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Date : 20030602

Dossier : T-368-02

Référence : 2003 CFPI 690

Ottawa (Ontario) le 2 juin 2003

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JOHANNE GAUTHIER

ENTRE :

                                                              DONA ZIAD HADDAD

                                                                                                                                  Partie demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                     Partie défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Dona Ziad Haddad est citoyenne du Liban et elle est âgée de 28 ans. Elle est venue avec sa mère et sa soeur au Canada le 18 octobre 1994. Elle en appelle en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la Citoyenneté, L.R.C. 1985, c. C-29, (la « Loi » ) de la décision du juge George Springate rejetant sa demande de citoyenneté.


[2]                 Dans sa lettre de refus en date du 31 janvier 2002, le juge Springate indique avoir constaté que i) Mme Haddad n'a pas déposé de preuve satisfaisante de sa résidence au Canada pendant au moins trois ans dans les quatre ans qui précèdent immédiatement la date de sa demande du 18 avril 2000 (alinéa 5(1(c) de la Loi) et ii) qu'elle n'a pas démontré une connaissance suffisante du Canada ainsi que des responsabilités et privilèges de la citoyenneté en répondant correctement à seulement six des dix-neuf questions qui lui furent posées et en ne répondant pas correctement à trois des questions obligatoires (alinéa 5(1)e) de la Loi).

[3]                   Le juge Springate note aussi avoir considéré, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi, s'il y avait lieu de recommander au ministre une dispense pour des raisons humanitaires et indique :

Lors de l'entrevue, j'ai tenté de savoir s'il existait des circonstances spéciales pouvant justifier une telle recommandation. Puisque vous ne m'avez soumis aucun élément de preuve à cet égard, je ne vois aucune raison d'adresser une telle recommandation au Ministre.

[4]                 Il est opportun de souligner que le juge Springate a aussi rejeté pour des motifs semblables la demande de citoyenneté de la mère et de la soeur de Mme Haddad et que les trois appels ont été entendus en même temps par la Cour.

Questions en litige

[5]                 Dona Zia Haddad argue que la décision du juge Springate est mal fondée en fait et en droit pour les motifs suivants :


           i)          pour ce qui est du rejet sur la base de l'alinéa 5(1)e) de la Loi, le juge aurait dû recommander une dispense en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi puisque Mme Haddad souffre d'un handicap mental et que c'est pour cette raison qu'elle n'a pu répondre correctement à toutes les questions posées lors de l'entrevue.

ii)         et en ce qui concerne l'alinéa 5(1)c) de la Loi, le juge n'a pas considéré le jugement de la Commission de l'immigration du statut de réfugié en date du 6 janvier 2000 et lui a imposé un fardeau de preuve trop lourd, soit au-delà de la balance des probabilités. Le juge aurait aussi omis ou refusé de considérer toutes les preuves au dossier démontrant ainsi qu'il était biaisé;

[6]                 Outre ces questions de fond, les parties soulèvent deux objections préliminaires quant à l'admissibilité de certains documents déposés au dossier d'appel.

[7]                 La défenderesse soumet que les documents P-4 et P-5 déposés par Mme Haddad n'étaient pas devant le juge de la citoyenneté et ne peuvent donc servir à évaluer s'il était justifié de ne pas recommander une dispense en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi.


[8]                 Mme Haddad s'oppose à ce que la Cour tienne compte de certains documents contenus dans le dossier du juge Springate déposé par voie d'affidavit un peu plus de dix jours avant l'audition. Plus particulièrement, elle s'objecte au dépôt i) d'une note de service d'une agente de la citoyenneté datée le 14 septembre 2001 et ii) des notes manuscrites et des motifs détaillés du juge Springate qui ne lui furent pas communiqués le 31 janvier 2002.

[9]                 Ayant pris connaissance des autorités soumises par la défenderesse, Mme Haddad a décidé lors de l'audition, de retirer les pièces P-4 et P-5 qui faisaient état de son léger retard psycho-moteur bien contrôlé et ne nécessitant aucun traitement médical.

[10]            Quant à la seconde objection, le seul argument soulevé par Mme Haddad est que le dépôt est tardif et que ce retard lui cause un préjudice puisqu'elle n'a jamais eu l'occasion de prendre connaissance de ces documents avant la signification de cet affidavit. La défenderesse soumet que Mme Haddad aurait pu obtenir copie du dossier du juge Springate en tout temps, soit par le biais d'une demande en vertu de l'article 29 du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246, ou d'une demande de transmission en vertu de la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. Elle soumet aussi que Mme Haddad n'a pas été prise par surprise puisque le mémoire de la défenderesse signifié et déposé le 10 juillet 2002 réfère abondamment au dossier du juge de la citoyenneté y inclus les notes et motifs auxquels Mme Haddad s'objecte maintenant.

[11]            La Cour considère qu'il est dans l'intérêt de la justice que tout le dossier du juge de la citoyenneté soit déposé. La Cour note qu'elle aurait pu elle-même exiger le dépôt de cette preuve en vertu de la règle 313 des Règles de la Cour fédérale (1998). La Cour permet donc le dépôt tardif de l'affidavit de Mme Dominique Toillon en date du 25 février 2003.


Analyse

[12]            Comme je l'ai dit, Mme Haddad reconnaît qu'elle ne remplit pas les exigences de l'alinéa 5(1)e) de la Loi. Elle soumet que le juge Springate n'a pas considéré son handicap mental aux fins de déterminer s'il devait recommander une dispense (paragraphes 15(1) et 5(3) de la Loi).

[13]            La Cour se doit de noter qu'il y a un débat à savoir si l'exercice du pouvoir prévu au paragraphe 15(1) de la Loi est une décision au sens du paragraphe 14(2) appelable en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi ou si l'on doit contester la décision de recommander une dispense ou pas par le biais d'un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7, (voir Abdule c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no. 1524 (QL) et Zhang c. Canada (M.C.I.) [2000] A.C.F. no. 1943 (QL).)

[14]            Mme Haddad a déposé sa demande en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi. Toutefois, comme le juge Kelen dans Hassan v. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no. 1049 (QL), je ne crois pas devoir rejeter la demande de Mme Haddad sur cette base. Depuis 1998, l'appel en vertu de 14(5) de la Loi n'est plus un appel de novo et le dossier de la Cour est constitué des mêmes éléments de preuve qu'il s'agisse d'un appel ou d'un contrôle judiciaire. Les autres différences entre les deux recours ne sont pas pertinentes en l'espèce puisque je crois que le juge de la citoyenneté n'a pas commis d'erreur revisable. J'adopte donc la solution pratique proposée par le juge Kelen dans l'affaire mentionnée ci-haut afin d'éviter qu'un vice de forme ne retarde inutilement une décision sur cette demande.


[15]            La norme de contrôle applicable à la décision de recommander ou non une dispense n'est pas la même que celle applicable à l'évaluation des conditions fixés au paragraphe 5(1) de la Loi. L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire comme celui prévu au paragraphe 15(1) de la Loi mérite plus de déférence. (Voir Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S.. 817; Maple Lodge Farms c. Government of Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.)

[16]            Comme je l'ai dit plus haut, il appert de la lettre de refus que le juge de la citoyenneté a considéré avant de rejeter cette demande de citoyenneté, s'il devait recommander une dispense. La seule question est donc de savoir s'il a tenu compte de l'handicap de Mme Hadddad.

[17]            À cet égard, Mme Haddad nous dit être la preuve vivante de son handicap et qu'elle n'avait donc pas à soumettre d'autre preuve pour justifier une recommandation de dispense.

[18]            Dans ses notes, le juge de la citoyenneté indique :

In submitted documents, the family presents the applicant as handicapped. She reportedly stays with her parents at all times. No medical documents were submitted to support the family's statements.

The applicant was not accompanied during her hearing with she [sic]. I found her polite, composed and fully capable of being part of the same discussion. Moreover, I found no reason to refer her to the Minister for special consideration.


[19]            La Cour note que l'affidavit du 16 avril 2002 est fait au nom de Dona Ziad Haddad mais qu'il est signé par Carmella Khalil Henoud, sa mère qui se décrit comme son tuteur légal. Le fait que Mme Haddad soit sous tutelle n'apparaît pas des autres documents déposés en son nom. Elle a elle-même signée sa demande de citoyenneté. Comme le remarque le juge Springate, il est intéressant de noter que Mme Henoud a jugé sa fille capable d'assister seule à son entrevue avec le juge Springate. Il est aussi opportun de noter à cet égard, que dans ses notes d'entrevue avec Mme Henoud, le juge Springate indique « daughter is somewhat slow - but she can study says mother » . Mme Haddad est d'ailleurs décrite comme étant une « étudiante » dans sa fiche relativement au droit d'établissement.

[20]            Dans les circonstances, la Cour ne peut conclure que le juge Springate a omis d'exercer sa discrétion ou a failli à son obligation de considérer toute la preuve au dossier. Sa décision de ne pas recommander une dispense et de rejeter la demande en vertu de l'alinéa 5(1)e) de la Loi n'est pas déraisonnable.

[21]            Il n'est pas utile de déterminer si le juge de la citoyenneté a erré quant à son appréciation de la résidence au sens de l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[22]            Pour ces motifs la demande est rejetée.


LA COUR ORDONNE :

1.         La demande est rejetée.

                                                                                                                                      « Johanne Gauthier »             

                                                                                                                                                                 Juge                          


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                                                                                                                                       

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                                           T-368-02

INTITULÉ :                                        Dona Ziad Haddad c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 10 mars 2003

MOTIFS[de l'ordonnance ou du jugement] : L'honorable Johanne Gauthier

DATE DES MOTIFS :                      le 2 juin 2003

COMPARUTIONS :

Me Annie Kenane                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Me Diane Lemery                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Annie Kenane                                                                          POUR LE DEMANDEUR

1640 - 630, Boul. René-Lévesque ouest

Montréal (Québec) H3B 1S6

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Député ministre de la Justice

Montréal (Québec) H2Z 1X4

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