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Date : 20031126

Dossier : IMM-5338-02

Référence : 2003 CF 1387

Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                        MARIE BEATRICE MATHEWS

                                                    RAYMOND EDWARD MATHEWS

                                                    RYAN NOEL RANDY MATHEWS

                                                                                                                                                     demandeurs

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 Marie Beatrice Mathews prétend avoir subi de façon continue de mauvais traitements dans son pays d'origine, le Sri Lanka, autant de la part des Tigres de la libération de l'Eelam tamoul (TLET) que de la police. En 2000, elle s'est enfuie du Sri Lanka avec ses fils, Raymond Edward et Ryan Noel Randy. Elle est arrivée au Canada via l'Angleterre et les États-Unis.


[2]                 Elle a présenté une revendication du statut de réfugié à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais la Commission l'a refusée essentiellement parce qu'elle n'a pas cru la demanderesse. Mme Mathews soutient que la Commission a omis d'évaluer équitablement les éléments de preuve dont elle disposait. Le but de la présente demande de contrôle judiciaire est d'obtenir une nouvelle audience. Deux autres questions sont soulevées pour le compte de Raymond et de Randy. La première est de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que, parce que les garçons étaient des citoyens indiens, ils ne peuvent faire aucune revendication par rapport au Sri Lanka. La deuxième est de savoir si la Commission aurait dû nommer un autre représentant pour eux à l'audience à la place de leur mère.

[3]                 J'ai examiné toutes les questions soulevées par les demandeurs et je ne trouve aucune raison d'annuler la décision de la Commission. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Les questions en litige

[4]                 1.          La Commission a-t-elle omis d'examiner équitablement les éléments de preuve?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que Raymond et Randy étaient des ressortissants de l'Inde?

3.          La Commission aurait-elle dû nommer un représentant indépendant pour les garçons?

1. La Commission a-t-elle omis d'examiner équitablement les éléments de preuve?

[5]                 Cette première question est en fait double : (a) les conclusions de la Commission en matière de crédibilité étaient-elles déraisonnables? et (b) la Commission aurait-elle dû examiner la preuve documentaire qui appuyait sa revendication, même si elle ne croyait pas Mme Mathews?

(a) Les conclusions de la Commission en matière de crédibilité étaient-elles déraisonnables?

[6]                 La Commission a analysé attentivement la preuve de Mme Mathews. Elle a comparé son témoignage à l'audience à l'information qu'elle avait fournie antérieurement et elle a noté des incohérences, des omissions importantes, des situations improbables et des explications insatisfaisantes. La Commission a tiré ces conclusions en tenant compte de tous les éléments de preuve dont elle était saisie et elle a expliqué clairement quelles étaient ses réserves. Je ne vois pas de raison qui permette de contester sérieusement la façon dont la Commission a apprécié les faits.

(b) La Commission aurait-elle dû examiner la preuve documentaire qui appuyait sa revendication, même si elle ne croyait pas Mme Mathews?


[7]                 Parce qu'elle avait conclu que la revendication de Mme Mathews n'était pas étayée par une preuve crédible, la Commission a décliné d'analyser la preuve documentaire décrivant les conditions de vie au Sri Lanka. Mme Mathews soutient que la Commission était tenue d'examiner cette preuve, même si elle ne croyait pas à son compte rendu des faits. Elle renvoie à la décision Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 694 (QL) (1re inst.) à l'appui de sa position. À mon avis, la situation était complètement différente dans l'affaire précitée puisque la Commission avait omis de tenir compte d'un élément de preuve documentaire qui était au coeur même de la revendication des demanderesses. La juge Tremblay-Lamer a eu raison de conclure que la Commission ne pouvait pas rejeter la revendication simplement parce qu'elle ne croyait pas en la véracité du témoignage des demanderesses alors qu'il y avait une preuve documentaire qui le corroborait. Voir également la décision Tayefi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 CF 1223, [2003] A.C.F. no 1547 (QL) (C.F.).

[8]                 Dans la présente affaire, la preuve documentaire était de portée générale. Elle ne corroborait aucun aspect particulier de la revendication de Mme Mathews. La Commission n'est pas tenue d'examiner ce genre de preuve documentaire si elle ne croit pas le témoignage de la demanderesse : Amaniampong c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 443 (QL) (C.A.); Djouadou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1568 (QL) (1re inst.).

2. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que Raymond et Randy étaient des ressortissants de l'Inde?


[9]                 Raymond et Randy sont nés en Oman et leur père est de nationalité indienne. La Commission a constaté qu'ils avaient voyagé avec des passeports indiens et elle a conclu qu'en Inde, ils seraient considérés comme des citoyens indiens. Ils ne pouvaient donc réclamer le statut de réfugié par rapport au Sri Lanka même s'ils avaient également un statut dans ce pays en raison de la citoyenneté de leur mère. Il n'y avait aucune preuve que les garçons craignaient d'être persécutés en Inde. La Commission a donc rejeté leur revendication du statut de réfugié.

[10]            L'avocat des demandeurs a soutenu qu'on ne sait pas vraiment si les garçons sont citoyens indiens. Il renvoie à la Indian Citizenship Act, 1955, où il est énoncé que les enfants de citoyens indiens sont également des citoyens de l'Inde, même s'ils sont nés en dehors du pays. Il a toutefois soutenu que la citoyenneté s'obtient seulement par suite d'un enregistrement, qu'elle ne s'obtient pas automatiquement. Il n'y a eu aucune preuve devant la Commission que les garçons ont été enregistrés comme des citoyens indiens.


[11]            Je ne suis pas convaincu que l'interprétation de l'avocat quant au statut de citoyen indien soit juste. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas à me prononcer sur cette question. La Commission a fondé sa conclusion (que l'avocat des demandeurs l'exhortait alors à tirer) sur le fait que les garçons avaient voyagé avec des passeports indiens. Le détenteur d'un passeport d'un pays donné est présumé être citoyen de ce pays : Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, au paragraphe 93. À moins qu'il fasse l'objet d'une contestation, le passeport est une preuve de la nationalité de son détenteur : Adar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 695 (QL) (1re inst.). Les demandeurs n'ont présenté aucune preuve pour réfuter cette présomption. Devant moi, l'avocat des demandeurs a soutenu que les soi-disant passeports étaient des documents de voyage quelconques et qu'ils ne devraient donc pas donner lieu à la présomption habituelle. Mme Mathews a déclaré expressément devant la Commission que les garçons avaient obtenu leurs passeports indiens du consulat de l'Inde à Muscat en raison de la citoyenneté indienne de leur père. La Commission a accepté cette déclaration comme étant la preuve de la citoyenneté des garçons, comme elle était en droit de le faire. Je ne relève aucune erreur dans la façon de procéder de la Commission.

3. La Commission aurait-elle dû nommer un représentant indépendant pour les garçons?


[12]            La Commission a nommé Mme Mathews à titre de représentante désignée de ses fils à l'audience. Mme Mathews soutient maintenant que la Commission aurait dû lui donner la possibilité de nommer un représentant indépendant pour eux parce que leur situation était différente de la sienne. La Commission a l'obligation, conformément au paragraphe 69(4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, de nommer un représentant pour un demandeur de moins de dix-huit ans. Souvent, comme c'est le cas ici, le représentant est le père ou la mère. Cependant, dans certains cas, il peut être préférable qu'un tiers indépendant représente un mineur, par exemple si les intérêts de l'enfant sont nettement différents de ceux des parents. En l'espèce, personne n'a demandé à la Commission de nommer un représentant indépendant pour les garçons. En fait, l'avocat des demandeurs a expressément demandé à la Commission de nommer Mme Mathews et celle-ci a accepté de représenter les intérêts de ses fils et de donner des instructions à son avocat en leur nom. De plus, rien n'indique que les intérêts des enfants ont été mal servis, de quelque façon que ce soit. Compte tenu des circonstances, on ne peut rien reprocher à la Commission : Coomaraswamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CAF 153, [2002] A.C.F. no 603 (QL) (C.A.).

                                                                        JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2. Les avocats peuvent soumettre des observations concernant n'importe quelle question d'intérêt général dans les cinq jours ouvrables de la date du présent jugement.

                                                                                                                                   _ James W. O'Reilly _              

                                                                                                                                                                 Juge                              

                                                                                   

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Trad.


                                                                           ANNEXE


Loi sur l'Immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2

Représentation

69.(4) La section du statut commet d'office un représentant dans le cas où l'intéressé n'a pas dix-huit ans ou n'est pas, selon elle, en mesure de comprendre la nature de la procédure en cause.

Immigration Act, R.S.C. 1985, c. I-2

Representation

69.(4) Where a person who is the subject of proceedings before the Refugee Division is under eighteen years of age or is unable, in the opinion of the Division, to appreciate the nature of the proceedings, the Division shall designate another person to represent that person in the proceedings.



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-5338-02

INTITULÉ :                                                        MARIE BEATRICE MATHEWS ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE JEUDI 3 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                              LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                     LE 26 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Michael Battista                                                    POUR LES DEMANDEURS

Brad Gotkin                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Michael F. Battista                                                POUR LES DEMANDEURS

Wiseman Battista

1033, rue Bay, bureau 308

Toronto (Ontario) M5S 3A5

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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