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Date : 20030410

Dossier : IMM-2340-02

Toronto (Ontario), le jeudi 10 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

ANIL KUMAR KAKKAR

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                     « Carolyn Layden-Stevenson »    

                                                                                                                                                                 Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20030410

Dossier : IMM-2340-02

Référence neutre : 2003 CFPI 421

ENTRE :

                                                            ANIL KUMAR KAKKAR

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Dans une décision datée du 1er mai 2002, un agent d'immigration concluait que la requête présentée par le demandeur en vue d'être dispensé, selon le paragraphe 114(2) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), de l'obligation d'obtenir un visa d'immigrant avant de venir au Canada, ne serait pas accordée au titre de considérations humanitaires. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

[2]                 M. Kakkar, un Hindou de nationalité afghane, est né en 1974. Le 10 janvier 1996, il est arrivé au Canada et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Sa revendication a été refusée et il n'a pas demandé l'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire de cette décision. Il a présenté le 13 novembre 1998 une demande en vue d'être classé comme membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la catégorie DNRSRC). Sa demande a été rejetée. Il a demandé le 30 juin 2000 le droit d'établissement depuis l'intérieur du Canada, en invoquant des considérations humanitaires.

[3]                 La révision pour des raisons d'ordre humanitaire s'est déroulée selon le paragraphe 114(2) de la Loi. Avant de rendre une décision, l'agente chargée des considérations humanitaires a obtenu d'une agente d'évaluation des risques (une agente de révision des revendications refusées) une opinion relative au risque. Le résultat de l'évaluation en la matière a été envoyé au demandeur le 14 mars 2002. Le demandeur a été invité à s'exprimer sur les erreurs ou omissions. Il a répondu par une lettre datée du 27 mars 2002. L'agente de révision, dans une note de service datée du 16 avril 2002 et adressée à l'agente chargée des considérations humanitaires, a estimé, après examen des arguments du demandeur, qu'il n'existait pas une preuve documentaire objective suffisante permettant de conclure que le demandeur serait exposé en Afghanistan à un risque personnalisé objectivement reconnaissable. Après examen de tous les renseignements, l'agente chargée des considérations humanitaires n'a pas été convaincue qu'il existait une preuve suffisante de l'existence de considérations humanitaires pour justifier une dispense d'application des exigences du paragraphe 9(1) de la Loi, et elle a refusé la demande.


[4]                 Les conclusions écrites du demandeur font état de diverses prétendues erreurs concernant la décision contestée, mais, à l'audience, un seul grief de contrôle a été invoqué et plaidé. Selon le demandeur, l'agente chargée des considérations humanitaires a commis une erreur de droit en affirmant que le demandeur ne serait exposé à aucun risque objectivement reconnaissable s'il devait retourner en Afghanistan. Plus précisément, le demandeur affirme que la preuve pertinente a été ignorée. Se référant à la preuve documentaire, le demandeur fait état du décret des Taliban selon lequel les Hindous d'Afghanistan étaient tenus de porter sur leur vêtement un insigne identitaire qui les distingue des Musulmans, et les femmes hindoues étaient contraintes de porter des voiles. D'après lui, la conclusion selon laquelle le décret établissait une discrimination plutôt qu'une persécution est abusive et arbitraire et constitue une erreur de droit sujette à révision. Le demandeur affirme aussi qu'il a présenté une preuve documentaire décrivant la situation qui avait cours en Afghanistan au début des années 1990 avant le régime des Taliban. Il soutient que l'agente chargée des considérations humanitaires ainsi que l'agente de révision ont toutes deux commis une erreur parce qu'elles ne se sont pas demandé si le changement survenu dans la situation du pays était permanent.

[5]                 La décision de l'agente chargée des considérations humanitaires contient, à propos du facteur de risque, le passage suivant :


[Traduction] Le requérant a indiqué que, en tant qu'Hindou, il serait en danger partout en Afghanistan. Une agente de révision a effectué, à ma demande, une évaluation du risque, et elle a rendu le 14 mars 2002 un avis défavorable sur l'existence d'un risque. J'ai examiné l'avis de l'agente de révision selon lequel le requérant ne serait pas exposé à un risque personnalisé objectivement reconnaissable s'il devait retourner en Afghanistan, et je l'ai jugé raisonnable. J'ai aussi étudié les pièces du dossier se rapportant au traitement des Hindous en Afghanistan, et concernant la transmission de pouvoir du gouvernement des Taliban en déroute à un gouvernement de transition. Il se peut que le requérant rencontre certaines difficultés à titre d'Hindou en Afghanistan, mais je ne suis pas persuadée qu'il s'agirait là de difficultés inhabituelles.

Après examen de l'ensemble des circonstances propres au requérant, je suis convaincue que le requérant ne rencontrerait pas de difficultés inhabituelles, injustes ou indues s'il devait retourner en Afghanistan et demander un visa d'immigrant selon la voie normale. Par conséquent, une dispense A(1) est refusée.

[6]                 S'agissant du décret forçant les Hindous à porter un insigne, l'agente de révision s'est fondée sur la preuve documentaire apparaissant dans la réponse de la CICR à la demande d'information, et elle a relevé que le décret avait censément pour objet de soustraire les non-Musulmans à l'application des règles qui sont obligatoires pour les Musulmans. La preuve documentaire mentionnait aussi que les Taliban toléraient largement les pratiques religieuses des non-Musulmans, notamment leur participation à des activités qui étaient interdites à la population musulmane. Puisque les non-Musulmans d'Afghanistan ne constituaient qu'un pour cent de la population, ils n'étaient pas une menace pour les Taliban. Une deuxième réponse de la CICR à la demande d'information contenait un rapport du directeur du Centre des études afghanes de l'Université du Nebraska à Omaha. Le directeur mentionnait qu'il n'avait connaissance d'aucun cas où des Hindous avaient été maltraités par les Taliban, et il ajoutait que les Hindous n'étaient pas ciblés, et cela parce que leur population est faible et qu'elle ne constitue pas une menace pour les Taliban. L'agente de révision a finalement conclu que le décret, bien que discriminatoire, ne constituait pas une persécution.

[7]                 Puis l'agente, se référant à l'ensemble de la preuve documentaire, s'est exprimée ainsi :

[Traduction] L'ensemble de la preuve documentaire montre que le gouvernement des États-Unis d'Amérique, avec ses alliés, a lancé après le 11 septembre 2001 une opération qui était soutenue par les Nations Unies. L'intention première des opérations conduites par les États-Unis est la défaite du gouvernement des Taliban et de son alliée, l'organisation terroriste Al-Qaida qui, croit-on, mène ses opérations depuis l'intérieur de l'Afghanistan. Le gouvernement des États-Unis d'Amérique et ses alliés ont réussi à mettre en déroute le gouvernement des Taliban à la fin de 2001. Le gouvernement de transition, dirigé par Hamid Karzai, a apporté la paix dans la capitale, Kaboul, mais le travail de remise en état et de sécurité contre les éléments criminels demeure problématique. Le gouvernement de transition cherche activement cependant des solutions aux problèmes du pays, et à cette fin il s'efforce d'assurer la sécurité publique en tentant de régler les conflits tribaux très vivaces dans la société afghane et en s'efforçant de remettre sur pied un pays qui a été ravagé par la guerre au cours des 23 dernières années.

[8]                 Dans son rapport à l'agente chargée des considérations humanitaires, l'agente de révision arrivait à la conclusion que, bien que la situation soit loin d'être idéale en Afghanistan, la preuve ne permettait pas de dire que le demandeur serait exposé à un risque auquel ne serait pas exposée la population afghane en général.

[9]                 Les parties s'entendent pour dire que la norme de contrôle à appliquer est la norme de la décision raisonnable simpliciter. Il est admis qu'une décision en matière de considérations humanitaires est une décision discrétionnaire. Il est également admis que les agents chargés des considérations humanitaires ont le droit de s'en remettre aux conclusions d'agents de révision à condition qu'ils ne se considèrent pas liés par lesdites conclusions. Ici, nul n'affirme que l'agente chargée des considérations humanitaires a réduit son pouvoir discrétionnaire ou s'est sentie liée par l'avis de l'agente de révision.

[10]            Il ressort clairement de l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, et de l'arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.) qu'il appartient au ministre ou à son représentant, et non à la Cour, d'apprécier les facteurs pertinents. Je suis lié par ces précédents.

[11]            Le demandeur a eu la possibilité pleine et entière de s'exprimer sur l'évaluation du risque, et il a d'ailleurs produit des conclusions écrites. L'agente chargée des considérations humanitaires a examiné l'évaluation du risque faite par l'agente de révision, les conclusions du demandeur concernant la crainte de celui-ci de retourner en Afghanistan, ainsi que la preuve documentaire. Il n'a pas été établi que le gouvernement de transition au pouvoir en Afghanistan constitue un risque pour les Hindous. Au contraire, la preuve documentaire révèle que le gouvernement cherchait activement des solutions aux problèmes du pays. Dans une demande fondée sur des considérations humanitaires, la charge de la preuve incombe au requérant : Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.); Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 36 Imm. L.R. (2d) 175 (C.F. 1re inst.).


[12]            Un examen des notes de l'agente chargée des considérations humanitaires montre qu'elle a fait porter son attention sur l'ensemble de la preuve qu'elle avait devant elle. Il m'est impossible de dire qu'elle a ignoré ou mal interprété la preuve ou qu'elle a tenu compte de facteurs hors de propos. Un autre agent, ou même la Cour, aurait pu apprécier la preuve différemment, mais une demande de contrôle judiciaire ne saurait être admise sur ce seul fondement. L'agente pouvait raisonnablement décider comme elle l'a fait, et la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Une ordonnance sera rendue en ce sens.

[13]            Les avocats n'ont pas proposé qu'une question soit certifiée. La présente affaire ne laisse pas apparaître une question grave de portée générale. Aucune question n'est certifiée.

                                                                 « Carolyn Layden-Stevenson »     

                                                                                                             Juge                          

Toronto (Ontario)

le 10 avril 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        IMM-2340-02

INTITULÉ :                                                     ANIL KUMAR KAKKAR

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE MERCREDI 9 AVRIL 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE JEUDI 10 AVRIL 2003

COMPARUTIONS :

Mme Constance Nakatsu                                                                pour le demandeur

Mme Rhonda Marquis                                                                     pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Constance Nakatsu                                                                        pour le demandeur

Avocate

45, rue St. Nicolas

Toronto (Ontario)

M4Y 1W6

Morris Rosenberg                                                                           pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20030410

Dossier : IMM-2340-02

ENTRE :

ANIL KUMAR KAKKAR

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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