutefois que la présence réelle au Canada reste le facteur le plus pertinent et le plus crucial dont il faut tenir compte pour établir si une personne « résidait » ou non au Canada au sens de la disposition. Comme je l'ai dit à maintes occasions, une absence trop longue du Canada, bien qu'elle soit temporaire, durant cette période minimale, comme en l'espèce, est contraire à l'esprit de la Loi, qui permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada en vue de la résidence permanente de ne pas résider au Canada durant l'une des quatre années qui ont précédé la date de la demande de citoyenneté présentée par cette personne.

[7]    Dans la présente affaire, comment peut-on dire que l'appelant satisfait aux exigences de résidence de la Loi sur la citoyenneté si l'on tient compte du fait qu'il n'a pratiquement pas passé de temps au Canada pendant les trois années qui ont précédé sa demande de citoyenneté? Dans la décision Re Kam Biu Ho (dossier T-19-98, rendue le 24 novembre 1998), à la page 2 de mes motifs, j'ai dit ceci :


Deuxièmement, je souscris entièrement aux motifs exposés par le juge Muldoon dans la décision Affaire intéressant Chan rendue le 3 février 1998 dans le dossier T-804-97. Dans cette affaire, l'appelant demandait que soit infirmée la décision par laquelle le juge de la citoyenneté avait décidé qu'il ne remplissait pas les conditions de résidence prévues par la Loi. L'appelant avait, au cours de la période pertinente, été absent du Canada pendant 954 jours. Le juge Muldoon a conclu que l'alinéa 5(1)c) de la Loi disait bien ce qu'il disait, à savoir que le demandeur devait résider physiquement au Canada pendant 3 des 4 années précédant sa demande de citoyenneté.

[8]                Pour ces motifs, le présent appel est rejeté.

(s.) « Marc Nadon »

Juge

VANCOUVER, Colombie-Britannique

Le 21 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                                      T-324-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                     Wen Hsu Tseng

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 17 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                                               le 21 novembre 2000

ONT COMPARU :

M. K. Jang                                                                    pour le demandeur

Mme Mandana Namazi                                                 pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jang, Cheung, Lee

Avocats

Vancouver (C.-B.)                                                        pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur

général du Canada                                                         pour le défendeur

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