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Date : 20011025

Dossier : IMM-395-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1160

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                         PRAKASH SAHATOO

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision par laquelleVenus Abdul Malak, agente d'immigration (l'agente d'immigration), a refusé, en date du 16 janvier 2001, à Prakash Sahatoo (le demandeur) une dispense en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C (1985), ch. I-2, et modifications (la Loi).


EXPOSÉ DES FAITS

[2]                 Le demandeur est né à Trinidad le 4 août 1972. Il a épousé Romeen Lydia Walker-Sahatoo, une citoyenne canadienne, le 15 janvier 2000.

[3]                 Le demandeur est entré au Canada pour la première fois le 15 septembre 1988. Il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention, mais sa demande a été rejetée et il a été invité à quitter le pays. Il a quitté le Canada en 1993 pour retourner à Trinidad où il est demeuré pendant un an. Il est revenu au Canada en novembre 1994 et il est resté ici depuis ce temps.

[4]                 Le demandeur et sa conjointe ont été interrogés par l'agente d'immigration le 7 décembre 2000, notamment sur leur mariage et les aspects pratiques de leur vie tels que le milieu familial, le lieu et les heures de travail, le revenu de travail, la responsabilité des frais liés à leur subsistance, les circonstances entourant leur première rencontre et les détails concernant leurs fréquentations avant le mariage et leur mariage. D'après les notes rédigées par l'agente d'immigration, le demandeur et son épouse ont été avisés que cette entrevue avait pour but d'établir l'authenticité de leur mariage et d'écarter la possibilité qu'il s'agissait d'un mariage de convenance contracté en vue de faciliter l'admission du demandeur au Canada.


[5]                   L'agente d'immigration n'était pas convaincue de l'authenticité de leur mariage. Dans les notes qu'elle a rédigées, elle a fait état de ses réserves quant aux réponses données par le demandeur et son épouse aux questions portant sur leur vie commune. La décision de l'agente d'immigration se lit en partie comme suit :[traduction] Le 7 décembre 2000, un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a examiné les circonstances particulières de votre demande de dispense relative à l'exigence prévue au paragraphe 9(1) et a décidé que cette dispense ne vous serait pas accordée.

En outre, il a été établi que vous faites partie d'une catégorie de personnes non admissibles conformément à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration. L'admissibilité à titre de parent vous est refusée en vertu du paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration parce que, à mon avis, vous avez marié ROMEEN LYDIA WALKER principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada et non dans l'intention de vivre en permanence avec cette personne.

ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[6]                 Le demandeur a soulevé de nombreuses questions, qui se résument à l'expression de son mécontentement à l'égard de la décision prise par l'agente d'immigration : il n'est pas d'accord avec les conclusions concernant l'authenticité de son mariage avec sa conjointe qui est aussi sa répondante. Il affirme que son mariage est un mariage d'amour, fondé sur l'affection et l'intimité, dans lequel il assure le soutien de son épouse et de sa fille mineure. Il prétend que l'agente d'immigration a agi injustement en omettant de lui donner la possibilité de rectifier les contradictions relevées dans les réponses données à l'entrevue.


ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[7]                 La position du défendeur est tout aussi explicite. L'avocat du défendeur allègue que la conclusion de l'agente d'immigration quant à l'absence d'authenticité du mariage est raisonnable, compte tenu des réponses fournies par le demandeur et sa conjointe à l'entrevue. Le défendeur soutient que l'agente d'immigration a respecté les directives du Guide de l'immigration en vérifiant l'authenticité du mariage et que la conclusion à laquelle elle en est venue est raisonnable. Finalement, il prétend que l'agente d'immigration n'avait pas l'obligation de donner au demandeur et à sa conjointe la possibilité de rectifier les contradictions relevées dans leurs réponses.

[8]                 Qui plus est, le défendeur soutient que le rôle de la Cour dans la présente demande de contrôle judiciaire consiste à examiner le processus suivi par la personne légalement autorisée à prendre la décision et non à substituer sa propre appréciation de la preuve ou à prononcer une conclusion indépendante.

ANALYSE

[9]                   Le résultat de la présente demande de contrôle judiciaire dépend de la norme de contrôle applicable. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Canada [1982] 2 R.C.S. 2 (C.S.C.), la Cour suprême s'est exprimée, aux pages 7 et 8, sur la retenue dont il faut faire preuve à l'égard de l'exercice du pouvoir discrétionnaire des autorités décisionnelles désignées par la loi :C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[10]            Dans la présente affaire, l'agente d'immigration était tenue de prendre une décision concernant le désir du demandeur d'obtenir de l'intérieur du Canada le statut de résident permanent. Il demandait une exception à la règle générale qui exige que toute personne qui désire entrer au Canada doive d'abord faire la demande d'un visa. Cette exigence découle du paragraphe 9(1) de la Loi qui se lit comme suit :


9(1) Sous réserve du paragraphe (1.1), sauf cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.

9(1) Except in such cases as are prescribed, and subject to subsection (1.1), every immigrant and visitor shall make an application for and obtain a visa before that person appears at a port of entry.


[11]            Le paragraphe 114(2) de la Loi permet au défendeur d'obtenir une dispense d'application de cette exigence de la Loi. Cette disposition se lit comme suit :


114(2) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, autoriser le ministre à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense d'application d'un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou à faciliter l'admission de toute autre manière.

114(2) The Gouverner in Council may, by regulation, authorize the Minister to exempt any person from any regulation made under subsection (1) or otherwise facilitate the admission of any person where the Minister is satisfied that the person should be exempted from that regulation or that the person's admission should be facilitated owing to the existence of compassionate or humanitarian considerations.


[12]            Il incombe au demandeur de démontrer qu'il a droit d'entrer au Canada et d'y résider. Ce fardeau est établi à l'article 8 de la Loi qui se lit comme suit :



8 (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

8(1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person.


[13]              L'agente d'immigration était autorisée à interroger le demandeur et sa conjointe relativement aux circonstances de leur vie commune. Comme le juge Gibson l'a mentionné dans la décision Adebiyi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 73 F.T.R. 230, à la page 233 :Les entrevues de conjoints sont des moyens assez particuliers.

[14]            Dans l'affaire Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 62 F.T.R. 308, le juge Noël (qui siégeait alors à la Section de première instance) a fait des observations concernant le but de l'entrevue avec les conjoints et, par la même occasion, a tranché la question de l'équité procédurale touchant ces entrevues en affirmant ce qui suit :

[¼] Quant à la demande de jugement déclaratoire du requérant, en l'absence de circonstances exceptionnelles, je ne crois pas que, dès lors qu'elle est mise en cause, l'équité en matière de procédure demande qu'un requérant ait la possibilité d'expliquer les contradictions relevées au cours de l'entrevue des conjoints. L'entrevue est menée séparément précisément pour éviter toute collusion entre le demandeur et ses témoins quant aux circonstances du mariage soi-disant de bonne foi et pour dégager la vérité. À mon avis, ce processus serait déjoué si on permettait au requérant et à ses témoins d'exposer de nouveau leur position une fois mis devant les contradictions[1].


[15]            L'agente d'immigration a conclu que le demandeur n'était pas admissible parce qu'il n'avait pas réussi à démontrer l'authenticité de son mariage. Après avoir examiné le dossier, j'en arrive à la conclusion qu'il n'y a pas eu d'erreur dans le processus suivi par l'agente d'immigration pour rendre sa décision. Le fondement de sa décision est raisonnable. Par conséquent, la demande est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                 ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

          « E. Heneghan »          

JUGE

Toronto (Ontario)

Le 25 octobre 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-395-01

INTITULÉ :                                                        PRAKASH SAHATOO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 23 OCTOBRE 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                                             MADAME LE JUGE HENEGHAN    

DATE DES MOTIFS ET DE

L'ORDONNANCE :                           LE JEUDI 25 OCTOBRE 2001

COMPARUTIONS :

Ishwar Sharma                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Matthew Oommen                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roop N. Sharma                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Avocat

942, rue Gerrard Est

Toronto (Ontario)

M4M 1Z2

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

            Date : 20011025

            Dossier : IMM-395-01

Entre :                                

PRAKASH SAHATOO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

           

                                                                          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                          



[1] Grewal, supra, par. 12

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