Date : 20030625
Dossier : T-1168-01
Référence : 2003 CFPI 788
Toronto (Ontario), le 25 juin 2003
En présence de Monsieur le juge O'Reilly
ENTRE :
APOTEX INC.
demanderesse
et
SYNTEX PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED et
HOFFMANN-LaROCHE LIMITED
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Dans des circonstances hors de l'ordinaire, la demanderesse Apotex a récemment demandé et obtenu une prorogation de délai, jusqu'au 15 octobre 2001, afin de signifier une déclaration contre la défenderesse Syntex. La demanderesse avait tenté de signifier la procédure à Syntex à l'intérieur des délais habituels de 60 jours en la lui signifiant chez ses avocats Smart et Biggar au cours du mois de juillet 2001. Toutefois, le cabinet d'avocats n'avait alors reçu aucune directive ou autorisation pour accepter la signification au nom de Syntex et il a informé Apotex qu'elle devait signifier la procédure aux Bermudes. Elle a pu le faire le 15 octobre 2001, soit 45 jours plus tard.
[2] Il semble que la question de la signification tardive ait été mise de côté en raison d'incidents survenus dans le cadre de l'action. En août 2001, la défenderesse Hoffman-LaRoche a présenté une requête pour faire radier la déclaration. Cette requête a été accordée par le protonotaire Lafrenière, mais cette décision a été renversée en appel le 6 décembre 2001. Le juge Blais a conclu que les questions soulevées dans la déclaration concernaient l'interprétation de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et que cela devait être décidé au cours du procès. Son ordonnance accordait aux défenderesses 20 jours afin de présenter leur défense. En d'autres termes, le 6 décembre 2001 le juge Blais avait l'impression qu'il y avait deux défenderesses. L'appel interjeté devant la Cour d'appel fédérale à l'encontre de cette décision a été rejeté.
[3] La défenderesse Hoffman-LaRoche a présenté sa défense dans les délais prévus mais Syntex ne l'a pas fait. À la suite d'une demande par Apotex, Smart et Biggar a maintenu que Syntex n'avait pas reçu signification de la déclaration en bonne et due forme. Toutefois, ce n'est qu'au moment de l'examen de l'instance et au début de la gestion de l'instance qu'il a été possible de se pencher sérieusement sur la question de la signification faite à Syntex afin d'y apporter une réponse finale. Le protonotaire Aronovitch a demandé des éclaircissements en avril 2003 afin d'obtenir une explication à savoir si la signification avait été faite en bonne et due forme. Les discussions additionnelles ayant eu lieu avec le protonotaire Aronovitch ont amené Apotex à présenter la requête en vue d'obtenir une prorogation du délai pour signifier la déclaration. Cette requête a été accueillie par le protonotaire Lafrenière le 12 mai 2003. Syntex souhaite faire annuler cette décision.
Questions en litige
[4] Deux questions sont soulevées. La première porte sur la norme de contrôle applicable à la décision du protonotaire Lafrenière concernant l'autorisation de proroger le délai. La deuxième question consiste à savoir si la décision doit être infirmée.
[5] Je ne me pencherai pas sur la première question. Il est possible de soutenir que la décision de proroger le délai afin de signifier la déclaration représente une question « ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause » et qu'elle devrait faire l'objet d'une audition de novo (Canada c. Acqua-Gem Investments Ltd. (1993) 2 C.F. 425, aux pages 462 et 463). Si la prorogation de délai avait été refusée, l'action contre Syntex serait effectivement terminée. Je suis prêt à accepter cette qualification pour les besoins du présent dossier prenant en considération mes conclusions selon lesquelles la décision du protonotaire Lafrenière était, en tout état de cause, correcte.
[6] La question qui consiste à savoir si une prorogation de délai devrait être accordée « dépend des faits de chaque cause » (Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399). La considération obligatoire consiste à s'assurer que justice est rendue entre les parties (Registered Public Accountants Association of Alberta c. Society of Professional Accountants of Canada (2000), 5 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)). Dans l'affaire Hennelly, on énumère quatre facteurs à prendre en considération :
1. une intention constante de poursuivre sa demande;
2. que la demande est bien fondée;
3. que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai;
4. qu'il existe une explication raisonnable justifiant le délai.
1. L'intention constante
[7] La demanderesse a clairement démontré l'intention constante de poursuivre son action contre les deux défenderesses. Elle a signifié sa déclaration aux deux défenderesses, s'est informée au sujet de la défense de Syntex, a constamment demandé à Smart et Biggar de reconsidérer sa position concernant la signification et a soulevé la question au moment de l'examen de l'instance et au début de la gestion de l'instance. Le délai permis pour la signification était de 45 jours seulement. La période suivante a été occupée par diverses étapes interlocutoires et ne peut être interprétée comme un manque d'intérêt dans l'action contre Syntex.
2. Le bien-fondé
[8] Syntex prétend qu'Apotex doit présenter la preuve du bien-fondé et non pas uniquement des arguments. Je cite deux causes dans lesquelles on a effectivement présenté un élément de preuve devant la Cour (Voir Registered Public Accountants Association of Alberta c. Society of Professional Accountants of Canada, précitée (RPAAA), et Budget Steel Ltd. c. Seaspan International Ltd. 2003 CFPI 610). Toutefois, on ne précise pas dans ces causes si la présentation d'éléments de preuve constitue un élément essentiel pour la réussite de la demande. Dans certains cas, l'existence du bien-fondé peut être établie par référence à d'autres sources, incluant les plaidoiries. Dans le cas présent, je n'ai qu'à m'en rapporter aux décisions du juge Blais et de la Cour d'appel au sujet de la requête visant à faire radier la déclaration d'Apotex. Il a déjà été décidé que cette action soulève une question d'interprétation législative qui doit être tranchée au moment du procès.
3. Le préjudice
[9] Il est difficile d'en arriver à la conclusion que Syntex subirait un préjudice si la prorogation de délai était accordée. Syntex a toujours été au courant de cette action. Ses avocats, qui représentent également la défenderesse Hoffman-LaRoche, ont participé au dossier depuis le début et ils ont, de manière directe ou indirecte, protégé les intérêts de Syntex. Ils ont présenté une requête afin de faire radier l'action au nom de la défenderesse Hoffman-LaRoche. S'ils avaient eu gain de cause, cette requête aurait également été à l'avantage de Syntex. Le fait qu'ils n'aient pas eu gain de cause, et que les mêmes arguments ne peuvent faire l'objet d'un nouveau litige, ne peut être considéré comme causant préjudice aux intérêts de Syntex. Syntex a encore toutes les possibilités de se défendre contre l'action.
4. L'explication raisonnable
[10] Apotex a fourni une explication raisonnable pour justifier le délai dans la signification de l'action et pour la présentation de la présente requête. Elle croyait que Smart et Biggar accepterait la signification à l'intérieur des délais requis au nom de Syntex. Elle croyait que l'ordonnance du juge Blais liait Syntex et elle attendait de recevoir la défense. Elle avait compris que la question était résolue par l'ordonnance du 10 décembre 2002 concernant l'examen de l'état de l'instance selon laquelle la procédure devait se poursuivre contre les deux défenderesses.
Conclusion
[11] Prenant en considération toutes les circonstances, y compris les quatre facteurs mentionnés précédemment, je suis convaincu que l'intérêt de la justice est préservé en accordant une prorogation de délai afin de signifier la déclaration, tel que cela a été décidé par le protonotaire Lafrenière. Par conséquent, la requête est rejetée.
[12] L'avocat a demandé la possibilité de présenter des arguments écrits au sujet de la question des dépens. Je vais prendre en considération ces arguments s'ils sont déposés dans un délai de cinq jours ouvrables de la présente ordonnance. Les arguments ne doivent pas excéder deux pages.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. La requête soit rejetée.
2. Les parties peuvent présenter des arguments écrits au sujet de la question des dépens lesquels ne devront pas excéder deux pages et devront être présentés à l'intérieur d'un délai de cinq jours ouvrables.
« James W. O'Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1168-01
INTITULÉ : APOTEX INC.
demanderesse
et
SYNTEX PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL
LIMITED et HOFFMAN-LAROCHE LIMITED
défenderesses
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 23 JUIN 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE O'REILLY
DATE DES MOTIFS : LE 25 JUIN 2003
COMPARUTIONS : Andrew Brodkin
Pour la demanderesse
Nancy Pei
Pour les défenderesses
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Goodmans s.r.l.
Avocats et conseillers juridiques
Toronto (Ontario) Pour la demanderesse
Smart et Biggar
Toronto (Ontario) Pour les défenderesses
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20030625
Dossier : T-1168-01
ENTRE :
APOTEX INC.
demanderesse
et
SYNTEX PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED ET HOFFMANN-LAROCHE LIMITED
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE