Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030812

Dossier : IMM-2031-01

Référence : 2003 CF 967

Halifax (Nouvelle-Écosse), le mardi 12 août 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                   OLEXANDR BOJCHUK

                                                                                                                              demandeur

                                                                       et

                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision prise par une agente des visas le 12 mars 2001. En refusant la demande de résidence permanente du demandeur, l'agente des visas a conclu que celui-ci n'avait pas observé le paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. De plus, l'agente des visas a conclu que le demandeur appartenait à la catégorie de personnes non admissibles visées au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi.


[2]                Le demandeur est un citoyen ukrainien; il a soumis une demande en vue de résider en permanence au Canada en tant que membre de la catégorie des immigrants indépendants.

[3]                Dans sa demande, le demandeur a fait état de son expérience professionnelle comme suit :

Janvier 1993 - mai 1997           Maison « Amius » à titre de programmeur

Mai 1997 - août 1998 Institut de Traduiseurs à titre de programmeur

Septembre 1998 -                    Maison Torgmach à titre d'ingénieur-programmeur

jusqu'à la date de la demande

[4]                Le demandeur avait ouvert son dossier d'immigration pour le Québec au mois de novembre 1997; au mois d'août 1998, il a subi avec succès l'entrevue de sélection du Québec.

[5]                La lettre de refus de l'agente des visas est ainsi libellée :

[TRADUCTION] Monsieur,

La présente fait suite à la demande que vous avez faite en vue de résider en permanence au Canada. J'ai examiné tous les renseignements pertinents.


C'est avec regret que je dois vous informer que votre demande a été refusée. À mon avis, vous appartenez à la catégorie de personnes non admissibles visées au paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, qui prévoit que quiconque présente une demande en vue d'entrer au Canada « doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements » . De plus, vous ne pouvez satisfaire aux exigences des articles 8, 9 et 11 du Règlement puisque vous ne respectez pas nos normes de sélection.

Sur le formulaire de demande, vous avez indiqué que vous avez travaillé comme programmeur à l'Institut des traducteurs et interprètes de Kiev du mois de mai 1997 au mois de septembre 1998. Vous avez également soumis à l'appui des références de l'Institut susmentionné, signées par M. Dravert. La lettre renfermait le numéro d'enregistrement d'un document montrant que l'Institut des interprètes vous avait renvoyé (no 44 du 31 août 1998). Nous avons été informés qu'en fait vous n'avez jamais travaillé à cet institut. Le 30 novembre 1999, je vous ai envoyé une lettre dans laquelle je vous demandais d'expliquer les incohérences. Dans votre réponse du 14 décembre 1999, vous avez affirmé que l'Institut des traducteurs et interprètes ne peut pas prouver que vous travailliez à cet endroit parce que, après que l'Institut eut été divisé à la suite de la création de l'Institut des Interprètes et de l'Institut international de linguistique et d'administration, tous les documents ont été transmis à ce dernier institut. Nous avons encore une fois confirmé avec M. Akulov, recteur de l'Institut des interprètes, et avec M. Skorokhodko, recteur de l'Institut de linguistique et d'administration, que tous les documents du service du personnel sont demeurés à l'Institut des interprètes et qu'il n'existe aucun document indiquant que vous avez exercé un emploi à cet endroit. Vous avez également soumis votre carnet de travail original, qui indique que vous occupiez, à cet institut, le poste de programmeur et que vous avez été renvoyé le 4 septembre 1998 selon l'ordre d'enregistrement no 89 (dans les références il était fait mention de l'ordre no 44 du 31 août 1998). Vous n'étiez pas en mesure d'expliquer l'incohérence entre les références et votre carnet de travail.

Je puis maintenant conclure que, dans votre demande, vous avez fait une fausse déclaration au sujet de votre expérience professionnelle et que vous avez soumis plusieurs documents falsifiés à l'appui de l'expérience professionnelle que vous auriez acquise à l'Institut des traducteurs et interprètes.

Étant donné que vous avez soumis de faux renseignements, vous avez contrevenu aux dispositions du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, selon lequel vous devez répondre franchement aux demandes de renseignements.

De plus, étant donné que vous avez soumis des documents frauduleux à l'ambassade du Canada, vous avez contrevenu aux dispositions de l'article 194 du Code criminel ukrainien. Étant donné qu'en Ukraine et au Canada, quiconque utilise des documents frauduleux en vue de tromper quelqu'un commet une infraction, vous appartenez à une catégorie de personnes non admissibles visées au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration du Canada. Vous n'êtes donc pas admissible au Canada à titre de visiteur ou d'immigrant. Vous pouvez justifier de votre réadaptation à l'expiration d'un délai de cinq ans.


[6]                Il s'agit ici du contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas.

Prétentions du demandeur

[7]                Le demandeur soutient que l'agente des visas n'a pas pris en considération toutes les explications qu'il avait données au sujet de son expérience.

[8]                Le demandeur affirme que l'agente des visas n'a pas mené une enquête suffisante sur les faits liés à son emploi auprès de l'Institut des traducteurs et qu'elle n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve relatifs à l'expérience qu'il avait acquise auprès de cette organisation.

[9]                Le demandeur affirme également qu'il n'y avait pas lieu pour l'agente des visas de conclure qu'il appartenait à la catégorie des demandeurs non admissibles visés au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration.


Prétentions du défendeur

[10]            Le défendeur soutient qu'il incombe au demandeur de fournir à l'appui de sa demande des éléments de preuve crédibles suffisants pour convaincre l'agente des visas qu'il ne serait pas contraire à la loi de lui délivrer un visa.

[11]            Le défendeur dit que l'agente des visas n'a pas violé les principes d'équité procédurale ou commis d'erreur de droit en refusant la demande.

[12]            Le défendeur affirme que les conclusions de l'agente des visas étaient raisonnables.

[13]            Le défendeur déclare que la Cour ne peut pas tenir compte de la preuve figurant dans l'affidavit du demandeur, qui n'était pas mis à la disposition de l'agente des visas.

[14]            Le défendeur affirme également que la conclusion de l'agente des visas selon laquelle le demandeur n'était pas admissible au Canada conformément au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration était raisonnable et qu'elle était étayée par la preuve.

[15]            Les points litigieux

1.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en décidant de ne pas faire droit à la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada?

2.          L'agente des visas disposait-elle d'éléments de preuve raisonnables lui permettant de s'assurer que le demandeur appartenait à la catégorie de demandeurs visés au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration?

[16]            Dispositions législatives pertinentes

Les paragraphes 9(3) et 9(4) de la Loi sur l'immigration sont ainsi libellés :

9(3) Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

(4) Sous réserve du paragraphe (5), l'agent des visas qui est convaincu que l'établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier et aux personnes à charge qui l'accompagnent un visa précisant leur qualité d'immigrant ou de visiteur et attestant qu'à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements.

Le sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) est ainsi libellé :

19(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :

[...]

a.1) sont des personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger :

[...]


(ii) soit commis un fait - acte ou omission - qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, par mise en accusation, d'un emprisonnement maximal de moins de dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;

Analyse et décision

[17]            Ni le demandeur ni personne d'autre pour le compte du demandeur n'était présent à l'audience.

[18]            Première question

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en décidant de ne pas faire droit à la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada?


Les renseignements fournis par le demandeur n'ont pas réussi à convaincre l'agente des visas en ce qui concerne l'expérience professionnelle passée. Le demandeur a eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l'agente des visas. Compte tenu des renseignements qui avaient été fournis, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente parce qu'elle estimait que le demandeur avait contrevenu au paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration en ne répondant pas franchement à la demande de renseignements se rapportant à son emploi passé. Il incombe à l'agente des visas d'apprécier les renseignements fournis par le demandeur et de déterminer si le demandeur satisfait aux exigences relatives à la résidence permanente. Dans la mesure où la conclusion tirée par l'agente des visas était l'une des conclusions raisonnables à laquelle cette dernière aurait pu arriver et dans la mesure où l'agente des visas n'a pas violé les règles d'équité procédurale, il n'incombe pas à la Cour de modifier ou d'annuler cette conclusion. Je suis convaincu que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en refusant de faire droit à la demande.

[19]            Deuxième question

L'agente des visas disposait-elle d'éléments de preuve raisonnables lui permettant de s'assurer que le demandeur appartenait à la catégorie des demandeurs visés au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration?

En ce qui concerne la conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas admissible au Canada conformément au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration, j'ai examiné les documents qui ont été déposés; je ne suis pas convaincu que le demandeur appartienne à cette catégorie de personnes. Par conséquent, j'annulerais cette conclusion.

[20]            À l'exception de la conclusion figurant au paragraphe 18, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE

[21]            LA COUR ORDONNE :

1.          La conclusion de l'agente des visas selon laquelle le demandeur appartenait à la catégorie de personnes non admissibles visées au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration est annulée.

2.          La demande de contrôle judiciaire est par ailleurs rejetée.

« John A. O'Keefe »

Juge

Halifax (Nouvelle-Écosse)

le 12 août 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2031-01

INTITULÉ :                                                    OLEXANDR BOJCHUK

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le jeudi 13 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    Monsieur le juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :                                   le mardi 12 août 2003

COMPARUTIONS :

Personne n'a comparu                                       POUR LE DEMANDEUR

Mme Matina Karvellas                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Olexandr Bojchuk                                        POUR LE DEMANDEUR

a/s David Genis

2310 - 100, rue Wellesley Est

Toronto (Ontario)

M4Y 1H5

M. Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                   Date : 20030812

                                      Dossier : IMM-2031-01

ENTRE :

OLEXANDR BOJCHUK

                                                            demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                             défendeur

                                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                            

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.