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     Date: 20000911

     Dossier: T-782-00


ENTRE :



ARTHUR ROSS


demandeur


et


SA MAJESTÉ LA REINE


défenderesse


MOTIFS DE L'ORDONNANCE


JOHN A. HARGRAVE

PROTONOTAIRE

[1]      Ces motifs découlent d'une requête qui a été présentée par écrit en vue de la radiation de l'action intentée par un détenu qui purge actuellement sa peine dans un établissement fédéral à sécurité moyenne, procédure qui, selon la défenderesse, aurait dû être engagée au moyen d'une demande de contrôle judiciaire. Le principal argument invoqué à l'encontre est que l'affaire ne révèle aucune cause d'action ou, subsidiairement, et je n'ai pas à examiner cet aspect de l'affaire, que l'action constitue un abus de procédure. En ce qui concerne la première question, je dois supposer que les faits, tels qu'ils sont énoncés dans la déclaration, et dans la mesure où ils sont pertinents, sont exacts aux fins de la présente requête.

[2]      La défenderesse a présenté un long mémoire. Dans une brève lettre qu'il a fournie en réponse, le demandeur déclare qu'il n'a pas l'intention de répondre à la requête car il n'a rien à dire si ce n'est ce qui est énoncé dans la déclaration. Le reste de sa lettre n'est pas pertinent aux fins de la requête. Pareille approche, c'est-à-dire le fait de ne faire aucun cas d'une requête en espérant que tout ira bien lorsque l'audience sera finalement tenue, est fort dangereuse. Le juge ou le protonotaire qui examine une requête comme celle-ci peut uniquement se fonder sur de savantes hypothèses. En l'espèce, j'ai donné à la déclaration du demandeur l'interprétation la plus libérale que je puisse lui donner.

[3]      Dans la déclaration, le demandeur parle d'une condamnation passée injustifiée, d'une condamnation existante injustifiée, de tranfèrements qui l'auraient censément mis en danger; il sollicite ensuite 100 000 $ à titre de dommages-intérêts par suite de l'omission de lui offrir les programmes éducatifs nécessaires, un bref de mandamus visant à supprimer les points qui, selon lui, ont été injustement ajoutés aux fins de son classement selon le niveau de sécurité ainsi qu'une ordonnance visant à le transférer dans une installation à sécurité minimale, à Prince Albert (Saskatchewan).

[4]      Selon la déclaration, il semble que le demandeur ait passé un certain temps à l'établissement de Grand Cash, à l'établissement de Stoney Mountain et à l'établissement de Drumheller, où il n'existait aucun programme et où l'environnement ne serait censément pas sûr pour le demandeur.

[5]      De son côté, la défenderesse ne se fonde sur aucun élément de preuve, soit l'approche qu'il convient d'adopter en vertu du paragraphe 221(2) des Règles de la Cour fédérale (1998); elle se contente de mentionner des textes de loi et diverses allégations figurant dans la déclaration. Il ressort clairement de la déclaration que le demandeur participait à un programme au centre psychiatrique régional, à Saskatoon (Saskatchewan), mais qu'on l'a retiré de ce programme parce qu'il refusait d'accepter la responsabilité du crime dont il avait été déclaré coupable, la déclaration de culpabilité y afférente ayant été prononcée au mois de mai 1997.

[6]      Selon le critère qui s'applique à la radiation d'une déclaration pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable, il doit être évident, manifeste et au-delà de tout doute que les procédures n'ont aucune chance de succès. Il doit s'agir d'une affaire futile qui ne peut pas porter fruit : ce critère a été énoncé par maints tribunaux, en des termes similaires, notamment par la Cour suprême dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc. [1990] 2 R.C.S. 959, aux pages 979 et 980.

[7]      Je suis d'accord avec la défenderesse pour dire que les présentes procédures auraient dû se dérouler selon le système de règlement de griefs et d'examen prévu dans la législation pertinente et je mentionnerai ici la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 et son règlement d'application; j'ajouterai que si le demandeur n'était pas satisfait du résultat, il pourrait alors présenter une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Le demandeur aurait ainsi pu traiter des tranfèrements, auxquels il ne souscrit pas. Au moyen de cette procédure, il aurait pu obtenir au moins un examen initial des points de pénalité supplémentaires qui, selon lui, ont été ajoutés à son dossier, limitant ainsi son accès à une installation à sécurité minimale. Toutefois, il n'appartient certes pas à cette cour, en l'espèce, de déterminer dans quel établissement le demandeur devrait purger sa peine. Tel est le but de la procédure prévue par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, en particulier, telle qu'elle est énoncée aux articles 28, 29, 90 et 91 de cette loi ainsi qu'aux articles 11 à 16 et 74 à 82 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620.

[8]      Il s'agit de procédures internes qui s'appliquent, sauf dans des circonstances spéciales, par exemple lorsque ces procédures ne fourniraient aucun redressement réel. Pareilles procédures doivent tout d'abord être suivies par le détenu pour qu'il devienne admissible à la procédure d'examen offerte par la Cour fédérale. Or, dans ses documents, le demandeur ne fait mention d'aucune circonstance spéciale qui puisse constituer une exception à cette règle générale.

[9]      Dans la déclaration, le demandeur déclare simplement qu'il [TRADUCTION] « [...] a utilisé la procédure interne de règlement des griefs, mais que celle-ci n'a pas vraiment porté fruit [...] » , en parlant d'un passage dont Madame le juge Louise Arbour aurait censément été l'auteur, et qu'il n'obtiendra donc aucun redressement au moyen d'une mise en liberté sous condition jusqu'au mois de mai 2013. Dans certains cas, cela pourrait nous amener à nous demander si, dans la présente action, le demandeur pourrait être en mesure, si on lui laissait le bénéfice du doute, de dire que l'action n'est pas vouée à l'échec et qu'elle pourrait être transformée en un contrôle judiciaire en vertu de la règle 57 des Règles de la Cour fédérale, qui prévoit que « [l]a Cour n'annule pas un acte introductif d'instance au seul motif que l'instance aurait dû être introduite par un autre acte introductif d'instance » . Si le demandeur pouvait se prévaloir de cette disposition, il pourrait bien présenter avec succès une requête en vue de faire transformer la présente action en un contrôle judiciaire, et obtenir ensuite une prorogation du délai dans lequel il pourrait demander un redressement.

[10]      Le problème qui se pose, en ce qui concerne l'approche fondée sur la règle 57, est qu'il n'y a presque rien dans la déclaration qui permette de savoir quelles mesures le demandeur a prises ou aurait pu prendre en vue d'obtenir un redressement interne en vertu des procédures de règlement des griefs. Il n'y a non plus aucune chronologie des événements qui montrerait que le demandeur a sollicité un redressement relativement récemment, de façon à pouvoir bénéficier du délai de 30 jours dans lequel une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le tribunal d'une prison doit être présentée devant la Cour fédérale. Il n'y a rien dans la déclaration ou dans les documents du demandeur qui explique le retard. En outre, eu égard aux faits énoncés dans la déclaration et si ces faits sont examinés à la lumière de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition applicable, je ne puis constater l'existence d'aucun argument contraire raisonnable qui puisse être invoqué afin d'établir l'existence d'une cause défendable.

[11]      En conclusion, l'action du demandeur est radiée. Il ne semble pas y avoir la moindre chance qu'une modification porte fruit, de sorte que la radiation est ordonnée sans que l'autorisation d'effectuer des modifications soit accordée.

[12]      Quant aux dépens, la défenderesse n'a pas déposé de défense. De nombreux documents ont été déposés dans le cadre de la requête, mais la défenderesse ne sollicite pas les dépens, de sorte que ceux-ci ne sont pas adjugés.


                             « John A. Hargrave »

                             Protonotaire

Le 11 septembre 2000,

Vancouver (Colombie-Britannique).


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :      T-782-00

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ARTHUR ROSS

     c.

     SA MAJESTÉ LA REINE

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du protonotaire Hargrave en date du 11 septembre 2000


ARGUMENTATION ÉCRITE :

Arthur Ross          POUR LE DEMANDEUR
Tracy King          POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg          POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


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