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Date : 20060127

Dossier : IMM‑9451‑04

Référence : 2006 CF 90

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O’KEEFE

 

ENTRE :

SHANMUGASUNDARAM UTHAYAKUMAR

demandeur

- et -

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

LE JUGE O’KEEFE

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 12 novembre 2004 par une agente d’exécution en matière d’immigration (l’agente), qui a refusé au demandeur sa demande de report d’exécution d’une mesure de renvoi.

[2]               Le demandeur voudrait que la Cour annule la décision de l’agente et qu’elle ordonne que la demande de report soit réexaminée par un autre agent.

 

Les faits

[3]               Shanmugasundara Uthayakumar (le demandeur) est un ressortissant du Sri Lanka. En décembre 1986, il est entré au Canada, où il a demandé le statut de réfugié. En août 1989, on a jugé que sa demande présentait un minimum de fondement, et il a présenté par la suite une demande de résidence permanente.

[4]               Le 7 mars 1992, le demandeur a présenté, en application du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, le texte alors en vigueur, une demande fondée sur des considérations humanitaires. Sa demande a été refusée le 18 mai 2000. Le demandeur n’a pas sollicité le contrôle judiciaire de cette décision.

[5]               À la suite d’une enquête d’immigration, le demandeur a été déclaré interdit de territoire le 5 novembre 2001 en raison de son rôle au sein d’une organisation terroriste, les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET). Le 29 janvier 2003, par suite de la déclaration d’interdiction de territoire, une mesure d’expulsion a été prononcée contre le demandeur. Le demandeur a sollicité l’autorisation de contester par contrôle judiciaire la déclaration d’interdiction de territoire, mais sa demande d’autorisation a été rejetée par la Cour le 12 juillet 2003.

[6]               Entre‑temps, l’épouse et les deux enfants (actuellement âgés de 18 et 19 ans) du demandeur sont entrés au Canada. Ils sont maintenant citoyens canadiens. Un troisième enfant est né au Canada en août 1995. Le demandeur est le seul soutien de famille, et il est actuellement le propriétaire‑exploitant de Cardinal Couriers, une entreprise qu’il exploite depuis plus de cinq ans.

[7]               En décembre 2003, le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR). Par décision en date du 20 janvier 2004, l’agente d’ERAR s’est déclarée non convaincue qu’il existait de solides motifs de croire que le demandeur serait exposé à un risque de torture en cas de renvoi au Sri Lanka. Elle a aussi estimé que le demandeur ne serait pas exposé à une menace à sa vie ou au risque de peines ou traitements cruels et inusités en cas de renvoi au Sri Lanka. Le demandeur a été informé le 14 octobre 2004 de la décision de l’agente d’ERAR.

[8]               Le 27 octobre 2004, le demandeur a sollicité l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’agente d’ERAR. La demande d’autorisation a été rejetée par ordonnance du juge Blais, le 17 juin 2005.

[9]               Le 8 novembre 2004, une convocation était signifiée au demandeur, qui lui intimait l’ordre de se présenter pour son renvoi au Sri Lanka par voie aérienne le 15 novembre 2004. Par lettre datée du 10 novembre 2004, le demandeur a sollicité le report de son renvoi. Sa demande avait quatre fondements :

            1.         Il entendait déposer une demande fondée sur des considérations humanitaires, plus précisément sur l’intérêt de son épouse et de ses trois enfants, qui comptaient sur lui pour leur soutien matériel et affectif;

            2.         Il entendait déposer une demande d’intervention du ministre à propos de la déclaration d’interdiction de territoire de 2001;

            3.         Il avait déposé une demande d’autorisation d’introduire une procédure de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision défavorable de l’agente d’ERAR, et cette demande était encore pendante; et

            4.         Il pouvait devenir un participant d’un recours collectif éventuel, dans le dossier Nalliah, recours dans lequel on faisait valoir que toutes les décisions rendues par les agents d’ERAR entre décembre 2003 et octobre 2004 (période durant laquelle le processus d’ERAR ressortissait à l’Agence des services frontaliers du Canada) étaient inconstitutionnelles pour cause de partialité institutionnelle. (Il convient de noter que les participants de l’éventuel recours collectif ont depuis été déboutés dans le dossier Nalliah. La requête en sursis d’exécution des mesures de renvoi prononcées contre tous les membres de l’éventuel recours collectif a été rejetée par la juge Snider le 24 novembre 2004 dans la décision Nalliah c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1649. Les points soulevés dans le dossier Nalliah ont ensuite été examinés dans la décision Say c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 739, par le juge Gibson, qui a rejeté l’action.)

[10]           Au soutien de sa demande de report, le demandeur a produit le 11 novembre 2004 une autre lettre dans laquelle il disait craindre que son départ soudain, dans un délai aussi bref, se répercute défavorablement sur la santé de son fils. Le demandeur joignait à sa lettre une lettre de son médecin de famille confirmant que son plus jeune fils souffrait d’une anomalie cardiaque congénitale.

[11]           Le 11 novembre 2004, le demandeur a déposé une autre demande fondée sur des considérations humanitaires. Le même jour, il a présenté aussi une demande d’intervention ministérielle, en application du paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), afin de convaincre le ministre que sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l’intérêt national.

[12]           Par lettre datée du 12 novembre 2004, l’agente a rejeté la demande de report du renvoi.

[13]           La lettre renfermait simplement ce qui suit :

[traduction]

Je me réfère à votre demande du 10 novembre 2004 concernant la possibilité de reporter le renvoi du Canada de M. Shanmugasundara.

L’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a l’obligation, en vertu du paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, d’exécuter les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent. Après examen de votre demande, je ne crois pas qu’un report d’exécution de la mesure de renvoi soit justifié au vu des circonstances de la présente affaire.

M. Shanmugasundara devra se présenter pour son renvoi le 15 novembre 2004, conformément aux dispositions déjà prises.

 

 

[14]           Le 13 novembre 2004, le demandeur a déposé une demande d’autorisation d’introduire une procédure de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’agente de refuser le report de son renvoi. (L’autorisation a été accordée par la juge MacTavish le 26 août 2005.)

[15]           Le 15 novembre 2004, le demandeur a déposé une requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi prononcée contre lui. L’audition de la requête a été ajournée par la juge Snider au 29 novembre 2004. Le 29 novembre 2004, j’ai entendu la requête en sursis d’exécution et j’ai accordé le sursis, jusqu’à l’issue finale des deux demandes de contrôle judiciaire déposées, l’une, à l’encontre de la décision défavorable de l’agente d’ERAR et, l’autre, à l’encontre de la décision refusant le report du renvoi. Comme je l’ai dit plus haut, la demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente d’ERAR a depuis été rejetée.

[16]           Il s’agit ici du contrôle judiciaire de la décision de l’agente de refuser le report du renvoi du demandeur.

 

Motifs de la décision de l’agente

[17]           La lettre communiquant la décision de l’agente datée du 12 novembre 2004 ne contient pas de motifs. L’agente a remis à la Cour ses notes manuscrites, lesquelles constituaient les motifs de sa décision.

[18]           Les notes manuscrites sont les suivantes :

[traduction]

- D’après l’ordre de se présenter qui apparaît au dossier, il semble que l’agent a informé l’intéressé le 1er novembre 2004 de l’itinéraire de son renvoi? Mais la date apparente de signification est sans doute le 8 novembre 2004.

- Il s’agit d’une affaire de sécurité – l’intéressé est membre des TLET.

- La DDE antérieure a été rejetée.

- La décision d’ERAR a été rendue en octobre 2004, et donc l’intéressé savait que son renvoi allait être imminent.

- Documents de voyage délivrés et approuvés.

- En situation maintenant d’être renvoyé.

- Demande en cours sur l’ERAR --> pas de sursis

- Pas de demande CH pendante à ce jour, autant que je puisse en juger.

- Litige collectif en cours (Lorne Waldman)

--> pas de sursis d’exécution de la mesure de renvoi.

 

Points litigieux

[19]           Les points litigieux sont les suivants :

            1.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?

            2.         L’agente a‑t‑elle laissé une preuve de côté?

            3.         L’agente a‑t‑elle motivé adéquatement sa décision?

            4.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur en refusant de reporter le renvoi du demandeur jusqu’à l’issue de sa demande fondée sur des considérations humanitaires et de sa demande d’intervention ministérielle?

 

Prétentions du demandeur

[20]           Selon le demandeur, l’agente a commis une erreur parce qu’elle n’a pas motivé sa décision.

[21]           Selon le demandeur, l’agente n’a pas dit qu’elle avait évalué les facteurs qui avaient été portés à sa connaissance et qui concernaient l’intérêt supérieur des trois enfants du demandeur. Il soutient que, bien que les agents d’exécution n’aient qu’un pouvoir discrétionnaire restreint de reporter un renvoi compte tenu des obligations que leur impose l’article 48 de la LIPR, ils doivent néanmoins être réceptifs, attentifs et sensibles à l’intérêt supérieur des enfants. Il prétend que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle parce qu’elle a rendu sa décision au mépris de cette obligation. Le demandeur a invoqué la décision Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1341, où la juge Simpson écrivait, au paragraphe 13, qu’il est contraire à l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant d’utiliser les dispositions de la LIPR pour séparer un demandeur et ses enfants avant qu’une décision soit prise sur une demande fondée sur des considérations humanitaires.

[22]           Le demandeur maintient également que l’agente n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle le plus jeune des enfants avait de graves ennuis de santé que risquait d’exacerber le départ soudain du demandeur. Selon le demandeur, le fait de ne pas tenir compte de circonstances individuelles impérieuses, en l’occurrence les graves ennuis de santé de l’enfant du demandeur, constituait une erreur susceptible de contrôle.

[23]           Selon le demandeur, l’agente a commis une erreur parce qu’elle a refusé de reporter son renvoi jusqu’à une évaluation adéquate de sa demande d’intervention ministérielle. Dans sa demande de report, le demandeur avait écrit que son rôle au sein des TLET remontait à de nombreuses années et qu’il vivait au Canada paisiblement depuis 18 ans. Selon le demandeur, l’agente aurait dû tenir compte de ces facteurs.

 

Prétentions des défendeurs

[24]           Les défendeurs avancent tout d’abord que la présente demande de contrôle judiciaire est aujourd’hui théorique, puisque le renvoi du demandeur a effectivement été reporté par la requête en sursis d’exécution et que la date prévue de renvoi, c’est‑à‑dire le 15 novembre 2004, est depuis longtemps passée.

[25]           Les défendeurs soutiennent que l’argument du demandeur relatif à l’insuffisance des motifs de l’agente n’est pas recevable, compte tenu de la décision Boniowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1161. Dans cette affaire, le juge Mosley écrivait que, vu le pouvoir discrétionnaire très restreint des agents de renvoi de reporter le renvoi d’une personne, des motifs écrits plus élaborés ne sont pas requis. Le juge Mosley relevait aussi qu’il fallait encourager la pratique des notes écrites afin de favoriser de meilleures décisions et de constituer une source d’explications pour le cas où la décision serait contestée par demande de contrôle judiciaire. La Cour fédérale a suivi le précédent Boniowski dans plusieurs de ses décisions, dont Man c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 454, au paragraphe 13. Selon les défendeurs, la lettre faisant état de la décision de l’agente, et les notes que l’agente a portées au dossier (lesquelles constituent ses motifs), répondaient à l’obligation d’exposer des motifs.

[26]           Selon les défendeurs, un agent de renvoi n’est pas tenu de faire une enquête assimilable à celle portant sur l’existence de considérations humanitaires. Les défendeurs disent que la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants n’a pas à aller au‑delà des arguments exposés à ce propos. Selon les défendeurs, la mention des enfants dans la demande de report présentée par le demandeur est pour le moins insignifiante, se limitant à signaler simplement leur existence, et elle ne requérait donc pas une analyse distincte ou des motifs distincts.

[27]           Selon les défendeurs, rien ne permet d’affirmer, contrairement à ce que prétend le demandeur, que son départ soudain serait préjudiciable à la santé de son fils. La lettre du médecin de famille indiquait simplement que son fils avait une anomalie cardiaque, mais elle ne parlait pas des conséquences qu’aurait le renvoi du demandeur relativement à l’intérêt supérieur de son fils. Les défendeurs soutiennent aussi que le départ du demandeur n’était pas un départ à brève échéance. Une mesure d’expulsion a été prononcée en janvier 2003, et une demande ultérieure d’autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée en juillet 2003. Le demandeur savait depuis le 14 octobre 2004, date à laquelle la décision défavorable de l’agente d’ERAR lui a été communiquée, que son renvoi était imminent.

[28]           Les défendeurs prétendent que, dans la mesure où le demandeur s’est fondé sur la décision Martinez, il y a des raisons impérieuses de douter de la justesse de ce précédent. Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a jugé que la Convention relative aux droits de l’enfant n’a pas été incorporée dans le droit interne du Canada. Les défendeurs maitiennent que l’alinéa 3(3)f) de la LIPR n’a pas pour effet d’incorporer cette Convention dans le droit interne du Canada et que l’article 25 de la LIPR codifie simplement le principe de l’arrêt Baker selon lequel l’intérêt des enfants doit être pris en compte dans les décisions portant sur l’existence de considérations humanitaires.

[29]           Selon les défendeurs, la demande d’intervention ministérielle présentée par le demandeur, ainsi que sa demande fondée sur des considérations humanitaires, n’ont été postées que le 11 novembre 2004, c’est‑à‑dire le lendemain de la demande de report présentée par le demandeur. Ces deux demandes n’ont été en fait reçues qu’après que l’agente eut rendu sa décision. Les défendeurs soutiennent que cet élément établit une distinction entre la présente affaire et les précédents invoqués par le demandeur. Ils maintiennent que le fait d’attendre le dernier moment pour déposer une demande quelle qu’elle soit ne devrait pas pouvoir donner lieu au report d’un renvoi. Les défendeurs disent que le demandeur aurait pu solliciter l’intervention ministérielle avant d’être déclaré interdit de territoire en novembre 2001. Ils font observer que le demandeur avait déjà reçu en mai 2000 une décision défavorable en réponse à une demande fondée sur des considérations humanitaires.

[30]           Les défendeurs font valoir que le simple fait qu’une demande d’intervention ministérielle et une demande d’exemption fondée sur des considérations humanitaires soient pendantes ne fait pas obstacle à une mesure de renvoi. Ils invoquent la décision Saibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 103, où l’on peut lire, au paragraphe 9, que, selon un certain nombre de décisions rendues par la Cour, le ministre n’est aucunement tenu de statuer sur une demande fondée sur des considérations humanitaires avant le renvoi du demandeur du Canada.

 

Dispositions légales applicables

[31]           La LIPR renferme les dispositions applicables suivantes :

3(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

 

 

3(3) This Act is to be construed and applied in a manner that

 

[…]

 

 

. . .

 

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

 

 

(f) complies with international human rights instruments to which Canada is signatory.

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

(2) Le statut ne peut toutefois être octroyé à l’étranger visé au paragraphe 9(1) qui ne répond pas aux critères de sélection de la province en cause qui lui sont applicables.

 

 

(2) The Minister may not grant permanent resident status to a foreign national referred to in subsection 9(1) if the foreign national does not meet the province’s selection criteria applicable to that foreign national.

 

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

 

 

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

 

a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

 

 

(a) engaging in an act of espionage or an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

 

c) se livrer au terrorisme;

 

 

(c) engaging in terrorism;

 

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

 

 

(d) being a danger to the security of Canada;

 

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

 

 

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

 

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

 

 

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

 

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

 

 

(2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

 

48. (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

 

48. (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

 

 

Analyse et décision

 

[32]           Norme de contrôle

            Les décisions des agents de renvoi, s’agissant de la question de savoir s’il convient ou non de reporter un renvoi, commandent la retenue la plus élevée, et la norme de contrôle est donc la décision manifestement déraisonnable (voir J.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1720, au paragraphe 25, et Hailu c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 229, au paragraphe 12, affaires où l’on a jugé que la norme de la décision manifestement déraisonnable devrait s’appliquer aux décisions des agents de renvoi, vu la nature du régime législatif et en particulier le pouvoir qu’ils exercent en vertu du paragraphe 48(2) de la LIPR, un pouvoir restreint et axé sur les faits).

[33]           Point n° 1

            L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?

            La demande de report du renvoi, datée du 10 novembre 2004, précisait que le renvoi du demandeur à si brève échéance aurait des répercussions affectives sur ses enfants. L’agente n’a pas expressément fait état de l’intérêt supérieur des enfants, mais elle a évoqué la période de temps au cours de laquelle le demandeur était à même de savoir qu’il allait être renvoyé du Canada, et elle a conclu qu’il savait que son renvoi était imminent après que la décision d’ERAR lui fut communiquée en octobre 2004. C’était uniquement un renvoi à brève échéance qui, selon le demandeur, ne s’accordait pas avec l’intérêt supérieur de ses enfants. Une lecture des notes de l’agente révèle que, selon elle, le renvoi n’était pas un renvoi à brève échéance.

[34]           Le demandeur a dit aussi que son renvoi à brève échéance aurait de graves conséquences pour son fils, atteint d’une anomalie cardiaque congénitale. J’ai examiné la lettre du médecin, et cette lettre dit simplement que le fils du demandeur présente une anomalie cardiaque congénitale. Elle ne précise pas quel effet le départ du demandeur à brève échéance aurait sur le fils du demandeur. Les conséquences qu’aurait le départ du demandeur pour son fils ne sont tout simplement pas établies.

[35]           Eu égard à la preuve que l’agente avait devant elle et aux arguments qui lui ont été présentés, il m’est impossible de conclure que la décision de l’agente était manifestement déraisonnable.

[36]           Point n° 2

            L’agente a‑t‑elle laissé une preuve de côté?

            Selon le demandeur, l’agente n’a pas tenu compte de la lettre du médecin concernant l’anomalie cardiaque congénitale dont son plus jeune fils est atteint. Cette lettre était annexée à une autre lettre du demandeur portant la date du 11 novembre 2004. Je reconnais avec le demandeur que cette information n’a pas été mentionnée par l’agente. Toutefois, elle n’aurait eu aucune incidence sur sa décision puisque la lettre du médecin ne dit pas que le renvoi du demandeur aurait des répercussions sur son plus jeune fils. L’agente n’a pas commis d’erreur sur ce point.

[37]           Point n° 3

            L’agente a‑t‑elle motivé adéquatement sa décision?

            L’agente n’a pas motivé, dans la lettre qu’elle a adressée au demandeur, son refus de reporter le renvoi du demandeur, mais elle a néanmoins pris des notes concernant son processus décisionnel (dossier du tribunal, à la page 28). Ces notes, auxquelles s’ajoute la lettre de refus, constitue des motifs adéquats (voir Boniowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1161).

[38]           Point n° 4

            L’agente a‑t‑elle commis une erreur en refusant de reporter le renvoi du demandeur jusqu’à l’issue de sa demande fondée sur des considérations humanitaires et de sa demande d’intervention ministérielle?

            L’agente a refusé de reporter le renvoi du demandeur jusqu’à l’issue de sa demande fondée sur des considérations humanitaires et de sa demande d’intervention ministérielle. Je suis d’avis qu’en agissant de la sorte, l’agente n’a pas commis d’erreur. S’agissant de la demande fondée sur des considérations humanitaires, il ressort clairement de la jurisprudence que le simple dépôt d’une demande de cette nature ne constitue pas en soi une raison justifiant le report d’un renvoi. Il convient de noter que le demandeur a présenté le 11 novembre 2004 sa demande fondée sur des considérations humanitaires et sa demande d’intervention ministérielle, et que l’agente a rendu sa décision le 12 novembre 2004. La demande fondée sur des considérations humanitaires aurait pu être déposée plus tôt. Quant à la demande d’intervention ministérielle, elle aurait pu elle aussi, selon la loi actuelle, être présentée plus tôt. Il m’est impossible de dire que l’agente a commis une erreur sur ce point.

[39]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[40]           Aucune des deux parties n’a souhaité soumettre à mon examen, pour être certifiée, une question grave de portée générale.

[41]           À la demande des défendeurs, l’intitulé est modifié de façon à ce que « le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile » remplace « le Solliciteur général du Canada » en tant que défendeur.

ORDONNANCE

 

[42]           LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

            2.         L’intitulé est modifié de façon à ce que « le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile » remplace « le Solliciteur général du Canada » en tant que défendeur.

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 27 janvier 2006

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑9451‑04

 

 

INTITULÉ :                                                   SHANMUGASUNDARAM UTHAYAKUMAR

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           le 24 novembre 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  le 27 janvier 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert                                               POUR LE DEMANDEUR

 

Rhonda Marquis                                               POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates                                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LES DÉFENDEURS

Sous‑procureur général du Canada

 

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