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Date : 20030515

Dossier : T-1847-00

Référence : 2003 CFPI 611

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 MAI 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUC MARTINEAU

ENTRE :

                                                              MORRIS BONDS

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                SUZUKI CANADA INC. et HACHETTE FILIPACCHI

MAGAZINES, INC., éditrice du CAR & DRIVER MAGAZINE

                                                                                                                                    défenderesses

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Les défenderesses, Hachette Filipacchi Magazines Inc. (Hachette) et Suzuki Canada Inc. (Suzuki Canada), présentent chacune une requête en jugement sommaire à l'encontre du demandeur et demandent que toutes les prétentions de la déclaration du demandeur (la déclaration) soient rejetées au motif qu'il n'existe aucune véritable question litigieuse à instruire. Suzuki Canada est une filiale en propriété exclusive de Suzuki Motor Corporation, société japonaise (Suzuki Japon).


[2]                Le demandeur a signifié sa déclaration aux défenderesses le 19 octobre 2000 ou vers cette date :

a)          Le demandeur allègue que Suzuki Canada est responsable à son endroit de violation du droit d'auteur, de manquement à son obligation fiduciaire et de violation de contrat en raison de la fabrication et de la vente au Canada du véhicule Suzuki X90, que le demandeur affirme être une reproduction de ses dessins et/ou aquarelles, plaidés dans la déclaration et joints à celle-ci aux annexes A, B et C (ci-après les dessins du demandeur).

b)          Le demandeur cherche également à obtenir des dommages-intérêts pour violation du droit d'auteur de la part de Hachette, éditrice du Car and Driver Magazine, qui a publié une photographie du véhicule Suzuki X90 sur la couverture de l'édition de mai 1995 du magazine (annexe D de la déclaration).

[3]                Suzuki Canada et Hachette ont déposé leur défense en novembre et décembre 2000 respectivement et s'opposent à la demande de réparation du demandeur.

[4]                En l'espèce, la question en litige est de savoir si une ordonnance de jugement sommaire doit être rendue contre le demandeur, rejetant toutes les prétentions de la déclaration au motif qu'elles ne soulèvent aucune véritable question litigieuse à instruire.

[5]                Le critère en fonction duquel il faut décider si une requête en jugement sommaire doit être accueillie à l'encontre d'une partie, est exposé dans la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. (1re inst.), [1996] 2 C.F. 853 aux pages 859 et 860 (1re inst.) (Granville Shipping), qui établit ce qui suit :

1.         Ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire.

2.         Il n'existe pas de critère absolu et il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès.

3.         Chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien.

4.         Les règles de pratique provinciales peuvent faciliter l'interprétation.


5.         La Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit dans le cadre d'une requête en jugement sommaire si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire.

6.         Le tribunal ne peut pas rendre un jugement sommaire si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire.

7.         Lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès. L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher.


[6]                À cet égard, dans une requête en jugement sommaire, il incombe à l'intimé de s'acquitter du fardeau de la preuve consistant à établir l'existence d'une véritable question litigieuse à instruire et au requérant d'établir les faits nécessaires à l'obtention du jugement sommaire (voir la décision Inhesion Industrial Co. c. Anglo Canadian Mercantile Co. (2000), 6 C.P.R. (4th) 362 (C.F. 1re inst.) (Inhesion Industrial) et l'arrêt Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), [1995] 3 C.F. 68 (C.A.F.) (Feoso)). Dans une requête en jugement sommaire, les deux parties doivent présenter leurs meilleurs arguments; le requérant doit présenter la preuve qu'il croit la plus susceptible de convaincre la Cour qu'il est opportun de rendre un jugement sommaire en sa faveur et l'intimé doit aussi avancer sa meilleure preuve (voir la décision Inhesion Industrial, précitée, au paragraphe 19; l'arrêt Feoso, précité et la décision F. von Langsdorff Licensing Limited c. S.F. Concrete Technology, Inc., [1999] A.C.F. n º 526 (C.F. 1re inst.)).

[7]                De plus, l'article 215 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit que la réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant, mais doit énoncer les faits précis établissant l'existence d'une véritable question litigieuse.

[8]                Enfin, il n'y a pas lieu de refuser un jugement sommaire dès qu'on laisse entendre que d'autres éléments de preuve pourraient être présentés au procès. L'intimé a l'obligation d'aller au-delà des hypothèses. Encore une fois, la présente Cour a l'obligation d'examiner attentivement le bien-fondé de l'action dès cette étape préliminaire (voir la décision Pawar c. Canada (1re inst.), [1999] 1 C.F. 158 à la page 170 (1re inst.), confirmée (1999), 247 N.R. 271 (C.A.F.)).

[9]                Suzuki Canada affirme qu'il n'y a pas de question litigieuse à instruire au procès pour les motifs suivants :


a)          Elle n'a pas fait la conception du véhicule, n'est responsable d'aucune de ses caractéristiques techniques et n'a pas produit le véhicule. Elle avait et a toujours la responsabilité de la distribution du produit, du service et/ou des ventes au Canada, notamment du véhicule visé à l'époque où il a été distribué et vendu au Canada.

b)          Dans l'hypothèse où le demandeur aurait conçu un nouveau type d'automobile ou de véhicule, en 1987 ou à un autre moment, les caractéristiques plaidées dans la déclaration ne sont pas originales, nouvelles ou inventives et elles n'ont pas de caractère confidentiel pour le demandeur ou ne sont pas sa propriété exclusive.

c)          Il n'y a pas eu reproduction du dessin du véhicule Slear du demandeur, comme le prétend la déclaration, notamment dans les dessins présentés par Suzuki Canada (c'est-à-dire les pièces A, B, C, D et E jointes à l'affidavit de Beryl Green) et par conséquent Suzuki Canada ne porte atteinte à aucun droit du demandeur, comme l'affirme la déclaration.

d)          Quel que soit le droit d'auteur dont le demandeur pourrait être le titulaire, il ne peut faire valoir ce droit pour la production d'un objet utilitaire, comme le véhicule visé, et il n'a pas non plus fait valoir de dessin industriel enregistré ou de brevet.


e)          Le véhicule a été vendu au Canada à partir de 1995 et le délai de prescription pour une action en violation du droit d'auteur est expiré.

f)           Le demandeur a tardé à intenter son action contre Suzuki Canada et a consenti à l'importation, à la distribution et à la vente du véhicule au Canada.

g)          Suzuki Canada et le demandeur n'ont jamais passé de contrat.

h)          Suzuki Canada décline toute responsabilité à l'égard de la couverture du numéro de mai 1995 du Car and Driver Magazine.

i)           Suzuki Canada n'est tenue par aucune obligation fiduciaire à l'endroit du demandeur.

j)           La Cour fédérale du Canada n'a pas compétence pour accorder des réparations concernant des allégations de violation de contrat ou d'une obligation fiduciaire.

[10]            Hachette soutient que la déclaration ne soulève aucune question litigieuse à instruire en raison des motifs suivants, notamment :

a)          le demandeur n'est pas titulaire du droit d'auteur allégué;

b)          Hachette n'a pas eu accès aux dessins du demandeur;


c)          la page couverture du magazine n'est pas une copie des dessins du demandeur.

[11]            En l'espèce, je suis persuadé qu'il n'existe pas de question litigieuse à instruire. En outre, en me fondant sur l'ensemble de la preuve produite par les parties, je suis en mesure d'établir les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit soulevées dans la procédure.

[12]            Le demandeur, M. Morris Bonds, a conçu l'automobile Slear en 1987 et par la suite, le 13 octobre 1987 ou vers cette date, a commandé à un artiste local de produire deux aquarelles conceptuelles du véhicule dans des décors d'été et d'hiver.

[13]            Le 19 août 1989, le demandeur a écrit à Suzuki Canada pour lui offrir une licence en contrepartie de redevances et a aussi offert de lui envoyer des copies des spécifications et des dessins du véhicule.

[14]            Le 25 septembre 1989, Brigitte Simon, directrice des ventes au groupe des produits récréatifs de Suzuki Canada, a répondu à la lettre du demandeur. Mme Simon a demandé des dessins ou des photos et le mémoire descriptif du brevet du véhicule Slear. Le demandeur a accédé à la demande et envoyé des dessins, aquarelles et les spécifications du véhicule Slear le 1er octobre 1989.

[15]            En 1992, quelque trois ans après l'envoi de ces documents, n'ayant eu aucune nouvelle de Suzuki Canada, le demandeur a appelé Mme Simon. Au cours de la conversation, Mme Simon a informé le demandeur que les documents qu'il avait fournis avaient ensuite été transmis au siège social de Suzuki au Japon. Dans une conversation téléphonique ultérieure, Mme Simon a confirmé au demandeur que les plans avaient été reçus au Japon. Il s'agit là du dernier échange du demandeur avec Suzuki Canada. Le demandeur n'a jamais eu de contact avec Suzuki Japon.

[16]            Le véhicule Suzuki X90 a été lancé sur le marché au Japon par Suzuki Japon en avril 1994. Ce véhicule Suzuki X90 fabriqué par Suzuki Japon a été introduit au Canada en 1995 par Suzuki Canada. Suzuki Canada et les concessionnaires Suzuki autorisés ont activement fait l'annonce et la promotion du véhicule Suzuki X90 au Canada, notamment au Nouveau-Brunswick, à l'égard du modèle de l'année 1995 et des modèles ultérieurs.

[17]            Le Suzuki X90 est paru en page couverture du numéro de mai 1995 du Car and Driver Magazine, publication de Hachette.

[18]            Hachette n'a jamais été reliée à Suzuki Canada d'une manière quelconque ou sous son contrôle. De plus, le demandeur n'a jamais eu d'échange avec Hachette.

[19]            Depuis 1998, Suzuki Canada n'importe plus, ne distribue plus ou ne vend plus au Canada le nouveau modèle des véhicules Suzuki X90 et toutes les ventes de véhicules Suzuki X90 au Canada ont eu lieu entre 1995 et 1998.

[20]            Contrairement aux observations faites par le demandeur, il n'existe pas de questions de crédibilité sérieuses et critiques qui exigent d'être examinées par le juge du procès. En l'espèce, le demandeur a choisi de ne pas contre-interroger les témoins des défenderesses au sujet de leurs affidavits, que j'accepte en preuve dans les circonstances. De plus, le demandeur a choisi de ne produire aucune contre-expertise. L'avocat du demandeur a annoncé à l'audience que son client pourrait envisager la possibilité de présenter un témoignage d'expert au procès. Toutefois, il n'y a pas moyen de savoir actuellement de quelle manière ce témoignage d'expert à venir pourrait différer des témoignages d'experts actuels, qui suggèrent clairement qu'il n'y a absolument aucun fondement permettant de considérer le véhicule Suzuki X90 comme issu d'une copie du véhicule Slear présenté dans la déclaration ou même comme un véhicule présentant une vague ressemblance avec le Slear (sous réserve des caractéristiques génériques d'une automobile).

[21]            Par conséquent, j'ai décidé d'accueillir la requête en jugement sommaire et de rejeter toutes les prétentions de la déclaration. Je traiterai d'abord la question principale, soit l'atteinte illicite au droit d'auteur portée par les défenderesses.

[22]            Il est bien établi dans la jurisprudence que la bonne approche en cette matière est de comparer les similitudes entre les deux oeuvres. Pour constituer une copie ou une imitation de collaboration, l'oeuvre améliorée doit présenter un degré de similitude tel qu'il conduirait une personne à croire que l'une est une copie ou une reproduction de l'autre, ayant emprunté l'essentiel de ses caractéristiques et de sa substance.

[23]            Au terme d'un examen attentif de la preuve visuelle présentée par les parties, notamment les annexes A, B, C et D de la déclaration et les pièces A, B, C, D et E de l'affidavit de Beryl Green, j'en suis venu à la conclusion que ce n'est manifestement pas le cas. Le Slear est présenté dans les dessins du demandeur comme un véhicule élancé à suspension basse qui ressemble plutôt à un chasseur à réaction (vue latérale). Il se caractérise essentiellement, vu de l'arrière et de profil, par des courbes élégantes. Ces caractéristiques faciles à distinguer sont manifestes quand on examine le [traduction] « concept préliminaire - véhicule nautique de Bonds » (annexe A de la déclaration). Par comparaison, le véhicule Suzuki X90, vu de profil, se rapproche par ses caractéristiques visuelles d'un modèle de coupé deux portes, n'est pas aérodynamique ou élancé, dispose de portes pour les passagers, n'a pas de toit ouvrant, ni de longues surface courbes dans son allure générale et constitue une structure en forme de boîte dotée de surfaces latérales à forte inclinaison.


[24]            De plus, la prétention du demandeur alléguant la contrefaçon de la part de Hachette n'est pas justifiée, car le demandeur est incapable d'établir que le véhicule Suzuki X90 est une copie ou une imitation du véhicule Slear du demandeur. Par conséquent, la page couverture du numéro de mai 1995 du Car and Driver Magazine (annexe D de la déclaration) ne peut être une copie ou une imitation parce qu'elle est une photographie du véhicule Suzuki X90. En outre, un simple examen visuel révèle des différences importantes entre la couverture du magazine de Hachette et les deux aquarelles déposées par le demandeur. L'une des aquarelles représente un véhicule du type « motoneige » dans un décor hivernal (annexe C de la déclaration) et ne montre absolument aucune ressemblance avec la page couverture de Hachette. L'autre aquarelle (annexe A de la déclaration), mis à part le sujet commun qui est du domaine public, c'est-à-dire une voiture et des personnes sur une plage, présente également des différences importantes avec la page couverture de Hachette, dans l'arrière-plan et la conception d'ensemble, dans la nature des oeuvres artistiques (une aquarelle en regard d'une photographie), dans le nombre et la position des personnages, dans les couleurs, etc.

[25]            Ces seuls motifs justifieraient le rejet de la prétention de contrefaçon du demandeur à l'encontre des deux défenderesses. Cependant, je note également que le demandeur n'a pas déposé ses éléments de preuve les meilleurs à l'appui de l'allégation portant qu'il est le titulaire du droit d'auteur sur les deux aquarelles. Le demandeur n'est pas l'artiste qui a réalisé les deux aquarelles et, par conséquent, ne peut prétendre être le premier titulaire du droit d'auteur allégué à l'égard de ces oeuvres (Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, paragraphe 13(1)). La preuve de la cession produite par le demandeur n'est pas concluante, car elle est postérieure à la publication du numéro de mai 1995 du Car and Driver Magazine.


[26]            Enfin, je note également que la déclaration allègue que les principales caractéristiques de la conception du Slear, représentées à l'annexe A de la déclaration, comportent notamment les éléments suivants :

a)          l'ouverture du toit pour l'accès et la sortie;

b)          l'arceau de sécurité;

c)          les deux places (véhicule sport);

d)          la conception du véhicule pour des déplacements sur terre, sur voies d'eau non gelées ou gelées ainsi que sur surfaces pavées ou non pavées;

e)          la petite taille du véhicule;

f)           un [traduction] « moyeu de conversion rapide » qui permet au Slear de se convertir facilement du type automobile ou VTT en motoneige par la substitution de skis aux roues;

g)          l'utilisation à deux ou quatre roues motrices.

[27]            S'agissant de ces grandes caractéristiques, M. Senders, qui a souscrit un affidavit à l'appui de la requête de Suzuki Canada, présente l'opinion suivante :

a)          Le toit ouvrant est une caractéristique fréquente des aéronefs. On a relevé également de nombreux véhicules moteurs dotés de cette caractéristique et dépourvus de portes. Par exemple, le Messerschmitt Kabinroller (vers 1953) était un très petit véhicules à trois roues, deux places et un toit ouvrant sur le côté.


b)          Les arceaux de sécurité sont employés depuis au moins 60 ans dans les véhicules en général, depuis plus de 50 ans dans les voitures de compétition et depuis environ 1966 dans les décapotables vendues dans le commerce.

c)          Les automobiles à deux places sont commercialisées depuis environ 100 ans.

d)          Il existe un grand nombre de véhicules qui sont conçus pour une diversité de terrains et l'unique caractéristique revendiquée en d) est la capacité de rouler sur des [traduction] « voies d'eau non gelées » . Cette caractéristique est apparue à de multiples reprises dans l'histoire de l'automobile. Le « Schwimmwagen » (vers 1943), par exemple, véhicule militaire allemand de la Deuxième Guerre mondiale, possédait cette caractéristique.

e)          Il existe de nombreux véhicules de petite taille. L'Austin-7 par exemple, apparue vers 1929, était un véhicule très petit à quatre roues, deux places, comme le Messerschmitt à trois roues mentionné ci-dessus.

f)           Dans l'hypothèse où les aspects relatifs à la conversion des roues aux skis ont un caractère original, le demandeur n'a fait valoir aucun brevet à cet égard. Quoi qu'il en soit, divers véhicules ont existé qui permettaient cette conversion par l'ajout de skis. On en trouve un exemple relativement récent décrit dans l'article « And Now the Snowcar » de la revue Mechanix Illustrated de décembre 1978.


g)          Les deux ou quatre roues motrices sont courantes dans les véhicules commercialisés depuis 50 ou 60 ans.

h)          La combinaison de toutes ces grandes caractéristiques du Slear ou de plusieurs d'entre elles est connue depuis des décennies dans les véhicules.

[28]            Par conséquent, j'accepte l'opinion de M. Senders selon laquelle chacune des grandes caractéristiques du Slear, comparée aux véhicules inventés dans le passé, considérée individuellement ou en combinaison, n'est pas originale, nouvelle ou inventive et n'a pas de caractère confidentiel pour le demandeur ou n'est pas sa propriété exclusive.

[29]            J'accepte également l'observation des défenderesses qui affirment que le droit d'auteur ne peut être revendiqué à l'égard d'un objet utilitaire tel qu'un véhicule. Je note également que le demandeur n'a pas fait valoir un dessin industriel enregistré ou un brevet et que, de toute façon, le demandeur ne peut obtenir l'enregistrement des dessins en vertu de la Loi sur les dessins industriels, L.R.C. (1985), ch. I-9, modifiée, parce qu'il s'est écoulé plus d'un an depuis la publication du dessin au Canada. Voir la Loi sur le droit d'auteur, précitée, à l'article 64; voir la Loi sur les dessins industriels, précitée, aux paragraphes 4(1) et 6(3).


[30]            Il reste donc les questions de la violation d'une obligation fiduciaire et de la violation du contrat qui ont été spécifiquement soulevées contre Suzuki Canada. Nul ne conteste que la Cour n'a pas compétence pour trancher une question concernant purement et simplement un contrat entre deux parties à moins qu'elle ne soit accessoire à une demande relative à une matière relevant de la compétence de la Cour. Compte tenu de la conclusion que les allégations d'atteinte au droit d'auteur ne soulèvent pas de véritable question litigieuse à instruire, on ne doit pas faire droit aux seules allégations de violation du contrat et de violation d'une obligation fiduciaire et elles ne devraient pas êtres instruites.

[31]            En conclusion, je suis persuadé qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse à instruire à l'égard des allégations de violation du droit d'auteur et des autres prétentions connexes faites par le demandeur dans sa déclaration et que le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un procès. Si j'en étais venu à la conclusion contraire, qu'il existe une véritable question litigieuse à instruire, selon le paragraphe 216(3) des règles, j'aurais néanmoins exercé mon pouvoir discrétionnaire et rejeté toutes les demandes exposées dans la déclaration sur le fondement de l'ensemble de la preuve. Pour les motifs mentionnés précédemment, et pour les raisons supplémentaires présentées par les défenderesses dans leurs exposés des faits et du droit, je conclus également qu'il n'y a pas eu de violation du droit d'auteur par Suzuki Canada ou Hachette, qu'il n'y a jamais eu de contrat passé entre Suzuki Canada et le demandeur et que Suzuki Canada n'avait aucune obligation fiduciaire à l'endroit du demandeur. Par conséquent, je rendrai le jugement sommaire à l'encontre du demandeur et je rejetterai toutes les prétentions de la déclaration visant les défenderesses au motif qu'elles ne soulèvent aucune véritable question litigieuse à instruire.


[32]            Les défenderesses demandent que les dépens soient attribués sur la base avocat-client (ou à titre subsidiaire, dans le cas de Suzuki Canada, qu'ils soient fixés à 70 000 $) et soient payés sans délai. Le tarif B représente un compromis entre l'indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d'une charge excessive à la partie qui succombe. Seuls les cas exceptionnels justifient que la Cour déroge au tarif B : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 84 C.P.R. (3d), 159 F.T.R. 233 (1re inst.). L'attribution des dépens sur la base avocat-client constitue l'exception et s'applique généralement aux situations où l'une des parties a eu une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être national) (2000), 9 C.P.R. (4th) 289, aux paragraphes 7 et 8 (C.A.F.); Amway of Canada Ltd. c. Canada, [1986] 2 C.T.C. 339, aux pages 340 et 341 (C.A.F.); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 à la page 864.


[33]            En l'absence de preuve manifeste d'une conduite répréhensible de la part du demandeur et en l'absence de circonstances exceptionnelles qui justifieraient de déroger au tarif B, je rejette la demande des défenderesses d'attribuer des dépens payables sans délai sur la base avocat-client et la demande subsidiaire de Suzuki Canada de fixer les dépens à 70 000 $. Par conséquent, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, considérant l'ensemble des facteurs pertinents, j'accorde aux deux défenderesses les dépens de la présente action jusqu'à maintenant et des requêtes à l'encontre du demandeur, taxés à l'échelon supérieur de la colonne IV du tarif B. Ce parti se justifie notamment par le volume et la nature du travail exigé en l'espèce et il respecte le principe selon lequel l'attribution des dépens doit représenter un compromis entre l'indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d'une charge excessive à la partie qui succombe.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Les requêtes en jugement sommaire présentées par les défenderesses sont accueillies;

2.          Toutes les prétentions exposées dans la déclaration du demandeur à l'égard des défenderesses sont rejetées au motif qu'elles ne soulèvent aucune véritable question litigieuse à instruire;


3.          Les dépens de l'action jusqu'ici et les dépens relatifs aux requêtes à l'encontre du demandeur sont attribués aux deux défenderesses et seront taxés à l'échelon supérieur de la colonne IV du tarif B.

             « Luc Martineau »      

                         Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1847-00

INTITULÉ :                                        MORRIS BONDS c.

SUZUKI CANADA INC.

et

HACHETTE FILIPACCHI MAGAZINES INC.,

éditrice du CAR & DRIVER MAGAZINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                28 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE : 15 mai 2003

COMPARUTIONS :

Tony S. Richardson                                           POUR LE DEMANDEUR

May Cheng                                                       POUR LA DÉFENDERESSE

(Suzuki Canada Inc.)

Sophie Picard                                                    POUR LA DÉFENDERESSE

(Hachette Filipacchi Magazines, Inc.)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McINNIS COOPER                                        POUR LE DEMANDEUR

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

FASKEN MARTINEAU                                  POUR LA DÉFENDERESSE

DUMOULIN LLP                                            (Suzuki Canada Inc.)

Toronto (Ontario)


DESJARDINS DUCHARME                           POUR LA DÉFENDERESSE

STEIN MONAST                                            (Hachette Filipacchi Magazines, Inc.)

Montréal (Québec)                             


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                         Date : 20030515

                                                   Dossier : T-1847-00

ENTRE :

MORRIS BONDS           

                                                                  demandeur

et

SUZUKI CANADA INC. et HACHETTE FILIPACCHI MAGAZINES, INC., éditrice du CAR & DRIVER MAGAZINE

                                                             défenderesses

                                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                   


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