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Date : 20030327

Dossier : IMM-420-01

Référence neutre : 2003 CFPI 361

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A . O'KEEFE

ENTRE :

                                                ALEXANDER SHABASHKEVICH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui vise la décision rendue en date du 21 décembre 2000 par laquelle Mary Coulter, deuxième secrétaire à l'ambassade du Canada, section des visas, à Moscou, en Russie, a refusé la demande de résidence permanente présentée par le demandeur en tant qu' « entrepreneur » .

[2]                Le demandeur, citoyen de Russie, a présenté le 10 décembre 1997 une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie d'entrepreneur. Dans son affidavit, le demandeur a inscrit que la valeur nette de ses avoirs était de plus de 1 000 000 $CAN.

[3]                Le 10 février 1999, le demandeur s'est présenté à une entrevue de sélection à l'ambassade du Canada à Belgrade, en Yougoslavie. L'agente des visas Sylvie Doucet a tenu l'entrevue. Les parties ne s'entendent pas quant à l'issue de cette entrevue. Le demandeur prétend que l'agente des visas Doucet lui a affirmé, et a ensuite affirmé à son avocat, que la demande serait acceptée. Le défendeur nie cette prétention.

[4]                Plus tard en février 1999, l'agente des visas Doucet a temporairement été évacuée vers Budapest, en Hongrie, en raison de la situation politique qui existait en Yougoslavie. L'agente des visas est retournée à Belgrade pendant une courte période en 1999 et elle a finalement été évacuée de Belgrade le 20 mars 1999. Elle est revenue au Canada le 30 mars 1999. Elle n'a pas eu d'autres liens avec le dossier du demandeur.

[5]                Les agentes des visas Doucet et Coulter déclarent dans leur affidavit que l'agente Doucet n'a pas, à la fin de l'entrevue, rendu une décision à l'égard du dossier du demandeur.

[6]                Le 21 juillet 1999, l'avocat du demandeur a envoyé par télécopieur à l'ambassade du Canada à Belgrade une demande de renseignements à l'égard de l'état du dossier du demandeur. La demande est en partie rédigée comme suit :


[TRADUCTION]

[...] Apparemment, une décision à l'égard de la sélection est encore pendante quant aux deux fondements. Auriez-vous l'obligeance de clarifier les raisons pour lesquelles la décision est pendante et de nous dire à quel moment une décision devrait être rendue [...]

[7]                L'ambassade du Canada à Belgrade a été fermée en mars 1999 et le dossier du demandeur a par la suite été transféré à l'ambassade du Canada à Vienne, en Autriche. En août 1999, le représentant du demandeur a demandé que le dossier soit transféré à l'ambassade du Canada à Bonn, en Allemagne. Le transfert a eu lieu en septembre 1999. Le dossier a été reçu à l'ambassade du Canada à Moscou le 18 novembre 1999 suivant l'article 10.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.

[8]                Le 26 juillet 2000, le demandeur a été convoqué à une entrevue devant être tenue à l'ambassade du Canada à Moscou le 14 novembre 2000. Le dossier a été confié à l'agente des visas Coulter.

[9]                L'entrevue a eu lieu le 14 novembre 2000. Le demandeur prétend qu'il pensait qu'il s'agissait d'une entrevue de sécurité au cours de laquelle on ne discuterait pas de nouveau de son projet d'entreprise. Le défendeur soumet qu'il s'agissait d'une deuxième entrevue de sélection et qu'aucune décision n'a été rendue à l'égard de la demande.

[10]            La demande de résidence permanente présentée par le demandeur a été refusée par une lettre datée du 21 décembre 2000. La présente demande de contrôle judiciaire vise ce refus.

[11]            Les questions en litige

1.          Y a-t-il une différence entre la norme de contrôle à l'égard de la définition d'entrepreneur et l'examen qui doit être effectué avant que la condition imposée au demandeur soit levée?

2.          L'évaluation de la demande présentée par le demandeur devrait-elle être faite à la date déterminante?

3.          L'agente des visas a-t-elle omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents, a-t-elle mal interprété la preuve dont elle disposait et a-t-elle tiré des conclusions qui étaient manifestement déraisonnables au point de constituer une erreur susceptible de contrôle?

4.          Le défendeur a-t-il privé le demandeur de l'équité procédurale lorsqu'il a omis de l'informer que la deuxième entrevue était une entrevue de sélection et lorsqu'il a omis de l'informer des préoccupations de la première agente des visas et des commentaires du gestionnaire du programme?

5.          L'agente des visas a-t-elle omis de prendre en compte l'exercice de façon favorable du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172?

Les dispositions statutaires et les règlements pertinents

[12]            Un entrepreneur est défini comme suit au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, précité :


« entrepreneur » désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

"entrepreneur" means an immigrant

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commercial venture;

Analyse et décision

[13]            Première question en litige

Y a-t-il une différence entre la norme de contrôle à l'égard de la définition d'entrepreneur et l'examen qui doit être effectué avant que la condition imposée au demandeur soit levée?

M. le Teitelbaum, dans la décision Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 C.F.P.I. 751, A.C.F. no 1125, (QL) (1re inst.), a déclaré ce qui suit aux paragraphes 19 et 20 :

La norme de contrôle applicable à ce genre de décision - c'est-à-dire la décision discrétionnaire de l'agent des visas - est celle qu'a énoncée le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 1, aux pages 7 et 8 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.


Dans Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 95 (IMM-2813-00, 25 janvier 2001), renvoyant à l'extrait qui précède de même qu'à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge Rouleau a statué que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter. [Non souligné dans l'original.]

Par conséquent, la décision raisonnable simpliciter est la norme de contrôle appropriée à l'égard de la décision de l'agente des visas dans la présente affaire. La Cour n'annulera pas une décision rendue en vertu du pouvoir discrétionnaire d'un agent d'immigration si la décision est raisonnable. Le demandeur a en outre prétendu qu'une norme de contrôle différente devrait exister pour les décisions rendues par un agent des visas à l'égard des demandes présentées en tant qu'entrepreneur.

[14]            J'ai examiné les prétentions du demandeur contenues aux paragraphes 1 à 10 de son mémoire des faits et du droit dans lesquels il prétend que la capacité d'un entrepreneur d'établir une entreprise est évaluée au moment où le visa est délivré, puis au moment où il se présente au point d'entrée et par la suite lorsque la condition est levée. Au paragraphe 8 de son mémoire, le demandeur affirme :

[TRADUCTION]

Il est respectueusement soumis que la méthode appropriée aurait été de délivrer au demandeur son visa d'immigrant, de lui permettre de démontrer sa capacité d'établir une entreprise et, dans l'éventualité où il ne réussissait pas à le faire, d'appliquer la condition imposée à cet égard pour son établissement et de lui demander de quitter le Canada.

[15]            Dans la décision Chiu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1460 (QL) (1re inst.), Mme le juge Simpson a déclaré ce qui suit au paragraphe 8 :


Le requérant soutient également que le fait que d'autres agents d'immigration suivent l'exécution des plans commerciaux d'un requérant décharge le premier préposé à l'entrevue de la nécessité d'être convaincu qu'un commerce viable est planifié. Je n'accepte pas cet argument parce que c'est au préposé à l'entrevue d'établir qu'un requérant satisfait aux conditions de la définition.

Je partage l'opinion du juge Simpson. Par conséquent, je conclus que l'agente des visas a adopté la bonne méthode pour évaluer le demandeur à cet égard.

[16]            Le demandeur prétend en outre que l'agente des visas a commis une erreur lorsqu'elle a déclaré dans sa lettre de refus qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur [TRADUCTION] « pouvait, avec succès, établir ou acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou y investir une somme importante » . Le demandeur prétend que l'agente des visas a appliqué le mauvais critère étant donné que la définition d'entrepreneur ne comporte pas les mots « avec succès » . M. le juge MacKay, juge de la Cour fédérale, dans la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 677 (QL) (1re inst.), a déclaré ce qui suit au paragraphe 14 :

[...] Les réserves que l'agent a exprimées au sujet de la capacité du demandeur d'établir et d'exploiter une entreprise rentable au Canada n'étaient pas déraisonnables et, compte tenu de la preuve, elles n'étaient pas dénuées de fondement. En outre, le dossier révèle que le demandeur n'avait pas enquêté avec diligence sur l'environnement commercial au Canada, en particulier en ce qui concerne l'entreprise précise qu'il se proposait d'exploiter. Le demandeur ne parlait pas couramment l'anglais. Il n'était pas déraisonnable de conclure que cela pourrait nuire à l'établissement d'une entreprise au Canada, même si cet obstacle n'était pas nécessairement insurmontable.

Je partage l'opinion du juge MacKay. Je suis d'avis que l'agente des visas n'a pas appliqué le mauvais critère lorsqu'elle a utilisé les mots [TRADUCTION] « avec succès » . Aucune erreur n'a été commise à cet égard par l'agente des visas.


[17]            Deuxième question en litige

L'évaluation de la demande présentée par le demandeur devrait-elle être faite à la date déterminante?

Le demandeur a déclaré que l'agente des visas n'aurait pas dû faire l'évaluation de sa demande en se fondant sur les faits tels qu'ils existaient au moment de l'entrevue (le 14 novembre 2000), mais sur les faits tels qu'ils existaient au moment de la réception de la demande (le 10 décembre 1997).

[18]            Dans la décision Lau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 81 (QL) (1re inst.), Mme le juge Tremblay-Lamer a déclaré ce qui suit au paragraphe 9 à 11 :

Le demandeur fait valoir, en se fondant pour cela sur les affaires Wong c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1986), 64 N.R. 309 (C.A.F.), et Yeung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 17 Imm. L.R. (2d) 191 (C.F. 1re inst.), que l'évaluation du dossier du demandeur aurait dû être menée sur la base des faits tels qu'ils étaient à l'époque où la demande fut déposée auprès des services de l'immigration, et non pas sur les faits tels qu'ils étaient à l'époque du réexamen du dossier. Il ressort de ces deux affaires, d'après moi, qu'en ce qui concerne le droit et la réglementation applicables, la date de « verrouillage » est l'époque où la demande a été formulée. Il n'en est cependant pas ainsi. La présente demande concerne l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.

J'estime que lorsqu'un agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu, il est tenu de se fonder sur les faits tels qu'ils se trouvent à l'époque où est exercé ledit pouvoir discrétionnaire. Il en va particulièrement ainsi lorsqu'un changement de circonstances est intervenu. Si, par exemple, les frères du demandeur n'étaient plus en vie, ou s'ils avaient vendu leur commerce et étaient allés s'installer dans un autre pays, il serait illogique de demander à l'agent des visas de rendre un avis ne tenant aucun compte de ces nouveaux faits. Je me fonde en cela sur l'ouvrage de Clive Lewis,Judicial Remedies in Public Law (London : Sweet & Maxwell, 1992) à la p. 151, dans lequel l'auteur affirme que :

[traduction]

Il incombe au décideur de tenir compte de tous les facteurs pertinents à l'époque où il doit rendre la deuxième décision, et il n'a aucune obligation de s'en tenir aux éléments existant à l'époque où fut initialement rendue la décision invalide.


Notons que cette approche peut également se révéler favorable au demandeur, notamment lorsque celui-ci a pu améliorer ses aptitudes ou obtenir une solide offre d'emploi. Malheureusement, en ce qui concerne le demandeur en l'espèce, les circonstances ne se sont pas améliorées.

J'ai tiré la même conclusion que celle tirée par le juge Tremblay-Lamer et, par conséquent, je suis d'avis qu'aucune erreur susceptible de contrôle n'a été commise à cet égard.

[19]            La troisième question en litige

L'agente des visas a-t-elle omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents, a-t-elle mal interprété la preuve dont elle disposait et a-t-elle tiré des conclusions qui étaient manifestement déraisonnables au point de constituer une erreur susceptible de contrôle?

Le demandeur prétend que l'agente a rendu une décision manifestement déraisonnable compte tenu de la preuve dont elle disposait à l'égard de ses capacités en tant qu'entrepreneur et de ses ressources. Le demandeur prétend que l'agente a accordé une importance exagérée à sa connaissance limitée de l'anglais et au fait qu'il se rappelait peu des rues et des journaux de Toronto où il avait l'intention d'établir son entreprise.

[20]            Le défendeur prétend que le demandeur demande à la Cour d'évaluer à nouveau la preuve dont l'agente disposait et de remplacer la conclusion quant aux faits tirée par l'agente par sa propre conclusion. Le défendeur prétend qu'une telle manière d'agir n'est pas appropriée étant donné que l'agente a procédé à une évaluation approfondie des compétences du demandeur et de son projet d'entreprise et lui a donné la possibilité adéquate de dissiper les préoccupations qu'elle avait exprimées.


[21]            J'ai examiné les notes du STIDI consignées par l'agente des visas, notes qui sont nombreuses et détaillées, et je ne peux pas conclure que les conclusions tirées par l'agente des visas étaient manifestement déraisonnables. À titre d'exemple, l'agente des visas a traité des visites du demandeur à Toronto et à Montréal et elle lui a demandé s'il avait assisté à un séminaire provincial sur les entreprises pendant qu'il était à Toronto. L'agente des visas lui a en outre demandé de nommer les trois principales entreprises qui lui feraient concurrence et il a été incapable d'en nommer une seule. Elle a de plus mentionné que le demandeur a eu une rencontre avec le Jewish Business Committee. Les notes du STIDI contenues dans le dossier du défendeur mentionnent ce qui suit à la page 26 :

[TRADUCTION]

[...]

AI DEMANDÉ AU REVENDICATEUR À QUEL ENDROIT IL AVAIT L'INTENTION D'ÉTABLIR SON ENTREPRISE AU CANADA. IL A RÉPONDU QUE C'ÉTAIT À TORONTO. LUI AI DEMANDÉ À QUEL ENDROIT À TORONTO. A DÉCLARÉ QU'IL N'AVAIT PAS DÉCIDÉ EXACTEMENT DE L'ENDROIT. A DÉCLARÉ QUE CE SERAIT PROBABLEMENT DANS LE DOMAINE DES PIÈCES. A ENSUITE DÉCLARÉ QU'IL NE SAVAIT PAS ET QU'IL NE CONNAISSAIT PAS LES DÉTAILS.

Et ce qui suit à la page 27 :

[...]

AI INFORMÉ LE REVENDICATEUR DE MES PRÉOCCUPATIONS À L'ÉGARD DE SES PROJETS POUR LE CANADA, PRÉCISÉMENT DES RECHERCHES LIMITÉES QU'IL AVAIT EFFECTUÉES À L'ÉGARD DE SON PROJET AU CANADA.


Après avoir examiné les notes du STIDI, je suis d'avis que l'agente des visas a pris en compte de nombreux autres facteurs et qu'elle n'a pas accordé une importance exagérée à la connaissance limitée qu'avait le demandeur de l'anglais ou au fait qu'il ne pouvait pas préciser l'endroit où il avait l'intention d'établir son entreprise à Toronto. L'agente des visas n'a pas omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents et elle n'a pas mal interprété la preuve dont elle disposait. L'appréciation de la preuve incombe à l'agente des visas et à moins qu'elle ait tiré une conclusion déraisonnable ou qu'elle ait omis de prendre en compte des éléments de preuve, son opinion ne sera pas remplacée par l'opinion de la Cour. Les conclusions de l'agente des visas à l'égard de la preuve sont raisonnables et ne sont pas susceptibles de contrôle pour le motif invoqué.

[22]            Quatrième question en litige

Le défendeur a-t-il privé le demandeur de l'équité procédurale lorsqu'il a omis de l'informer que la deuxième entrevue était une entrevue de sélection et lorsqu'il a omis de l'informer des préoccupations de la première agente des visas et des commentaires du gestionnaire du programme?

L'agent des visas Coulter a reçu le demandeur pour une nouvelle entrevue. L'agente des visas a déclaré ce qui suit au paragraphe 6 de son affidavit :

[TRADUCTION]

[...] Au début de l'entrevue, j'ai examiné avec M. Shabashkevich la définition réglementaire d' « entrepreneur » . J'ai expliqué à M. Shabashkevich que le but de l'entrevue était d'établir s'il remplissait les conditions de cette définition. M. Shabashkevich m'a mentionné qu'il comprenait la définition et le but de l'entrevue.

En me fondant sur ce témoignage de l'agente des visas, je suis convaincu que le demandeur n'a pas été privé de l'équité procédurale. Le demandeur aurait pu demander, s'il pensait en avoir besoin, que plus de temps lui soit accordé pour se préparer à l'entrevue ou pour faire d'autres représentations.


[23]            Le demandeur prétend que les notes de l'agente des visas Doucet et que les commentaires du gestionnaire du programme auraient dû lui être communiqués étant donné qu'ils constituaient des rapports fournis par des tiers. Il n'est pas nécessaire d'établir la nature de ces notes étant donné que l'agente des visas Coulter, lors du contre-interrogatoire, a témoigné qu'elle ne s'était pas fondée sur ces notes ou ces commentaires lorsqu'elle a rendu sa décision. L'agente des visas Coulter a déclaré ce qui suit lors de son contre-interrogatoire, aux pages 64 à 66 du dossier de demande du demandeur :

[TRADUCTION]

Q.             Après que vous avez examiné l'affaire, aviez-vous les mêmes préoccupations qu'avait Mme Doucet, comme le mentionnaient ses notes du STIDI?

R.             Lorsque vous dites « examiné » , faites-vous référence à après l'entrevue ou après l'initiale...

Q.             Non, je parle du moment où vous avez examiné le dossier, vous avez lu les notes du STIDI consignées par Mme Doucet, n'est-ce pas?

R.             C'est exact, mais seulement dans le but de voir les préoccupations à l'égard de la non-admissibilité. Lorsque quelqu'un est reçu en entrevue de sélection, en particulier lorsqu'une affaire a été transférée volontairement et qu'aucune décision n'a été rendue, je pars tout au début.

Q.             Je vois. Pensez-vous qu'il aurait été équitable - je m'excuse, pensez-vous que vous auriez dû informer le demandeur des préoccupations qu'avait Mme Doucet et lui demander d'apporter avec lui des documents s'il voulait dissiper ces préoccupations?

R.             Ces préoccupations n'étaient pas les miennes. J'ai demandé que le demandeur - ou on a demandé au demandeur d'apporter avec lui les documents d'affaires habituels qu'il aurait dû apporter lors d'une nouvelle entrevue.

Je n'avais pas l'impression qu'il était approprié de tenir compte des conclusions de Mme Doucet dans l'évaluation et de risquer que ma propre décision soit entravée.

[...]

Q.             D'accord. De toute façon, vous n'avez pas informé le demandeur de ces préoccupations et, dites-moi, compte tenu du temps qu'il a fallu pour traiter cette demande, ne pensez-vous pas qu'il aurait été équitable de donner au demandeur la possibilité de dissiper ces préoccupations?

R.             Comme je l'ai mentionné, ces préoccupations n'étaient pas les miennes. Nous avons demandé que le demandeur fournisse des documents d'affaires à jour et ainsi de suite, de façon à ce que je puisse tirer une conclusion exacte fondée sur des renseignements à jour.

Le fait que le traitement de la demande a effectivement été très long, comme nous avons précédemment discuté, était en grande partie dû au fait que le demandeur avait volontairement décidé de transférer sa demande sans qu'une décision quant à la sélection ait été rendue.


Le demandeur n'a pas subi de préjudice et l'obligation d'équité procédurale n'a pas été violée.

[24]            Cinquième question en litige

L'agente des visas a-t-elle omis de prendre en compte l'exercice de façon favorable du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172?

Le demandeur a prétendu que l'agente des visas a commis une erreur lorsqu'elle a omis d'exercer de façon favorable le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, précité. Il n'existe pas de preuve au dossier qui démontre que le demandeur a demandé à l'agente des visas d'exercer de façon favorable son pouvoir discrétionnaire. L'agent des visas ne commet pas une erreur lorsqu'il n'exerce pas de façon favorable le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) si une demande à cet égard ne lui a pas été présentée (voir la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1239 (QL) (1re inst.)).

[25]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26]            Le demandeur a proposé la question suivante aux fins de la certification :

[TRADUCTION]

Dans les cas où il est clair que le demandeur se trompe quant à la nature de la deuxième entrevue à laquelle il a été convoqué par l'agent des visas, et que l'agent des visas en est conscient parce que le demandeur a envoyé des lettres demandant des précisions, lettres pour lesquelles il n'a pas reçu de réponses, le fait de laisser le demandeur se présenter à l'entrevue sans l'informer de l'objet réel de cette entrevue constitue-t-il une violation à l'équité procédurale ou un déni de justice naturelle?

[27]            Je ne suis pas convaincu qu'il convienne de certifier cette question. Dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. no 1637 (QL) (C.A.), M. le juge Décary, au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit au paragraphe 4 :

Lorsqu'il certifie une question sous le régime du paragraphe 83(1), le juge des requêtes doit être d'avis que cette question transcende les intérêts des parties au litige, qu'elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [voir l'excellente analyse de la notion d' « importance » qui est faite par le juge Catzman dans la décision Rankin c. McLeod, Young, Weir Ltd. et al., (1986) 57 O.R. (2d) 569 (H.C. de l'Ont.)] et qu'elle est aussi déterminante quant à l'issue de l'appel. Le processus de certification qui est visé à l'article 83 de la Loi sur l'immigration ne doit pas être assimilé au processus de renvoi prévu à l'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale ni être utilisé comme un moyen d'obtenir, de la cour d'appel, des jugements déclaratoires à l'égard de questions subtiles qu'il n'est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée.

[28]            Dans la décision Chen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 350 (1re inst.), M. le juge Strayer (maintenant juge à la Section d'appel) a déclaré ce qui suit à la page 357 :

[...] je crois cependant qu'en toute équité dans les circonstances, l'agent des visas était tenu, au moment de l'entrevue du 29 décembre 1988, d'aviser dès le début le demandeur de visa de l'objet réel de l'entrevue [...]

[29]            C'est ce qu'a fait l'agente des visas dans la présente affaire (voir le paragraphe 6 de l'affidavit de l'agente des visas contenu au paragraphe 22 de la présente décision). La question proposée n'aborde pas des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Par conséquent, je ne suis pas disposé à certifier la question proposée en tant que question grave de portée générale.

[30]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


ORDONNANCE

[31]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« John A. O'Keefe »

Juge

       

Ottawa (Ontario)

Le 27 mars 2003

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-420-01

INTITULÉ :               ALEXANDER SHABASHKEVICH

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le mercredi 27 novembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                   Le jeudi 27 mars 2003

COMPARUTIONS :

                                   Cecil Rotenberg, c.r.

POUR LE DEMANDEUR

Stephen H. Gold

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg, c.r.

255 Duncan Mill Road

bureau 808

Toronto (Ontario) M3B 3H9

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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