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Date : 20030408

Dossier : IMM-2176-02

Référence : 2003 CFPI 411

Ottawa, Ontario, ce 8ième jour d'Avril 2003

En présence de :         L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                       LOUBERCLAUDE LY BOUNGOU TSAKALA

ESTERONE DIVINE MOUSSAMBOTE-LOUBERT

                                                                                                                                                  Demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                                     Défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 La présente constitue une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 17 avril 2002, par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ("SSR"), à l'effet que les demanderesses ne sont pas des réfugiées au sens de la Convention.


[2]                 La demanderesse, Louberclaude Ly Boungou Tsakala, née en 1975 et sa fille mineure, Esterone Divine Moussambote-Loubert, sont citoyennes de la République du Congo ("Congo"). Elles allèguent avoir une crainte bien fondée de persécution aux mains des autorités du Congo advenant le retour au pays en raison de leur ethnie (elles sont Lari de la région du Pool), de leur opinions politiques imputées (opposantes du nouveau régime du Président Sassou N'guesso) et de leur appartenance à un groupe particulier, celui de la famille vu les liens avec messieurs Pierre Boungou Tsakala, le père de la demanderesse adulte, et Moussambote Aimé-Claude, le père de l'enfant.

[3]                 Les demanderesses ont basé leur réclamations sur les faits allégués suivants:

-           M. Tsakala était autrefois le conseiller culturel du Président Lissouba. Lorsque celui-ci s'est fait renversé par la victoire du nouveau Président Sassou N'guesso, le père a dû quitter le Congo pour la Côte d'Ivoire;

-            À la même période, M. Moussambote, travaillant aux renseignements militaires, fut arrêté et emprisonné pendant près de quatre mois;

-            Le 18 décembre 1998, M. Moussambote a quitté le pays pour la République démocratique du Congo ("RDC") et les demanderesses ont quitté Brazzaville pour Pointe-Noire;


-           Le 13 février 2000, la demanderesse principale fut enlevée et emmenée au poste de sécurité publique Mvou Mvou pour être questionnée à propos du père de sa fille. Elle soutient aussi avoir été violée;

-           La demanderesse a quitté le Congo avec de faux documents d'identité le 20 octobre 2000 et avec l'aide de quelques policiers.

[4]                 La SSR n'a pas questionné l'identité et la citoyenneté des demanderesses. Toutefois, suite aux motifs, la SSR conclut ceci:

"L'absence manifeste de crainte subjective chez la revendicatrice, conjuguée à des contradictions et invraisemblances portant sur des éléments essentiels à sa revendication et pour lesquels elle n'a pu fournir d'explications satisfaisantes, entache de façon irrémédiable la crédibilité de l'ensemble de son témoignage."

[5]                 Il ressort des motifs que la SSR a basé cette conclusion sur diverse lacunes, telles des contradictions, des inconsistances, des invraisemblances, et sur des propos de son témoignage ponctués d'hésitations et d'incertitudes. La SSR a conclu en l'absence de crainte subjective en se basant sur le long délai écoulé entre la survenance des événements soutenant la crainte de persécution et leur fuite du Congo, sur les déplacements des demanderesses suite aux événements ainsi que le déplacement du père de l'enfant, et sur les circonstances entourant la fuite des demanderesses du Congo.

[6]                 Les demanderesses soutiennent que la SSR n'a pas motivé sa décision, qu'elle a erré dans son appréciation de la preuve quant à la crédibilité de la demanderesse principale, et qu'elle a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire objective relative aux conditions de vie au Congo. De plus, les demanderesses prétendent que la SSR n'a pas respecté les règles d'équité procédurale en faisant preuve de partialité. Finalement, il est soumis que la SSR n'a pas respecté la Charte Canadienne des droits et libertés de la personne, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 ("la Charte"), ainsi que les obligations internationales du Canada en matière de déportation.

[7]                 Contrairement aux allégations des demanderesses, je suis d'avis que la SSR a suffisamment motivé sa décision. Je puis dire que la SSR a amplement spécifié ses raisons et s'est grandement basée sur les faits révélés par la demanderesse pour en venir à ses conclusions. Ceci-dit, la SSR n'a pas commis d'erreur manifeste sur ce point.


[8]                 La SSR s'est principalement fondée sur le Formulaire de renseignement personnels ("FRP") et le témoignage de la demanderesse principale pour déterminer que son histoire n'était pas crédible à cause d'invraisemblances et de contradictions, cependant, la demanderesse soutient qu'elle a témoigné d'une façon crédible et cohérente et que la SSR n'a pas su apprécier la preuve des demanderesses à sa juste valeur. Sur ce, je ne peux que réitérer ce qui est établi par la jurisprudence; dans la mesure où les conclusions de la SSR ne sont pas manifestement déraisonnables, tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de la preuve, la Cour ne doit pas intervenir pour substituer son opinion à celle de la SSR et/ou casser la décision.

[9]                 En l'espèce, les demanderesses ne m'ont pas démontré en quoi la SSR a manifestement erré dans son analyse des faits et des conclusions qu'elle en a fait. À mon avis, les demanderesses tentent de substituer leur propre opinion à celle de la SSR quant à l'évaluation de la crédibilité de leurs déclarations et de la valeur probante, pertinence et suffisance de la preuve testimoniale et documentaire soumise.

[10]            Par ailleurs, j'ajouterais que les demanderesses tentent de minimiser les éléments sur lesquels portent les conclusions de la SSR, en les qualifiant de "secondaires", alors que les demanderesses elles-mêmes invoquaient ces éléments comme fondement de leur revendication.


[11]            Les demanderesses arguent que la SSR n'a pas tenu compte de la preuve documentaire objective traitant de la situation au Congo et que si elle l'avait fait, elle aurait déterminé que la revendication des demanderesses était bien fondée. La jurisprudence à ce sujet est très claire; il n'est pas suffisant pour un demandeur de simplement se baser sur la documentation objective relative aux conditions de vie du pays où il craint d'être persécuté afin de démontrer une crainte bien fondée de persécution, un revendicateur ou une revendicatrice du statut de réfugié doit absolument et nécessairement démontrer les deux composantes de la crainte, c'est-à-dire une peur subjective et une peur objective. Si une demande de statut de réfugié pouvait être déterminante seulement par l'analyse de la preuve documentaire objective, alors toute personne pourrait lire une des histoires que l'on y retrouve et en faire la leur.

[12]            D'autant plus qu'en l'espèce, la SSR a déterminé que le comportement des demanderesses au Congo avait été incompatible avec une crainte subjective, il n'était pas nécessaire à la SSR de conclure sur la preuve objective. Néanmoins, je suis convaincu que celle-ci a tout de même considéré cette preuve puisqu'elle a dû s'y référer pour compléter la preuve testimoniale de la demanderesse quant à certaines dates.

[13]            En ce qui concerne l'argument de justice naturelle à l'effet que l'audition de la SSR avait été injuste à son égard, que le président avait pris contrôle de l'interrogatoire, j'ai pris connaissance de la transcription et je suis en désaccord avec une telle suggestion. Les demanderesses étaient représentées par avocat et à aucun moment celui-ci a soulevé une préoccupation à cet égard.

[14]            Dans son ensemble, l'audition a été bien menée et les questions soulevées démontrent une recherche de la vérité et un souci pour le détail.


[15]            Quant au troisième argument des demanderesses à l'effet que leur déportation violerait la Charte, cette Cour s'est déjà penchée sur la question. Celle-ci a confirmé à plusieurs occasions que la SSR n'a pas la juridiction pour appliquer les divers instruments internationaux soulevés par les demanderesses. En fait, la Cour a écrit qu'il était simplement prématuré de les invoquer au stage où la seule juridiction de la SSR est de déterminer si oui ou non un demandeur ou une demanderesse est un/une refugié(e) au sens de la Convention [Sandhu c. Canada (M.C.I.) (2000), 258 N.R. 100 (C.A.), Barrera c. Canada (M.E.I.), [1993] 2 C. F. 3, Arica c. Canada (M.E.I.), [1995] A.C.F. No. 670, Kofitse c. Canada (M.C.I), [2002] A.C.F. No.1168].

[16]            Les procureurs ont soumis aucune question à certifier. Il n'y a aucune question à certifier.

                                              JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE:

Le présent pourvoi soit rejeté.

                 "Simon Noël"                     

           Juge


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 IMM-2176-02

INTITULÉ :             

             LOUBERCLAUDE LY BOUNGOU TSAKALA

         ESTERONE DIVINE MOUSSAMBOTE-LOUBERT

                                                                                              Demandeurs

                                                         et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                 ET DE L'IMMIGRATION

                                                         

                                                                                                 Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)


DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 19 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :L'HONORABLE JUGE S. NOËL

DATE DES MOTIFS :                                     8 avril 2003

COMPARUTIONS :

Me Stewart Istvanffy

POUR LES DEMANDEURS

Me Christine Bernard

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS


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