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Date : 20040805

Dossier : IMM-6357-03

Référence : 2004 CF 1079

Montréal (Québec), le 5 août 2004

Présent :          Monsieur le juge Lemieux

ENTRE :

                                            SANDRA PATRICIA ZAVALA SIBAJA

GUILLERMO ARTURO OVALLE ZAVALA

                                                                                                                         partie demanderesse

                                                                             et

                                             LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION

ET DE LA CITOYENNETÉ

                                                                             

                                                                                                                           partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le 25 juillet 2003, la Section de la protection des réfugiés (le tribunal) refuse d'accorder aux demandeurs, une mère et son fils mineur, citoyens du Mexique, la qualité de réfugiés ni de personnes à protéger au motif que l'histoire de persécution racontée par Mme Sibaja « est fabriquée de toutes pièces » .

[2]                Devant cette Cour, la conclusion du tribunal à l'encontre de la revendication de Mme Sibaja n'est pas attaquée et donc cette demande de contrôle judiciaire de sa part doit être rejetée.

[3]                Ce qui est contesté dans ce dossier est la conclusion sur la revendication du fils mineur qui, lorsqu'il a témoigné devant le tribunal, avait quatorze ans.

[4]                Deux motifs sont invoqués :

(i)         Aucun représentant désigné n'a été nommé par le tribunal tel que l'exige le paragraphe 167(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la loi) qui se lit :

(2) Est commis d'office un représentant à l'intéressé qui n'a pas dix-huit ans ou n'est pas, selon la section, en mesure de comprendre la nature de la procédure.

(2) A Division may refuse to allow an applicant to withdraw from a proceeding if it is of the opinion that the withdrawal would be an abuse of process under its rules.

(ii)        le tribunal a rejeté la revendication de l'enfant mineur sans aucune justification.

[5]                J'estime que la décision du tribunal doit être cassée concernant le jeune Guillermo pour les deux motifs soulevés mais surtout parce que le tribunal n'a simplement pas traité de sa revendication.


[6]                Le jeune revendicateur a témoigné devant le tribunal. Le tribunal l'a questionné sur        (1) son école, (2) sa demeure, (3) ses vacances d'été en 2001 avec son père, divorcé de sa mère, (4) pourquoi il n'est pas retourné à l'école en septembre 2001, (5) s'il comprenait la vérité, (6) où habitait son père.

[7]                C'est seulement après toutes ces questions que le jeune revendicateur a été assermenté. Le tribunal ou l'agent de la protection des réfugiés le questionne sur (7) l'endroit où il était en septembre et octobre 2001, (8) quand le départ pour le Canada a été planifié, (9) pourquoi il voulait venir au Canada (10) qui était responsable des kidnappings à son école et à celle de sa cousine.

[8]                Ensuite, Mme Sibaja témoigne sans la présence de son fils que le tribunal avait exclu. Le tribunal veut savoir de Madame si l'enfant avait été séquestré avec elle par son agent persécuteur présumé durant un voyage en août 2001. Elle répond oui. Par après, le tribunal lui pose beaucoup de questions sur cette séquestration.

[9]                À mon avis, le tribunal devait statuer sur la revendication de Guillermo. La loi et la directive no 3 sur les enfants du président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié l'exigent. Le tribunal a manqué à son devoir en n'analysant pas le preuve et en n'arrivant à aucune conclusion sur sa revendication.

[10]            Je n'accepte pas les prétentions du défendeur sur le premier motif concernant la désignation d'un représentant pour Guillermo.


[11]            Le défendeur soumet que Madame a été désignée représentante et comme preuve il attire mon attention à la première page de la décision où le nom de Madame apparaît dans l'espace entre les mots imprimés « représentant désigné - designated representative » .

[12]            Cependant, il est évident que Madame n'a pas été désignée au début ni durant l'audience du 10 juin 2003; le procès-verbal n'y révèle aucune indication.

[13]            Qui plus est, il semble qu'aucune conférence préparatoire n'a eu lieu; souvent la désignation se fait durant celle-ci.

[14]            Une preuve additionnelle du défendeur sous forme d'affidavit confirmant la désignation m'apparaît nécessaire, ce qui ne fut pas le cas.

[15]            La désignation d'un représentant d'après le paragraphe 167(2) de la Loi est obligatoire;

[16]            Le défaut de procédure devant le tribunal n'est pas pardonné du fait qu'aucune objection n'a été soulevée (voir Phillip c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1998] A.C.F. no 1820 au paragraphe 7).

[17]            J'endosse entièrement les remarques suivantes du juge Rothstein, alors en première instance, au paragraphe 9 dans Phillip, précité :

9 L'un des rôles de la présente Cour est de superviser la conduite des tribunaux fédéraux. Quand ces tribunaux mènent leurs procédures sans tenir compte des exigences légales, la Cour a l'obligation de les réprimander vivement de façon à donner des directives claires et précises pour les procédures à venir. C'est ce que la Cour fait en l'espèce.

[18]            Le juge Sharlow au nom de la Cour d'appel fédérale dans Stumf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CAF 148, [2002] A.C.F. no 590 écrit ceci sur l'obligation de nommer un représentant sous l'article 69(4) de l'ancienne loi sur l'immigration :

6 Nous sommes d'avis que le par. 69(4) de la Loi sur l'immigration impose une obligation à la Section du statut de réfugié de désigner un représentant pour toute personne qui revendique le statut de réfugié et qui répond aux critères établis par la loi. Cette obligation survient dès que la Section du statut de réfugié prend connaissance de ces faits. Dans le présent dossier, l'âge de la revendicatrice mineure était apparent dès le début des procédures et la Section du statut de réfugié aurait dûlui désigner un représentant au moment où des procédures de désistement ont été envisagées, ce qui aurait dû être fait àtout le moins avant le dépôt de la requête de réouverture de la revendication. Le défaut de la Section du statut de réfugiéconstitue une erreur qui a vicié la décision de refuser la requête.

[19]            Le défendeur soutient que le défaut de désigner un représentant n'a pas pour conséquence de vicier la décision relative à la revendication de l'enfant.

[20]            Prenant pour acquis mais sans le décider que cette prétention est une considération pertinente lorsqu'il y a violation du paragraphe 167(2) de la Loi, j'adopte la conclusion de la juge Dawson dans Duale c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 150, [2004] A.C.F. no 178, au paragraphe 20 :


20 À la lumière des trois premières conclusions de la SPR énoncées précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure avec certitude que le défaut de nommer un représentant commis d'office n'avait pu influer d'une façon défavorable sur l'issue de la revendication. Un représentant commis d'office aurait été chargé d'aider M. Duale à recueillir des éléments de preuve. La preuve dont je dispose appuie l'inférence selon laquelle le processus de cueillette de la preuve n'a pas été ce qu'il aurait pu être.

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de madame Sibaja est rejetée. Cependant, celle de l'enfant mineur est accueillie; la décision du tribunal quant à sa revendication est cassée et elle doit être réétudiée par une formation différente. Aucune question à certifier n'a été proposée.

                « François Lemieux »                 

                               juge

.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-6357-03

INTITULÉ :              

SANDRA PATRICIA ZAVALA SIBAJA

GUILLERMO ARTURO OVALLE ZAVALA

                                                                         partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION

ET DE LA CITOYENNETÉ

                                                     

                                                                           partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 3 août 2004

MOTIFSDE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   le 5 août 2004

COMPARUTIONS:

Me Michelle Langelier                           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Simone Truong                                POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Michelle Langelier                           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)


Morris Rosenberg                                  POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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