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Date : 20030602

Dossier : IMM-2669-02

Référence : 2003 CFPI 694

ENTRE :

                                            SITHAMPARAPILLAI THARMASEELAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

[1]                 Sithamparapillai Tharmaseelan (le demandeur) est un homme marié âgé de 51 ans originaire du Sri Lanka et appartenant à l'ethnie des Tamouls. Il a revendiqué sans succès le statut de réfugié au Royaume-Uni et au Canada. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, il cherche à renverser la décision d'une agente d'immigration rendue en date du 28 mai 2002 (la décision) lui refusant l'autorisation de déposer une demande de résidence permanente au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire, tel que prévu au paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi).


Les faits pertinents

[2]                 Le 20 février 2002, l'agente de révision des revendications refusées (l'agente de révision) a déposé un rapport d'évaluation des risques défavorable concernant la demande de résidence permanente pour raisons d'ordre humanitaire du demandeur (l'évaluation des risques). Le même jour, l'évaluation des risques a été transmise à l'avocat du demandeur pour commentaire.

[3]                 Par lettre du 5 mars 2002, l'avocat du demandeur a formulé 11 pages d'observations sur l'évaluation des risques (les observations de l'avocat). En particulier, l'avocat critiquait le fait que l'agente de révision n'avait apparemment pas tenu compte d'un courrier important qui faisait partie de la preuve dont elle disposait au moment où elle a préparé l'évaluation des risques. Il s'agit d'une lettre du 15 juillet 1999 de M. Saravana Navaratnam (la lettre de l'avocat) dans laquelle ce dernier indique qu'il connaît le demandeur depuis plusieurs années et qu'il a personnellement eu connaissance de certains des événements au Sri Lanka qui ont poussé le demandeur à quitter le pays. M. Navaratnam précise qu'un homme appelé Mahathaya a été le député en chef des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET) et que ce dernier a été exécuté par le chef du TLET car on le soupçonnait de connivence avec l'armée indienne. Ce fait serait pertinent parce que l'épouse du demandeur serait la soeur de la veuve de Mahathaya.

[4]                 Dans la lettre de l'avocat, il est également question de trois articles publiés dans le Sri Lanka Monitor où on affirme que certains Tamouls qui sont retournés à Colombo entre décembre 1998 et février 1999 ont été victimes de détention arbitraire et de meurtres. En conclusion, M. Navaratnam souligne que la sécurité du demandeur serait menacée s'il retournait au Sri Lanka.

[5]                 Sur réception des observations de l'avocat, l'agente d'immigration les a transmises à l'agente de révision qui avait préparé l'évaluation des risques. Cette dernière fit parvenir à l'agente d'immigration une réponse sous forme de mémoire en date du 13 mars 2002 (réponse de l'agente de révision).

[6]                 Dans sa réponse, l'agente de révision indique qu'elle a examiné les observations de l'avocat mais qu'elle maintient son évaluation des risques défavorable. Elle ajoute qu'elle a pris connaissance de la lettre de l'avocat au moment où elle a préparé son évaluation des risques mais qu'elle l'a écartée au motif qu'il ne s'agit pas d'une preuve objective établissant que l'épouse du demandeur est la soeur de la veuve de M. Mahathaya.


[7]                 Dans sa réponse, l'agente de révision mentionne également la réponse à la demande d'information de la CISR n ° LKA 37900 en date du 10 décembre 2001. Ce document fait partie de la liste des documents de référence à l'appui de l'évaluation des risques. Elle fait également état de renseignements corroborant la réponse à la demande d'information et qui ont été recueillis dans le cadre d'une entrevue avec un magistrat et le directeur du département des enquêtes criminelles de la police du Sri Lanka, début octobre 2001. J'en ai déduit que ces entrevues, qui n'étaient pas mentionnées dans la liste des documents de référence de l'évaluation des risques, font partie de la réponse à la demande d'information. Les deux hommes interrogés ont affirmé que le demandeur ne serait pas exposé à des risques graves s'il retournait au Sri Lanka avec son passeport sri lankais valide.

Les questions en litige

[8]                 Bien que plusieurs questions aient été soulevées, j'examinerai seulement celles qui, à mon avis, seraient susceptibles d'ouvrir droit à la présente demande.

Il s'agit des questions suivantes :

1.         L'agente de l'immigration était-elle obligée de vérifier l'état de la revendication du statut de réfugié déposée par le fils du demandeur?

2.         Le défendeur était-il tenu de communiquer au demandeur la réponse de l'agente de révision?

3.         L'agente de révision était-elle obligée de fournir des motifs plus exhaustifs pour justifier son rejet de la lettre de l'avocat?

Le fils du demandeur


[9]                 Le demandeur soutient que l'agente d'immigration était au courant de la revendication du statut de réfugié déposée par son fils et qu'apparemment, l'état de cette demande revêtait une certaine importance à ses yeux puisqu'elle s'est donné la peine d'essayer de retrouver le nom de son fils à l'ordinateur. Toutefois, puisqu'elle ne l'a pas trouvé en utilisant le nom de famille du demandeur, elle aurait commis une erreur en ne faisant aucune autre tentative pour connaître l'état de la demande de son fils. Par exemple, elle n'a pas appelé l'avocat du demandeur afin d'obtenir le numéro de dossier de son fils.

[10]            Le demandeur fait en outre valoir que cette erreur est déterminante parce que si l'agente avait su que son fils était sur le point d'obtenir son statut de résident, lui permettant ainsi de parrainer son père, l'agente aurait peut-être décidé d'accueillir la demande de résidence permanente pour raisons d'ordre humanitaire puisque de toutes les manières, le demandeur aurait fini par obtenir le statut de résident au Canada.

[11]            À mon avis, l'agente d'immigration n'a pas commis d'erreur. Il serait illogique d'affirmer qu'un agent d'immigration est obligé de prendre des initiatives et d'actualiser les faits susceptibles d'appuyer la demande de résidence pour raisons d'ordre humanitaire alors qu'il n'est même pas tenu de rencontrer un demandeur de résidence permanente pour raisons d'ordre humanitaire. Si le demandeur en l'espèce ou son avocat croyait que la décision favorable relative à la revendication de statut de réfugié du fils était pertinente à la demande de résidence pour raisons d'ordre humanitaire déposée par le demandeur, il lui appartenait de communiquer ce renseignement à l'agente d'immigration.


La réponse de l'agente de révision

[12]            Bien que la réponse de l'agente de révision n'ait pas été rédigée dans la forme habituellement utilisée pour les rapports d'évaluation des risques, le demandeur affirme que sur le fond, il s'agit d'une nouvelle décision qui soulève de nouvelles questions. Plus particulièrement, le demandeur affirme que les conclusions tirées des entrevues au Sri Lanka ne sont pas fiables parce qu'elles proviennent de sources étatiques, qu'elles n'ont pas été spécifiquement mentionnées dans le rapport d'évaluation des risques et que l'équité et les principes de justice naturelle exigent que le demandeur reçoive une copie de la réponse de l'agente de révision et qu'il ait la possibilité d'y répondre.

[13]            Pour sa part, le défendeur estime que la réponse de l'agente de révision n'est rien d'autre qu'une réponse de politesse aux observations de l'avocat et une mise à jour sur le récent accord de paix. Il affirme que l'obligation de divulgation ne peut être étendue à la réponse de l'agente de révision aux observations formulées par l'avocat du demandeur concernant l'évaluation des risques.


[14]            À mon avis, la réponse de l'agente de révision ne constituait pas une nouvelle évaluation des risques. Il apparaît clairement du libellé de ce document que la seule question qu'elle n'avait pas examiné dans le premier rapport était l'accord de paix nouvellement signé. Sa description de l'accord indique également que plusieurs de ses dispositions n'ont pas encore été mises en oeuvre. Dans les circonstances, il ne serait pas raisonnable de conclure que l'agente de révision s'est appuyée sur ce tout nouvel accord de paix pour justifier son évaluation des risques. La réponse de l'agente de révision se voulait seulement une réponse aux observations de l'avocat du demandeur et une mise à jour sur les événements largement médiatisés qui se sont déroulés au Sri Lanka. C'est pourquoi il n'était pas nécessaire de la lui communiquer.

Motifs du rejet de la lettre de l'avocat

[15]            La lettre de l'avocat n'est pas spécifiquement mentionnée dans le rapport d'évaluation des risques même si, selon les observations de l'avocat, elle figurait au dossier de l'agente de révision. L'évaluation des risques traite cependant de l'objet de cette lettre dans le passage suivant :

[Traduction] Bien que le demandeur prétende être lié à l'ancien député en chef de TLET, Mahathaya (également connu sous le nom de Mahendrarajah), il n'existe pas suffisamment d'éléments de preuve objectifs pour établir ce lien. L'épouse du demandeur et celle de l'ancien député en chef Mahathaya seraient des soeurs. La preuve documentaire confirme que Mahathaya a été exécuté pour avoir comploté contre le chef du TLET, Prabakaran. Cependant, la preuve péremptoire est insuffisante pour conclure que le TLET ou le gouvernement s'intéresse aux faits et gestes du demandeur ou veut lui porter atteinte. Cette constatation est renforcée par le fait que l'épouse et les enfants du demandeur ont continué à résider au nord du Sri Lanka sans que leurs liens présumés avec Mahathaya ne leur aient causé de problème. De plus, la source qui menaçait le demandeur n'existe plus, ce qui indique, à mon avis, que les craintes du demandeur en raison de ses liens familiaux avec Mahathaya sont surtout de nature subjective.

[16]            Dans ses observations, l'avocat décrit la lettre de l'avocat comme un élément crédible corroborant, notamment, le fait que l'épouse du demandeur est la soeur de la veuve de Mahathaya.


[17]            Dans sa réponse, l'agente de révision souligne ce qui suit :

[Traduction] Par conséquent, une lettre provenant d'un avocat à l'étranger est une preuve dont on peut tenir compte; à mon avis toutefois, il ne s'agit pas d'un document objectif établissant les relations entre des individus, soit en l'espèce entre le demandeur et un chef rebelle par l'intermédiaire de leur épouse respective. Bien que cette question soit déjà traitée dans le rapport, j'aimerais affirmer encore une fois que le chef rebelle est décédé. Je voudrais également souligner que l'épouse du demandeur, qui serait la soeur présumée de la veuve de ce chef rebelle, continue à vivre au nord du Sri Lanka. Ni l'avocat, ni le demandeur ne m'ont fourni de preuve convaincante expliquant pourquoi c'est le demandeur et non son épouse ou tout autre membre de la famille proche qui serait exposé à des risques en raison de ce lien.

[18]            L'agente de révision a peut-être commis une erreur en décrivant l'avocat comme un avocat à l'étranger. Il est peut-être membre du Barreau en Ontario mais même l'avocat du demandeur le décrit comme un avocat anglais. En tout état de cause, j'estime que cette distinction n'est pas essentielle. Peu importe que l'avocat soit ou non membre du Barreau en Ontario, ses observations ne peuvent être considérées comme une preuve indépendante parce qu'il connaissait le demandeur depuis de nombreuses années. À mon avis, cette explication était suffisante.

Certification d'une question à trancher en appel


[19]            Dans un retournement de situation plutôt inattendu, l'avocat du demandeur a laissé entendre que le procureur souhaitait peut-être demander une certification sur la question de savoir si l'obligation de divulguer le rapport d'évaluation des risques imposée par la Cour d'appel fédérale dans Haghighi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 407, s'étendait aux réponses que peuvent faire les agents de révision après avoir examiné les observations de l'avocat concernant l'évaluation des risques.

[20]            L'avocat du défendeur a demandé un délai de réflexion avant de transmettre par télécopieur à la Cour des arguments écrits indiquant qu'il ne souhaitait pas proposer de soumettre la question visée à une procédure de certification.

Conclusion

[21]            Pour tous ces motifs, la Cour ordonne que la demande de contrôle judiciaire du demandeur soit rejetée.

                « Sandra J. Simpson »          

JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 2 juin 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               IMM-2669-02

INTITULÉ :                             SITHAMPARAPILLAI THARMASEELAN

                                                                                                  demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE MARDI 20 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE SIMPSON

DATE :                                      LE LUNDI 2 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

                                                   Barbara Jackman          

                                                                             pour le demandeur

Jamie Todd

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                                                   Barbara Jackman

Avocate

(Toronto) Ontario

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       Date : 20030602

                        Dossier : IMM-2669-02

ENTRE :

SITHAMPARAPILLAI THARMASEELAN

                                                demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                défendeur

                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                            


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