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Date : 20030715

Dossier : IMM-3601-01

Référence : 2003 CF 879

OTTAWA (ONTARIO), le 15 juillet 2003

En présence de Madame le juge Dolores M. Hansen

ENTRE :

                                                                         XIN CHEN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision d'une agente des visas qui rejetait la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur.

[2]                 Le demandeur est un citoyen chinois de 39 ans. Il a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs autonomes pour la profession de gestionnaire financier.

[3]                 Le demandeur a obtenu un diplôme en mathématiques à l'École normale de J'ian en 1982. Entre 1982 et 1984, il a enseigné les mathématiques à l'école secondaire Jinggangshan. Après deux ans d'études, il a obtenu un certificat de mathématiques à l'Institut d'éducation de Jiangxi en 1986. Le demandeur a alors repris son poste d'enseignant à l'école secondaire Jinggangshan.

[4]                 En septembre 1988, le demandeur s'est inscrit à l'Université de sciences et de la technologie de Beijing où il s'est spécialisé en gestion commerciale. En 1991, il a obtenu une maîtrise en génie-gestion industrielle. Pendant qu'il étudiait en vue d'obtenir sa maîtrise, le demandeur a suivi huit cours offerts par l'université McMaster, en collaboration avec l'Université des sciences et de la technologie de Beijing.

[5]                 Après avoir terminé ses études, le demandeur a travaillé pour Zhanjiang Canon Repographic Material Inc. Il a été par la suite promu au poste de gestionnaire financier et administratif. En 1996, le demandeur a démissionné de son poste et a commencé à travailler comme gestionnaire financier pour Hilti China Ltd. En février 2001, le demandeur a été embauché comme gestionnaire financier par la Dupont China Holding Company.


[6]                 Le demandeur et sa femme se sont rendus au Consulat général du Canada à Hong Kong pour passer une entrevue avec l'agente des visas. L'agente des visas mentionne que le demandeur était en mesure de communiquer « avec facilité » en anglais et que l'entrevue a été conduite en anglais mais que le demandeur ne semblait pas parler l'anglais « couramment » , comme cela était mentionné dans sa demande. C'est la raison pour laquelle l'agente des visas a fait passer un test au demandeur pour vérifier ses capacités en matière d'écriture et de compréhension écrite.

[7]                 Pour l'écriture, elle a demandé au demandeur de « décrire sa dernière journée de travail » . Il avait cinq minutes pour répondre. Il a fourni la réponse suivante :

[traduction] Mon dernier jour de travail était le 12 juin 2001. Je me suis rendu au bureau à 8 h 45 et vérifié mes courriels avant 9 h 30. Après cela, j'ai vérifié et signé des documents financiers, notamment des bons, des bons de commande, et des chèques, jusqu'à 11 h 30.

L'agente des visas n'a pas relevé d'erreurs dans la réponse.

[8]                 L'agente des visas a vérifié la compréhension écrite du demandeur en lui faisant lire un article au sujet de la Toronto Transit Commission (TTC). Le demandeur devait répondre à quatre questions au sujet de cet article. Le demandeur a terminé cet exercice dans la période de sept minutes qui lui était accordée. L'agente des visas a indiqué qu'une de ses réponses était fausse.

[9]                 Après l'entrevue, l'agente des visas a inscrit les observations suivantes dans ses notes du STIDI :

[traduction]


LANGUE : L'entrevue a été menée en anglais et il est évident que l'IE éprouvait de la difficulté à communiquer; je lui ai donc demandé de faire un exercice d'anglais. Il avait indiqué dans sa demande qu'il parlait couramment anglais. Pour l'écriture, il a obtenu la mention « avec facilité » , tout comme pour la lecture. Je dirais également qu'il s'exprime « avec facilité » , étant donné que nous avons communiqué au cours de l'entrevue. Dans l'ensemble, j'accorderai à l'IE la mention « avec facilité » en anglais et les points attribués ne sont donc pas ceux qui correspondent à « couramment » mais à « avec facilité » 6 points ...

[10]            L'agente des visas a rejeté la demande du demandeur pour le motif qu'il n'a obtenu que 68 des 70 points d'appréciation exigés pour la délivrance d'un visa de résident permanent.

[11]            Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur soulève uniquement des questions qui concernent la façon dont l'agente des visas a évalué ses aptitudes linguistiques. Le demandeur soutient qu'il aurait obtenu suffisamment de points d'appréciation pour pouvoir immigrer au Canada si l'agente des visas n'avait pas commis d'erreur lorsqu'elle a évalué ses capacités linguistiques. Compte tenu des résultats obtenus à la suite des examens qu'il a passés au cours de l'entrevue, le demandeur soutient que la décision de l'agente des visas est manifestement déraisonnable.


[12]            Pour ce qui est de sa capacité de communication orale, le demandeur estime que les commentaires de l'agente des visas sont contradictoires et illogiques. D'un côté, l'agente des visas mentionne que le demandeur éprouve « de la difficulté à communiquer » . D'un autre côté, elle note qu'ils « ont communiqué pendant l'entrevue » . Le demandeur soutient que, compte tenu des critères énumérés à l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, si l'agente des visas avait jugé qu'il parlait « avec difficulté » , il aurait dû obtenir zéro point, et non pas les deux points qui lui ont été accordés. Selon le demandeur, cet élément montre que l'agente des visas a pris une décision arbitraire. En outre, le demandeur soutient que les notes du STIDI montrent qu'il était en mesure de participer à une discussion portant sur des aspects complexes et techniques de son travail, ainsi que sur des sujets de nature générale. Le demandeur soutient que cela montre qu'il est capable de parler et de comprendre « avec à peu près la même facilité qu'un locuteur natif qui s'exprime bien » , ce qui correspond à la description d'une personne qui parle couramment une langue, selon le Guide d'évaluation linguistique annexé au chapitre OP 5 du Guide de l'immigration, Traitement des demandes à l'étranger.

[13]            Pour ce qui est de l'exercice écrit, le demandeur soutient qu'il n'existe aucune base raisonnable permettant à l'agente des visas de lui attribuer la mention « avec facilité » plutôt que « couramment » , pour ce qui est de ses capacités linguistiques. D'après le dossier, l'agente des visas n'a trouvé aucune erreur dans la réponse fournie par le demandeur. L'agente des visas n'a pas non plus mentionné dans son affidavit qu'elle avait trouvé des erreurs. En outre, au cours de son réinterrogatoire au sujet de son affidavit, l'agente des visas a déclaré qu'elle évalue l'examen écrit en se basant sur les erreurs d'orthographe et grammaticales et en vérifiant si la réponse se rapporte à la question posée. Étant donné qu'il n'y avait pas d'erreur dans sa réponse et compte tenu du critère utilisé par l'agente des visas pour évaluer l'examen écrit, le demandeur soutient qu'il n'existait aucune raison de lui accorder la mention « avec facilité » plutôt que « couramment » .


[14]            Enfin, pour ce qui est du test de compréhension écrite, le demandeur soutient que la question à laquelle il aurait fourni une réponse inexacte était ambiguë et incomplète. Dans l'article remis au demandeur concernant le TTC, on mentionnait sous la rubrique « Tickets ou jetons » , « il est plus économique et plus pratique d'acheter des tickets et des jetons que de payer en monnaie à chaque voyage » . Plus loin dans l'article, sous la rubrique « Comment épargner » , on pouvait lire « si vous voyagez beaucoup, il est encore plus économique d'acheter une carte d'abonnement » . En réponse à la question « est-il plus économique d'acheter des jetons et des tickets ou une carte d'abonnement » , le demandeur a répondu « il est plus économique d'acheter des jetons et des tickets que d'acheter une carte d'abonnement » . L'agente a indiqué que cette réponse était inexacte. Le demandeur soutient que la question ne précisait pas la fréquence des voyages, ni une période quelconque et que la question était, par conséquent, incomplète et ambiguë. Il soutient que, compte tenu de la teneur de l'article et de la question posée, sa réponse était exacte.

[15]            D'une façon générale, le défendeur soutient que l'agente des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi, conformément aux principes de la justice naturelle, et sans se fonder sur des considérations étrangères ou non pertinentes. Le défendeur estime que l'agente des visas a mesuré les aptitudes linguistiques du demandeur de façon objective, conformément au Guide d'évaluation linguistique. Par conséquent, la Cour ne devrait pas s'ingérer dans l'exercice qu'a faite l'agente des visas de son pouvoir discrétionnaire. Le défendeur s'appuie sur la déclaration suivante du juge Dubé dans Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1080, au paragraphe 5 :

L'agente des visas est dans une bien meilleure position que la Cour pour apprécier la qualité de la langue d'un demandeur et, en l'absence de mauvaise foi de la part de l'agente des visas, la Cour doit traiter sa décision avec toute la déférence requise.


[16]            En réponse aux affirmations précises du demandeur, le défendeur soutient que le fait que l'entrevue ait été entièrement menée en anglais ne veut pas nécessairement dire que le demandeur parle « avec à peu près la même facilité qu'un locuteur natif qui s'exprime bien » . En outre, il n'existe aucune raison permettant de mettre en doute la déclaration que l'agente des visas a faite sous serment selon laquelle le demandeur s'exprimait avec difficulté.

[17]            Le défendeur soutient que l'article utilisé pour tester la compréhension écrite du demandeur était rédigé dans un anglais facile à comprendre. Le défendeur soutient que la question dont il s'agit n'était ni ambiguë ni incomplète et qu'elle appelait une réponse plus complète qui aurait reflété une meilleure compréhension du texte.

[18]            Pour ce qui est de l'examen écrit, le défendeur qualifie la réponse du demandeur de rapport de base concernant la situation de travail du demandeur. Selon le défendeur, cela correspond à la description que donne le Guide d'évaluation linguistique d'un demandeur qui peut écrire, « avec facilité » , mais cela ne montre pas que le demandeur « maîtrise l'écrit dans n'importe quel contexte » , comme le définit ce Guide sous la rubrique « couramment » . En outre, le défendeur note que la réponse était incomplète et brève. Le défendeur soutient qu'il était loisible à l'agente des visas de juger que le demandeur écrivait « avec facilité » .

[19]            Je ne peux retenir l'argument du demandeur selon lequel il y a lieu d'écarter la conclusion à laquelle l'agente des visas est arrivée au sujet de sa capacité d'expression, parce qu'elle n'est pas logique. J'estime que le demandeur a pris hors contexte l'observation de l'agente des visas selon laquelle il « éprouvait de la difficulté à communiquer » . Il ressort clairement des notes du STIDI que cela ne constituait qu'un des facteurs dont l'agente des visas a tenu compte pour évaluer la capacité d'expression orale du demandeur. Elle a également tenu compte du fait qu'il a été en mesure de communiquer en anglais pour les fins de l'entrevue. Considérées dans son contexte, les remarques de l'agente des visas ne sont pas contradictoires.


[20]            Je n'accepte pas non plus l'argument du demandeur selon lequel il aurait dû obtenir la mention « couramment » pour son anglais parlé, étant donné qu'il était en mesure de participer à une discussion portant sur des aspects techniques et complexes de son travail ainsi que sur des sujets de nature générale. Le Guide d'évaluation linguistique ne lie pas les agents des visas; il vise à leur fournir des conseils pour uniformiser l'évaluation des demandeurs. Le Guide décrit le demandeur qui parle « couramment » comme étant celui qui « parle et comprend avec à peu près la même facilité qu'un locuteur natif qui s'exprime bien » . Celui qui parle « avec facilité » « ... peut comprendre et communiquer efficacement sur des sujets généraux variés » . Les notes du STIDI appuient les affirmations du demandeur au sujet des aspects abordés au cours de l'entrevue, mais ce seul fait ne veut pas dire que le demandeur possède une capacité de s'exprimer comparable à celle d' « un locuteur natif qui s'exprime bien » . Je suis d'accord avec le juge Dubé, lorsqu'il affirme, en particulier au sujet de l'expression orale, qu'un agent des visas est beaucoup mieux placé que la Cour pour évaluer les aptitudes linguistiques d'un demandeur. En l'espèce, le demandeur n'a pas fourni de raisons permettant de mettre en doute l'exactitude de la déclaration faite sous serment par l'agente des visas selon laquelle le niveau du demandeur en matière d'expression orale n'était pas le niveau d'un locuteur qui parle « couramment » , comme cela était mentionné dans sa demande. Compte tenu des observations de l'agente des visas et de la description des niveaux d'aptitude du Guide d'évaluation linguistique, il ne m'est pas possible de conclure que l'agente des visas a commis une erreur dans l'évaluation de la capacité d'expression orale du demandeur.

[21]            Pour ce qui est de l'évaluation de la compréhension écrite, je ne suis pas convaincue que la question posée était incomplète ou ambiguë. L'article que devait lire le demandeur fournissait des renseignements généraux sur le système de la TTC, les horaires, les modalités de paiements et les transferts. Dans l'article, la seule information se rapportant à cette question était que la carte d'abonnement était un choix moins coûteux que les jetons ou les tickets pour les personnes qui voyageaient beaucoup. Compte tenu de la teneur de l'article, cette question permet de savoir si le lecteur comprend que le choix de la solution la moins coûteuse dépend du nombre des déplacements. Dans ce contexte, la question n'est ni incomplète, ni ambiguë. Elle exige simplement une réponse qui reflète la compréhension du lien entre le coût et le nombre des voyages. Compte tenu de l'information fournie et à partir de laquelle on testait la compréhension écrite du demandeur, sa réponse était incomplète. J'estime que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur susceptible d'être révisée dans cette partie de son évaluation.


[22]            Enfin, le Guide d'évaluation linguistique décrit un demandeur qui écrit « couramment » comme étant celui qui « maîtrise l'écrit dans n'importe quel contexte » . La description de la mention « avec facilité » correspond à un demandeur qui « peut écrire un compte rendu ou un exposé sommaire portant sur ses études, son travail ou ses antécédents sociaux » . Dans ses notes du STIDI et dans l'affidavit de l'agente des visas, celle-ci n'offre aucun élément justifiant l'attribution de la mention « avec facilité » . Je reconnais que la réponse qu'a fournie le demandeur à l'examen portant sur sa capacité d'expression écrite montre qu'il est en mesure d'écrire au moins au niveau correspond à la mention « avec facilité » . Cependant, l'évaluation de ces aptitudes linguistiques vise à déterminer si l'autoévaluation qu'a faite le demandeur dans sa demande reflète avec exactitude ses capacités linguistiques. En l'espèce, le demandeur a déclaré dans sa demande qu'il était en mesure d'écrire couramment. Compte tenu de la nature de la question qui lui avait été posée, je ne suis pas convaincue qu'elle lui a donné la possibilité de montrer qu'il « maîtris[ait] l'écrit dans n'importe quel contexte » . Cependant, cela dit, même si le demandeur avait obtenu trois points d'appréciation pour ses aptitudes écrites, il n'aurait pas obtenu suffisamment de points d'appréciation pour obtenir un visa de résident permanent.

[23]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n'a soumis de question à certifier.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.        La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.        Aucune question n'est certifiée.

                                                                             « Dolores M. Hansen »            

                                                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                    IMM-3601-01

INTITULÉ :                   Xin Chen c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 25 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Madame le juge Dolores M. Hansen

DATE DES MOTIFS :                                     le 15 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Rudolf Kischer                                                     POUR LE DEMANDEUR

Pauline Anthoine                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rudolf Kischer                                                     POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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